Intervention de André Lardeux

Réunion du 5 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux :

Le revers de la médaille, c’est bien sûr la judiciarisation de plus en plus grande de la pratique médicale. Cela aboutit à des positions qui méritent pour le moins réflexion. En effet, la société conserve-t-elle sa dignité si elle établit des seuils de dignité ? Laisser entendre que l’élimination d’un enfant est une liberté relève d’un raisonnement controuvé. Ce ne sont pas les distinguos qui se veulent subtils entre eugénisme individuel et eugénisme collectif qui changent la donne, puisque le développement de l’eugénisme dit « individuel » relève d’une décision collective. Ainsi, on a osé écrire qu’un fœtus atteint de trisomie 21 peut légitimement bénéficier d’une interruption médicale de grossesse. On se demande où est le bénéfice pour le fœtus concerné !

On a donc un groupe sélectionné sur la base du génome de ses membres ; ceux-ci font l’objet d’atteintes à la vie de nature à entraîner la destruction partielle ou totale de leur groupe. Cela se fait sur la base d’un plan concerté : analyse coût-bénéfice, stratégie de dépistage, objectifs de performance et de qualité, moyens de financement. Je n’ose imaginer comment on aurait appelé cela en d’autres lieux et en d’autres temps. L’article 211–1 du code pénal apportera peut-être la réponse ...

D’aucuns objectent que cela conduit à la remise en cause de la loi Veil. Quoi que, les uns et les autres, nous pensions sur le sujet, ce n’est pas ce qui est en cause. En effet, la loi Veil n’a jamais dit que l’enfant à naître n’était ni un être humain ni une personne pour l’excellente raison qu’aucune loi ne peut le proclamer. On peut même dire que la loi autorisant l’avortement est bien la preuve que l’enfant à naître est une personne, sans quoi il n’y aurait pas eu besoin d’une loi pour y porter atteinte.

Le texte proposé n’apportant pas de modification sur le fond de cette question, je ne pourrai évidemment pas modifier la position que j’avais adoptée voilà sept ans.

Enfin, informer toutes les femmes est pervers, puisque l’on crée chez la très grande majorité d’entre elles une anxiété inutile. On voit ainsi des parents traumatisés et culpabilisés après qu’on leur eut imposé brutalement de choisir entre la charge d’un enfant trisomique ou d’avoir un avortement sur la conscience.

Cette question suffit à elle seule pour que je vote contre l’ensemble du texte. Ce projet de loi fourre-tout n’est que le symbole d’une époque déboussolée, d’une société qui n’a plus de repères. Il est loin de remplir la mission de la loi, qui est de protéger les personnes et de défendre l’égalité de tous en droit et en dignité. En effet, il oublie que toute vie est un trésor.

Pour conclure, je dirai que la qualité d’une société ou d’une civilisation se mesure au respect qu’elle manifeste envers les plus faibles de ses membres. Une société techniquement parfaite dans laquelle seuls sont admis les membres pleinement productifs devrait être totalement indigne de l’homme, pervertie par une sorte de discrimination non moins condamnable que la discrimination raciale.

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