Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 5 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est pour moi majeur et pose de vraies questions qui nous concernent tous. Pour autant, c’est sur un point en particulier que je me mobilise : celui de la levée de l’anonymat du don de gamètes.

En première lecture, l’Assemblée nationale a purement et simplement supprimé le titre V du projet de loi initial portant sur l’identité des donneurs de gamètes, ce que, à titre personnel, j’avais vivement regretté.

Or, sur l’initiative de son rapporteur, notre excellent collègue Alain Milon, que je salue, la commission des affaires sociales a décidé de revenir sur cet anonymat et de le lever partiellement, dans des conditions qui me semblent équilibrées.

Je me félicite de ce choix courageux de la commission des affaires sociales et souhaite que le Sénat maintienne cette position lors de l’examen des articles, cela pour les raisons suivantes.

En tant que sénateur, je défends les libertés individuelles et je considère qu’imposer à un être humain un secret sur ses origines est une violation pure et simple de ses libertés.

C’est cette même conviction qui me fait prendre des positions résolues quant à la suppression de l’accouchement sous X. Bien que les histoires de vie des enfants nés par don de gamètes et des enfants nés sous X ne soient évidemment pas comparables, la souffrance issue de l’absence d’une partie ou de la totalité de leurs origines est tout aussi révoltante.

En fait, c’est précisément sur ce point – le droit d’accès aux origines, tel qu’il est affirmé dans de nombreux traités internationaux, dont la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, adoptée le 20 novembre 1989 à New York par l’Assemblée générale des Nations unies – que se sont appuyés les recours déjà déposés par une douzaine d’enfants nés par insémination artificielle avec sperme de donneur.

C’est pourquoi, avant d’aborder les conséquences de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes sur la vie de ces derniers, je veux parler de ceux qui restent systématiquement à l’écart des débats, à savoir les enfants, adultes en devenir, nés par insémination artificielle avec sperme de donneur.

Je veux dépasser le clivage entre parents et donneur pour m’attacher à ceux qui devraient être au cœur de nos réflexions : les enfants.

En effet, mes chers collègues, comment imaginer vivre et se construire sans savoir d’où l’on vient ? En serions-nous capables, nous qui connaissons nos origines ? Il est utopique de penser que l’amour de ses deux parents suffit à éluder la question. Ces enfants-là sont différents des autres et ils ont le droit de mettre un nom sur leur différence. Or ce nom-là ne se résume pas à un tube à essai !

Un homme a donné son sperme ou une femme a donné ses ovocytes pour qu’un enfant naisse. Cet enfant a le droit de savoir qui était ce donneur parce que cet adulte en devenir a hérité d’un patrimoine et que, tant qu’on le lui taira, il sera bancal. Tout l’amour dont il peut être entouré par ses parents, toute la stabilité qu’ils peuvent lui offrir ne saurait effacer ce questionnement.

Cet enfant, cet être humain, ne recherche pas une famille : il en a déjà une. Il recherche son histoire. Et cette histoire était multiple bien avant sa naissance, car un tiers a donné ses gamètes pour qu’il naisse.

Dès le départ, l’histoire s’est écrite à trois. Dès le départ, le couple réuni autour de ce projet d’enfant a accepté qu’une tierce personne y participe. Comment refuser au principal intéressé de l’affaire de connaître son identité ?

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