Séance en hémicycle du 24 novembre 2004 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

M. Le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 novembre 2004, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution par plus de soixante sénateurs, d'une part, et par plus de soixante députés, d'autre part, de demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de simplification du droit.

Acte est donné de ces communications.

Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au financement de la sécurité sociale pour 2005 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement.

Je souhaite informer à nouveau le Sénat de notre mécontentement quant au déroulement de nos travaux, notamment lors de la discussion du projet de loi de programmation sur la cohésion sociale : nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour approfondir les articles dits « Larcher » et débattre de leur réel impact.

A ce propos, je voudrais vous informer de la situation dramatique que vivent actuellement les salariés du service informatique de l'entreprise Schneider Electric.

Depuis le 15 novembre, ces salariés sont en grève. Ils ont occupé le site principal de ce service, situé à Grenoble, jusqu'à hier matin ; puis, pour favoriser l'ouverture des négociations, ils ont décidé de suspendre cette occupation.

Mais les nombreuses provocations de la direction rendent les discussions très difficiles. En début d'après-midi, les syndicats CFDT, CFTC et CGT ont d'ailleurs quitté la table des négociations.

Cette grève fait suite à l'annonce, en juin 2003, de l'externalisation de ce service. Elle succède à plus de seize mois de tergiversations et à cinq réunions de discussion entre les organisations syndicales et la direction.

Les conditions sociales proposées aujourd'hui aux salariés qui seront transférés sont inacceptables. Pourtant, ces derniers ont témoigné de leur volonté de donner à la direction le temps et la possibilité de la négociation, en élaborant, il y a plus d'un an, un cahier de revendications très précis. Mais la direction est restée et reste sourde à ces revendications, pourtant légitimes.

Les raisons évoquées pour justifier cette externalisation sont le recentrage de l'entreprise sur son coeur de métier et la volonté de faire des économies sur ces activités. Le service informatique sera ainsi cédé à l'entreprise Cap Gemini, alors que la situation économique de cette dernière est catastrophique.

L'externalisation du service informatique concerne environ 800 salariés européens, dont 385 pour la France, auxquels s'ajoute un grand nombre de prestataires.

L'article L. 122-12 du code du travail est invoqué pour justifier cette externalisation.

Je ferai un bref rappel historique à propos de cet article, qui a pour objet de maintenir les emplois concernés en cas de succession et de redéfinir le cadre d'emploi lors de la transmission de l'entreprise.

Or cet article est utilisé aujourd'hui pour permettre l'externalisation des emplois d'un service entier d'une entreprise. On assiste ainsi au dévoiement sans vergogne d'un article du code du travail.

Monsieur le ministre, est-ce cela la cohésion sociale ? Accepterez-vous encore beaucoup d'autres cessions au nom de l'article L 122-12 du code du travail ?

Que comptez-vous faire concrètement pour sauvegarder l'emploi dans nos entreprises, pour venir en aide aux salariés, confrontés chaque jour à des plans de sauvegarde de l'emploi qui conservent aux actionnaires leurs dividendes mais les laissent eux face à tant d'incertitudes ?

Allez-vous faire en sorte que de réelles négociations soient enfin entamées dans l'entreprise Schneider Electric ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 7.

M. Philippe Leroy demande à M. le ministre délégué à l'industrie quelles sont les orientations du Gouvernement dans le domaine de la gestion de « l'après-mines ».

Il souhaite en particulier savoir où en sont les réflexions relatives à la création, dans la perspective de la disparition programmée des exploitants miniers, d'une entité chargée des fonctions opérationnelles de « l'après-mines ».

En outre, il attend des éclaircissements sur l'indemnisation des victimes de sinistres miniers et sur l'archivage des documents techniques miniers.

De plus, il s'interroge sur les délais d'installation de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.

Enfin, il désire obtenir des précisions sur les dernières actions mises en oeuvre par les pouvoirs publics pour permettre la reconversion économique et sociale des bassins touchés par la cessation des activités minières.

La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Madame la présidente, mes chers collègues, le débat sur « l'après-mines » était attendu depuis longtemps et je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté de le mener aujourd'hui, conformément au voeu des sénateurs.

La semaine dernière, à Lens, un forum a été organisé sur ce sujet par la commission des affaires économiques du Sénat, et j'ai eu le plaisir d'y assister. Il m'a permis de mieux comprendre les attentes de ce grand bassin minier français qu'est le Nord - Pas-de-Calais.

C'est donc porteur des espérances de la Lorraine, du Nord - Pas-de-Calais, mais aussi de toutes les autres régions minières comme l'Alsace, où l'on exploitait la potasse, ou bien encore de Gardanne, site d'extraction du charbon, que j'affirme que l'avenir des zones minières est plus que jamais d'actualité.

Le 23 avril denier, nous avons fêté ensemble, monsieur le ministre, la fermeture de La Houve, en Lorraine, dernier puits d'extraction houiller de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Triste fête ! C'était plutôt un enterrement !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Mon cher collègue, être ensemble est toujours une fête ! Il faut voir l'aspect positif de tout événement et c'est parce que nous rendions hommage aux mineurs que c'était une fête. Cela m'a donné alors l'occasion de clamer, comme je le fais aujourd'hui : « Vive les mineurs ! ».

Sans revenir sur l'histoire des activités minières en France, je souhaiterais à nouveau rendre un hommage solennel au travail et au dévouement des mineurs qui, depuis le xixe siècle, ont assuré le développement économique de notre pays.

Désormais, nous sommes en France dans l'après-mines, dans une nouvelle ère industrielle.

Cette profession a donc droit à notre reconnaissance, et celle-ci doit s'exprimer, monsieur le ministre, par le respect du statut des mineurs et des droits qui y sont attachés. C'est une question emblématique !

Au début de cette année, à l'occasion du vote de la loi du 3 février 2004, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, nous avons décidé la création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM.

Parce qu'il n'y a plus d'exploitant minier, seule une agence nationale, soutenue par l'Etat, peut garantir le respect des droits spécifiques attribués aux mineurs ainsi qu'à leurs ayants droit. Cette solidarité vis-à-vis des mineurs mérite une application attentive.

Cette loi a également prévu la fermeture en 2008 des Charbonnages de France, ou CDF. Or, je l'ai dit, la fermeture des CDF laisse entier l'ensemble des problèmes de suivi de l'après-mines.

Nous sommes inquiets. Toutes les activités minières ont disparu et il nous faut désormais gérer, pendant de nombreuses années encore, le sort de ces sites miniers laissés sans exploitant. Nous demandons donc des solutions pour le devenir de ces territoires, marqués pour longtemps par les stigmates de la mine.

J'insisterai tout particulièrement sur le bassin ferrifère lorrain, dont l'activité est désormais totalement achevée et qui se trouve orphelin dans la mesure où aucun exploitant n'a été capable d'assumer les responsabilités liées à l'arrêt des exploitations, comme l'ont fait les Charbonnages de France pour les sites charbonniers.

Je pense notamment aux dégâts miniers et à leur indemnisation, ainsi qu'aux problèmes hydrauliques, qui ne sont pas, à l'heure actuelle, maîtrisés. L'Etat assume certes cette responsabilité à travers l'ensemble de ses services, mais de façon confuse.

Je souhaite que l'établissement public qui remplacera CDF et qui, à terme, gérera ces problèmes, s'attache tout particulièrement au problème des mines de fer. Cette question doit être au coeur des études qui vont conduire à sa création !

Je souhaiterais ainsi que le problème du fer soit réglé avec une efficacité technique semblable à celle de CDF dans le passé : je demande une égalité de traitement pour le fer. La tâche est considérable !

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dire dès aujourd'hui comment vous envisagez de mettre en place l'entité prévue.

Je rappelle que CDF assume aujourd'hui, en vertu des dispositions du code minier, un grand nombre de missions. Citons, à titre d'exemple pour ce qui devra être fait dans le futur, les missions techniques et opérationnelles de CDF, qui concernent principalement l'obligation de remise en état des terrains après la cessation des activités.

Je souhaite que nous prenions exemple sur ce que CDF a mis en place, qu'il s'agisse des installations de dégazage, notamment en matière de grisou, ou des installations hydrauliques liées à l'après-mines comme les stations de pompage ou de relevage des eaux. Ces équipements nécessitent une attention toute particulière et de longue durée dans les bassins houillers.

Les collectivités locales sont évidemment concernées par l'ensemble de ces installations techniques, mais elles abordent la question de leur pérennité avec prudence. Il est urgent d'examiner ce problème dans le cadre d'une concertation, avant la création de cet établissement public.

En guise de conclusion sur l'ensemble de ces questions très concrètes, je veux vous dire que les élus locaux des territoires concernés craignent avant tout de se retrouver devant un seul interlocuteur, à savoir le préfet, sans autre interlocuteur technique ou économique capable de gérer dans l'intérêt de tous les séquelles de la mine.

Les Lorrains ont fait les frais de l'expérience, redoutable, d'une mine sans maître. Je souhaite qu'il soit mis un terme à cette expérience dans les meilleurs délais.

Monsieur le ministre, j'en viens à la question annexe, moins grave mais tout aussi intéressante, des archives minières.

Il convient de distinguer plusieurs familles d'archives minières : les archives sociales ou médicales, qui intéressent les mineurs et leurs ayants droit et qui pourraient être transmises à la future ANGDM, et les archives techniques, qui concernent l'état des sous-sols, et qui constituent un patrimoine local que les élus locaux souhaitent conserver sur leur territoire.

Laissez-moi cependant vous faire part de mes craintes quant au poids financier que représente la conservation de ces archives. Je souhaiterais connaître votre opinion à cet égard, monsieur le ministre. La création d'un groupe de travail avec l'ensemble des services concernés me semblerait en tout cas opportune.

J'aborderai maintenant la question des plans de prévention des risques miniers, les PPRM. Le sujet est particulièrement urgent dans le bassin ferrifère lorrain, que j'évoquerai essentiellement devant vous, mais il s'applique également dans le bassin houiller.

L'état des sites miniers est tel dans le bassin ferrifère que la modernisation de l'urbanisation dans les cités est menacée, faute de pouvoir délivrer normalement les permis de construire et de lotir. Il est naturel de freiner la construction dans des zones dans lesquelles nous ne connaissons pas parfaitement les risques, mais il est dangereux de le faire trop longtemps. Dans ces zones, qui nécessitent un nouveau développement et qui attendent beaucoup de l'avenir, il est indispensable d'agir vite et de ne pas bloquer l'élaboration des PPRM.

Monsieur le ministre, dans la mesure où l'Etat est encore responsable de ce dossier avant la mise en place de l'établissement public que j'ai précédemment évoqué, je souhaiterais que vous fassiez en sorte, au minimum, que les PPRM des zones minières non ennoyées du bassin ferrifère, qui concernent une dizaine de communes, soient réalisés dans l'année de sursis qui a été octroyée concernant l'exhaure. De cette façon, nous pourrions rassurer les populations concernées sur l'avenir de leurs territoires.

Il m'est impossible, monsieur le ministre, de traiter la question des effondrements miniers sans évoquer l'indemnisation des victimes de sinistres miniers dans les habitations.

Ce dossier a beaucoup progressé grâce au vote par le Parlement de l'article 19 de la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, qui a permis d'apporter une solution à bon nombre de situations dramatiques.

Par ces dispositions, il a été confié au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la responsabilité d'indemniser rapidement, comme je l'avais souhaité, les personnes qui ont subi des dégâts miniers, à charge pour ce fonds de se retourner ensuite contre les responsables effectifs. L'indemnisation est donc rapide et les victimes ont la satisfaction de pouvoir envisager leur avenir, forts d'une indemnité.

Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir dresser, si vous le pouvez, un bilan des indemnisations qui ont déjà été effectuées.

Pour clore le dossier des réparations des dégâts miniers qui nous empoisonne la vie, je vous demande de faire en sorte que l'ensemble des victimes de sinistres soit indemnisé, y compris pour les sinistres ayant été constatés avant 1998.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Il se trouve que l'état réglementaire et législatif de la question rend difficile l'indemnisation des victimes dont les dégâts ont été constatés avant 1998. Or, monsieur le ministre, l'Etat s'honorerait en réglant ce problème et cela nous permettrait d'envisager plus sereinement la préparation de l'avenir.

S'agissant du volet social, nous avons souhaité, je le rappelais au début de mon intervention, créer l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.

La loi prévoit que l'agence sera opérationnelle le 1er janvier 2005. Cependant, le décret d'application qui en précise les missions concrètes et les modalités d'installation n'est toujours pas publié, alors que les concertations avec les organisations syndicales et avec l'ensemble des parties étaient déjà bien avancées dans le courant de l'année. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner l'assurance que le décret va paraître et que l'Agence sera effectivement mise en place le 1er janvier prochain ?

Il me paraît bien évidemment indispensable d'aborder la question du droit au logement des mineurs et de leurs ayants droit.

Le problème de l'entretien de ce parc extrêmement important, qui connaît par ailleurs des évolutions patrimoniales diverses, se pose avec acuité. Le renouvellement des voiries, notamment, exigera des efforts de solidarité importants de la part de la collectivité nationale.

J'ai pu constater dans le Nord, quinze ans après la disparition des activités minières - je parle sous le contrôle de mes collègues du Nord - Pas-de-Calais - qu'il reste à assurer la modernisation de 70 000 logements, y compris celle des réseaux qui les desservent. Les crédits du groupe interministériel pour la restructuration des zones minières, dits crédits « GIRZOM », qui existent encore dans le Nord, ont permis d'améliorer la qualité des logements. Toutefois, de nombreux efforts restent à faire et, si la situation n'est pas de même nature en Lorraine, elle est néanmoins elle aussi préoccupante.

Il faut s'habituer à une idée difficile, monsieur le ministre : nous allons vivre l'après-mines longtemps !

M. le ministre délégué opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Certes, il ne faut pas que ces élus se plaignent tout le temps, mais ils doivent avoir une ambition pour leur territoire et, pour que cette ambition puisse s'épanouir, une aide sera longtemps nécessaire parce que les ressources financières de ces territoires sont affaiblies. C'est le cas dans le Nord - Pas-de-Calais, en Lorraine, et probablement dans d'autres bassins.

