Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 5 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 3

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Voilà un peu plus de trois ans, le Parlement a voté le recours aux tests génétiques pour les étrangers candidats au regroupement familial. Nous nous étions alors indignés de cette mesure rétrograde, honteuse et discriminatoire. Notre opinion, vous vous en doutez, n’a pas varié.

Mais, plus étonnant, il semble que la majorité elle-même soit divisée sur cette question des tests ADN, car, depuis trois ans, plus de nouvelles ! Éric Besson, alors ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, les a même « enterrés » en septembre 2009. Selon lui, le dispositif entraînait « trop de contraintes ». À la bonne heure ! Il aurait certainement préféré pouvoir créer un fichier génétique des demandeurs, voire – encore mieux – pouvoir automatiser le test sans leur accord exprès.

Automatiser le test ? Quelle idée saugrenue, contraire à nos principes, n’est-ce pas ? Et pourtant, aujourd’hui, si la mesure s’appliquait, soyons réalistes, quel demandeur refuserait un test ADN ?

La suspicion généralisée qui entoure désormais chaque demandeur de visa l’oblige à prouver méticuleusement tout ce qu’il avance. Les dossiers sont si lourds, si complexes, que la simple preuve de la filiation est très difficile à mettre en œuvre. Vous pourriez m’objecter qu’après tout il faut du contrôle, et donc des dossiers « sérieux ». Ce serait même en accord avec certaines autres de vos mesures. La suspicion s’est même étendue à nos compatriotes et beaucoup d’entre eux ont aujourd’hui des difficultés à prouver leur nationalité pour renouveler leurs papiers. Là aussi, acte de naissance, anciens passeports, livrets de famille ne suffisent plus. À ceux-là aussi demanderez-vous un jour un test ADN ?

Pour le dire clairement, le test ADN est, dans l’esprit de la loi de 2007, l’argument ultime et, à vrai dire, le seul qui compte dans l’établissement de la filiation. Exit les passeports, les actes de naissance, les documents d’état civil, exit le principe selon lequel la filiation de cœur est la plus importante.

Outre cette question, à la vérité, ce qui est particulièrement pernicieux dans cette loi de 2007, c’est le fait que l’on ne peut pas prouver sa véritable filiation sans le test génétique. Dans cette optique, il est évident que le consentement du demandeur est tout simplement inexistant. Certes, le demandeur n’est pas formellement obligé de demander un test mais, cessons l’hypocrisie, il n’obtiendra pas son visa.

Devant cette absence de consentement, comment, mes chers collègues, ne pas lier cette question à nos discussions sur la loi de bioéthique ? Oui, il est un principe que nous partageons tous ici, j’en suis sûre, selon lequel les tests génétiques ne peuvent être réalisés qu’avec l’accord du demandeur, tout simplement pour respecter son choix, sa dignité en tant qu’être humain. Un consentement « imposé » par nécessité, tel que le prévoit cet article, n’est pas un consentement.

Tout concourt à dire qu’une telle méthode, foncièrement discriminante, de par une catégorisation entre « bons » et « mauvais » étrangers, est fondamentalement contraire à nos principes au regard de la dignité de la personne humaine et de son libre arbitre. Elle est contraire au principe du choix, du consentement à l’exécution de tests génétiques. De plus, le caractère inapplicable de cette mesure, restée lettre morte depuis trois ans, nous invite à nous poser la question de sa pertinence.

Ainsi, au regard de cette absence de pertinence, et de l’hypocrisie qui consiste à faire croire que le demandeur de visa aurait le choix de refuser le test génétique, il me paraît tout à fait opportun, aujourd’hui, de supprimer cette disposition.

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