Intervention de Michel Billout

Réunion du 8 janvier 2008 à 16h00
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel — Article 1er

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Avec cet amendement, nous souhaitons revenir sur le point à notre avis crucial de cette proposition de loi. Ce texte organise la réversibilité totale de l'accès aux tarifs réglementés, objectif que nous partageons dans l'intérêt des consommateurs. Cependant, nous ne nous satisfaisons pas de l'instauration d'une date butoir, en l'occurrence le 1er juillet 2010.

En effet, vous conviendrez avec nous que l'avenir des tarifs réglementés dans le cadre de la libre concurrence apparaît plus que menacé.

La Commission a engagé deux procédures communautaires d'infraction contre la France : l'une pour manquement, l'autre pour aide d'État, concernant, notamment, la mise en place du TaRTAM.

Selon la Commission, ces tarifs sont anticoncurrentiels, soit parce qu'ils constituent des barrières inacceptables pour les nouveaux entrants, soit parce qu'ils sont considérés comme des aides d'État.

Dans la lettre de mise en demeure qu'elle a adressée à la France pour transposition incorrecte des directives, la Commission estimait, en outre, que le « mode de fixation étatique des prix ayant un tel caractère de [...] rigidité, dénué de transparence dans son mode d'attribution [...] ne peut être présumé indispensable dans un système où le libre jeu de la concurrence entraîne en principe la fixation de prix compétitifs ».

Dans ce contexte, quel sens donner à la date butoir du 1er juillet 2010 ?

M. le rapporteur nous a expliqué, lors de la première lecture, qu'il fallait y voir non pas la fin des tarifs régulés, mais plutôt un signe destiné à ne pas « braquer » la Commission. Histoire de passer en douce, un peu...

Il est néanmoins difficile de croire que la Commission sera plus favorable au maintien des tarifs régulés après le 1er juillet 2010. Votre argument selon lequel il ne s'agirait là que de « temporiser en attendant de négocier le maintien des tarifs » paraît bien faible !

Si cette date butoir est susceptible de « décrisper » la Commission, n'est-ce pas plutôt parce que vous apportez là à cette dernière une preuve de bonne volonté, permettant d'éviter une condamnation de la France ?

De plus, pour justifier ce dispositif transitoire, vous arguez de la possibilité donnée au marché de « mûrir ».

Dès lors, comment ne pas voir en cette limite temporelle la programmation d'un rendez-vous préalable à une nouvelle étape de la dérégulation du marché énergétique ?

Les distributeurs énergétiques ont d'ailleurs bien compris que, après 2010, la donne allait changer. À cet égard, l'exemple de Direct Énergie est parlant : ce fournisseur indépendant promet à ses clients de « conserver un prix compétitif inférieur au tarif réglementé en vigueur au minimum jusqu'au 1er juillet 2010 ». Après, on verra ! Troublante coïncidence...

De plus, l'ouverture du capital des entreprises publiques a entériné le passage à une nouvelle politique d'entreprise, tournée vers la réalisation de bénéfices permettant la rémunération des actionnaires.

Ainsi, il est stipulé dans le contrat de service public liant l'État à Gaz de France jusqu'au 31 décembre 2007 - il est aujourd'hui caduc, on verra le prochain - qu'il convient « de rechercher, à l'occasion de chaque mouvement tarifaire, la convergence entre les tarifs et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients, dont les ménages ». Dans un même mouvement, les nouveaux entrants pratiqueront donc des tarifs particulièrement bas pour séduire les consommateurs, et les entreprises historiques augmenteront leurs tarifs.

Ce processus permettra de justifier en 2010 la suppression des tarifs réglementés, qui ne garantiront plus aux consommateurs des prix abordables pour l'accès à ce bien de première nécessité.

Dans ce contexte, la récente décision du Conseil d'État tombe à pic : elle annule l'arrêté qui gelait la hausse du tarif du gaz pris en décembre 2005 par le Gouvernement.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette requête a été introduite non par GDF, mais par un fournisseur privé, Poweo. Le dépôt de cette requête s'explique par le fait que le maintien d'un tarif régulé modéré gêne la concurrence et l'implantation de concurrents privés.

À terme, il est donc fort à craindre que les tarifs libres, ainsi que les tarifs réglementés, n'augmentent considérablement, ce qui est dans l'intérêt des actionnaires des grands groupes, mais non dans celui des consommateurs.

Par ailleurs, comment ne pas rapprocher également de la question du maintien des tarifs réglementés l'obligation faite à EDF de vendre au moindre coût son énergie nucléaire à la concurrence, et ce alors même que cela constitue pour elle un risque majeur ? En effet, la mise en place d'un bas tarif de cession d'électricité en gros pourrait compromettre à terme les investissements nécessaires en France. De plus, la mise en place d'un droit de tirage sur le parc nucléaire d'EDF permet de transférer à des concurrents la compétitivité du nucléaire sans effet bénéfique pour les consommateurs et sans que ces concurrents n'assument ni l'investissement, ni le risque de l'exploitation, ni l'aval du cycle, qui comporte les difficultés que nous connaissons.

Tous ces éléments imbriqués concourent à l'instauration au plus vite des conditions d'un marché libre dans lequel les tarifs réglementés n'auraient plus de raison d'être et dans lequel ils ne pourront plus être tenus.

Nous estimons donc que l'instauration d'une date butoir pervertit les objectifs de réversibilité et ne change rien à terme concernant leur disparition programmée.

Si les autres articles de la proposition de loi étaient encore en discussion, nous aurions déposé ce même amendement concernant le gaz ou les nouveaux logements.

Nous continuons donc de penser que les tarifs réglementés dans le cadre d'entreprises intégralement publiques sont le gage du bon accomplissement du service public.

Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'adopter cet amendement.

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