Après le logement, il faut bien entendu s'intéresser au développement économique. A cet égard, la disparition prochaine des crédits du fonds européen de développement régional, le FEDER, et l'évolution des règlements européens liés au soutien à l'économie nous conduisent à nous interroger sur les outils qui seront mis en place pour favoriser le développement économique des bassins.

Ces bassins, vous le savez, représentent une richesse. Je prendrai l'exemple des bassins houillers lorrain et mosellan : ils sont aujourd'hui au coeur d'espérances fortes grâce à quelques industries emblématiques, au premier rang desquelles l'usine Smart et ses sous-traitants, qui démontrent que des filières industrielles peuvent s'épanouir dans les régions minières. Un tel résultat a été rendu possible grâce à un certain nombre de systèmes - je pense à la société financière pour favoriser l'industrialisation des régions minières, la SOFIREM, ou au fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM -, dont la mise en oeuvre a été bénéfique.

Ces dispositifs doivent être pérennisés, monsieur le ministre, et je vous demande de bien vouloir réfléchir aux moyens du développement économique de nos régions minières. La création d'agences spécifiques, mais aussi des réflexions approfondies, doivent nous permettre de rendre l'espoir à ces territoires.

Pour conclure, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je lance un appel à tous ceux qui exercent des responsabilités sur ces territoires. Il est en effet évident que c'est l'affaire de tous et que l'Etat seul ne pourra rien. Les collectivités territoriales doivent s'engager, mais elles ne pourront le faire que si l'Etat lui-même s'engage !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

Groupe socialiste, 31 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Coquelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Coquelle

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois dire d'emblée que je suis déçu que la question de l'après-mines suscite si peu d'intérêt dans cet hémicycle.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Coquelle

Je suis doublement déçu parce que, outre cette faible participation de nos collègues, seules deux petites heures seront consacrées aujourd'hui à un sujet aussi vaste et complexe que l'après-mines.

C'est dire que nous ne ferons qu'effleurer le sujet. J'espère que la question pourra être examinée en profondeur dans d'autres lieux, avec d'autres participants, afin de répondre aux préoccupations des élus, des syndicats et des populations concernées.

Dans notre pays, l'exploitation minière a duré de cent à deux cent cinquante ans, selon les régions. Le sous-sol des régions concernées est un véritable gruyère et les problèmes posés sont multiples et complexes. Pour ma part, je ne ferai qu'évoquer le sujet et c'est mon amie Evelyne Didier qui développera tout à l'heure la question des affaissements miniers.

La disparition de Charbonnages de France va entraîner la création d'une nouvelle structure que nous souhaitons démocratique, pluridisciplinaire, compétente, et surtout indépendante.

Cette structure traitera des questions de l'affaissement minier, de la remontée des eaux d'exhaure, du fonctionnement des stations de pompage - dont l'arrêt provoquerait la submersion de plusieurs communes sous un mètre d'eau ! -, du devenir des terrils ; elle aura également à gérer, et donc à régler, le problème du grisou qui stagne dans des milliers de kilomètres de galeries.

Ces questions ne se régleront pas en quelques années, nous y serons confrontés encore pendant des décennies.

La structure qui va se substituer à Charbonnages de France devra donc être dotée des mêmes moyens financiers que ceux dont disposent actuellement les Charbonnages de France.

Les communes minières, qui sont parmi les plus pauvres de France, qui ont un potentiel fiscal parmi les plus faibles et un taux de chômage parmi les plus élevés du pays, ne pourront pas mettre la main à la poche pour financer les actions de surveillance, de maintenance et d'entretien nécessitées par l'arrêt de l'exploitation minière.

Ce n'est pas par mauvaise volonté que nous affirmons cela, monsieur le ministre, mais parce que les communes minières sont déjà très largement mises à contribution pour entretenir les voiries et les friches charbonnières abandonnées sur nos communes, et surtout pour tenter d'apporter des solutions à ce chômage massif dû au manque de conversion.

Je vais aborder maintenant un sujet qui préoccupe grandement les anciens mineurs, mais aussi leurs veuves et leurs ayants droit, à qui l'Etat a promis, à juste titre, de garantir le statut du mineur jusqu'à la fin de leurs jours. Le problème des ayants droit se posera encore pendant trente à quarante ans !

L'Etat a le devoir de leur garantir la retraite, la gratuité du logement et les indemnités de chauffage. La création, par la loi du 3 février 2004, de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs apporte une première réponse.

Une autre question taraude cependant nos populations minières : celle, épineuse, de la santé.

C'est une question d'autant plus importante que nous nous adressons ici à une population vieillissante qui, en moyenne, dépasse largement les soixante-dix ans et qui nécessite des soins spécifiques, plus nombreux, plus spécialisés que le reste de la population.

Depuis sa création, la sécurité sociale minière s'est dotée d'un vaste réseau d'équipements de santé, d'hôpitaux, de dispensaires, de caisses de secours, de pharmacies, de cabinets dentaires et médicaux.

Ce système qui, certes, comporte quelques imperfections, a l'immense mérite d'assurer l'intégralité de la gratuité des soins pour les ayants droit.

Aujourd'hui, la disparition programmée de la sécurité sociale minière n'est pas sans inquiéter très fortement les populations concernées, même si l'on affirme aux ayants droit que ce changement ne remettra pas en cause la gratuité dont ils bénéficient.

Il n'en demeure pas moins que de nombreuses questions méritent des réponses, notamment celle du devenir des personnels de santé affectés à la sécurité sociale minière ou encore du devenir du gigantesque parc d'équipements sanitaires des houillères.

Sur la question de la gratuité des soins pour les ayants droit, je tiens, quitte à me répéter, à rappeler qu'il s'agit d'une population vieillissante, qui nécessite des soins nombreux et spécialisés et qui dispose de ressources très limitées et très modestes.

Cette population bénéficiera bientôt de la carte Vitale et elle pourra choisir librement un médecin. Or, jusqu'à ce jour, les installations de la sécurité sociale des mines permettaient d'assurer la gratuité des soins, tandis que, demain, les visites chez le médecin libéral, chez le spécialiste, les examens radiologiques, les hospitalisations risquent de contraindre les ayants droit à faire l'avance des frais, à acquitter les dépassements d'honoraires.

Pour ces personnes aux revenus modestes, cela risque de constituer un frein important à la possibilité qui leur sera offerte de se soigner.

La gratuité des soins devrait leur donner le statut de malade pris en charge à 100 % par la sécurité sociale ; sinon, qu'on le veuille ou non, il s'agira d'un recul pour les avantages acquis par la corporation minière.

Le problème des pharmacies des mines est également important. Celles-ci n'entrent pas, bien que l'on ait laissé supposer le contraire, dans le numerus clausus. Les ayants droit pourront donc se rendre dans la pharmacie de leur choix. Or, selon les estimations les moins pessimistes, les pharmacies affiliées à la sécurité sociale minière enregistreront une perte de chiffre d'affaires évaluée entre 50 % et 60 %, puisque les pharmacies des houillères ne pourront pas délivrer de médicaments aux bénéficiaires du régime général.

Les excédents générés par ces pharmacies permettaient de financer les autres oeuvres de la sécurité sociale minière ; la forte diminution de ces excédents aura donc une répercussion quasi mécanique sur l'ensemble des équipements de santé.

J'en arrive à ma dernière question.

Les régions minières, en l'occurrence le Nord - Pas-de-Calais, sont sous-dotées en équipements médicaux et très mal loties en matière non seulement d'équipements sanitaires, mais également de médecins spécialistes, de professeurs de médecine, de chirurgiens. Il serait insupportable d'aggraver encore cette situation par la disparition des équipements médicaux du régime minier !

Tous ces personnels, de l'infirmière au médecin, du pharmacien au dentiste, doivent absolument continuer à exercer dans les régions concernées.

Quant aux équipements - je pense à certains dispensaires, à certaines caisses de secours -, ils doivent eux aussi subsister. Ils peuvent être utilisés pour la médecine préventive, la médecine scolaire ou la médecine du travail.

La corporation minière mérite toute l'attention de l'Etat ; elle a non seulement contribué à relever le pays au lendemain du second conflit mondial, mais elle a également participé à son essor économique. Aujourd'hui, en retour, elle a droit à une juste compensation de l'Etat.

De même, les communes minières sinistrées par un taux de chômage endémique, avec des finances locales qui sont parmi les plus faibles de France, ont besoin du soutien de l'Etat pour faire face au problème de la gestion de l'après-mine, dont personne à ce jour ne mesure les conséquences.

Enfin, pour conclure, je tiens à remercier la presse régionale, qui nous a aidés à populariser ce dossier et ses enjeux

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

Monsieur le ministre, à mon tour je vous poserai une série de questions. Afin de respecter l'ordre chronologique dans lequel elles se sont posées, je commencerai par le bassin ferrifère et par l'ennoyage.

Vous connaissez notre position sur cette question. Depuis le début, les socialistes - qu'ils aient été au pouvoir ou, comme c'est le cas aujourd'hui, dans l'opposition -, ont toujours souhaité la poursuite de l'exhaure. En effet, cela permettra d'identifier tous les problèmes et de mener des travaux de consolidation indispensables à la sécurité des personnes et des biens dans certaines galeries. Ces travaux sont techniquement réalisables.

Le Gouvernement aurait - ou a, je ne sais pas - décidé d'ennoyer les mines de fer au plus tard au mois de novembre 2005. Bien qu'opposé à cette échéance, le conseil régional de Lorraine, que je préside, a accepté de cofinancer le coût du pompage, tout en souhaitant que la décision du Gouvernement soit réversible.

L'arrêté préfectoral du 21 juillet 2004 prescrit à la société Arbed de prendre des mesures propres à éviter toute remontée des eaux, notamment à l'intérieur de l'ex-concession de Bassompierre. Mais, d'après les récentes informations dont nous disposons, monsieur le ministre, l'entreprise serait sur le point d'arrêter deux pompes situées à Audun-le-Tiche.

L'Etat a-t-il donné son accord ? Dans ce cas, pourquoi n'en a-t-il pas informé les populations et les collectivités territoriales ?

Dès lors, on peut se demander si l'arrêt de l'exhaure est déjà programmé et quelles sont les mesures envisagées pour prendre en compte l'impact hydrologique de cet arrêt.

Le Gouvernement est-il favorable à ce que les missions de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers soient élargies à la gestion des équipements de surveillance des risques miniers, prévue aux articles 92 et 93 du code minier ?

Cela m'amène à vous demander ce que devient cette agence, qui ne se réunit plus. A-t-elle un avenir ?

La société Arbed dispose encore de quatorze concessions. La procédure de renonciation, que vous connaissez, est un enjeu fondamental au regard de la prise de responsabilité pour les dégâts potentiels et les procédures d'indemnisation. L'exemple de Roncourt doit malheureusement être mis en avant à cet égard.

J'ai demandé à M. le préfet de région, par lettre du 29 juillet 2004, de bien vouloir m'informer de la situation administrative exacte de ces anciennes concessions. Nous sommes au mois de novembre, et je n'ai pas encore reçu de réponse. Je souhaite donc que vous puissiez intervenir pour que j'obtienne rapidement des réponses à mes questions.

La situation des sinistrés a été évoquée par Philippe Leroy. On connaît l'interminable feuilleton des indemnisations ; après moult expertises, contre-expertises, les sinistrés parviennent, au mieux, à se faire rembourser 71 % de leurs biens, ce qui est insuffisant quand on connaît la valeur actuelle d'une maison sur le marché immobilier.

L'Etat va-t-il enfin - et cela vaut pour vous, monsieur le ministre, comme pour les autres - tenir compte de l'intention du législateur qui, il y a quelques années, a clairement indiqué que les sinistrés ne devaient subir aucune perte de valeur sur leurs biens ? Voulez-vous, aujourd'hui, étendre la réparation des dégâts à l'ensemble de la propriété ? En effet, les nombreux dégâts subis par les dépendances, les garages, les terrains ne sont pas pris en compte.

La question de l'indemnisation des commerçants et des artisans pour leurs biens professionnels se pose également.

L'Etat entend-il par ailleurs traiter la totalité des sinistrés - identifiés comme tels - depuis 1994, puisque actuellement seuls les problèmes survenus après 1998 sont pris en compte ?

Je reprends là une interrogation soulevée à l'instant par Philippe Leroy sur ce sujet et, comme j'ai la faiblesse de penser que ce débat est assez bien organisé entre l'auteur de la question orale et le ministre qui va lui répondre, ...

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie

Ne vous avancez pas trop !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

...j'imagine que, s'il a posé la question, c'est que la réponse est probablement positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

Nous attendons donc votre réponse sur ce sujet puisque, ainsi qu'il a été dit, cette différence de traitement provoque un sentiment d'injustice qui détériore le climat de confiance absolument nécessaire pour aborder des questions aussi fortes et douloureuses, tant collectivement que personnellement.

Après Mme Fontaine, monsieur le ministre, vous avez annoncé une nouvelle procédure d'indemnisation lors du débat à l'Assemblée nationale. Qu'en est-il ?

L'absence de consolidation dans les zones à risque - zones déterminées par vos services - signifie-t-elle que l'exemple de Fontoy en matière d'indemnisation deviendra la règle pour les victimes confrontées à une même situation ? Si tel est le cas, pouvez-vous nous préciser les moyens financiers que l'Etat mettra en oeuvre ?

Pour ce qui est des collectivités territoriales, les communes, on le sait depuis longtemps, ne sont pas traitées équitablement dans cette affaire. Un effort de prise en charge des travaux résultant des dégâts occasionnés aux biens communaux, qu'il s'agisse des bâtiments publics, des voiries ou des réseaux d'assainissement, est donc nécessaire. Quel est votre avis sur ce sujet ? Quelles sont vos intentions ?

