Pour autant, je comprends fort bien la position de mes amis socialistes qui ont signé un amendement en sens contraire. Les observations qu’ils font sont pertinentes : pour un couple qui a un projet parental, il est plus facile de s’approprier le don de gamètes si celui-ci est désincarné ; les risques de baisse des dons et l’éventuelle augmentation du secret au sein des familles méritent également d’être pris en compte.
Toutes ces raisons, je les entends. Pour autant, peut-on refuser à une personne l’accès à l’intégralité de son histoire ?
Des débats de cette nature montrent bien que certaines questions ont besoin d’être revisitées, car nous ne pouvons pas aujourd’hui en mesurer toutes les conséquences. Se revoir dans cinq ans ne serait pas inutile, d’autant que nous n’avons pu dégager un consensus clair. Qui sait si, dans cinq ans, mes positions, ou les vôtres, n’auront pas évolué ! Et je choisis le terme de « position » à dessein, tant celui de « conviction » me semble, en la matière, inapproprié !
Autre point sur lequel les avis sont partagés, même si le groupe socialiste a clairement choisi de ne pas opérer de distinction entre stérilité médicale et stérilité sociale : la question de l’accès à la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels.
À partir du moment où nous nous accordons à dire que la filiation réside dans le projet parental et non dans la capacité biologique, pourquoi refuser l’accès à la procréation médicalement assistée – ou à l’adoption, d’ailleurs – à des couples homosexuels ?
Certes, si l’autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon est finalement adoptée, nous aurons réglé des problèmes essentiels. Mais je considère que nous ne pouvons pas trancher définitivement les questions de nature sociétale. Elles méritent que l’on y revienne régulièrement, tant qu’un véritable consensus ne se fait pas jour.
La loi n’est pas un éteignoir ni un couvercle posé sur ce qui nous bouscule le plus. Sur ces thèmes-là, elle doit aussi faire confiance à l’évolution de sa société. Le débat sur la gestation pour autrui en est la preuve. L’amendement que certains membres du groupe socialiste présenteront sur ce sujet a pour objet d’ouvrir le débat. Cet amendement, qui émane d’une proposition de loi déposée par Michèle André, vise à autoriser la gestation pour autrui, tout en en définissant strictement le cadre : la gestation pour autrui ne concernerait notamment que les couples hétérosexuels dont la femme, faute d’utérus, ne peut porter un enfant.
La multiplication de ces pratiques à l’étranger et leurs conséquences en France s’imposent déjà à nous de manière très concrète. Nous connaissons tous le cas d’enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger et dont l’état civil fait l’objet d’une bataille juridique. Des dizaines d’enfants se retrouvent aujourd’hui ainsi apatrides. Or, en privant ces enfants d’état civil, est-ce que l’on agit vraiment dans leur intérêt ?
Je ne crois pas qu’il soit possible d’apporter une réponse, quelle qu’elle soit, à cette question au détour d’un amendement, même si, en l’occurrence, j’en suis signataire. Je n’en regrette que plus l’absence d’une clause de révision ; mais peut-être n’est-il pas trop tard pour revenir sur ce point. C’est tout le sens d’un autre amendement du groupe socialiste. N’ayons pas peur d’assumer notre part d’incertitude en rétablissant l’obligation d’organiser de nouveaux rendez-vous législatifs autour des lois de bioéthique, et, surtout, acceptons la nécessité de laisser du temps au temps.
Souvent mauvaise conseillère, l’urgence n’est jamais un bon maître. À ce titre, la future loi ne prendra tout son sens qu’à la condition de ne pas constituer le cadre définitif que certains espèrent. L’immobilisme en la matière serait délétère.
À partir du texte frileux issu de l’Assemblée nationale, le travail réalisé au sein de la commission des affaires sociales a permis de proposer une rédaction à la hauteur des enjeux de notre recherche.
Soutenir le passage d’un principe d’interdiction des recherches sur les cellules souches embryonnaires à une autorisation encadrée serait tout à l’honneur des sénateurs. Le maintien de l’interdiction a certes ses partisans, mais nous souhaitons ardemment trouver ici une majorité afin que la future loi relative à la bioéthique ne soit pas un rendez-vous manqué. C’est donc avec autant d’espoirs que d’inquiétudes que le groupe socialiste aborde la discussion du présent texte.