Intervention de Luc Chatel

Réunion du 8 janvier 2008 à 16h00
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en ces premiers jours de l'année 2008, je souhaiterais vous présenter mes voeux et remercier tout particulièrement votre rapporteur, Ladislas Poniatowski, du travail qu'il a mené sur un sujet aussi important et techniquement complexe que celui des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz qui, de surcroît, vous l'avez souligné, monsieur le président, concerne directement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz s'inscrit dans le cadre de la construction d'un grand marché européen.

Afin d'assurer une ouverture maîtrisée au bénéfice des consommateurs, la France a fait le choix d'une ouverture progressive, qui s'est traduite par quatre lois successives, dont la dernière date du 7 décembre 2006. C'est ainsi que, depuis le 1er juillet 2007, tout consommateur est libre de choisir son fournisseur de gaz et d'électricité pour chacun de ses sites de consommation.

Dans le cadre de la construction d'un marché européen de l'énergie, l'objectif est bien d'accroître la sécurité d'approvisionnement énergétique des Européens, et donc des Français, tout en leur assurant le prix le plus compétitif en matière d'énergie.

La loi du 7 décembre 2006 comporte des dispositions permettant aux consommateurs domestiques de choisir les offres des fournisseurs alternatifs et les nouveaux services qu'ils proposent. Toutefois, compte tenu de la censure de certaines dispositions par le Conseil constitutionnel, cette loi présente aujourd'hui des imperfections qui rendent le dispositif tout à la fois incohérent et inintelligible pour nos concitoyens.

Dans ce contexte, seulement quelques dizaines de milliers de consommateurs domestiques ont choisi les offres des fournisseurs alternatifs. Les chiffres les plus récents communiqués par la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, sont de 6 000 pour l'électricité et de 13 000 pour le gaz, ce qui peut être considéré à première vue comme un échec au regard des 22 à 23 millions d'abonnés à l'électricité ou au gaz.

Il résulte des dispositions en vigueur que, lorsqu'un occupant a exercé l'éligibilité pour un logement, les occupants suivants n'ont plus la possibilité de choisir entre des offres aux tarifs réglementés et des offres de marché, quels que soient les choix qu'ils avaient eux-mêmes faits en tant que consommateurs.

Ces dispositions, bien sûr, n'ont pas manqué d'inquiéter les propriétaires, qui s'interrogent sur l'impact que pourrait avoir l'exercice de l'éligibilité par un locataire. On a même évoqué, ici ou là, le développement potentiel d'un marché à deux vitesses, entre les logements qui bénéficient des tarifs réglementés et ceux qui n'en bénéficient pas.

Les dispositions de la loi de 2006 telles qu'elles résultent de la censure du Conseil constitutionnel, si elles restaient inchangées, pourraient donc avoir des conséquences sur le marché de l'immobilier qu'il ne faut pas sous-estimer.

La ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Christine Lagarde, avec le soutien de Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, avait proposé au Parlement de rechercher les solutions les plus justes et les plus cohérentes face à cette situation problématique.

C'est donc l'objectif de la proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui, en deuxième lecture, sur une initiative de votre collègue Ladislas Poniatowski, également rapporteur. Cette proposition de loi est le fruit d'un travail mené très en amont avec l'Assemblée nationale, notamment avec le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, le député Patrick Ollier.

Le texte qui vous est aujourd'hui soumis a, pour certaines de ses dispositions, fait l'objet d'un vote conforme à l'Assemblée nationale le 11 décembre 2007, sur la base du texte que vous aviez adopté vous-mêmes le 1er octobre 2007.

Il s'agit des dispositions concernant les tarifs réglementés du gaz pour lesquelles le texte, dans ses articles 2 et 3, introduit la règle « site/personne » au bénéfice des consommateurs domestiques. Le dispositif est ainsi rendu plus souple, plus simple et plus juste.

Plus souple, car les nouvelles dispositions permettent à chaque consommateur particulier de choisir, au moment de son emménagement, entre une offre tarifaire réglementée ou une offre proposée par un fournisseur alternatif et enrichie de nouveaux services innovants.

Plus simple, car, pour les logements neufs, les nouvelles dispositions sont identiques pour le gaz et l'électricité.

