Nous venons d'avoir un débat important sur une question essentielle pour l'ensemble de nos concitoyens : la préservation des tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.
L'amélioration du pouvoir d'achat des Français passe par une maîtrise de leurs dépenses de première nécessité, au premier rang desquelles figurent, bien entendu, le chauffage et l'éclairage.
Or je ne suis guère convaincu - je sais ne pas être le seul - que le Gouvernement cherche réellement à contenir les augmentations des prix que réclament les marchés financiers et les actionnaires dans le secteur énergétique.
Depuis plusieurs années, les tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel sont régulièrement mis en cause.
Ainsi, en ce qui concerne le gaz naturel, a été mis en oeuvre, à partir de l'adoption de la loi d'août 2004, un nouveau contrat de service public qui vise la convergence entre les tarifs et les prix de vente, y compris pour les plus petits consommateurs que sont les ménages.
Que ce soit en raison de la transformation en société anonyme des deux EPIC Électricité de France et Gaz de France et de l'ouverture de leur capital, que ce soit en raison de la privatisation de Gaz de France, le Gouvernement s'est dépossédé d'un outil essentiel de régulation dans le secteur énergétique, outil qui lui assurait non seulement la maîtrise publique tarifaire - point qui n'est pas neutre en matière de pouvoir d'achat -, la compétitivité de l'économie, mais aussi la sécurité de ses approvisionnements en gaz.
Autrement dit, cette opération signe, à n'en pas douter, la première étape de l'abandon du secteur énergétique à une régulation - ou devrais-je dire une dérégulation ? - dominée par les actionnaires, au détriment de l'ensemble des consommateurs. Ce n'est pas bon pour le pouvoir d'achat des Français, monsieur le secrétaire d'État. Je n'en veux pour preuve que les conclusions du rapport fait par Michel Billout, Marcel Deneux et moi-même, au nom de la mission commune d'information présidée par Bruno Sido, qui témoigne d'un souci de cohérence, ce qui n'est guère le cas aujourd'hui.
Vous soutenez, monsieur le secrétaire d'État, que vous menez une politique en faveur des consommateurs ; ce n'est pas ce que nous constatons, malheureusement.
Tous les syndicats viennent de dénoncer une politique qui privilégie les actionnaires au détriment des consommateurs, en visant le rachat en bourse au prix fort d'actions de Gaz de France et une augmentation de 10 % des dividendes des actionnaires ; cela s'est passé au cours de ces dernières quarante-huit heures.
Avec la récente augmentation des prix du gaz, on aurait du mal à leur donner tort. Ce rachat d'actions de Gaz de France, en vue de soutenir leur cours, aurait un coût d'environ 1 milliard d'euros, et ce en vue de permettre la réussite de la fusion promise par le Président de la République.
Les associations de consommateurs sont mécontentes, elles aussi. Ainsi, l'association de défense pour la consommation, le logement et le cadre de vie regrette que les dispositions prévues en matière de réversibilité ne concernent que l'électricité. Nous héritons, au moment de la deuxième lecture de cette proposition de loi, d'un article conforme, ce qui ne nous permet pas de déposer un amendement relatif à la réversibilité totale pour le gaz naturel.
Cette association s'oppose à une limitation dans le temps de ces dispositions en soulignant que « l'adoption d'un principe de réversibilité n'a de sens que si des garanties sur la pérennisation des tarifs réglementés » sont obtenues. Vous comprenez la raison pour laquelle nous avons longuement évoqué, cet après-midi, l'échéance du mois de juillet 2010. Or vous avez rejeté, en première lecture comme aujourd'hui, les amendements que les membres de mon groupe avaient déposés tendant à supprimer la date butoir de 2010.
Au vu des nouveaux éléments intervenus depuis la première lecture et qui ont été mis en avant au cours de ce débat, nous craignons que cette date butoir de 2010 ne constitue une nouvelle étape dans la déréglementation du secteur énergétique, programmant la fin des tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.
Je veux une fois de plus rappeler en cet instant que les gouvernements de gauche ont toujours refusé de libéraliser le secteur énergétique, non seulement parce qu'il est stratégique du point de vue de l'indépendance énergétique et de la sécurité des approvisionnements, mais aussi parce que, en raison de son organisation en réseaux, il participe à la régulation d'ensemble de la société à travers les effets structurants qu'il produit sur l'économie et l'aménagement du territoire.
Je rappelle qu'au mois de mai 1992, sur l'initiative du gouvernement de Pierre Bérégovoy, le Conseil des ministres européen rejetait la proposition de directive de la Commission européenne parce qu'elle ne respectait pas les principes essentiels du service public, à savoir, notamment, la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement et des petits consommateurs.
Les négociations ne reprendront véritablement qu'avec le gouvernement d'Alain Juppé. Le 20 juin 1996, le Conseil adoptait une position commune sur la première directive Électricité, et c'est ledit gouvernement qui accepta de signer la première directive ouvrant à la concurrence le secteur de l'électricité. Les députés socialistes français au Parlement européen ont voté contre cette directive.
En 2000, la France a transposé a minima cette directive - on nous l'a suffisamment reproché à l'époque - en laissant une large place aux obligations de service public et en limitant le degré d'ouverture à la concurrence.
Notre collègue Henri Revol déclarait alors : « La directive est interprétée stricto sensu, contrairement à la stratégie adoptée par les plus importants de nos partenaires. » Il regrettait que « la France [ait] choisi de limiter le degré d'ouverture au minimum requis par la directive ».
Vous-même, cher collègue Ladislas Poniatowski, vous dénonciez « une transposition frileuse de la directive », avec une ouverture du marché « très limitée [...] puisqu'elle est réservée dans un premier temps à quelque quatre cents clients éligibles, essentiellement de gros industriels, représentant 26 % de la consommation. La majorité des clients, notamment les PME-PMI et les particuliers, ne bénéficieront donc pas de cette libéralisation et de la baisse des tarifs qui devrait logiquement en découler, contrairement à ce qui se passera dans certains pays voisins. [...] le Gouvernement aurait pu dès maintenant envisager une mise en concurrence plus large et tout au moins préparer les étapes suivantes de l'ouverture du marché ».
Tels étaient vos propos, mes chers collègues.
Comme chacun le sait dans cet hémicycle, c'est Mme Nicole Fontaine et le gouvernement de notre collègue M. Raffarin qui ont pris la décision d'ouvrir totalement le secteur de l'énergie à la concurrence, y compris donc aux ménages, alors qu'au sommet de Barcelone nous avions réussi à faire exclure les particuliers du processus de libéralisation.
Nous voterons donc contre cette proposition de loi, qui demeure partielle sur le gaz naturel et ne préserve les tarifs réglementés que pour une période transitoire d'un peu plus de deux ans. Que se passera-t-il ensuite ? Tel est bien le problème !