Il est courant de rappeler que trois principes président en matière de don d’organes : le consentement, la gratuité et l’anonymat Ces trois principes jouent un rôle particulier puisqu’ils protègent, certes, les receveurs, mais surtout les donneurs. En effet, l’objectif est d’éviter que ne s’exerce sur ces derniers des pressions morales ou marchandes les conduisant à consentir de leur vivant au don d’un organe.
Or, les règles sont naturellement très différentes selon qu’il s’agit d’un don d’organe réalisé une fois la mort survenue ou d’un don effectué du vivant du donneur. Si le principe de l’anonymat du don est respecté dans le premier cas, il ne l’est nécessairement pas dans le second, puisque le don est réalisé au bénéfice d’un proche parent, qu’il s’agisse d’un frère ou d’une sœur, d’un fils ou d’une fille, ou encore d’une mère ou d’un père.
C’est d’ailleurs précisément parce que ce don d’une personne vivante fait obstacle au principe du respect de l’anonymat qu’il est très encadré.
L’article 5 prévoit de créer une nouvelle possibilité de don provenant d’un donneur vivant, en autorisant le don croisé d’organes. Il s’agit de permettre, lorsque deux « couples » donneur–receveur ne peuvent procéder à des dons d’organes du fait d’incompatibilités biologiques, de croiser les dons. Le donneur du premier couple donne son organe au receveur du deuxième couple et inversement.
Je voudrais illustrer ces propos par un exemple concret, trouvé sur Internet : « Irène a besoin d’une greffe de rein. Son mari Marc est prêt à lui donner un des siens, mais n’est pas biologiquement compatible. Le même problème se pose pour Marie, maman de Léa. Avec le don croisé, Léa pourrait bénéficier d’un rein de Marc et Irène d’un rein de Marie. » Voilà de quoi il est question lorsque l’on parle de « dons croisés ».
Cette proposition, qui reprend la préconisation formulée à l’occasion des états généraux de la bioéthique, tend en réalité à sortir du cercle familial, pour rechercher, au-delà de celui-ci, des personnes qui rencontreraient les mêmes difficultés de compatibilité entre donneur et receveur. Certains voient dans une telle démarche les prémices d’une commercialisation du don. Tel n’est pas notre cas.
Les dons réalisés à partir de donneurs vivants sont très rares, et les cas d’incompatibilité détectés peu de temps avant que la transplantation ne soit effectuée le sont également. Or, dans cet article 5, il n’est question que de cette situation particulière.
Contrairement à ce que j’ai pu lire, il ne s’agit pas d’instaurer dans la loi la mentalité du « donnant-donnant », il s’agit plutôt, comme le dit très justement le professeur Jacques Beghiti, d’apporter un nouvel élan de solidarité dans le don du vivant. Permettez-moi de citer le professeur Beghiti. « Moins on est biologique, plus on est humain. Ce qui fait l’homme, c’est de ne pas rester dans le cercle biologique. Autrement dit, pour le donneur vivant, pour le rein, je suis fortement favorable à l’élargissement à des gens qui s’aiment. ». Telle est l’analyse que nous faisons de l’article 5.
L’adoption de cet article, avec les protections actuellement prévues et celle que nous proposons au travers de notre amendement n° 90, nous semble être de nature à concilier notre exigence – partagée – de protection des donneurs comme des receveurs, tout en permettant de rendre possible davantage de greffes, c’est-à-dire de sauver un plus grand nombre de vies.