La loi du 30 mars 1999 a créé les plans de prévention des risques miniers, les PPRM. Ces plans imposent des servitudes d'urbanisme qui limitent l'urbanisation des secteurs touchés, mais ces contraintes ne donnent lieu à aucune indemnisation. Or ces servitudes ont des incidences fiscales pour les communes concernées : elles réduisent les bases de la taxe d'habitation, de la taxe foncière, et parfois même de la taxe professionnelle. Le Gouvernement est-il favorable à l'instauration d'une compensation pour ces collectivités territoriales ?

Dans le même ordre d'idées, il ne faudrait pas que le principe de précaution, auquel on doit naturellement souscrire, conduise les services - la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, notamment - à adopter une posture systématiquement restrictive. Dans certains cas un peu limites, en effet, il peut arriver que l'administration refuse la construction d'un abri de jardin, par exemple.

Si l'on veut vraiment que les PPRM soient efficaces, l'aléa minier doit être parfaitement connu, parfaitement qualifié et tout à fait réel. Or, actuellement, une zone non étudiée est systématiquement classée en zone rouge. La requalification urbaine constitue pourtant un levier essentiel du redéveloppement des communes, mais, à ce jour, l'insuffisance des crédits du FEDER ou l'usage de ces crédits lié à une insuffisance, voire à un gel des crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, freine la réalisation de plus de 50 millions d'euros de travaux, d'après nos estimations.

M. le préfet de la région Lorraine, préfet de la Moselle, a sollicité auprès de la DATAR une enveloppe supplémentaire de 12 millions d'euros.

En tant que président du conseil régional, je puis vous dire, monsieur le ministre, que nous sommes prêts à accompagner cet effort supplémentaire, si vous l'acceptez. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à cette demande ?

J'ai évoqué le bassin ferrifère, sur lequel je reviendrai en conclusion à propos des questions industrielles.

Pour le bassin houiller lorrain, les problèmes sont identiques. Ces problèmes vont s'accroître, les risques sont les mêmes, les perspectives sont semblables, les inquiétudes sont vives. Les affaissements de terrain, dont on connaît les conséquences, sont une réalité.

Les experts du fonds de garantie - fonds que vous connaissez bien - sont très critiques aujourd'hui à l'endroit des interventions des houillères en ce qui concerne le relevage des bâtiments. Des rapports sont actuellement produits, et ces éléments d'information devraient être portés à votre connaissance pour vous renseigner le plus précisément possible sur la situation locale.

Par ailleurs, il apparaît d'ores et déjà que de nombreuses constructions dans ce secteur - je vise précisément le cas de Rosbruck, commune du bassin - auront les pieds dans l'eau après l'arrêt de l'exhaure, ce qui, vous l'imaginez bien, suscite de nombreuses inquiétudes.

Les exemples que je vous donne ont pour objet non pas d'attiser ces inquiétudes, mais de vous fournir des éléments d'information. En effet, le discours officiel perdrait toute consistance si, à un moment donné, les circonstances concrètes sur le terrain devaient le contredire. Et, en tout cas, ce discours ne suscite pas la nécessaire confiance que l'on doit créer pour surmonter de telles difficultés.

Un comité d'information sur l'arrêt de l'extraction charbonnière a été mis en place ; le conseil régional y siège. Je regrette que ce comité, dont le rôle n'est certes pas négligeable, se cantonne aujourd'hui aux seuls aspects environnementaux.

Comme dans le bassin ferrifère, on peut s'interroger sur le niveau de transparence des procédures en cours. Il faut donc des expertises contradictoires, dont il est nécessaire d'assurer le financement. Il faut y associer les associations qui existent sur le terrain comme les collectivités territoriales, dont les préoccupations et les responsabilités sont au coeur de la vie quotidienne. Etes-vous favorable, monsieur le ministre, à ces deux demandes ?

Il y a aussi dans ce secteur du bassin houiller une autre interrogation : pourquoi l'étude ANTEA-INERIS sur les conséquences de l'arrêt de l'exhaure n'est-elle pas rendue publique ? Dès lors que les conclusions d'une étude ne sont pas livrées à l'opinion publique, aux associations, aux élus, c'est-à-dire à l'interprétation, cela suscite une interrogation, qui, vous le savez, n'est jamais positive. La meilleure façon de faire taire ces inquiétudes serait donc de publier cette étude !

D'autres questions se posent.

Ainsi, quel est l'impact sur les nappes phréatiques des cendres utilisées pour la consolidation des zones à risques et la stabilisation des terrains ?

Le 12 juillet 2004, toujours par courrier, j'ai demandé à M. le préfet à être informé sur les éventuels travaux souterrains irréversibles qui auraient déjà été réalisés par Charbonnages de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

M. Jean-Marc Todeschini. Vous lui écrivez souvent !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

En effet, j'écris souvent à M. le préfet, monsieur Todeschini. J'ai d'ailleurs remarqué que vous le faisiez aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

C'est une marque de confiance à laquelle il sera sensible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

Nous interpellons notre préfet de région en supposant qu'il dispose de plus d'éléments que nous sur un certain nombre de sujets...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

...et nous attendons avec impatience les réponses qui peuvent nous être apportées.

La loi du 3 février 2004 prévoit la création d'un établissement public à caractère administratif, l'Agence nationale pour la garantie des droits sociaux des mineurs.

Les droits couverts par cette garantie, qui s'étend à l'ensemble des agents des entreprises des filiales minières et à leurs ayants droit, devaient être précisés dans un décret. D'où ma question, déjà posée par plusieurs des intervenants précédents : pouvez-vous nous confirmer l'engagement pris devant l'Assemblée nationale selon lequel a été fixé au 1er janvier 2005 le caractère opérationnel de l'agence ?

Dans le domaine social, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Je prendrai deux exemples parmi d'autres.

Les agents des mines ou leurs ayants droit sont traditionnellement logés dans un parc immobilier relevant des anciens exploitants. Ce patrimoine est en cours de restructuration. Le Gouvernement prévoit-il la signature de conventions entre l'agence nationale et les bailleurs sociaux afin de répondre aux besoins des agents logés et aux besoins d'adaptation de l'ancien patrimoine ?

Par ailleurs, une question grave, complexe - et qui, je vous l'accorde, n'a pas été résolue par le gouvernement précédent -, concerne les conséquences du décret du 3 mai 2002, qui a permis de corriger partiellement l'écart entre les retraites minières et celles du régime général.

En effet, les mesures de revalorisation de ce décret ne concernent que les mineurs ayant liquidé leur retraite après 1987. Il pénalise, par conséquent, les mineurs qui ont pris leur retraite avant cette date, donc les mineurs des anciens bassins.

Le Gouvernement peut-il remédier à cette inégalité en attribuant des trimestres supplémentaires aux mineurs ayant liquidé leur retraite avant 1987 ? Je fais ici écho à une question récurrente, mais je connais l'origine de cette situation.

Pendant très longtemps, monsieur le ministre, les activités d'exploitation minière en Moselle et en Meurthe-et-Moselle - ainsi qu'en Meuse, d'ailleurs - ont eu un rôle économique et social déterminant, contribuant à l'essor de la région et à celui du pays tout entier.

La question à laquelle nous sommes tous confrontés, c'est celle de l'avenir industriel de ces secteurs, bassins ferrifères, bassins houillers, singulièrement mis en difficulté par la fermeture des mines de fer et la réduction des activités sidérurgiques, ainsi que par la fermeture des Houillères du bassin de Lorraine.

Vous avez vous-même annoncé à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, que la reconversion économique des anciens bassins continuerait d'être assurée.

Ce rappel de principe est naturellement nécessaire, mais il faut aussi le confirmer par des mesures concrètes et des financements appropriés.

Le bassin sidérurgique et ferrifère n'en a pas fini avec les difficultés. Il devra faire face à la fermeture annoncée - en tout cas par le groupe, ainsi qu'on a pu le lire dans la presse régionale - de certaines installations d'Arcelor : je pense à Hayange et ses hauts fourneaux ou à Seremange.

Comment l'Etat entend-il agir sur le groupe mondial Arcelor pour que celui-ci assume la plénitude de ses responsabilités face à cette situation, à cette histoire ? Quelles sont les propositions financières de l'Etat pour accompagner plus fortement les collectivités territoriales, notamment au moment où les fonds européens vont probablement nous faire défaut ?

Monsieur le ministre, le conseil régional est prêt à être un acteur efficace, déterminé, et à s'engager dans un partenariat avec l'Etat, les industriels, les agglomérations du pays thionvillois et, naturellement, le conseil général.

Au demeurant, cette question de l'avenir industriel, comme celle de l'avenir économique du bassin houiller, a fait l'objet d'une première rencontre, après mars 2004, que j'ai eue avec le président du conseil général de Moselle, notre collègue Philippe Leroy.

La question essentielle de la poursuite de l'industrialisation du bassin houiller est elle-même posée. Des efforts ont été faits dans le passé, des lignes budgétaires ont été ouvertes, elles existent encore. Hier, un premier coup de pioche a été donné pour l'installation d'une entreprise importante dans le bassin houiller. Tout cela est positif, mais l'effort doit être amplifié. Il faut que, collectivement, nous nous engagions pour prendre en compte ces phénomènes d'industrialisation, de développement économique, de qualité de la formation, etc. Et cela doit se faire autour d'éléments stratégiques qui doivent être déterminés pour l'avenir.

Il existe aujourd'hui un instrument qui fonctionne dans le secteur du bassin houiller, c'est l'AGEM, agence de développement à laquelle participent le conseil régional et le conseil général et qui regroupe en outre l'ensemble des intercommunalités du bassin depuis Kreutzwald jusqu'à Bitche. C'est extrêmement intéressant ! En outre, dans cette zone transfrontalière, existe un euro-district entre la Lorraine, la Moselle et la Sarre.

Tous ces aspects doivent nous permettre de définir collectivement des éléments stratégiques, notamment les responsabilités de chacun. Quelle est la part de l'Etat, celle du conseil régional, du conseil général, des chambres de commerce et d'industrie, des chambres des métiers et des collectivités, sans oublier les industriels, qui doivent également être associés à la définition de ce schéma de développement économique ?

Telles sont les nécessités auxquelles il faut répondre. Les élus socialistes - mais les autres aussi, je n'en doute pas - sont prêts, comme l'ensemble des collectivités, à s'engager pleinement.

Monsieur le ministre, le dossier de l'après-mines est loin d'être clos. Il appelle de la part de l'Etat un engagement politique et financier volontaire et important. Des réponses sur tout ou partie des questions que j'ai eu l'honneur de vous poser permettraient peut-être aux Lorrains de se faire une vision un peu plus précise d'une part de leur avenir collectif et apaiseraient leurs inquiétudes personnelles.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier notre collègue Philippe Leroy d'avoir pris l'initiative de demander au Gouvernement l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de cette question orale avec débat sur la gestion de l'après-mines. Le besoin s'en faisait sentir !

Je ne partage pas le pessimisme de M. Coquelle. Certes, nous aurions préféré qu'un plus grand nombre de nos collègues assistent à cette discussion, mais ces quelques instants partagés avec le Gouvernement nous permettront de confronter, sur ce sujet, notre expérience de femmes et d'hommes de terrain, de poser nos questions directement au ministre et, je l'espère, d'obtenir les réponses. C'est une bonne façon de procéder.

Bien que le déclin du charbon et du fer lorrains ait été pressenti depuis plus de 25 ans, force est de reconnaître que la gestion de l'après-mines a tardé. Les choses se sont accélérées depuis une dizaine d'années. J'ai le souvenir d'avoir participé en juillet 1994, en tant que ministre de l'industrie, au premier débat consacré à ce sujet. Il avait notamment permis de mettre fin à la clause d'exonération, privilège discriminatoire qui privait les mineurs et les anciens mineurs de tout droit de recours contre le vendeur de leur maison lorsqu'ils s'en rendaient propriétaires.

Ce fut la première étape d'une longue marche scandée par le pacte charbonnier d'octobre 1994 et par des décisions du gouvernement que vous souteniez, chers collègues de l'opposition. Je pense à la loi de 1999 dont le décret d'application avait quelque peu tardé, suscitant chez notre collègue député de Meurthe-et-Moselle, M. Le Déaut, un peu de déception et d'amertume.

La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, défendue, monsieur le ministre, par votre collègue Mme Bachelot, a permis de traiter les mécanismes d'indemnisation des propriétaires touchés par des dégâts miniers antérieurs au 1er septembre 1998. La demande de Philippe Leroy est pleine de bon sens, même si j'en mesure le coût.

Monsieur le ministre, vous avez été amené, à deux reprises, à traiter du sujet de l'après-mines.

Vous le connaissez aujourd'hui comme ministre délégué à l'industrie. A cet égard, nous avons pu mesurer, par votre engagement personnel lors de la manifestation qui a eu lieu au mois d'avril dernier - dans mon esprit, il s'agissait non pas d'une fête, mais simplement d'un hommage - combien la culture minière a marqué et marquera durablement notre pays. Il s'agit non seulement des paysages, du patrimoine immobilier, mais également, et surtout, de la culture des femmes et des hommes de ces bassins miniers.

Vous aviez découvert ce problème, je m'en souviens très précisément, lorsque, en charge de l'aménagement du territoire, vous aviez accepté un certain nombre de mesures liées à la mise en place, notamment, du volet après-mines du contrat de plan Etat-région. Je fais allusion à la Lorraine, car je n'ai aucune compétence en ce qui concerne le Nord - Pas-de-Calais, même si je ne manque pas d'estime à l'égard de cette région.

Mon intervention sera brève dans la mesure où, d'une part, je fais miennes les questions posées par Philippe Leroy et où, d'autre part, la présentation faite par Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional, de la situation de la Lorraine, ne peut que susciter mon approbation. C'est exactement le diagnostic que posent aujourd'hui les Lorrains de l'application des mesures après-mines et surtout, parfois, de l'absence de mesures.

Je rappellerai deux points concernant les personnes et les territoires et j'ouvrirai un débat que vous aurez, monsieur le ministre, la responsabilité de trancher dans les mois à venir

S'agissant des personnes, on sait que la sécurité sociale minière est en voie de disparition. Mais il y a sans doute des leçons à tirer, des exemples à retenir, car certaines particularités de ce système mériteraient d'être étendues.

