Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif de ce projet de loi relatif à la bioéthique, je souhaiterais faire quelques remarques sur la méthode.
Il me semble que, face à un texte qui ne fait l’unanimité au sein d’aucun groupe politique, qui touche chacun d’entre nous dans ses convictions les plus intimes, qui fait appel à nos expériences, à nos valeurs, à notre conception de l’homme, de l’éthique, et donc de la bioéthique, nous allons un peu trop vite.
Adopté à l’Assemblée nationale le 15 février dernier, ce projet de loi vient en discussion au Sénat sept semaines plus tard, alors que nos travaux ont été suspendus pendant pratiquement trois semaines.
Au-delà du fait que nous avons été pris de court, qu’un remaniement est intervenu entre le passage de ce texte en conseil des ministres et son examen par le Parlement, je déplore également l’absence de constitution d’une commission spéciale pour étudier le projet.
Je pense aussi que ce texte aurait dû être élaboré bien plus tôt. Nous avons en effet deux ans de retard sur le calendrier : le précédent texte relatif à la bioéthique date de 2004 et il aurait dû être révisé après cinq ans. En ne respectant pas cette « clause de revoyure », madame la secrétaire d’État, vous avez laissé passer la date d’expiration du moratoire sur l’interdiction de la recherche sur l’embryon. En conséquence, l’Agence de la biomédecine ne peut plus délivrer d’autorisation de recherche, faute pour le Gouvernement et le Parlement d’assumer leurs responsabilités !
Je le dis dès à présent et je le répéterai au long des débats : il est nécessaire de prévoir des dates de révision des lois de bioéthique et, surtout, de s’y tenir ! Le progrès technique va souvent plus vite que le droit, pourtant censé l’encadrer.
Voilà pour la méthode. Penchons-nous à présent sur le projet de loi qui nous est proposé.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail de la commission des affaires sociales, qui a permis d’améliorer le texte voté à l’Assemblée nationale.
Je salue ainsi la disparition de l’article 4 quater, qui introduisait un cavalier législatif supprimant l’ordonnance Ballereau et, par là même, l’encadrement de la profession de biologiste médical.
Je me réjouis également du toilettage de certains articles, notamment de la suppression de la « reconnaissance de la Nation » à l’égard des donneurs d’organe, disposition particulièrement inutile et ridicule.
Enfin, les membres de la commission, dans leur sagesse, ont également substitué au régime d’interdiction avec dérogations de la recherche sur les embryons, qui était parfaitement hypocrite, un système d’autorisation assortie de conditions et de garanties.
Cependant, ces améliorations restent marginales, tant ce projet de loi relatif à la bioéthique s’avère insuffisant et sans ambition.
Les avancées législatives majeures se font rarement dans le consensus, passant au contraire par des débats parlementaires passionnés, seuls à même de permettre de dépasser le statu quo et l’immobilisme.
Il y a des lois qui ne deviennent consensuelles qu’après leur adoption, comme celles sur la contraception, l’interruption volontaire de grossesse, le PACS… Nos prédécesseurs ont eu le courage et le mérite d’inscrire ces débats à l’ordre du jour.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un projet de loi sans envergure, du fait des tabous portés par les courants les plus traditionalistes de la majorité.
Tabou sur l’interruption de grossesse : trente-cinq ans après l’adoption de la loi Veil, on trouve dans ce projet de loi des dispositions qui traduisent un recul des droits des femmes en matière d’accès à l’interruption volontaire de grossesse. En dépit du temps qui s’est écoulé, les obstacles persistent, et nous devons rester vigilants pour défendre encore et toujours l’accès à l’avortement. Quand ce droit sera-t-il totalement acquis ?
Tabou sur les dons des homosexuels. La France manque de donneurs, notamment de sang et d’organes. Des personnes meurent faute d’être transfusées. L’an dernier, 277 personnes sont décédées du fait du manque de greffons. Plus de 10 000 autres figurent sur les listes d’attente cette année. Alors, quand allons-nous enfin autoriser nos concitoyens homosexuels à pouvoir effectuer cet acte citoyen qu’est le don de sang ou le don d’organe pour sauver des vies ? J’espère que notre assemblée aura enfin la lucidité de rectifier cette interdiction archaïque.