Intervention de Ladislas Poniatowski

Réunion du 8 janvier 2008 à 16h00
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Ladislas PoniatowskiLadislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 1er octobre dernier, nous avons adopté une proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel. Ces dispositions résultaient de l'examen conjoint par notre commission de trois textes : le premier déposé par mes soins, le deuxième par notre collègue Xavier Pintat et le troisième par les membres du groupe socialiste.

Globalement, nous étions d'accord sur les objectifs de ces différentes initiatives : tout d'abord, rassurer le consommateur dans le contexte de l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel à partir du 1er juillet 2007 en garantissant son pouvoir d'achat ; ensuite, remédier aux incohérences juridiques pesant sur le cadre législatif des tarifs à la suite de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative au secteur de l'énergie. Nous divergions cependant quelque peu sur les modalités permettant d'atteindre ces objectifs.

Nos débats nous avaient conduits à adopter un texte dont je peux résumer brièvement l'économie générale en quatre points.

Premier point : faire en sorte qu'un consommateur ne soit pas lié par une décision qu'il n'a pas lui-même prise.

Le droit résultant de la censure du juge constitutionnel conduisait à ce que toute décision d'un ménage, dans un logement donné, de quitter les tarifs réglementés affecte définitivement ledit logement. Dans ces conditions, un consommateur emménageant dans un logement où un précédent occupant avait choisi la concurrence pour son approvisionnement en électricité ou en gaz naturel n'aurait pu bénéficier des tarifs réglementés, sans pourtant jamais s'être prononcé sur ce choix. Vous venez d'ailleurs à l'instant de faire allusion aux conséquences en termes de marché du logement, monsieur le secrétaire d'État. Notre texte levait cette difficulté pour les tarifs tant électriques que gaziers.

Deuxième point : étendre, pour l'électricité, le bénéfice de ces dispositions aux petits consommateurs professionnels.

À l'origine, il s'agissait d'une proposition de Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale. Nous l'avions intégrée dans notre dispositif au motif que la situation des petits consommateurs professionnels - artisans, commerçants et professions libérales pour l'essentiel - était similaire à celle des ménages. Dans ces conditions, il nous était apparu logique de leur appliquer également le raisonnement « site/personne » pour le bénéfice du tarif électrique.

Troisième point : prendre en compte les contraintes communautaires.

Comme je l'avais expliqué en détail en octobre dernier, notre pays est actuellement sous le coup de deux procédures juridictionnelles visant le cadre juridique des tarifs.

La Commission européenne remet en cause notre système tarifaire au motif que le niveau des tarifs est trop favorable par rapport aux prix sur les marchés libres et que cet écart rend impossible tout développement de la concurrence. Par conséquent, il s'agissait d'ailleurs du point le plus débattu, nous avions prévu que notre dispositif ne serait valable que jusqu'au 1er juillet 2010 dans un souci de transaction avec la Commission européenne et pour laisser le temps au Gouvernement de poursuivre ses discussions sur ce point avec les autorités communautaires.

Quatrième et dernier point : exclure la solution dite de réversibilité.

À la demande du Gouvernement, la prise en compte de ces contraintes communautaires nous avait conduits à ne pas aller au-delà de ce que nous avions voté lors de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie et, par conséquent, à ne pas autoriser les consommateurs particuliers à revenir sur leur choix de quitter les tarifs réglementés. Au cours du débat, j'avais admis que, dans un monde parfait, cette solution aurait été la plus satisfaisante pour le consommateur - vous l'aviez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d'État -, mais que Bruxelles ne serait pas enclin à l'accepter pour des raisons de non-conformité au droit communautaire.

Globalement, les députés ont suivi notre raisonnement lors de l'examen de la proposition de loi, le 11 décembre dernier. Sur les trois articles que compte la proposition de loi, ils en ont adopté deux conformes : l'article 2, qui a trait aux tarifs de gaz naturel pour les particuliers déménageant, et l'article 3, qui est relatif à l'éligibilité au tarif de gaz naturel des nouveaux logements. En revanche, ils ont amendé l'article 1er, qui concerne les tarifs électriques.