Par ailleurs, en ce qui concerne la mise en place rapide de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, je suis persuadé que vous vous y employez, monsieur le ministre, mais l'on est plus serein lorsqu'une chose est faite que lorsqu'on l'attend.

M. le ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Pour ce qui est de la mobilisation effective du fonds de garantie mis en place dans la foulée de la loi de 2003, certains esprits malveillants soutiennent que l'offre crée la demande et que, à partir du moment où un fonds existe, des gens se manifestent. Eh bien ! cela ne me choque nullement que des personnes qui avaient perdu courage dans cette lutte du pot de terre contre le pot de fer reprennent espoir. L'objectif du législateur était précisément de redonner confiance à des particuliers isolés qui avaient le sentiment que la défense de leurs droits était un combat perdu d'avance.

Certes, ce dispositif a un coût, mais auparavant supporté par les particuliers, il sera désormais mutualisé. Cette démarche est légitime !

En ce qui concerne les territoires, je poserai deux questions et je formulerai une suggestion.

Tout d'abord, s'agissant de Charbonnages de France, dont nous savons que son intervention prendra juridiquement fin le 31 décembre 2007, avons-nous aujourd'hui une vision d'ensemble des taux de réalisation effective des cessions et des remises en ordre effectives des friches industrielles ? Sur le terrain, nous avons quelques inquiétudes en la matière. Vous seul, monsieur le ministre, pouvez nous donner des informations à ce sujet.

Ensuite, pour ce qui est de la reconversion industrielle, on annonce une très forte diminution des crédits du fonds européen de développement régional, le FEDER, à la fin de l'année 2006. Or nous savons - et c'est particulièrement le cas en Lorraine - que près de la moitié des dépenses publiques engagées au titre du volet après-mines du contrat de plan était financée par des crédits européens, lesquels ont vocation à diminuer d'une façon drastique. On en comprend les raisons et je ne vais pas rouvrir à cet instant le débat sur les crédits européens. Mais quel type de soutien pouvons-nous espérer, sachant qu'en matière d'avenir industriel le pire n'est pas toujours sûr ?

Je citerai l'exemple de la cokerie de Carling : condamnée voilà deux ans, aujourd'hui reprise par un groupe allemand, cette société connaît, du fait de la forte demande chinoise en acier et en coke, une activité stable, dont les perspectives à moyen terme sont sécurisées.

Il est urgent de mettre en place les PPRM dans le bassin ferrifère lorrain. Ce bassin est sans doute celui qui a vécu dans le plus grand désordre la reconversion liée à l'après-mines, peut-être parce que la conjonction des difficultés économiques et des problèmes techniques y a été la plus forte. Or nous sommes aujourd'hui dans une situation paradoxale : pour des raisons tout à fait imprévisibles, le bassin ferrifère du nord de la Moselle et du pays haut de Meurthe-et-Moselle connaît aujourd'hui une demande immobilière qui est essentiellement due aux transfrontaliers.

Les maires des communes minières, qui étaient, il faut bien le reconnaître, découragés, reprennent espoir. Mais lorsqu'ils s'adressent aux services de l'équipement pour élaborer les documents d'urbanisme, ils se voient opposer la classification en zone rouge dès lors que le PPRM n'est pas établi.

Une course de vitesse est engagée, mes chers collègues ! Comment optimiser le bien rare qu'est l'argent du contribuable ? Sans doute faut-il accélérer la publication des PPRM plutôt que de prolonger indéfiniment la lutte contre l'ennoyage des mines, technique qui est certes légitime à court terme, mais coûteuse. Mieux vaut investir cet argent du contribuable dans des actions positives dès lors que l'on connaît les lieux constructibles, peut-être pas définitivement, mais au moins avec une certaine prévisibilité.

Par conséquent, l'accélération de la parution des PPRM, notamment dans la partie nord du bassin ferrifère, est indispensable.

Monsieur le ministre, ce jeu de cache-cache entre la fin des eaux d'exhaure et la parution des PPRM pourrait parfois nous faire craindre, sinon que l'Etat joue un double jeu - je ne peux le croire ! - du moins que l'action, d'une part, des DRIRE, d'autre part, des DDE ne soit équivoque, et ce au détriment du contribuable.

Il importe donc que les élus et les fonctionnaires de l'Etat établissent des règles de bonne coopération et de confiance.

J'en arrive à ma suggestion. Nous savons que Charbonnages de France disparaîtra le 31 décembre 2007 et qu'un établissement public prendra sa suite. Il s'agira vraisemblablement du bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, même si aucune décision publique n'est encore intervenue.

Monsieur le ministre, ne serait-il pas opportun de réfléchir avec les élus aux moyens d'associer un bras séculier, le BRGM, à la nécessaire coopération de l'Etat avec les collectivités locales pour décliner sur le terrain les politiques après-mines?

Les élus de ces territoires se réjouissent de l'existence d'une volonté nationale en matière d'après-mines. La solidarité financière est une réalité ! Cependant, chaque territoire est spécifique. Par exemple, en Lorraine, il existe un bassin ferrifère et un bassin charbonnier. Les problèmes rencontrés ne sont donc pas tout à fait les mêmes, mais les leçons des uns peuvent être utiles aux autres.

Le remplacement de Charbonnages de France par un établissement public devrait nous permettre de disposer d'un bras séculier unique, lieu de convergence des savoir-faire de l'après-mines. Je souhaite qu'il soit doublé d'une instance d'orientation associant l'Etat, sans lequel rien n'est possible, et les collectivités locales, qui sont proches du terrain.

Vous me direz que c'est un peu le rôle de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers. Ayons une vision plus globale ! Installons une autorité qui garantisse la présence d'un interlocuteur compétent, stable dans le temps et ouvert aux collectivités locales. Elle associerait ces dernières à l'Etat pour mener le combat de la revalorisation des territoires confrontés à la gestion de l'après-mines, lequel réclame confiance, compréhension, concertation et coordination.

Les collectivités locales ont la passion des territoires dont elles ont la charge !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà dix mois, nous avons adopté le projet de loi portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines. Dans sa réponse, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie de l'époque, s'était engagée à suivre personnellement l'élaboration des décrets. Or force est de constater aujourd'hui que cette Agence n'est toujours pas en place, alors que l'urgence est toujours plus grande.

Depuis l'examen et l'adoption de ce texte par le Sénat, toutes les mines de charbon ont cessé leur production en France, la Lorraine ayant arrêté toute activité de production le 23 avril 2004.

La gestion de l'après-mines, à laquelle il est impératif de faire face dans les plus brefs délais, est un dossier éminemment complexe. Je remercie d'ailleurs Philippe Leroy d'en avoir exposé les principaux aspects : reconversion économique et sociale des bassins touchés par la cessation des activités minières, pérennisation des droits des mineurs et de leurs ayants droits, risques de sinistres miniers, disparition des exploitants miniers.

A ces éléments, il faut ajouter les questions de l'eau et de la dévolution à l'Etat des installations de sécurité, la conservation des archives de l'exploitation minière et leur utilisation dans une perspective de sécurisation des opérations futures d'aménagement et de développement urbains dans des zones à très forte densité de population.

A l'heure actuelle, les anciens exploitants assurent encore la sécurisation et la surveillance des sites d'extraction. Toutefois, à terme, ces missions seront transférées à l'Etat, conformément aux dispositions du code minier.

Compte tenu des délais impartis, l'Etat doit rapidement engager une concertation avec les élus locaux sur l'après-mines, afin de régler ces problèmes ou, tout au moins, d'en prévoir les conséquences. Il ne faudrait pas qu'à la fin de l'année 2007, au moment de la fermeture de Charbonnages de France, nous n'ayons pas été en mesure de prévenir les conséquences de la fin de la période minière et d'assumer toutes les obligations qui en découlent.

En tant qu'élu du Pas-de-Calais, je tiens à rappeler combien les acteurs locaux sont confrontés à des situations dégradées, et ce à tout point de vue. Je tiens cependant à souligner certaines des avancées qui ont été accomplies au cours des dernières années.

Tout d'abord, la loi du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en cas de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers a clarifié les responsabilités respectives de l'ancien exploitant et de l'Etat en la matière et a posé les bases légales et réglementaires du dispositif public de l'après-mines, c'est-à-dire la présomption de la responsabilité de l'exploitant pour les dommages causés par son activité.

Cette procédure, qui représente un progrès louable, doit cependant être complétée par un volet « prévention » plus complet que celui qui est prévu dans le dispositif actuel. Les compétences de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers sont en effet limitées et les conditions d'élaboration des plans de prévention de ces risques pourraient être révisées, ne serait-ce qu'au regard des charges financières que ces plans font peser sur les collectivités locales.

C'est pourquoi la question de la conservation des archives des exploitants miniers est cruciale. J'aimerais connaître, monsieur le ministre, la solution que vous envisagez d'apporter à ce problème.

Les problèmes sociaux nés du déclin de l'activité minière constituent un autre enjeu capital. Le Pacte charbonnier du 20 octobre 1994, exemplaire à bien des égards, a fixé un cadre sécurisant pour les anciens mineurs. Il prévoit ainsi que tout agent de Charbonnages de France aura le droit de poursuivre sa carrière dans le groupe jusqu'à ce qu'il puisse bénéficier d'une mesure d'âge. Le Pacte social a en outre prévu qu'il n'y aurait pas de licenciements destinés à gérer les sureffectifs et qu'inversement il n'y aurait pas d'embauches.

Par ailleurs, un protocole du 11 février 2003 a créé, pour les mineurs âgés de 43 à 45 ans, une dispense préalable d'activité, qui leur assure 85 % de leur salaire antérieur, sans modifier le dispositif des congés charbonniers de fin de carrière.

Toutefois, l'Agence nationale pour la garantie des droits de mineurs n'est toujours pas créée, ce qui instaure un climat d'incertitude pour nombre de mineurs. Or, lors de l'examen de cette mesure, tous les intervenants avaient souligné l'importance et l'urgence de ce dispositif. Par conséquent, monsieur le ministre, je ne peux que déplorer le retard pris en la matière et je souhaite que celui-ci soit comblé rapidement.

Enfin, j'évoquerai le problème de la reconversion économique des bassins miniers. Pendant plus d'un siècle, les bassins miniers ont permis le développement économique et l'industrialisation de la France. Désormais, ces zones sont caractérisées par un taux de chômage élevé et par une grande difficulté à mettre en place une reconversion économique.

Dans la région Nord-Pas-de-Calais, une mission « bassins miniers » a été créée par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 15 décembre 1998. Cette mission intervient à la demande des structures intercommunales sur les problèmes liés aux séquelles de l'extraction charbonnière, qui nécessitent une requalification urbaine importante.

Seules, les collectivités locales ne peuvent faire face à ces problèmes. Nous souhaitons donc que l'Etat s'engage à continuer à apporter son concours à cette reconversion.

Cependant, plusieurs outils d'aide à la reconversion de ces zones sont à la disposition des entrepreneurs, et en premier lieu le fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, dont les interventions visent à créer ou à améliorer l'environnement des entreprises de façon à favoriser l'implantation industrielle. Je déplore, monsieur le ministre, que les crédits de ce fonds soient en diminution dans le projet de loi de finances pour 2005, qu'il s'agisse des autorisations de programmes ou des crédits de paiement.

Les programmes soutenus par le FIBM concernent, notamment, l'aménagement de terrains et de locaux industriels, la reconquête de friches, la création de centres de transfert de technologie. Tous ces programmes risquent de souffrir de cette réduction de crédits.

Ce fonds n'a pas vocation à apporter une aide directe à l'entreprise et son intervention est complétée par la contribution financière apportée par les sociétés de reconversion. Dans le Nord-Pas-de-Calais, c'est la Financière du Nord et du Pas-de-Calais, la FINORPA, créée en 1984 sur l'initiative de l'Etat et actuellement présente dans 650 entreprises, qui joue ce rôle. Or son avenir est toujours incertain. Je souhaite donc que sa situation soit totalement clarifiée.

Monsieur le ministre, nous sommes à quelques jours du vingtième anniversaire du coup de grisou de Liévin. Ces questions inquiètent ceux qui résident encore dans les anciens bassins miniers. A l'instar d'Yves Coquelle, je remercie la presse locale et régionale d'avoir fait un large écho à ce débat.

Petit-fils et fils d'ouvrier et d'employé des mines, né dans un coron minier, je suis, comme des milliers de mineurs, des centaines de milliers d'anciens mineurs et d'ayants droit, dans l'attente d'un engagement clair de l'Etat concernant l'après-mines, sur les plans juridique et financier, qui ne laisse pas comme un goût de cendres à ceux qui ont tant donné pour extraire le charbon.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile d'ajouter quoi que ce soit à ce qui a été dit, et ce n'est pas dans les cinq minutes qui me sont imparties que je pourrai entrer dans le détail du sujet. Aussi me contenterai-je de rappeler quelques grands principes.

Les questions liées à l'arrêt de l'exploitation minière sont posées depuis de nombreuses années par les collectivités locales, les associations de défense et les syndicats de mineurs, lassés de devoir répéter toujours et encore les mêmes arguments.

Avant de rappeler la réalité de l'après-mines, je souhaite réaffirmer ici solennellement le principe de la responsabilité des exploitants et de l'Etat.

Ce sont en effet les concessionnaires qui ont exploité les mines qui en ont tiré le bénéfice. Ils sont, de ce fait, les principaux responsables de l'état des lieux.

L'Etat, quant à lui, n'a pas bien joué son rôle de garant des bonnes pratiques d'exploitation minière. Il n'a pas su ou n'a pas voulu exiger réparation, notamment au moment des processus d'abandon de concession. Rappelons qu'il s'agissait d'une procédure établie, qui aurait permis de faire le nécessaire à ce moment-là. Voilà pourquoi nous en sommes là aujourd'hui !

Les termes « après-mines » recouvrent des situations bien différentes selon que l'on parle des Bouches-du-Rhône, de la Meurthe-et-Moselle ou du Pas-de-Calais, selon que l'on y extrayait du charbon, de la potasse ou de la minette, et selon l'emplacement du gisement, les techniques employées ou encore la période d'exploitation.

