Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme le souligne Mme Morin-Desailly dans son rapport, « les archives sont vivantes : elles sont ancrées dans notre quotidien, elles participent à l'écriture de notre histoire, elles forgent notre identité individuelle et collective ».
Il convient de souligner la place qu'occupent les archives dans la construction de l'histoire et de la mémoire ainsi que le rôle fondamental qu'elles jouent comme témoin de notre histoire, comme élément de notre patrimoine. Elles préservent la mémoire des nations et permettent, par conséquent, de comprendre le présent et de bâtir le futur.
Les archives sont un instrument essentiel au service du bon fonctionnement d'une démocratie. En effet, un pays n'accède à la démocratie, telle que l'on pouvait la définir au XIXe siècle, que lorsque chacun de ses habitants dispose de la possibilité de connaître de manière objective les éléments de son histoire, et non pas seulement en détruisant les « terriers » seigneuriaux qu'évoquait à l'instant notre collègue Peyronnet, qui est historien de formation.
Aussi, soucieux d'améliorer la transparence de l'action publique, le législateur est intervenu en 1979 pour élaborer un corpus législatif cohérent sur les archives et a donné, pour la première fois, une définition générale des archives, quel qu'en soit le support. Or les supports ont évolué - je pense bien entendu à l'avènement des nouvelles technologies -, mais il existe également d'immenses problèmes de conservation, notamment en raison de la médiocrité de certains produits. La commission des affaires culturelles a eu l'occasion de le constater en visitant la bibliothèque nationale de la rue de Richelieu il y a quelques années : il s'avère que l'on conserve mieux les incunables ou les antiphonaires du Moyen Âge que les ouvrages édités au XXe siècle.
C'est donc un immense défi qui se pose à ceux qui sont chargés de la conservation des archives et, par conséquent, de la perpétuation de la mémoire.
Pour revenir à des considérations plus juridiques, je veux souligner l'urgence qu'il y avait à faire en sorte que le droit existant soit adapté parce que le système des archives ne correspond plus à l'évolution de la société et à ses exigences nouvelles.
De plus, de nombreux rapports, notamment le rapport Braibant en 1996, avaient pointé du doigt la situation critique des archives françaises, le mauvais emploi des ressources financières - on sait qu'elles sont rares et précieuses - et les faiblesses administratives qui les caractérisaient.
Face à l'augmentation des publics et à la diversification de leurs exigences, une gestion rénovée et modernisée des archives est aujourd'hui nécessaire. Une plus grande ouverture est également indispensable, ne serait-ce que pour donner satisfaction à la communauté scientifique, aux historiens, aux généalogistes et à nos concitoyens, qui se passionnent, comme en témoigne le développement de la généalogie amateur, pour les sources de leur histoire.
Sans revenir sur les principes fondateurs posés par la loi de 1979, le projet de loi ordinaire - je n'évoquerai que très brièvement le projet de loi organique - dont nous sommes aujourd'hui saisis vise à modifier et à actualiser la législation relative aux archives, en particulier pour ce qui concerne les conditions de leur collecte, de leur conservation et de leur communication. Il s'articule autour de trois grands axes : adapter le droit à la pratique, réduire les délais de communication des archives publiques et renforcer le patrimoine privé et public.
Il s'agit de concilier les exigences de la recherche, la nécessité d'ouvrir les archives au bénéfice de la collectivité et l'impératif de protection des données individuelles et personnelles. Car, si notre société attache beaucoup de prix à la transparence, encore convient-il d'éviter qu'elle ne devienne totalitaire et que nous ne connaissions des dérives dignes de Big Brother, telles qu'aucune donnée personnelle n'échapperait à la connaissance collective.
Mesure phare du projet de loi, l'article 11 pose le principe de la libre communicabilité des archives publiques, c'est-à-dire d'un droit à communication immédiate. Il prévoit bien évidemment des garde-fous en maintenant la définition de délais spéciaux pour les documents dont la communication porterait atteinte à la défense nationale ou pour préserver la vie privée des citoyens avec des durées de vingt-cinq ans, de cinquante ans ou de cent ans, voire de cent vingt ans dans le cas bien précis du secret médical.
Le texte confirme également la possibilité de déroger à ces délais, mais dans des conditions particulières, à savoir sur autorisation individuelle - un chercheur pourra l'obtenir, mais il sera tenu de respecter une déontologie - ou par une ouverture anticipée des fonds.
Le groupe UMP se félicite de ces avancées, qui répondent aux attentes exprimées par les usagers des services des archives.
Par ailleurs, le texte précise le statut des archives des autorités publiques, notamment gouvernementales, et propose opportunément de conférer un fondement légal aux protocoles passés entre les autorités publiques et l'administration des archives.
Il prévoit enfin un renforcement des sanctions pénales en matière de protection des archives, mais aussi, et je sais l'importance que vous attachez à ce domaine, madame la ministre, en ce qui concerne l'ensemble des biens qualifiés de culturels. Des faits divers récents et déplorables, mais il y en a eu beaucoup durant les trente ou quarante dernières années, nous ont montré à quel point il fallait légiférer pour protéger le patrimoine. Ce texte répond donc à une vraie demande et assure un équilibre entre cette attente et l'exigence de protection des intérêts légitimes de l'État.
Les amendements adoptés par la commission des lois et la commission des affaires culturelles viennent utilement compléter les orientations du projet de loi sur plusieurs points.
Le groupe UMP se félicite notamment de l'amendement commun aux deux commissions qui tend à réaffirmer l'autonomie des assemblées dans la gestion de leurs archives respectives. Si les archives parlementaires sont par nature publiques et passionnent les historiens, leur gestion doit toutefois respecter le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et d'autonomie des assemblées parlementaires.
De la même manière, il fallait nous adapter à la nouvelle structure des collectivités locales.
La définition d'un statut pour les archives conservées par les intercommunalités me paraît également importante tout comme l'ouverture des archives du Conseil constitutionnel et le raccourcissement des délais de communication de ses travaux. Une telle évolution sera en effet de nature à favoriser les recherches juridiques compte tenu de l'importance qu'a désormais dans notre droit la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Pour conclure mes propos, j'aimerais souligner la nécessité d'aboutir à une harmonisation européenne dans le domaine des délais de communicabilité des archives.
La diversité culturelle pourrait certes rendre surprenante cette demande, mais il m'apparaît au contraire que, si l'on veut avoir un véritable projet collectif européen, une prise de conscience de ce patrimoine commun que constituent pour l'Europe les archives des différents pays qui la composent est nécessaire. C'est pourquoi il faut progressivement rapprocher les délais. La présidence française de l'Union européenne qui commencera dans six mois pourrait être l'occasion d'une action allant dans ce sens.
Madame la ministre, parce que ces deux projets de loi visent à améliorer la protection des archives et à faciliter leur accès tout en protégeant la vie privée des citoyens, le groupe UMP votera ces deux textes, enrichis par les travaux de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles.