Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les projets de loi ordinaire et organique que nous examinons tirent les leçons de près de trente ans d'application de la loi du 3 janvier 1979, ainsi que de l'évolution des technologies et des pratiques, et ils vont en particulier permettre d'ouvrir plus largement l'accès aux archives tout en leur assurant une meilleure protection.
Nous ne pouvons qu'approuver ces objectifs, notamment en ce qu'ils clarifient la notion d'archives publiques - elle a, de fait, beaucoup évolué ces dernières années, avec l'utilisation des nouvelles technologies d'information, de communication et de stockage des données -, en ce qu'ils mettent à jour les délais actuels d'accès aux documents protégés par la loi et en ce qu'ils donnent un statut juridique aux archives des responsables politiques qui font l'objet de « protocoles de remise » passés avec l'administration des archives.
Étant le représentant du Sénat au sein de la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, et ayant, à ce titre, à examiner des demandes de consultation, par dérogation, d'archives dont l'accès est limité par la loi, je mesure parfois le côté excessif de certains délais d'interdiction de communication des archives publiques en même temps que l'insécurité juridique qui entoure l'accès à d'autres documents au regard, par exemple, de la nécessaire protection de la vie privée.
À ce titre, si j'approuve la réduction du nombre de délais de communicabilité des archives et la volonté de simplification qui préside à leur remise en ordre, je crois nécessaire d'éviter que, à vouloir trop simplifier, on ne crée de nouvelles difficultés.
Ainsi, l'idée de supprimer de manière systématique l'ancien délai de soixante-quinze ans pour le remplacer par un délai de cinquante ans est séduisante, mais je pense toutefois - comme, d'ailleurs, le rapporteur de la commission des lois - qu'il est indispensable de conserver un délai de soixante-quinze ans avant de pouvoir communiquer certains documents, notamment ceux qui peuvent porter atteinte à la vie privée.
Par exemple, si un délai de cinquante ans peut paraître suffisant avant de permettre l'ouverture des archives publiques sur les actions menées dans la clandestinité par des activistes de l'OAS qui avaient quarante ou cinquante ans à l'époque des faits, il n'en va pas du tout de même pour les anciens activistes qui n'avaient que vingt ou vingt-cinq ans, pour lesquels la divulgation de documents pourrait avoir lieu de leur vivant, leur créant d'évidentes difficultés, pour ne pas dire plus, à eux-mêmes comme à leur entourage. Je pense donc, madame la ministre, que la volonté de simplification ne doit pas nous faire perdre le sens des réalités.
Sous cette réserve, il faut se féliciter des avancées des deux textes que nous examinons, aussi bien en ce qu'ils facilitent la consultation des archives publiques en posant le principe de communicabilité de celles qui ne remettent pas en cause un secret protégé par la loi et en élargissant le champ d'application des dérogations, qu'en ce qui est fait pour renforcer leur protection avec le réajustement des sanctions pénales et la création d'une sanction administrative.
J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, que les deux commissions étaient unanimes pour réaffirmer l'autonomie des assemblées dans la gestion de leurs archives respectives. Si cette mesure s'explique par la nécessaire séparation des pouvoirs, je tiens toutefois à souligner qu'il serait plus raisonnable pour la lisibilité du dispositif et la compréhension des utilisateurs des archives publiques que les deux assemblées aient le même dispositif et que ce soit donc une proposition de loi commune - plutôt qu'une résolution propre à chaque chambre - qui fixe les conditions de collecte, de conservation, de classement et de communication des archives desdites assemblées.
Dans le même esprit que celui qui préside à ces textes - à savoir une clarification et une adaptation aux réalités d'aujourd'hui des dispositions en vigueur -, je présenterai quatre amendements.
Le premier vise à clarifier une rédaction pouvant prêter à confusion concernant les délais de protection de la vie privée prévus à l'article L. 213-2 du code du patrimoine. M. le rapporteur de la commission des lois a d'ailleurs déposé un amendement semblable, et je m'en réjouis.
Un deuxième amendement a pour objet de réduire le délai de communication de cinquante à vingt-cinq ans après la fin de l'affectation de bâtiments utilisés pour la détention des personnes pour les documents relatifs à leur construction, à leur équipement et à leur fonctionnement, dès lors que la consultation desdits documents ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
On ne voit pas, en effet, ce qui justifierait un embargo de cinquante ans sur ces documents à partir du moment où les bâtiments qu'ils concernent ne font plus du tout l'objet de l'utilisation sensible à laquelle ils étaient initialement destinés et qui justifiait alors une protection particulière.
Deux autres amendements, enfin, permettraient la désignation par la partie versante d'un représentant pour répondre aux demandes de consultation d'archives déposées par des personnes dans le cadre de protocoles. En effet, si l'on veut favoriser les possibilités d'accès à certains fonds, et dès lors que la communication est subordonnée à l'accord de celui qui a versé les documents, il ne faut pas obligatoirement imposer à ladite personne d'aller personnellement vérifier dans le carton d'archives le contenu du ou des documents sollicités, ce qui peut être fréquent et fastidieux.
Je le dis en connaissance de cause : il n'est pas rare, en effet, que nous ayons à nous prononcer, au sein de la Commission d'accès aux documents administratifs, sur la communicabilité de documents dans le cadre de ces fameux protocoles. À chaque fois, le rapporteur étudie l'intégralité des documents afin de déterminer si des dispositions s'opposent à leur communication. Il paraît tout de même délicat d'imposer cela à un ancien Président de la République ou à un ancien Premier ministre. Il ne serait donc pas superflu qu'un représentant puisse donner l'accord à leur place.
En portant mes réflexions au-delà de l'objet même de ces textes, je voudrais inviter le Gouvernement à réfléchir plus avant à l'articulation entre la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs et la loi du 3 juillet 1979 sur les archives.
Les documents administratifs visés par la première loi ont en effet une définition très proche de celle des archives visées par la seconde, et certains documents administratifs constituent en même temps des archives publiques, des « archives vivantes », alors que les conditions d'accès ne sont pas les mêmes selon que l'on se place sous l'un ou l'autre des deux régimes juridiques. Il faut donc, au-delà des lois que nous allons très certainement approuver ce soir, aller vers plus d'harmonisation.
En conclusion, je me contenterai d'indiquer que le groupe de l'Union centriste-UDF et moi-même nous félicitons du travail réalisé par les rapporteurs des deux commissions, dont il convient de noter, d'une manière générale, la convergence de vues, et que nous apportons notre soutien à ces textes.