Autrement dit, le traitement du dossier de l'après-mines nécessite l'adoption d'une règle générale, équitable pour tous, et de solutions particulières adaptées à la diversité des situations.

Là encore, il est bon de rappeler certains principes élémentaires.

La réparation des dégâts et la juste indemnisation des victimes, quelle que soit la date des affaissements, constituent une nécessité absolue et un devoir moral au nom de la solidarité nationale.

Une fois pour toutes, il nous faut admettre que les salariés, les habitants et les collectivités, qui subissent les conséquences néfastes de l'exploitation minière dans leur santé, leur environnement et leurs biens, ne doivent pas, en plus, au travers de leurs impôts locaux, financer la réparation des dégâts et le pompage des eaux d'exhaure. C'est pourtant ce qu'on leur demande actuellement !

Je rappellerai maintenant les conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière, sans revenir sur son aspect social, déjà évoqué par mon ami Yves Coquelle. J'évoquerai simplement la question du rattrapage demandé par les syndicats de mineurs à propos des retraites. J'avais d'ailleurs déposé un amendement sur ce sujet lors de l'examen de la loi de finances.

La première conséquence est la désindustrialisation de régions entières, qui s'accompagne de la perte de très nombreux emplois et de revenus pour les collectivités locales.

Si des opérations d'implantation d'usines ont pu être ponctuellement réussies, le tissu industriel ne s'est pas vraiment reconstruit. Ainsi, dans de nombreux endroits, l'industrie automobile a été réintroduite. Or des motifs d'inquiétude subsistent : que se passera-t-il si, un jour, cette industrie se délocalise ?

Aujourd'hui, dans le projet de budget pour 2005, les crédits du fonds d'industrialisation des bassins miniers sont en baisse de 2 millions d'euros et l'avenir de ce fonds semble menacé. Peut-être pourrez-vous nous donner des éléments de réponse, monsieur le ministre !

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les fonds européens risquent de se tarir.

Deuxième conséquence de l'arrêt de l'exploitation minière : les affaissements. Qu'ils soient brutaux, progressifs ou résiduels, ils provoquent des dégâts considérables dans le patrimoine des particuliers et des communes. Or les procédures d'indemnisation des victimes sont beaucoup trop lentes et les sommes allouées restent insuffisantes. Il s'agit d'un véritable parcours du combattant.

Quant aux communes, elles se battent actuellement pour faire accélérer la mise en place des plans de prévention des risques miniers et pour obtenir que les règles de constructibilité leur laisse la possibilité de faire encore des projets.

Une ville, c'est vivant ! Si l'on ne peut à aucun moment modifier l'urbanisme, les villes vont mourir.

L'autre problème rencontré est celui du logement. Lorsque les logements des cités ouvrières sont rachetés par une société, ils ne sont plus comptabilisés dans le contingent des logements sociaux de la ville, laquelle se trouve donc pénalisée. Ainsi, Gardanne perd 450 logements sociaux. C'est un comble pour des cités minières qui accueillent beaucoup de familles défavorisées !

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

M. Gayssot n'y avait pas pensé !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Je ne pense pas que ce soit la bonne réponse, monsieur le ministre ! Il faut simplement considérer ces logements comme des logements sociaux.

Enfin - et c'est la troisième conséquence de l'arrêt de l'exploitation minière - l'ennoyage des mines fragilise davantage le sous-sol et interdit les travaux de consolidation des galeries sous les zones urbanisées.

Pourtant, dans le bassin ferrifère lorrain, l'Etat s'entête à vouloir ennoyer le dernier bassin qui ne l'est pas encore, malgré l'opposition des collectivités et de la population et les dégâts tout à fait prévisibles que ces travaux vont entraîner. Ce qu'il faut faire en premier lieu, c'est consolider !

Je vous mets en garde, monsieur le ministre : même si on fait parfois de l'humour en évoquant les Shadocks, dites-vous bien que les opérations de pompage des eaux d'exhaure ne font pas rire du tout ceux qui vivent juste au-dessus.

Pour conclure, je dirai, mes chers collègues, que les problèmes de l'après-mines se poseront partout, tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre : toutes les régions minières seront touchées. Notre objectif devrait donc être d'aider celles-ci à vivre convenablement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, à titre liminaire, rendre hommage à l'ensemble des professionnels de la mine pour le comportement exemplaire qu'ils ont adopté lors de la fin des activités d'extraction. Tous les acteurs ont eu, jusqu'au bout, une attitude particulièrement responsable dans un contexte effectivement douloureux.

Comme eux, j'y ai vu, non pas une fête, mais une célébration très émouvante et empreinte d'une grande dignité. De ce déplacement à La Houve, j'ai gardé, en effet, un sentiment très fort de dignité. J'ai également retenu la reconnaissance de la nation à l'égard de l'une des rares professions dans l'exercice de laquelle on peut trouver la mort.

En travaillant dans les mines, ces gens ont donné leur sueur, leur sang, leur souffrance pour la prospérité de notre pays, qu'ils ont alimentée pendant des décennies. Certains d'entre eux l'ont payé de leur vie. ! Les mineurs ont évidemment un très grand mérite.

La mine a constitué un très grand creuset d'intégration sociale. Des populations qui avaient quitté différents pays dans un état de grande détresse ont su, dans la mine, par leur travail et leur courage, nouer entre elles une solidarité et promouvoir des valeurs, qu'elles ont tenu à prolonger au travers de l'éducation de leurs enfants.

Dans la mine, on risque sa vie, et la vie de chacun dépend de l'attention de l'autre. La solidarité y est donc beaucoup plus forte que n'importe où ailleurs.

La qualité du travail des mineurs s'est retrouvée lors des opérations de reconversion. C'est pourquoi la reconversion dans d'autres activités a souvent été, sinon heureuse, du moins efficace : le caractère très exceptionnel des valeurs acquises dans la mine a particulièrement facilité ce grand moment. La plupart des industries ont apprécié les qualités professionnelles profondément ancrées des personnels reconvertis.

Le pacte charbonnier signé en 1994 avec les partenaires sociaux a permis d'organiser la fin progressive de l'exploitation charbonnière dans des conditions socialement acceptables et en facilitant la reconversion des régions minières.

Lors de mon déplacement à la Houve, le 23 avril dernier, vous avez fait part de vos préoccupations sur l'après-mines et j'ai bien volontiers accepté la proposition de M. Leroy de participer à ce débat.

J'ai entendu les différentes préoccupations que vous venez d'exprimer sur la gestion des conséquences, au sens large, de l'exploitation minière, notamment dans un contexte où la disparition des exploitants est désormais programmée. A ces questions légitimes, je souhaite apporter des réponses concrètes et opérationnelles.

Je vous précise toutefois d'emblée que, compte tenu de la multitude et de la complexité des domaines abordés mon propos souffrira peut-être de quelques carences. Je pallierai volontiers ces lacunes en répondant par écrit sur tel ou tel point précis.

Je témoigne également ma reconnaissance aux élus locaux pour leur sens des responsabilités. J'ai pris acte avec plaisir de l'accord de principe sur l'engagement du conseil régional comme du conseil général d'accompagner l'Etat chaque fois que cela sera nécessaire, dans des conditions qui restent naturellement à définir.

Je vous propose donc de structurer mon intervention en plusieurs volets : premièrement, les aspects techniques et de sécurité de la gestion de l'après-mines ; deuxièmement, l'indemnisation des dommages miniers ; troisièmement, les garanties en matière sociale ; enfin, quatrièmement, la revitalisation industrielle des bassins miniers. Sans prétendre à l'exhaustivité, du moins aurai-je traité l'essentiel.

J'aborderai donc d'abord la mise en sécurité, de manière pérenne, des anciens sites miniers.

A la suite des graves événements survenus en Lorraine à Auboué puis à Moutiers en 1996 et 1997, les pouvoirs publics ont modifié le code minier par la loi du 30 mars 1999. L'objectif était d'accompagner la disparition progressive des exploitants miniers d'une reprise par l'Etat de leurs responsabilités dès lors que leur défaillance ou leur disparition était constatée.

Les grandes institutions publiques du domaine se sont aussi mobilisées sur ces problèmes techniques. Cela a donné naissance à un pôle de recherche avec le GISOS et à un pôle d'expertise avec le GEODERIS.

La disparition programmée des deux opérateurs publics, d'ici à la fin de l'année 2007 pour Charbonnages de France, et au plus tard en 2009 pour les Mines de potasse d'Alsace, pose avec une nouvelle acuité ce problème de l'organisation institutionnelle de l'après-mines.

J'ai entendu vos interventions et vos préoccupations. Ma réponse d'ensemble se veut très claire et sans ambiguïté : la disparition des exploitants ne devra, en aucune façon, se traduire par un déficit dans la maîtrise des risques et des travaux de sécurité liés à l'après-mines.

J'en prends l'engagement : les financements nécessaires pour la réalisation de l'après-mines technique seront assurés.

Un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des mines, que j'ai rendu public, attirait l'attention sur quatre points principaux, qui sont au centre de cette question : les missions et les formes juridiques de l'entité en charge des fonctions opérationnelles liées à la mise en sécurité des mines ; les modalités des installations hydrauliques de sécurité ; les conditions de conservation des archives minières ; enfin, la mise en oeuvre des plans de prévention des risques miniers.

Sur le premier point, monsieur Longuet, l'option privilégiée est, comme le suggérait le rapport, de confier au Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, toutes les tâches opérationnelles qui incomberont à l'Etat du fait des anciennes mines.

A ce titre, le BRGM devra assurer la gestion des installations de surveillance des risques miniers et réaliser, pour le compte de l'Etat, la maîtrise d'ouvrage déléguée des travaux de mise en sécurité des sites.

En effet, la solution du BRGM présente des avantages en matière de souplesse de gestion, de coûts et d'optimisation des compétences. Ces dernières existent déjà et sont reconnues au sein de cet établissement. La réforme des statuts de cet établissement prévoit des aménagements dans ce but, à titre conservatoire.

J'insiste, monsieur Leroy, sur le fait que les missions opérationnelles de l'après-mines ne se limiteront pas, bien évidemment, pas au seul charbon. Il faudra aussi, bien sûr, porter l'effort sur les autres substances, notamment les mines de fer et les mines de sel, porteuses d'enjeux de sécurité très importants.

Même si le BRGM est un établissement national, la surveillance et les travaux de sécurité devront être menés là où peuvent survenir les difficultés, au plus près du terrain dans les régions concernées. De manière générale, le BRGM devra disposer sur place d'équipes significatives et à même d'être les interlocuteurs des décideurs locaux.

Parce qu'il paraît essentiel d'anticiper le plus en amont possible le transfert des compétences des personnels, sans attendre la disparition des exploitants, j'ai demandé au BRGM et à Charbonnages de France de créer, dès 2005, une mission de préfiguration pour élaborer, de manière concrète, le transfert des compétences et des installations concernées.

L'action de cette mission s'achèverait, monsieur Longuet, à la fin de l'année 2005 par l'établissement d'une convention qui serait signée entre le ministère de l'industrie et le BRGM.

Bien sûr, il est essentiel que la montée en puissance du BRGM sur ces questions ne s'accompagne pas d'une démobilisation, voire d'une déresponsabilisation des exploitants miniers actuels en ce qui concerne la mise en oeuvre des exigences de sécurité prévues dans le cadre des procédures de renonciation à concessions. Nous y veillerons particulièrement !

S'agissant du deuxième point - les installations hydrauliques de sécurité de pompage et de traitement des eaux - la solution la plus pertinente est, de prime abord, celle d'une reprise par les collectivités locales, moyennant la compensation des coûts de fonctionnement, conformément aux modalités prévues par le code minier.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

En effet, il s'agit d'installations hydrauliques, qui, sauf exceptions bien identifiées, ne nécessitent pas de compétence minière particulière et s'insèrent dans les schémas d'aménagement hydraulique locaux dont la responsabilité générale relève des collectivités locales.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

Compensation totale !

Néanmoins, dans le cas où les collectivités locales n'exerceraient pas le droit d'option sur ces installations prévu par le code minier, eh bien ! monsieur Coquelle, celles-ci seraient tout simplement prises en charge, à terme, par le BRGM.

Dans tous les cas, il me paraît nécessaire que les agences de l'eau puissent apporter leur soutien technique et financier dans ce cadre.

Pour ce qui est du troisième point - les conditions de conservation des archives minières - les archives des exploitants publics et les documents techniques que déposent les exploitants privés dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement au moment de l'arrêt des travaux miniers deviennent, à terme, des archives publiques. Et, conformément au code du patrimoine, leur conservation relève des services d'archives départementales sous le contrôle scientifique et technique des Archives nationales.

Dans les bassins fermés il y a quelques années, de nombreux versements ont déjà été effectués auprès des archives départementales, notamment dans le Centre-Midi et dans le Nord-Pas-De-Calais.

En Lorraine, l'ensemble des archives sont regroupées à Saint-Avold. Charbonnages de France va maintenant entreprendre le travail de tri et d'élimination avant de transférer les archives des anciennes houillères.

L'objectif, monsieur Leroy, est de transférer non pas des volumes importants de documents, mais ceux qui sont nécessaires à la sécurité et au renseignement minier. En cas de problème particulier, des formes d'associations entre l'Etat, l'ancien exploitant et les collectivités territoriales pourraient être envisagées. Je ne suis nullement hostile à la constitution d'un groupe de travail sur ces questions.

Bien sûr, l'exploitation à proprement parler de ces archives pour la réalisation d'études d'aléas miniers ou la mise en oeuvre de travaux de sécurité reviendra, quant à elle, au BRGM, dans le cadre de l'exercice des nouvelles missions qui lui seront confiées.

En même temps, je propose la mise en place d'une base de données nationale permettant la consultation rapide des documents sous forme numérisée.

Cette question des archives est cruciale : de nombreuses mines sont très anciennes. Seule la tenue d'archives à jour, facilement accessibles et exploitables, permet de garder la mémoire du sous-sol, qui conditionne la qualité de l'analyse des risques sur les zones concernées. Je réaffirme donc mon accord pour la création de ce groupe de travail.

