Tabou sur l’assistance médicale à la procréation, qui reste interdite aux femmes célibataires et aux couples de femmes, alors même que les femmes célibataires sont autorisées à adopter des enfants. Combien de temps va-t-on maintenir cette entrave au droit de fonder une famille en raison de son choix de vie ou de son orientation sexuelle ?
Tabou sur la gestation pour autrui : le projet de loi relatif à la bioéthique n’aborde même pas la question de la reconnaissance juridique des enfants nés d’une GPA à l’étranger. Pourtant, en mars 2010, la cour d’appel de Paris a confirmé que deux jumelles nées d’une mère porteuse américaine – la GPA est légale en Californie – étaient bien les enfants d’un couple français. Néanmoins, elle a refusé la transcription des actes d’état civil… Et ce n’est pas un cas isolé : de plus en plus de parents ont recours à la GPA à l’étranger, faute de pouvoir le faire en France. Voulons-nous condamner ces enfants sans papiers à être « juridiquement orphelins » ?
Tabou sur la fin de vie, enfin. Le choix de l’aide médicalisée à mourir n’est toujours pas proposé aux personnes en fin de vie, preuve du manque de considération pour les dernières volontés des malades.
En ce qui concerne les souhaits des personnes en fin de vie, je précise d’ailleurs que les écologistes soutiendront l’amendement de M. Sueur visant à protéger juridiquement la volonté exprimée, de son vivant, par un donneur d’organe potentiel.
De tabou en tabou, globalement, les sénatrices et sénateurs écologistes ne notent aucune avancée dans ce projet de loi en matière de respect de l’autonomie des personnes, c'est-à-dire de possibilité de décider pour elles-mêmes, en connaissance de cause, en fonction des choix que la science leur permet.
Nous ne souhaitons pas édicter un modèle unique de vie, allant de la procréation à la mort, voire au-delà. Cependant, je suis profondément convaincu que nos concitoyens aspirent à la liberté de disposer de leur corps tout au long de leur vie.
Les Français le savent bien, ouvrir des possibilités n’a jamais obligé personne à les mettre en œuvre. Permettre le diagnostic prénatal n’oblige personne à procéder à une interruption médicalisée de grossesse. Avoir autorisé le PACS n’a empêché aucun couple hétérosexuel de se marier. De même, permettre l’euthanasie n’empêchera personne de préférer les soins palliatifs ou même la poursuite acharnée des soins.
Voici ma conception du rôle du législateur face à des thèmes aussi complexes que celui de la bioéthique. Le législateur doit encadrer le progrès médical, trouver un équilibre entre le développement de celui-ci et le respect des règles éthiques correspondant aux aspirations de notre société.
Je doute que la discussion des articles permette de remédier au manque d’ambition de ce texte, et je crains que, en restant trop frileuse par rapport à ses voisins, la France ne règle aucun problème.
En éludant ces questions de société, nous incitons les Français à recourir à certaines pratiques légalisées dans des pays voisins. Mon souhait serait que les couples de femmes n’aient plus à aller en Belgique pour mettre au monde des « bébés-Thalys »…