Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 5 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 5

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

l’article 5 vise à accroître le nombre de donneurs potentiels, d’une part en étendant le cercle des donneurs vivants et, d’autre part, en autorisant la pratique du don croisé.

Aujourd’hui, la technique médicale de la greffe d’organe est de mieux en mieux maîtrisée. Les antirejets permettent de juguler toujours plus le rejet. Et les résultats, en termes tant de durée que de qualité de la vie, s’améliorent chaque jour. Ces succès grandissants ne font d’ailleurs qu’accroître encore les besoins.

Pourtant, en France, chaque année, plus de 14 000 malades restent dans l’attente d’une greffe. En 2009, seuls 4 580 d’entre eux ont été greffés. La même année, M. le rapporteur l’a indiqué, 250 patients sont décédés, simplement parce qu’ils n’ont pu recevoir un greffon à temps. L’obstacle principal à la greffe réside dans la criante pénurie d’organes disponibles. Il nous appartient par conséquent de tout mettre en œuvre pour remédier à cette situation et, donc, d’augmenter le nombre de donneurs potentiels.

Or, comme le rappelle l’Agence de la biomédecine, deux voies peuvent permettre de combler l’actuel déficit d’organes : la lutte contre les refus « par précaution » et le prélèvement de nouveaux profils de donneurs.

Plusieurs dispositions de ce projet de loi ont pour objet de faciliter les transplantations à partir de donneurs décédés. Elles sont positives, certes, mais demeurent insuffisantes. En effet, le principe du consentement présumé n’est pas encore satisfaisant, notamment en raison du refus de la famille, qui, bien souvent, ignore le souhait du défunt. Un prélèvement possible sur trois est ainsi rendu impossible. C’est pourquoi j’ai signé l’amendement de mon collègue Jean-Pierre Sueur, qui vise à créer un registre d’enregistrement du consentement du don d’organes, afin de protéger juridiquement la volonté exprimée par la personne décédée.

La France a longtemps privilégié les prélèvements à partir de donneurs décédés. Aujourd’hui, il est essentiel de développer les dons de donneurs vivants, qui ne représentent que 5, 6 % des prélèvements, alors même que ce type de transplantation est extrêmement performant.

Dans ces conditions, je salue l’amendement adopté par l’Assemblée nationale qui élargit le cercle des donneurs potentiels. Jusqu’à présent, les donneurs devaient appartenir à la seule famille nucléaire. La prise en compte de tous les membres entretenant ce que les sociologues appellent des « liens primaires » est positive.

Au Sénat, la commission des affaires sociales a jugé bon de durcir les conditions posées par les députés en ajoutant un critère de durée de deux années à l’existence du « lien affectif étroit et stable » entre le donneur et le receveur, par crainte du trafic d’organes. C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement de Raymonde Le Texier visant à revenir à la seule exigence posée par l’Assemblée nationale d’un « lien affectif étroit, stable et avéré ». Il me semble que cette exigence de durée est non seulement arbitraire, mais encore inutile dès lors que de nombreuses garanties permettent de s’assurer de la réalité des motivations constatées par l’équipe médicale, le « comité donneur vivant » et, enfin, le magistrat du tribunal de grande instance.

Certes, il s’agit de prendre toutes les dispositions pour pallier les dérives. Cependant, les données dont nous disposons sur le trafic d’organes révèlent qu’en Europe ces craintes relèvent davantage du fantasme. De surcroît, n’oublions pas que ce trafic serait entretenu par la pénurie d’organes et donc par la limitation du nombre de donneurs potentiels. En outre, il me paraît également important de lutter contre le « tourisme de la transplantation », qui, malheureusement, se développe.

Je terminerai en rappelant que, bien sûr, les critères de sélection des donneurs, fixés par le ministère, ne doivent pas écarter systématiquement les homosexuels du don. L’orientation sexuelle ne doit en effet assurément pas préjuger de conduites à risque. Cette affirmation n’est pourtant pas partagée par le Gouvernement. Aussi, j’ai cosigné l’amendement présenté par mon collègue Cazeau, qui dispose que « Nul ne peut être exclu du don en raison de son orientation sexuelle ».

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