Le dernier point concerne la mise en oeuvre des PPRM. Ces plans, tels qu'ils sont définis par la loi du 30 mars 1999, doivent permettre d'organiser le développement de l'urbanisme en proportionnant les contraintes d'urbanisme au niveau des risques identifiés.

J'attache une très grande importance au déploiement rapide de ces PPRM : ils sont une condition nécessaire au développement de l'aménagement foncier et à la revitalisation de ces régions minières. A défaut, une application aveugle du principe de précaution conduirait à geler purement et simplement l'urbanisme pour se prémunir d'un risque minier mal connu, mal identifié, et dont les éventuelles conséquences ne seraient pas suffisamment cernées.

Au total, à ce jour, neuf PPRM ont déjà été prescrits, en Lorraine, dans le Maine-et-Loire, dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans la Creuse. J'ai demandé, monsieur Leroy, que le bassin ferrifère lorrain, victime par le passé d'effondrements miniers, soit traité en priorité. Les cinq PPRM prescrits dans cette région font actuellement l'objet d'une concertation avec les communes concernées ; ils devront être finalisés au plus tard à la fin de l'année 2005.

Pour cela, et d'une façon générale pour les travaux de sécurité liés à l'après-mines, des moyens spécifiques ont été prévus et renforcés, en dépit d'un contexte budgétaire général plutôt difficile. Ainsi ces crédits, dont le montant s'établissait à 15, 8 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2004, sont portés à environ 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, soit une progression de plus de 25 %.

A l'expérience, cependant, la procédure d'élaboration de ces PPRM s'avère complexe et longue. Il faut donc répondre plus rapidement aux questions des populations et des élus des anciens bassins miniers sur les possibilités d'aménagement foncier des anciennes concessions minières. L'Etat va élaborer, d'ici à la fin de 2007, monsieur Masseret, des cartes des zones d'aléa et d'instabilité de terrain pour l'ensemble des sites miniers métropolitains. Cette démarche devrait accélérer la prise des décisions quant au devenir de terrains de couverture des anciens travaux miniers en rétrécissant les zones où l'existence de risques justifie effectivement la prescription d'un PPRM.

L'Agence de surveillance et de prévention des risques miniers, créée dans le cadre de la loi de 1999 relative à l'après-mines, a notamment un rôle consultatif et de « tierce partie » dans l'élaboration des plans de prévention des risques miniers. La montée en charge de l'élaboration de ces plans va renforcer ce rôle et l'importance de l'agence. De nouvelles instances dirigeantes seront très prochainement nommées, à la suite du départ du directeur général et de l'expiration du mandat électif du président.

Vous avez également évoqué de façon spécifique, monsieur Masseret, la question de l'ennoyage du bassin ferrifère nord-lorrain. Ma position sur le sujet est simple : il faut donner une priorité absolue à la sécurité des personnes, celle des habitants en surface des zones à risque d'effondrement brutal, bien sûr, mais aussi celle des personnels qui doivent intervenir au fond des galeries pour maintenir le dispositif de pompage en condition opérationnelle.

Un nouveau différé, au plus tard jusqu'à novembre 2005, a été accordé, le temps de procéder, par sécurité, à l'expropriation de la vingtaine de familles vivant dans la seule zone présentant un risque d'effondrement brutal identifiée dans le bassin, à savoir la commune de Fontoy, en Moselle. Ce différé fait l'objet d'un accord, pour son financement, entre la région Lorraine, le département de la Moselle et l'Etat.

J'ai également demandé que le plan de prévention des risques miniers concernant la zone d'ennoyage du bassin ferrifère nord-lorrain soit approuvé de façon prioritaire, et ce avant la fin de cette année. L'enquête publique relative à ce plan de prévention des risques miniers vient de se terminer. A ma connaissance, monsieur Masseret, aucune station de pompage n'a été fermée à Audun-le-Tiche, et l'Etat n'a donné aucun accord sur ce point.

Quant aux études INERIS-ANTEA, je peux vous dire qu'elles seront naturellement rendues publiques, dans le cadre d'ailleurs de la consultation des élus locaux, ainsi que le prévoit le code minier. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir, même si je comprends très bien le sens des propos que vous avez tenus : quand de tels documents ne sont pas publiés, cela donne naissance à de nombreux fantasmes, ce qui n'est jamais souhaitable.

Je souhaiterais maintenant m'exprimer sur la question des indemnisations.

Le risque minier constitue un traumatisme pour des communes entières et leurs habitants. Je suis bien évidemment attaché à ce que les dommages d'origine minière soient indemnisés de façon équitable, juste et rapide.

A cet égard, la loi du 15 juillet 1994 a posé le principe général de la responsabilité de l'exploitant pour les dommages causés par son activité. La loi relative à l'après-mines du 30 mars 1999 a précisé l'étendue de cette responsabilité. Elle a prévu également la garantie de l'Etat en cas de défaillance ou de disparition du responsable et sa subrogation dans les droits des victimes à l'encontre du responsable.

Toutefois, la lenteur des procédures judiciaires a conduit le Gouvernement à proposer la mise en place d'un dispositif de fonds d'avance sur recours permettant de réduire drastiquement les délais d'indemnisation et d'éviter que les sinistrés ne fassent les frais de procédures contentieuses particulièrement longues.

Cette nouvelle procédure, créée par l'article 19 de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et par le décret du 22 avril 2004 pris pour son application, doit permettre, compte tenu de son application rétroactive aux dommages survenus à compter du 1er septembre 1998, de régler notamment la situation des victimes de Roncourt non bénéficiaires du régime d'indemnisation par l'Etat.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

Le fonds de garantie est désormais opérationnel et procède, avec ses experts, à l'étude et à l'évaluation des demandes qui lui ont été récemment soumises. Je constate avec satisfaction que le fonds a été immédiatement opérationnel et a mis en oeuvre les moyens nécessaires pour faciliter l'indemnisation rapide des dommages.

En Lorraine, tous les sites où sont apparus des dommages ont été reconnus. Plus de 180 visites ont été effectuées par les experts mandatés par le fonds. Les premières indemnisations ont été versées aux victimes de Roncourt, et la grande majorité des cas auront été examinés par le fonds d'ici à la fin de l'année. J'ai pris bonne note, monsieur Masseret, des éléments d'information particuliers que vous m'avez donnés tout à l'heure.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, les demandes ont été présentées en octobre. Les représentants du fonds rencontreront, dès le mois de décembre, les différentes associations et mettront en place l'organisation permettant de traiter les dossiers.

J'en viens, monsieur Leroy, à la question de la rétroactivité à l'année 1994 de l'indemnisation par le fonds de garantie. Cette question devra être examinée une fois que l'évaluation du coût correspondant aux dommages aura été établie. Le fonds de garantie a été saisi de 143 dossiers, et l'évaluation sera disponible au début de l'année 2005. L'attente ne sera donc pas très longue, mais votre question était légitime, monsieur le sénateur.

S'agissant des aspects relatifs à la garantie des droits sociaux des mineurs, le Sénat a adopté, le 22 janvier 2004, la proposition de loi portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines. L'Etat s'est engagé, en cas de cessation définitive d'activité d'un exploitant minier, à garantir l'ensemble des droits des mineurs, monsieur Coquelle. Cette notion est interprétée dans le sens le plus large. Elle concerne à la fois les retraités, leurs ayants droit, les salariés à la retraite anticipée et les mineurs en situation de dispense d'activité ou de détachement dans les entreprises.

Je m'engage, monsieur Vanlerenberghe, à ce que le décret d'application de cette loi, qui a été élaboré après une large concertation, notamment avec les organisations syndicales, soit publié avant la fin de cette année, terme qui n'est tout de même pas très éloigné

M. Jean-Marie Vanlerenberghe opine

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

S'agissant des questions relatives au logement minier dans le Nord-Pas-de-Calais, le parc immobilier issu des anciennes cités minières, qui comporte environ 70 000 logements, a fait l'objet, depuis plus de vingt ans, d'un important programme de rénovation. Entre 1980 et 1987, 19 000 logements du secteur conventionné ont été améliorés grâce à des fonds PALULOS, et 6 000 logements supplémentaires de ce même secteur conventionné ont été rénovés depuis 1997 et 1999, par le biais d'emprunts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations.

Ce parc a ensuite été cédé à la région en 2002, au travers de l'établissement public local EPINORPA. L'Etat continuera néanmoins, monsieur Leroy, à aider à la remise à niveau de ces logements. Une convention existe entre l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, et l'EPINORPA, visant à faire bénéficier ce dernier d'un taux de subvention préférentiel de 20 % pour les travaux de réhabilitation, jusqu'à la fin de 2006.

Par ailleurs, je vous confirme que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine continuera d'intervenir et examinera avec bienveillance les dossiers de réhabilitation des quartiers des cités minières.

Enfin, le nouveau projet de loi de programmation de cohésion sociale prévoit la possibilité de faire bénéficier les établissements publics du type de l'EPINORPA d'une exonération de taxe foncière sur la propriété bâtie lorsqu'ils réhabilitent des logements avec les aides de l'ANAH.

Le dernier volet de mon intervention concernera la reconversion économique des anciens bassins miniers, sur laquelle vous m'avez interrogé, monsieur Coquelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Coquelle

Et la santé, monsieur le ministre ? Et la sécurité sociale minière ?

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

J'y viens, monsieur le sénateur !

L'Etat a engagé, dès le milieu des années soixante, des actions pour favoriser la reconversion industrielle des bassins miniers, notamment avec la création, dans le groupe Charbonnages de France, de la SOFIREM, société financière destinée à favoriser l'industrialisation des régions minières. Avec l'accélération du rythme de fermeture des mines, ces interventions ont pris de l'ampleur, au milieu des années quatre-vingt, par la création du fonds d'industrialisation des régions minières, de la FINORPA, société financière du Nord-Pas-de-Calais, et de la SODIV, société de diversification du bassin potassique.

Depuis la création de la SOFIREM, l'action de réindustrialisation aura contribué, il faut le rappeler, à la création de 114 000 emplois dans les bassins miniers. Ce chiffre peut être rapproché de l'effectif des mineurs de charbon en 1970, à savoir 120 000. La comparaison a tout de même du sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Coquelle

Comment se fait-il qu'il y ait des chômeurs, alors ?

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

L'objectif de compenser la baisse des effectifs par une politique volontariste de reconversion des bassins a été atteint.

Sur la même période, le montant des aides aux entreprises et aux territoires s'établit à environ 1, 5 milliard d'euros. Aujourd'hui, ces aides sont principalement concentrées sur les bassins dont la fermeture est récente, principalement ceux de Lorraine et de Provence. Je vous confirme, monsieur Leroy, que les pouvoirs publics entendent maintenir en tant que de besoin une intervention spécifique au profit des bassins miniers après la disparition des exploitants.

Certaines collectivités territoriales ont exprimé leur souhait de racheter ces sociétés publiques de reconversion. Ainsi, monsieur Vanlerenberghe, la région Nord-Pas-de-Calais est en négociation exclusive avec le groupe Charbonnages de France pour l'acquisition de la FINORPA avant le 15 janvier 2005. Un protocole d'accord a été signé au ministère de l'industrie entre Charbonnages de France et le conseil régional Nord-Pas-de-Calais. Je suis favorable, quand elle est possible, à cette orientation, dans le respect, bien sûr, des intérêts patrimoniaux de l'Etat et dans l'optique de la recherche d'une solution qui confie aux élus locaux une responsabilité accrue dans la détermination de l'avenir de leur région. Il pourrait en aller de même dans le cas de la SODIV.

Une décision devra également être prise concernant l'avenir de la SOFIREM. Nous avons engagé une réflexion sur ce sujet, dont nous présenterons les conclusions d'ici à la fin de l'année 2005.

Le fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, verra son action perdurer, pour les bassins récemment fermés, après la disparition de Charbonnages de France. Je souhaite que les agences territoriales de développement, qui permettent la coordination de l'ensemble des acteurs économiques de terrain, interviennent plus en amont dans le processus d'établissement des plans locaux d'investissement du FIBM qui sont ensuite décidés par le représentant de l'Etat.

S'agissant de la diminution des crédits du FIBM, madame Didier, les interventions de ce fonds, depuis sa création, ont représenté près de 520 millions d'euros, dont 37 % ont été affectés au bassin du Nord-Pas-de-Calais et 23 % au bassin lorrain. Dans la plupart des bassins, et même si la situation reste difficile, le nombre d'emplois créés par l'action conjuguée du FIBM et des sociétés de conversion est supérieur, j'y insiste, au nombre d'emplois supprimés du fait de la décroissance de l'activité minière.

M. Yves Coquelle s'exclame.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

Compte tenu de l'ampleur des actions de conversion déjà accomplies dans les bassins, le dispositif actuel doit évoluer. Dans les bassins les plus anciens, il est proposé de diminuer les subventions du FIBM de manière progressive. Dans les régions où les mines ont été fermées récemment, le FIBM sera maintenu jusqu'en 2010.

Au total, le Gouvernement entend confirmer clairement son engagement vis-à-vis des populations et des élus en ce qui concerne les questions de revitalisation des zones minières.

Monsieur Coquelle, vous m'avez également interrogé sur la sécurité sociale minière.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

Je vous ai déjà répondu sur le principe. Je vous le confirme : quoi qu'il arrive, elle sera intégralement maintenue.

S'agissant de la reconversion des pharmacies, un groupe d'étude est en place. Ce problème existe, et vous avez eu raison de le souligner ; il ne sera pas ignoré.

En conclusion, la gestion du dossier après-mines a connu de nombreux progrès, notamment depuis 1999, mais il est vrai que beaucoup reste à faire.

En matière sociale, je le répète, l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sera opérationnelle dès janvier 2005.

En ce qui concerne la reconversion des bassins miniers, les résultats obtenus en matière de réindustrialisation sont importants, et le Gouvernement s'engage à poursuivre son action en tant que de besoin. Le maintien de dotations importantes au profit du FIBM dans le projet de loi de finances pour 2005 en témoigne.

Pour ce qui est de l'indemnisation des victimes de dommages miniers, le nouveau dispositif devrait permettre de régler des situations difficiles. A cet égard, le nombre de dossiers déjà déposés et examinés par le fonds d'indemnisation est encourageant.