Désormais, le texte permet à tout consommateur particulier ayant fait le choix de la concurrence de retourner au tarif moyennant un délai de six mois, ce qui ressemble étrangement à la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat et à celle de nos collègues du groupe socialiste. Les députés ont jugé en définitive que la réversibilité était plus protectrice et plus lisible pour le consommateur. Le Gouvernement s'est déclaré favorable à une évolution du texte en ce sens, comme vous l'avez confirmé, monsieur le secrétaire d'État.

Sans renier les positions que j'avais défendues en première lecture, je reconnais bien volontiers que l'inscription dans notre droit du principe de réversibilité présente de nombreux avantages pour le consommateur. Je l'avais d'ailleurs dit à l'époque. D'un autre côté, il est clair - il faut que vous en soyez conscients, mes chers collègues - que nous prenons toujours un risque vis-à-vis de Bruxelles, et je pèse mes mots ...

Toutefois, cette crainte doit être tempérée, compte tenu des premiers résultats de l'ouverture à la concurrence pour les particuliers. Chacun s'accorde à dire, six mois après la libéralisation totale, que cette évolution du contexte juridique et économique n'a changé que peu de choses pour les ménages.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai sous les yeux des chiffres encore plus récents que les vôtres : sur 26 millions de consommateurs d'électricité, un peu plus de 38 000 ménages ont quitté les tarifs électriques, ce qui reste dérisoire. En ce qui concerne le gaz, mes chiffres sont les mêmes que les vôtres, à savoir de l'ordre de 15 000 consommateurs.

Il est clair que le caractère irréversible de la décision de quitter les tarifs réglementés, accentué par la décision du Conseil constitutionnel, n'a pas incité le consommateur à se lancer dans une démarche qu'il pouvait juger risquée, malgré le caractère attractif des offres des fournisseurs alternatifs, qui proposaient des prix inférieurs d'environ 10 % aux formules tarifaires et assorties d'une garantie de stabilité des prix pendant la première année.

Cette irréversibilité du choix avait d'ailleurs été mise en avant par les pouvoirs publics français, qui avaient invité les consommateurs à bien évaluer les conséquences du passage à la concurrence avant de prendre toute décision de sortie définitive des tarifs.

Au surplus, les ménages peuvent légitimement se montrer sceptiques quant aux avantages éventuels de cette concurrence à la lumière de l'expérience vécue par les consommateurs professionnels, confrontés, dans un premier temps, à une baisse de leur facture électrique après la libéralisation, puis à une véritable explosion des prix à partir des années 2003-2004. Cette situation nous avait incités, vous vous en souvenez tous, mes chers collègues, à introduire dans notre système législatif le fameux TaRTAM, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.

Dans ces conditions, nous pouvons espérer que l'inscription dans le droit tarifaire électrique de la solution de réversibilité pourrait être de nature à favoriser l'émergence d'un marché véritablement concurrentiel pour les ménages dans la mesure où elle leur permet de revenir sur leur choix dans le cas où le niveau des prix des offres libres déraperait et deviendrait moins intéressant que les tarifs réglementés.

Pour cette raison, je vous propose que nous nous rallions à cette thèse.

Pour autant, malgré cet accord sur le fond, la forme pose encore quelques problèmes. Un petit « bug » juridique s'est en effet glissé dans le texte voté par nos collègues de l'Assemblée nationale. Leur rédaction permet, certes, la réversibilité, mais les députés ont supprimé les dispositions que le Sénat avait adoptées à l'unanimité afin de protéger les consommateurs emménageant dans un logement où la concurrence a été exercée dans le passé par un occupant précédent.

Littéralement, le texte des députés obligerait le consommateur, si un tel cas de figure se présentait, à subir le choix de l'occupant précédent pendant six mois avant de pouvoir enfin bénéficier du tarif d'électricité de son choix.

Pour remédier à cet inconvénient juridique, je vous soumettrai donc un amendement tendant à rétablir les dispositions sénatoriales supprimées par les députés et ayant pour objet de procéder à une coordination au sein du code de la consommation.

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