C'est donc par un souvenir que je commencerai mon propos.
Je ne dissimule pas ma grande passion pour les archives, passion familiale, d'ailleurs.
J'ai eu le privilège de permettre, avec M. Favier, le sauvetage des archives judiciaires, et cela uniquement, je le confesse, grâce à un étrange incident.
Alors que je me trouvais à Vienne pour une conférence des ministres européens de la justice, j'avais tenu à visiter l'appartement de Freud, afin de voir, bien sûr, le célèbre canapé, mais aussi les admirables petits objets archéologiques qu'il collectionnait. M'entretenant avec le conservateur du musée, j'évoquais la conférence de Freud sur le crime et le châtiment et sur ce qu'il fallait en déduire. C'est à cette occasion qu'il m'apprit l'existence d'un courrier adressé par Freud à Landru. J'en conclus logiquement qu'il devait s'en trouver une trace dans le dossier Landru.
Rentré à Paris, ma curiosité ainsi piquée, mon premier soin est de demander au greffier concerné de bien vouloir me communiquer le dossier Landru. Les jours passent et rien n'arrive : on ne retrouve pas de dossier Landru ! Ma demande se faisant insistante, on me répond que les Allemands l'ont emporté... Je veux bien croire beaucoup de choses, mais pas que les Allemands se sont intéressés au dossier Landru ! Je pèse donc de tout mon poids de ministre pour que l'on retrouve enfin ce dossier.
Un mois plus tard, un huissier arrive porteur de deux cartons à chapeau comme en transportaient les arpettes de jadis sur les Grands Boulevards, cartons qu'il pose sur la table de Cambacérès ! « Voilà le dossier Landru », me dit-il. Ivre de bonheur, je suis néanmoins quelque peu surpris de recevoir le dossier Landru dans des cartons à chapeau !