Mais c'est surtout dans le domaine technique que l'Etat doit encore s'organiser, afin de pouvoir assumer ses responsabilités après la disparition des mines. Les champs que recouvre la mise en sécurité des anciens sites miniers requièrent l'investissement de chacun des acteurs, notamment des exploitants publics, pour que soit rapidement mis en place un dispositif institutionnel complet et efficace.

La volonté du Gouvernement est d'anticiper au maximum ces questions, sans pour autant démobiliser les opérateurs actuels quant aux obligations qui leur incombent dans le cadre des procédures de renonciation à concessions.

La mission de préfiguration proposée au BRGM et à Charbonnages de France contribuera directement à atteindre cet objectif. Elle permettra d'organiser le transfert de compétences et de préparer un dispositif pérenne d'ici à la fin de l'année 2005.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (66, 2004-2005) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi (41, 2004-2005) de MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis bien des années déjà, la commission des lois poursuit le double objectif de doter notre appareil judiciaire d'une juridiction adaptée au contentieux de masse, dit aussi de proximité - je ne distinguerai guère les deux notions au cours de mon propos - et de réaliser une meilleure participation de la société civile à l'oeuvre de justice, objectif qui n'est pas moindre.

Nos collègues MM. Arthuis, Haenel, Jolibois, Hyest et Cointat, ainsi que votre rapporteur, oeuvrent en ce sens depuis plusieurs années. La loi organique du 19 janvier 1995 instituant les magistrats à titre temporaire aurait pu marquer une étape décisive. Pour des raisons qui restent à élucider, cette institution n'a pas eu les suites souhaitées par ses initiateurs.

Heureusement, ceux-ci, plus attachés à la perspective des résultats concrets qu'à la satisfaction de leurs préférences, ont su adapter avec confiance, sinon avec enthousiasme, la proposition gouvernementale tendant à créer une juridiction de proximité autonome, confiée à des magistrats du type de ceux qui avaient été imaginés en 1995.

Cependant, alors que cette juridiction se met progressivement en place, parvenant à surmonter les entraves de toutes sortes, qui sont, hélas ! le lot de toute innovation, il apparaît que le champ de compétence initialement attribué, que l'insuffisance des statistiques analytiques ne permettait pas d'apprécier, est trop étroit, du moins dans le domaine des affaires civiles, pour permettre la densité d'activité sans laquelle une mission nouvelle ne peut faire ses preuves. J'ai entendu parler d'une dizaine d'affaires par mois, ce qui est trop faible.

Alertés par la Chancellerie, les collègues précités, auxquels s'est joint notre excellent collègue M. Zocchetto, très averti de ces questions par son activité professionnelle, ont rédigé une proposition de loi tendant à élargir le champ de compétence de la juridiction de proximité, et, par contrecoup, celle des tribunaux d'instance. A cette démarche, ils proposent d'en ajouter une autre, plus originale, mais aussi plus significative, puisqu'il s'agit de faire appel aux juges de proximité pour compléter les formations collégiales - du moins lorsqu'elles subsistent - des tribunaux correctionnels.

Enfin, il a paru opportun de saisir l'occasion de cette proposition de loi pour apporter quelques aménagements particuliers au système des compétences d'attribution.

Aucune de ces questions ne mérite, du moins aux yeux de la majorité de votre commission, de faire l'objet de débats fondamentaux, à moins de reprendre ceux que nous avons connus lors du vote de la loi initiale.

Il s'agit ici non pas de tirer les conclusions d'une expérience, qui est encore insuffisamment large et insuffisamment longue, mais de procéder aux ajustements qui paraissent nécessaires afin que cette expérience porte tous ses fruits.

Pour élargir le champ de compétence de la juridiction de proximité, il nous est proposé, d'une part, d'élever à 4 000 euros l'intérêt du litige attribué à cette juridiction et, d'autre part, de supprimer l'exclusion des litiges d'intérêt professionnel ainsi que ceux intéressant les personnes morales, limitations qui, à la réflexion, ne paraissent pas justifiées.

La commission des lois vous propose d'approuver ces mesures qui paraissent raisonnables, en tout cas au stade expérimental où nous sommes, tout simplement parce qu'elle souhaite donner toutes ses chances à la juridiction de proximité.

Conséquence directe de cette élévation du taux d'intérêt du litige, il convient de relever aussi à 10 000 euros le taux d'intérêt des litiges dont connaissent les tribunaux d'instance.

Il s'agit au demeurant, dans une large mesure, d'une simple actualisation. Il serait contraire à nos intentions de créer une situation dans laquelle le champ de compétence des tribunaux d'instance se trouverait réduit comme une peau de chagrin.

Je trouve ici l'occasion d'affirmer avec force qu'il n'est aucunement dans nos intentions de réduire les responsabilités du juge d'instance, dont nous n'ignorons ni la charge de travail, ni la compétence, ni le dévouement, ni la motivation, qui relèvent souvent du concept de vocation. Nous voyons au contraire en eux le pivot, l'axe professionnel d'une justice de proximité plus largement repensée et qui pourrait relever tout entière d'une juridiction unique faisant appel aux diverses modalités dites alternatives.

S'agissant de la possibilité, pour le président du TGI, de faire appel au concours des juges de proximité pour compléter les juridictions collégiales correctionnelles, la commission des lois y voit le double avantage de contribuer au maintien de ces formations collégiales et de permettre aux juges professionnels, qui restent majoritaires de bénéficier du concours d'hommes ayant cette connaissance concrète des choses de la vie, que l'expérience peut seule apporter et qui est tout aussi utile que la science juridique. Nous avons bien entendu respecté les prescriptions du Conseil constitutionnel et nous pensons être à l'abri de toute contestation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Vous pouvez prononcer l'exclusion des perturbateurs, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne sommes pourtant guère nombreux !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je vous remercie de ce conseil, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

C'était un simple rappel au règlement !

A l'école de Montaigne, nous dirions volontiers : « Il y a aucuns de nos Parlements, quand ils ont à recevoir des officiers de justice, qui les examinent seulement sur la science ; les autres y ajoutent encore l'essai du bon sens, en leur présentant le jugement de quelque cause. Ceux-ci me semblent avoir un peu beaucoup meilleur style ; et encore que ces deux pièces soient nécessaires et qu'il faille qu'elles s'y trouvent toutes deux, si est-ce qu'à la vérité celle du savoir est moins prisable que celle du jugement ; celle-ci se peut passer de l'autre, et non l'autre de celle-ci. » Pardonnez le style, mais c'est le charme de Montaigne !

S'agissant d'une remise en ordre des compétences d'attribution, la commission, tout en acceptant de souscrire aux vues des auteurs de la proposition de loi, a cru pouvoir, en plein accord avec eux, d'ailleurs, modifier certains points particuliers. Elle a ainsi considéré que, s'il peut être intéressant de regrouper les contentieux de même nature, tels que la propriété ou le crédit à la consommation, ces regroupements ne doivent pas aller jusqu'à méconnaître la spécificité des litiges de proximité qui peuvent être maintenus dans le champ de cette juridiction, dès lors que ni la gravité des conséquences ni la complexité des problèmes posés ne justifient que leur connaissance soit réservée à des magistrats professionnels.

Dès lors, il nous paraît raisonnable de réserver aux tribunaux d'instance la connaissance du contentieux du crédit à la consommation, des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre, ainsi que des impayés de loyers. Car, en pratique, le recouvrement des impayés de loyers et les poursuites y afférentes sont toujours accompagnés d'une demande de résiliation du bail, donc d'une expulsion. Il nous paraît également raisonnable de regrouper, au niveau des TGI, les actions possessoires et pétitoires, dont la distinction n'est pas toujours aisée, étant entendu que le juge des référés pourra résoudre les questions relevant authentiquement du possessoire.

Le même bon sens nous paraît militer en faveur du maintien dans le champ du tribunal d'instance des actions en paiement direct des pensions alimentaires, en paiement des charges de copropriété ou encore des poursuites pour diffamation et injures commises autrement que par voie de presse.

Il y a plusieurs façons d'entendre le mot « cohérence ». Celle qui correspond à la notion de justice de proximité mérite, elle aussi, d'être prise en considération, car nous voulons, en plein accord avec le Gouvernement, permettre à ces juges de répondre pleinement à la demande d'une justice qui corresponde effectivement à la notion de proximité au sens non seulement physique du terme, mais également moral et procédural.

A ce prix, nous espérons tout à la fois dégager les magistrats professionnels d'une partie du contentieux de masse qui accable les prétoires et contribuer à rétablir entre les justiciables et la justice le rapport de confiance qui, avouons-le, fait trop souvent défaut dans la situation actuelle.

Cette espérance sera-t-elle satisfaite ? Les uns diront « oui », les autres « non ». Nous verrons bien ! Pour notre part, bien évidemment, nous sommes confiants et nous apportons donc notre soutien aux actions de ceux qui ont reçu la mission de mettre en oeuvre cette réforme, spécialement au chef de cette mission.

Pour autant, nous ne croyons pas que la présente étape mette un point final aux initiatives du législateur. Nous restons en effet persuadés que, à l'issue d'une période d'expérimentation complète, qui durera naturellement quelques années, il conviendra de faire le point, d'une part, sur le statut et les conditions d'action des juges de proximité, qui ne sont peut-être pas arrêtés définitivement, d'autre part ; sur le positionnement définitif de ces juges au sein de l'appareil judiciaire.

C'est alors qu'il conviendra, en particulier, de choisir entre la formule d'une juridiction autonome, qui a été délibérément préférée au départ pour permettre à ces nouveaux juges d'affirmer l'originalité de leur mission, et celle d'un regroupement organique de ces juges aux côtés des médiateurs et des conciliateurs, au sein d'une justice d'instance repensée comme ayant vocation à couvrir tout le champ du contentieux de masse et de proximité, et caractérisée par une direction générale assurée par un juge professionnel, l'actuel juge d'instance, qui accéderait ainsi au statut de président de cette nouvelle juridiction de base.

Nous avons de fortes raisons de penser que cette solution aurait de multiples mérites. Il en résulterait en effet une unité et une visibilité, ainsi qu'un meilleur équilibre entre les formes alternatives de juridiction et la responsabilité éminente, et qui doit le rester, - nous sommes tous d'accord sur ce point - des magistrats professionnels.

Souhaitons que l'avenir, mieux aménagé par le présent texte, nous apporte des éléments d'expérience qui permettront d'effectuer ce choix en toute sérénité et en toute connaissance de cause.

C'est dans cette perspective, dans cet esprit, et pour ces raisons que la commission des lois vous propose d'adopter la proposition de loi de nos collègues Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto, ainsi amendée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

A la différence de M. Dreyfus-Schmidt, qui ne le sera jamais !

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé la justice de proximité afin de répondre à la demande significative de nos concitoyens de rendre l'institution judiciaire plus proche d'eux.

Il s'agissait d'ouvrir l'institution judiciaire aux Français, comme c'est le cas depuis bien longtemps pour les assesseurs des tribunaux pour enfants ou encore pour les jurés de cours d'assises.

L'attente des Français est forte en matière de proximité, comme l'a encore récemment souligné l'étude d'opinion publiée par un grand hebdomadaire. Nous devons y être sensibles.

L'institution judiciaire a tout intérêt à assumer l'ouverture et la diversification de son recrutement. Cela ne peut être qu'un gage d'avenir, de progrès et d'efficacité.

A ce jour, 172 juges de proximité ont été nommés. Ils seront sans doute 300 à la fin de cette année.

On peut aujourd'hui établir un constat provisoire : la valeur professionnelle de ces juges est incontestable. La loi que vous aviez votée garantissait d'ailleurs leur valeur professionnelle. On peut donc étendre leurs compétences civiles et pénales, comme le prévoit votre proposition de loi.

En matière civile, la proposition de loi tend à actualiser les taux de compétence, afin de les rendre plus cohérents avec l'évolution de la vie économique. Ce taux est ainsi porté à la somme de 4 000 euros pour la juridiction de proximité. L'ajustement corrélatif du taux de compétence des tribunaux d'instance va dans le même sens. Le relèvement simultané de ces deux plafonds permettra de préserver la capacité d'action des tribunaux d'instance et le volume d'affaires qu'ils auront à traiter. Pour ma part, je l'approuve tout à fait.

Par ailleurs, la juridiction de proximité devient compétente, à l'exemple de la juridiction d'instance, pour toute action mobilière ou personnelle. Cette disposition va également dans le sens d'une plus grande cohérence.

La justice de proximité pourra aussi être saisie directement par les personnes physiques et morales. Cela constitue, me semble-t-il, une simplification. Les premiers mois de fonctionnement ont en effet montré que le dispositif initial était source d'une complexité tout à fait préjudiciable à l'objectif que nous avions, ensemble, souhaité atteindre.

L'extension des compétences des juges de proximité qui vous est proposée me paraît mesurée. Le tribunal d'instance conserve toute sa compétence pour les contentieux techniques. C'est un point très important, qu'un certain nombre d'organisations représentatives ou de groupes d'intérêt économique avaient souligné. Il en est ainsi du contentieux du crédit à la consommation et du contentieux locatif, qui peuvent être assez techniques et qui requièrent des juges une expérience plus longue. Ces litiges continuent donc de relever de la compétence du tribunal d'instance.

La proposition de loi prévoit également un certain nombre d'évolutions en matière de procédure. Je n'entre pas dans le détail, car nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles.

Les juges des tribunaux de grande instance se verront ainsi confier la protection non seulement de la propriété matérialisée par un titre, mais également celle de la possession. Il s'agit de permettre à nos concitoyens de ne pas se perdre dans les arcanes des compétences respectives des multiples juges.

En matière pénale, la proposition de loi confirme la compétence du juge de proximité en matière de validation de toutes les compositions pénales, sur délégation du président du tribunal de grande instance. Cette procédure, il est important de le rappeler à l'occasion de ce débat, exclut toute peine privative de liberté.

