L’article 1er de ce projet de loi concerne une question à la fois essentielle et délicate, celle de la nécessité d’informer ou non une tierce personne, généralement le conjoint et les enfants, de l’existence d’une maladie génétique. Autrement dit, il s’agit de s’interroger sur une forme de confrontation, pour ne pas dire de contradiction, entre, d’une part, le respect du secret médical et le respect de l’autonomie de la décision de la personne malade et, d’autre part, le droit des proches à être informés d’une éventuelle maladie génétique pouvant, de fait, les concerner.
Comme le souligne le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, dans l’avis n° 76, « Il peut donc exister une tension forte entre le strict respect du secret éventuellement souhaité par la personne chez laquelle on a découvert une mutation génétique et l’intérêt éventuel, parfois majeur, des autres personnes à connaître cette information pour en tirer bénéfice ». Cet avis faisait suite à l’interrogation formulée par le ministre de la santé de l’époque, M. Jean-François Mattei, sur l’opportunité d’inscrire dans la loi l’obligation d’informer son entourage familial en cas de découverte de l’existence d’une maladie génétique grave ou de prédispositions pouvant faire l’objet pour les autres membres de la famille d’une prévention efficace.
Il va de soi que cette question, à la fois philosophique et très concrète, se pose avec moins d’importance dès lors que la personne atteinte de cette anomalie lève le secret ou que l’anomalie ne peut faire l’objet d’aucun traitement préventif ou curatif.
Ce point a déjà donné lieu à des débats importants, bien au-delà de la question des maladies génétiques. Je pense, notamment, au problème de la contamination par le VIH. Si, naturellement, nul ne souhaite que des femmes et des hommes se trouvent contaminés par ignorance ou ne puissent être traités de manière préventive ou curative en matière génétique, nous ne sommes pas favorables à ce que soit rompu le secret médical, et ce pour une bonne raison : nous considérons que ce dernier est au cœur de la relation spécifique qui lie le patient à son médecin.
Aussi, partageons-nous les conclusions du Comité consultatif national d’éthique, qui affirme dans son avis : « Au terme de cette analyse, en considérant les situations réelles dans lesquelles se pose le problème d’une nécessaire transmission d’une information génétique à la famille d’un sujet, le CCNE considère que la mise en œuvre de procédures adaptées, dans le cadre d’un strict respect du secret médical, est la mieux à même d’aboutir au résultat désiré, c’est-à-dire la protection de la famille dans le strict respect de l’intimité des personnes ».
La rédaction de l’article 1er issue des travaux de la commission s’inscrit pleinement dans cette perspective, et nous y souscrivons. Nous considérons que la volonté exprimée au travers de cet article d’inciter les patients à informer leurs proches tout en conservant le secret professionnel reste la meilleure solution. C’est pourquoi nous le voterons tout comme nous voterons l’amendement n° 10 de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.