Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 8 janvier 2008 à 22h15
Archives — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

C'est très tôt que les principes de conservation ont été définis. Ainsi, dès 1839, on trouve une instruction du Gouvernement aux préfets définissant les mesures à prendre pour que les archives « puissent être utiles à l'administration, aux familles et à la science ». C'est toujours autour de l'application de ces principes que nous débattons.

Et pourquoi discutons-nous ? Et pourquoi cette question a-t-elle été plusieurs fois évoquée dans les dernières années ? Et pourquoi devrons-nous encore l'évoquer assez vite puisque se profilent une nécessaire clarification sur les archives numériques aussi bien qu'une nécessaire harmonisation des lois que citait l'orateur précédent ? Parce que les choses bougent et, depuis quelques années, à une vitesse extrême. Ceci explique que notre rapporteur pour avis puisse évoquer la « crise » du système que le présent texte s'efforce d'atténuer, sans probablement la résoudre totalement.

C'est que l'affaire est compliquée ! Il convient de mieux conserver ce qui justifie l'homogénéisation du droit, sous le contrôle des archives de France, et de faciliter l'accessibilité aux archives publiques et politiques.

Deux obligations contradictoires doivent être ainsi conjuguées : celle d'une meilleure conservation et d'une meilleure protection d'une production d'archives de plus en plus abondante - les chiffres cités dans les deux rapports sont, de ce point de vue, impressionnants - et celle d'une demande de consultation quasi exponentielle, que nourrissent les besoins de racines de notre société urbaine aussi bien que le développement de l'esprit de procédure. Cela pose des problèmes de locaux, de personnels, de détérioration des documents, et sans doute bien d'autres.

Par conditionnement professionnel, peut-être, je suis très favorable à une accessibilité grande et précoce aux archives publiques. C'est notamment la condition de la confection d'une mémoire historique qui fonde une nation. Dans beaucoup de cas, il est même souhaitable que cette oeuvre puisse se faire alors même que des survivants sont en mesure d'apporter leur témoignage. Ainsi peut-on regretter l'ouverture trop tardive de certaines archives de la Seconde Guerre mondiale ou, plus encore, de la guerre d'Algérie.

Laisser les historiens faire leur métier le plus tôt possible est le meilleur moyen de permettre à une société d'être en accord avec elle-même.

Pour autant, d'autres enjeux que la bonne gouvernance ou la qualité de la recherche doivent être pris en compte : je pense à la préservation de la vie privée, à la paix des familles, à la paix civile.

Pour prendre un exemple extrême, je ne suis pas sûr que l'ouverture des archives des polices secrètes de certains pays de l'est de l'Europe ait été une bonne mesure, même si l'objectif était d'assurer la transparence : découvrir que son collègue de travail, sa voisine de pallier ou son conjoint ont été pourvoyeurs d'informations sur votre compte peut provoquer des dégâts incommensurables. Il convient donc de distinguer les chercheurs, tenus par déontologie à l'anonymat des acteurs, et le public, qui doit attendre un délai, dont la durée peut être débattue, nécessaire à la préservation de la vie privée.

J'ai parlé de l'accroissement considérable de la production d'archives. Dans le même temps, quelle déperdition depuis le développement de la communication, notamment virtuelle, et de la transcription numérique ! Ainsi, plus de trace des éventuels repentirs, pourtant si instructifs, de l'écrivain, et donc plus d'études possibles par les critiques littéraires, alors que des livres entiers leur sont consacrés pour Stendhal ou Flaubert. Plus de projets de lettres d'hommes politiques, plus de notes de collaborateur à collaborateur : ceux-ci communiquent désormais essentiellement par courriers électroniques. Mais c'est une réalité irréversible et rien ne servirait de pleurer sur cette évolution.

En revanche, il y a urgence à ce que la science se penche sur la conservation de tous les supports modernes, audiovisuels certes, mais aussi matériels : l'encre de nos photocopieuses ou de nos imprimantes n'a rien à voir avec la qualité de celle d'un incunable du XVe siècle ou de celle d'un manuscrit du XIIe siècle. Il y a là un paradoxe étonnant ! C'est un problème d'une extrême gravité que la simple répétition de la reproduction ne résoudra pas, elle-même étant source de perte de qualité.

Ces observations étant faites, nous voterons le projet de loi qui nous est soumis et qui présente des avancées certaines, surtout après le travail de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles. Nous sommes d'accord avec les grands principes qui l'inspirent et nous ne nous opposerons pas au sort particulier réservé aux archives parlementaires.

Pour terminer, permettez-moi d'aborder un sujet qui touche au fonctionnement de notre assemblée. C'est un sujet qui fâche, mais comme nous sommes peu nombreux ce soir, ...

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