Plus juste d'abord pour le consommateur, car le choix d'un consommateur domestique ne dépendra plus des choix faits par les consommateurs l'ayant précédé dans le logement.

Plus juste enfin pour les propriétaires, car les choix de leurs locataires pourront être revus au départ de ces derniers.

Pour le cas particulier de l'électricité, je tiens à rappeler que ces dispositions s'appliquent également aux petits consommateurs professionnels.

En ce qui concerne les tarifs réglementés de l'électricité pour les consommateurs domestiques, l'Assemblée nationale a souhaité profiter de cette proposition de loi pour rendre les dispositions non seulement plus justes pour les consommateurs, mais également plus favorables au développement de la concurrence. Vous vous en souvenez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avions eu ce débat ici même au mois d'octobre, à l'occasion de la première lecture de la proposition de loi déposée par M. Ladislas Poniatowski.

Ainsi, en permettant à tout consommateur d'électricité de souscrire une offre aux tarifs réglementés après six mois d'une offre alternative, ce que l'on appelle la « réversibilité totale », le texte voté par l'Assemblée nationale offre à tout consommateur la possibilité non seulement de revenir sur les choix faits par les précédents occupants d'un logement - objectif initial de la proposition de loi - mais aussi, même lorsqu'il ne change pas de logement, de revenir aux offres réglementées s'il ne s'estime pas satisfait de celles qui lui ont été faites par la concurrence.

Par cette garantie de pouvoir revenir aux tarifs fixés par le Gouvernement si un problème survenait, chaque consommateur pourra sans crainte souscrire une offre alternative et bénéficier des nouveaux services innovants proposés par les opérateurs. L'objectif est donc bien ici d'améliorer la concurrence entre les opérateurs, ce qui devrait permettre de dynamiser le marché.

Afin d'éviter ce qui a pu être observé à l'étranger, où certains clients profitaient d'une trop grande souplesse dans la rupture des contrats pour changer de fournisseur sinon chaque semaine du moins trop fréquemment, rendant difficile le recouvrement des factures, il a été instauré à l'Assemblée nationale un délai minimal de six mois pour revenir aux tarifs réglementés.

La règle de la réversibilité partielle - à plus forte raison, celle de la réversibilité totale - avait toutefois été censurée en 2006 par le Conseil constitutionnel, qui reprochait notamment à cette disposition de ne pas être limitée dans le temps. Le texte qui vous est à nouveau soumis aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, prend en compte l'analyse du Conseil constitutionnel, car il limite dans le temps, et ce jusqu'au 1er juillet 2010, les différents aménagements sur lesquels vous serez conduits à vous prononcer.

Cette période permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de mieux connaître progressivement les offres des fournisseurs alternatifs. Il s'agit donc d'un dispositif transitoire qui doit permettre un développement du marché au bénéfice des consommateurs, en introduisant un minimum de sécurité pour ces derniers.

La date du 1er juillet 2010 est cohérente avec la date limite introduite pour l'accès des nouveaux sites aux tarifs réglementés de l'électricité par la loi instituant le droit au logement opposable. Je tiens à saluer ici la simplicité de ces propositions, qui ont été formulées tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.

Cette date limite, j'y insiste, ne signifie pas que les tarifs réglementés disparaîtront en 2010, mais nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Aucun texte communautaire ne demande la disparition des tarifs réglementés. Après le 1er juillet 2010 s'appliqueront tout simplement les règles d'éligibilité telles qu'elles ont été voulues par le Conseil constitutionnel à la fin de 2006.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif de ces propositions est de remédier à la situation « incohérente et injuste » pour les consommateurs domestiques créée par la censure du Conseil constitutionnel.

Dès lors, il s'agit de rétablir un droit compréhensible et cohérent pour nos concitoyens et de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs particuliers, qui pourront ainsi aller sur le marché libre et sans doute bénéficier d'offres plus attractives que celles qui existent sur le marché réglementé. Un dispositif transitoire permet tout à la fois de garantir une certaine protection à ces mêmes consommateurs et de dynamiser le marché en facilitant le développement de la concurrence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que cette proposition de loi ainsi amendée sera une bonne avancée en faveur des consommateurs.

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