Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 24 novembre 2004 à 15h00
Gestion de « l'après-mines » — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà dix mois, nous avons adopté le projet de loi portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines. Dans sa réponse, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie de l'époque, s'était engagée à suivre personnellement l'élaboration des décrets. Or force est de constater aujourd'hui que cette Agence n'est toujours pas en place, alors que l'urgence est toujours plus grande.

Depuis l'examen et l'adoption de ce texte par le Sénat, toutes les mines de charbon ont cessé leur production en France, la Lorraine ayant arrêté toute activité de production le 23 avril 2004.

La gestion de l'après-mines, à laquelle il est impératif de faire face dans les plus brefs délais, est un dossier éminemment complexe. Je remercie d'ailleurs Philippe Leroy d'en avoir exposé les principaux aspects : reconversion économique et sociale des bassins touchés par la cessation des activités minières, pérennisation des droits des mineurs et de leurs ayants droits, risques de sinistres miniers, disparition des exploitants miniers.

A ces éléments, il faut ajouter les questions de l'eau et de la dévolution à l'Etat des installations de sécurité, la conservation des archives de l'exploitation minière et leur utilisation dans une perspective de sécurisation des opérations futures d'aménagement et de développement urbains dans des zones à très forte densité de population.

A l'heure actuelle, les anciens exploitants assurent encore la sécurisation et la surveillance des sites d'extraction. Toutefois, à terme, ces missions seront transférées à l'Etat, conformément aux dispositions du code minier.

Compte tenu des délais impartis, l'Etat doit rapidement engager une concertation avec les élus locaux sur l'après-mines, afin de régler ces problèmes ou, tout au moins, d'en prévoir les conséquences. Il ne faudrait pas qu'à la fin de l'année 2007, au moment de la fermeture de Charbonnages de France, nous n'ayons pas été en mesure de prévenir les conséquences de la fin de la période minière et d'assumer toutes les obligations qui en découlent.

En tant qu'élu du Pas-de-Calais, je tiens à rappeler combien les acteurs locaux sont confrontés à des situations dégradées, et ce à tout point de vue. Je tiens cependant à souligner certaines des avancées qui ont été accomplies au cours des dernières années.

Tout d'abord, la loi du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en cas de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers a clarifié les responsabilités respectives de l'ancien exploitant et de l'Etat en la matière et a posé les bases légales et réglementaires du dispositif public de l'après-mines, c'est-à-dire la présomption de la responsabilité de l'exploitant pour les dommages causés par son activité.

Cette procédure, qui représente un progrès louable, doit cependant être complétée par un volet « prévention » plus complet que celui qui est prévu dans le dispositif actuel. Les compétences de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers sont en effet limitées et les conditions d'élaboration des plans de prévention de ces risques pourraient être révisées, ne serait-ce qu'au regard des charges financières que ces plans font peser sur les collectivités locales.

C'est pourquoi la question de la conservation des archives des exploitants miniers est cruciale. J'aimerais connaître, monsieur le ministre, la solution que vous envisagez d'apporter à ce problème.

Les problèmes sociaux nés du déclin de l'activité minière constituent un autre enjeu capital. Le Pacte charbonnier du 20 octobre 1994, exemplaire à bien des égards, a fixé un cadre sécurisant pour les anciens mineurs. Il prévoit ainsi que tout agent de Charbonnages de France aura le droit de poursuivre sa carrière dans le groupe jusqu'à ce qu'il puisse bénéficier d'une mesure d'âge. Le Pacte social a en outre prévu qu'il n'y aurait pas de licenciements destinés à gérer les sureffectifs et qu'inversement il n'y aurait pas d'embauches.

Par ailleurs, un protocole du 11 février 2003 a créé, pour les mineurs âgés de 43 à 45 ans, une dispense préalable d'activité, qui leur assure 85 % de leur salaire antérieur, sans modifier le dispositif des congés charbonniers de fin de carrière.

Toutefois, l'Agence nationale pour la garantie des droits de mineurs n'est toujours pas créée, ce qui instaure un climat d'incertitude pour nombre de mineurs. Or, lors de l'examen de cette mesure, tous les intervenants avaient souligné l'importance et l'urgence de ce dispositif. Par conséquent, monsieur le ministre, je ne peux que déplorer le retard pris en la matière et je souhaite que celui-ci soit comblé rapidement.

Enfin, j'évoquerai le problème de la reconversion économique des bassins miniers. Pendant plus d'un siècle, les bassins miniers ont permis le développement économique et l'industrialisation de la France. Désormais, ces zones sont caractérisées par un taux de chômage élevé et par une grande difficulté à mettre en place une reconversion économique.

Dans la région Nord-Pas-de-Calais, une mission « bassins miniers » a été créée par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 15 décembre 1998. Cette mission intervient à la demande des structures intercommunales sur les problèmes liés aux séquelles de l'extraction charbonnière, qui nécessitent une requalification urbaine importante.

Seules, les collectivités locales ne peuvent faire face à ces problèmes. Nous souhaitons donc que l'Etat s'engage à continuer à apporter son concours à cette reconversion.

Cependant, plusieurs outils d'aide à la reconversion de ces zones sont à la disposition des entrepreneurs, et en premier lieu le fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, dont les interventions visent à créer ou à améliorer l'environnement des entreprises de façon à favoriser l'implantation industrielle. Je déplore, monsieur le ministre, que les crédits de ce fonds soient en diminution dans le projet de loi de finances pour 2005, qu'il s'agisse des autorisations de programmes ou des crédits de paiement.

Les programmes soutenus par le FIBM concernent, notamment, l'aménagement de terrains et de locaux industriels, la reconquête de friches, la création de centres de transfert de technologie. Tous ces programmes risquent de souffrir de cette réduction de crédits.

Ce fonds n'a pas vocation à apporter une aide directe à l'entreprise et son intervention est complétée par la contribution financière apportée par les sociétés de reconversion. Dans le Nord-Pas-de-Calais, c'est la Financière du Nord et du Pas-de-Calais, la FINORPA, créée en 1984 sur l'initiative de l'Etat et actuellement présente dans 650 entreprises, qui joue ce rôle. Or son avenir est toujours incertain. Je souhaite donc que sa situation soit totalement clarifiée.

Monsieur le ministre, nous sommes à quelques jours du vingtième anniversaire du coup de grisou de Liévin. Ces questions inquiètent ceux qui résident encore dans les anciens bassins miniers. A l'instar d'Yves Coquelle, je remercie la presse locale et régionale d'avoir fait un large écho à ce débat.

Petit-fils et fils d'ouvrier et d'employé des mines, né dans un coron minier, je suis, comme des milliers de mineurs, des centaines de milliers d'anciens mineurs et d'ayants droit, dans l'attente d'un engagement clair de l'Etat concernant l'après-mines, sur les plans juridique et financier, qui ne laisse pas comme un goût de cendres à ceux qui ont tant donné pour extraire le charbon.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion