Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 5 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Le texte présenté par le rapporteur de la commission des affaires sociales et par le rapporteur pour avis de la commission des lois s’attache à trouver la voie médiane, juste, entre une attitude par trop conservatrice et une attitude progressiste à l’excès, hardie, répondant à certaines actions appuyées de lobbying, portées par une société qui me paraît parfois en perte de repères. Je n’en examinerai ici que quelques dispositions.

Si, aujourd’hui, le don d’organes et de moelle osseuse ne fait plus débat, assis sur le double principe de gratuité et d’anonymat, en revanche, le don de gamètes et d’ovocytes pose la difficile question, derrière l’aspect génétique, de l’hérédité et de l’héritage. À mon sens, la raison – mais s’agit-il bien là de raison ? – voudrait que ce don restât anonyme, pour que soient protégés tant le receveur que le donneur, mais en évitant au demeurant que, si cet anonymat est levé à la demande du receveur à sa majorité, le nombre des donneurs ne diminue dangereusement, risque que certains ont évoqué.

S’agissant des tests génétiques et de la médecine prédictive, le texte proposé me paraît avoir trouvé un juste équilibre parce qu’il prévoit un encadrement clair et laisse toujours à la personne concernée la liberté de sa décision : savoir ou ne pas savoir, être ou non informée des risques encourus si une anomalie génétique grave devait être décelée.

Juste équilibre, mais équilibre fragilisé par le sens donné aux formules « anomalie génétique grave » et « affection d’une particulière gravité » dans le diagnostic prénatal, selon que l’on se place du point de vue du patient ou de celui du médecin prescripteur. Chacun de nous a vécu ou connu des situations qui ne prenaient ni la même intensité ni la même gravité selon la place ou le rôle occupé. Et comment s’indigner de l’attitude de tel médecin prescripteur qui, soumis à la « mode » de la judiciarisation galopante, prend des précautions pouvant sembler abruptes ? Là encore, aucune vérité absolue : à chacun de se déterminer en conscience, librement.

Tout aussi difficile est le débat sur les cellules souches embryonnaires, qui font actuellement l’objet d’un régime d’interdiction assorti de dérogations.

Comment renoncer à traiter certaines maladies – Parkinson, diabète – grâce à une médecine régénératrice, reconstituant, au moyen de cellules souches, des organes défaillants ou des tissus ayant subi des lésions ? Ne revient-il pas à la recherche médicale d’essayer par tous les moyens de faire reculer ces maladies ?

Les cellules souches embryonnaires ont commencé à révéler leurs potentialités. S’arrêter au milieu du gué, ce serait condamner des avancées médicales dont on a déjà pu mesurer les bienfaits.

Le régime d’autorisation encadré par le texte, même s’il est loin de répondre au problème du statut de l’embryon, apporte des garanties auxquelles je peux adhérer.

J’en viens au douloureux problème de la gestation pour autrui. Douloureux parce que, je ne l’ignore pas, il existe des cas de maladie ou d’accident qui interdisent à des femmes d’être mères, ou plutôt de porter l’enfant du couple qu’elles forment avec leur conjoint.

Pour ces femmes, et sous des conditions strictes, il pourrait paraître légitime – ou du moins ne pas paraître illégitime – d’admettre le principe de la gestation pour autrui. Cependant je ne peux, en conscience, accepter le principe de ce contrat portant location d’utérus à des fins procréatrices, qui remet en cause la dignité de la mère porteuse, qui l’instrumentalise, en fait un outil vivant. Je m’interroge sur les conséquences de cette forme de commercialisation du produit humain, sur les marques, peut-être indélébiles, que pourrait laisser cette pratique dans la conscience de la mère porteuse. Quelles conséquences aussi sur l’enfant lui-même : qui est sa mère ? Quelle est, au juste, sa filiation ?

Je crois sage la position de la commission lorsqu’elle a choisi d’écarter les deux amendements « progressistes » qui auraient permis le recours à cette technique, une technique dont l’utilisation aurait pu être élargie à d’autres bénéficiaires.

Je pense que la commission a aussi été sage en voulant protéger la dignité des personnes et en remettant l’humain au cœur du débat, pour ne pas laisser la place première à la science seule.

Enfin la commission des affaires sociales et la commission des lois ont encore fait preuve de sagesse en faisant en sorte de garantir, dans le texte proposé, le développement intégral de l’homme. Ce développement exige de nous lucidité et responsabilité, deux qualités qui, je n’en doute pas, sont au cœur de notre Haute Assemblée.

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