En 2009, dans notre pays, 250 personnes sur liste d’attente sont décédées faute d’avoir reçu une greffe d’organes à temps. Alors même que la France s’est hissée au quatrième rang mondial en termes de prélèvements d’organes, l’augmentation plus que proportionnelle des besoins entraîne une pénurie dramatique et parfois mortelle.
Face à cette situation, que devons-nous faire ? Une première solution réside dans l’amélioration des techniques de prélèvement et de conservation des greffons. Certains organes transplantés ne peuvent fonctionner que quelques années et les patients ont par conséquent besoin d’une nouvelle greffe. Il est donc important d’améliorer la qualité des greffes dans le temps.
Une autre voie consiste à mettre en œuvre de nouvelles modalités de don. C’est ce que fait le projet de loi : il élargit le cercle des donneurs vivants et il permet le don croisé, par lequel un couple donneur-receveur, incompatibles entre eux, pourra faire l’échange d’un greffon avec un autre couple donneur-receveur placé dans la même situation. Cette nouvelle possibilité permettra de répondre à quelques situations, mais sa portée pratique sera nécessairement limitée.
Aussi, la réponse se trouve dans le fait d’agir sur le consentement au don, qu’il s’agisse de donneurs morts ou vivants.
Faut-il modifier notre législation ?
Je vous le rappelle, la loi Caillavet de 1976 nous fait tous donneurs supposés à notre mort, sauf opposition explicite. Le code de la santé publique prévoit néanmoins la consultation de la famille si l’intention de la personne décédée n’est pas connue.
Plusieurs amendements à venir tendent à simplifier le prélèvement, soit en prévoyant un consentement explicite, comme au Royaume-Uni, soit en limitant le rôle de la famille et des proches dans la décision de prélèvement.
Je ne pense pas que cette solution soit la bonne. Les pays où le consentement est explicite prélèvent moins que la France, et l’expérience montre que, même dans ce cas, les équipes demandent le consentement des familles. Il est d’ailleurs, à mon sens, difficile d’agir autrement. La logique médicale et celle de la solidarité nationale s’arrêtent au seuil du respect dû aux morts et à la manière dont sa famille le conçoit. Peut-on imaginer un instant que le don d’organes ne souffrirait pas terriblement d’un prélèvement opéré contre la volonté des proches ?
La commission considère qu’il faut d’abord mener un travail de pédagogie. Les jeunes générations ont, en matière de don, une attitude qui n’est pas celle de leurs aînés. Faire connaître la loi et les raisons du don d’organes paraît la meilleure solution pour l’avenir. Je me rangerai donc aux conclusions issues des comparaisons internationales et aux analyses faites par l’Agence de la biomédecine pour considérer qu’il serait dangereux de changer le système actuel.
La commission des affaires sociales s’est, en revanche, opposée à la mise en place de contreparties autres que symboliques pour les donneurs. Deux articles s’y apparentaient : celui qui instaurait une priorité accordée aux donneurs pour une éventuelle greffe future, ainsi que l’article 19 A, adopté par l’Assemblée nationale, lequel prévoyait la possibilité pour une personne n’ayant pas eu d’enfant elle-même de donner des gamètes et d’obtenir à cette occasion une conservation de ses propres gamètes. La commission a par conséquent supprimé ces deux articles, considérant qu’il s’agissait là d’un changement de la nature du don, et la recherche de donneurs plus jeunes et plus nombreux aurait alimenté le risque d’un glissement vers l’assistance médicalisée à la procréation de complaisance.
J’évoquerai un dernier point, technique celui-là. La commission a supprimé plusieurs articles que soutenaient certaines associations de donneurs, mais qui présentaient un caractère redondant avec les dispositions actuelles du code de la santé publique. Ce n’est pas en inscrivant une disposition deux fois dans la loi qu’on lui donne plus de force ; au contraire, on l’affaiblit.