S'agissant des contraventions, la proposition de loi prévoit que le tribunal de police est compétent en ce qui concerne les contraventions de cinquième classe. La juridiction de proximité sera, quant à elle, compétente pour les quatre premières classes de contraventions. Cette disposition a le mérite de la clarté. De plus, elle améliore la lisibilité pour nos concitoyens.

Par ailleurs, le juge de proximité aura la possibilité de siéger aux cotés de deux magistrats professionnels dans les formations collégiales correctionnelles, dans le respect, bien entendu, des limites fixées dans une jurisprudence antérieure par le Conseil constitutionnel. Il s'agit là d'une innovation extrêmement intéressante, qui me semble faire l'objet d'un consensus assez large chez celles et ceux qui s'intéressent à ces questions.

En conclusion, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, qui permettra un meilleur ancrage des juges de proximité au sein de l'institution judiciaire et une plus grande ouverture de cette institution aux citoyens.

Il s'agit non pas de remettre en cause le rôle irremplaçable des magistrats professionnels, mais de faire bénéficier l'institution de l'expérience de juges non professionnels. C'est, me semble-t-il, un véritable enrichissement.

M. le rapporteur a évoqué d'éventuelles évolutions et a souhaité que la justice de proximité, qui vient d'être mise en place en tant que juridiction autonome, puisse, à l'avenir, être rattachée de façon plus explicite à la justice d'instance.

Lorsque, d'ici à deux ou trois ans, nous dresserons le bilan de la justice de proximité, la réflexion que vous appelez de vos voeux, monsieur le rapporteur, pourra alors être menée. Dans l'immédiat, il nous faut poursuivre la mise en place de la justice de proximité avec les ajustements que vous proposez.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

Groupe socialiste, 31 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite mettre en relief un singulier paradoxe qui me paraît marquer la proposition de loi qui nous est soumise.

Nous sommes tous favorables au développement de la justice de proximité. Mais dès la présentation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, monsieur le garde des sceaux, nous vous avions mis en garde.

Je suis convaincu que vous n'avez pas fait le bon choix. Il existe déjà, en effet, une justice de proximité, fort bien rendue par nos magistrats d'instance, en dépit des difficultés qu'ils rencontrent. Il suffisait de renforcer les effectifs des tribunaux d'instance et de multiplier, c'était chose aisée, les conciliateurs et les médiateurs. Ainsi, la question de la justice de proximité était résolue.

Vous avez préféré une autre voie, monsieur le garde des sceaux, plus favorable à l'effet d'annonce : le recrutement de 3 300 juges de proximité. Pour le justiciable, c'était une levée en masse de juges qui allaient résoudre les petits litiges. En vérité, ce n'était pas ainsi que les choses devaient se dérouler, et nous le savions dès le départ.

En choisissant de créer un nouvel ordre juridictionnel, vous vous êtes inévitablement heurté aux difficultés inhérentes à la création d'un ordre autonome. Il vous fallait d'abord définir des compétences. Ce faisant, vous suscitiez inévitablement des conflits de compétence et vous compliquiez d'autant la démarche de la justice. En outre, vous la rendiez encore moins lisible pour nos concitoyens.

Par ailleurs, en créant un nouvel ordre juridictionnel au lieu de vous borner à renforcer la justice d'instance qui assumait la fonction de proximité, vous vous trouviez confrontés au problème du recrutement des magistrats, de leur formation et de leur affectation. De plus, il vous fallait assurer des greffes, ceux-ci jouant un rôle très important.

Le résultat était prévisible : près de deux ans après le vote de la loi et plus d'un an après sa mise en oeuvre, alors que vous nous aviez triomphalement annoncé le recrutement de 3 300 magistrats, leur effectif se résume à 177. Nous espérons qu'ils seront 300 avant la fin de l'année, mais ce n'est pas sûr. Le Conseil supérieur de la magistrature exerce, à juste titre, son contrôle sur le recrutement.

Pour ce qui est des problèmes de formation, il suffit d'écouter ce qu'en disent les associations et les syndicats de magistrats, tout comme les formateurs de ces juges de proximité.

Certains voient dans ces difficultés une simple crise de croissance d'un nouvel ordre juridictionnel. Pour ma part, je crois qu'il s'agit d'un défaut structurel et que l'on finira par faire disparaître cette justice de proximité en la fusionnant, comme on aurait dû le faire dès le début, avec la justice d'instance.

Mais au point où nous sommes, alors que la justice de proximité connaît une crise de croissance, et alors que nous n'avons pas encore pu, et pour cause, dresser un bilan sérieux de son fonctionnement, reconnaissons qu'il est paradoxal de décider d'accroître ses compétences.

L'ensemble de la magistrature et des avocats s'inquiète. Et c'est le moment que vous choisissez pour accroître les compétences d'un ordre juridictionnel dont le principe même est discuté et dont les résultats ne sont pas acquis - c'est le moins que l'on puisse dire ! -, raison pour laquelle je parlais de paradoxe.

Je ne pourrai, hélas ! suivre toute la discussion, ayant d'autres obligations - Michel Dreyfus-Schmidt abordera les autres aspects de la propositions de loi - mais il est un point sur lequel je souhaite absolument intervenir : l'affectation de juges de proximité dans les juridictions correctionnelles et leur participation éventuelle au prononcé de peines d'emprisonnement.

Vous avez pris le soin de souligner que ce n'était pas le cas à propos de la composition, mais en permettant l'affectation d'un juge de proximité dans une formation collégiale, vous méconnaissez des exigences constitutionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975, qui est l'un des piliers de sa jurisprudence : « Considérant, en effet, que le respect de ce principe » - il s'agit du principe d'égalité devant la justice - « fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ; ».

Cette décision du Conseil constitutionnel a été rendue à propos du juge unique et de ses pouvoirs. Cependant, ce qui compte, c'est non pas ce qui a engendré la décision, mais le considérant de principe : des citoyens poursuivis pour des mêmes infractions ne peuvent être jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.

Or la présente proposition de loi méconnaît cette exigence à deux titres.

D'une part - et cette possibilité est laissée à la discrétion des présidents des tribunaux de grande instance, selon les ressorts - les justiciables seront jugés soit par trois magistrats professionnels, soit par deux magistrats professionnels et un juge de proximité. Ne s'agit-il pas là de juridictions composées selon des règles différentes pour juger des mêmes infractions ? Je ne connais pas, pour ma part, de plus bel exemple !

D'autre part, en raison de la pénurie - qui est réelle, et force est de constater que vous n'attendez pas qu'il y soit remédié pour procéder à un élargissement de compétences - de juges de proximité, on ne pourra pas généraliser cette mesure à l'ensemble des tribunaux correctionnels. Donc, ici encore, les justiciables seront jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.

Par ailleurs - et c'est pour moi le point le plus important - je vous rappelle la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 29 août 2002 à propos des juges de proximité :

«Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution [...] ne s'oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale dès lors que ne lui » - le juge de proximité - « est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté ; ».

Or, dès lors que le juge de proximité est partie intégrante de la juridiction correctionnelle, il participe directement et pleinement, comme les deux autres magistrats, à l'exercice de ce pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. Le tribunal correctionnel est en effet un organe collégial et la décision est rendue au nom du tribunal tout entier. Il s'agit d'une oeuvre collective !

Le juge de proximité assiste à l'audience, participe au délibéré ; il intervient au même titre que les autres magistrats sans qu'on puisse le dissocier au sein de la formation. Il est donc impossible de dire qu'il ne sera pas amené à prononcer, comme les deux autres magistrats, des peines privatives de liberté.

Il y aura même un cas où ce sera lui qui décidera : si les deux magistrats professionnels sont d'un avis opposé sur l'opportunité de prendre une mesure privative de liberté, ce sera le juge non professionnel qui tranchera !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je ne fais que mentionner cette possibilité, car le problème n'est pas là : il est dans l'impossibilité juridique de dissocier au sein d'un tribunal, notamment lorsqu'il délibère, les pouvoirs de l'un par rapport aux pouvoirs de l'autre.

Il n'y a qu'un pouvoir : le pouvoir juridictionnel. Il permet de prononcer des peines privatives de liberté et, dès lors, on ne peut introduire dans une juridiction correctionnelle un juge de proximité. Ce serait en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel sur ce point. Mieux vaut donc y renoncer tout de suite !

IL resterait bien d'autres choses à dire, mais mon ami Michel Dreyfus-Schmidt prendra le relais lors de son intervention dans la discussion générale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la justice est la respiration de la démocratie. Si elle manque de souffle, c'est tout le corps de l'Etat qui en souffre. Or, depuis plusieurs années déjà, on constate, phénomène inquiétant, que les citoyens n'ont plus toujours foi en la justice.

Celle-ci paraît trop lente, trop compliquée, trop éloignée de leurs préoccupations, trop incertaine.

Pourtant, elle est rendue au nom du peuple français. Pourtant, les magistrats et les auxiliaires de justice sont de haut niveau et ont du talent. Pourtant, ils croient en leurs missions.

Cet éloignement et cette incompréhension proviennent essentiellement d'un encombrement des tribunaux en raison d'une multiplication d'affaires de plus en plus complexes et d'un accroissement des tâches administratives qui « noient » les magistrats et les empêchent de se consacrer entièrement aux affaires juridictionnelles.

Il fallait réagir, et vite. C'est dans cet esprit, pour apporter des réponses concrètes à une attente pressante, que le Gouvernement a préparé puis soumis au vote du Parlement, ce dont on peut se féliciter, la loi organique relative aux juges de proximité. Ce texte s'inspirait d'ailleurs de plusieurs rapports du Sénat, notamment de celui de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, conduite par M. Hyest, et dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.

Cette nouvelle juridiction de proximité se met progressivement en place, avec toutes les précautions et la prudence nécessaires compte tenu des enjeux. Bien entendu, comme tout ce qui est nouveau, cette approche différente d'une justice rendue - pour les affaires de moindre importance, il faut le rappeler - par des magistrats non professionnels, mais avec des compétences juridiques confirmées et une expérience approfondie de la vie civile, continue de susciter des réticences de la part de ceux qui sont hostiles au changement, mais sans vouloir le reconnaître.

Pourtant, si cette approche modifie les comportements, elle n'est pas inédite puisque, pendant une période de près de 170 ans étendue sur trois siècles, cette pratique n'a pas été contestée : de 1790 à 1958, les juges de paix ont fait partie intégrante du paysage judiciaire français. Il a même fallu attendre 1926 pour que des connaissances juridiques leur soient demandées. Auparavant, il n'apparaissait pas fondamental qu'ils aient faits « de la science du droit une étude particulière ».

Leur remplacement en 1958 par les juges d'instance, juges professionnels, pouvait se justifier par le volume des affaires à traiter.

Aujourd'hui, le système est encombré ; il s'essouffle, il s'étouffe. Aussi, ces juges de proximité, magistrats non professionnels, mais recrutés par le Conseil supérieur de la magistrature avec un soin tout particulier et des contrôles approfondis, sont de nature à apporter la bouffée d'oxygène qui est nécessaire. Encore faut-il que le dispositif soit calibré au mieux.

En dépit de la mise en place récente de cette nouvelle juridiction de proximité, il est très vite apparu, pendant ce que l'on peut appeler la période de rodage, que certains « réglages » méritaient d'être revus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Il fallait, en particulier, élargir quelque peu son champ de compétences pour que le volume des affaires dont les juges professionnels seraient déchargés soit plus significatif, regrouper les domaines pour plus de cohérence, mieux répartir certaines responsabilités et, enfin, ouvrir une porte en direction de l'échevinage.

Tel est le but de cette proposition de loi, déposée par le président de la commission, Jean-Jacques Hyest, notre collègue François Zocchetto et moi-même, afin que le mouvement amorcé en direction d'une justice de réelle proximité se poursuive avec le maximum d'efficacité.

Dans le rapport de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice que j'évoquais, nous avions déjà préconisé, avec l'assentiment du Sénat, de porter la compétence des juges de proximité au niveau fixé pour les juges d'instance, à savoir 3 800 euros.

C'est donc logiquement que cette proposition de loi retient le montant de 4 000 euros, car il faut tenir compte de l'inflation, pour les juges de proximité, et porte en contrepartie à 10 000 euros celui des juges d'instance.

Dans ce même rapport, l'utilité de recourir à l'échevinage était mise en exergue. On retrouve cette idée dans la proposition de loi, car elle est essentielle pour, à la fois, donner un véritable sens à la formule selon laquelle la justice est rendue au nom du peuple - je souhaiterais qu'on ne l'oublie pas -, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

...et rapprocher concrètement la justice du citoyen.

La proposition de loi reste cependant timide sur ce point, puisqu'elle limite la participation des juges de proximité en correctionnelle à un seul assesseur par formation collégiale.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

En cour d'assises, c'est le peuple qui détermine les peines d'emprisonnement, mais il le fait de manière collégiale sous l'autorité d'un juge et de deux assesseurs, tous professionnels. Qu'on ne vienne donc pas nous dire aujourd'hui qu'un juge de proximité, c'est-à-dire un magistrat recruté par le Conseil supérieur de la magistrature, avec une expérience et une formation juridique de haut niveau, ne pourrait pas faire ce qu'un citoyen peut faire !

J'ai du mal à suivre l'argumentation, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

...d'autant que la décision du Conseil constitutionnel concerne le juge de proximité en tant que juge unique et qu'il s'agit là, ce qui est tout à fait différent, d'une formation collégiale.

Certains critiquent la rapidité, voire l'empressement avec lesquels ces modifications sont apportées, alors qu'il n'y aurait pas assez de recul par rapport à la première application de la loi. Ces réactions sont étonnantes, mes chers collègues, car on se plaint trop souvent des atermoiements des pouvoirs publics pour ne pas se féliciter quand les réactions sont immédiates. C'est suffisamment rare pour être souligné !

On ne change pas le fond : on procède simplement à des aménagements techniques pour mieux coller à la réalité du terrain. Tout le monde sait bien que c'est dans les périodes de rodage que les réglages sont le plus nécessaire et le plus utile. Il ne faut pas attendre : c'est précisément l'attentisme qui serait condamnable.

Qui peut être opposé à une justice plus proche des citoyens, plus humaine, plus ouverte, plus simple d'accès, plus compréhensible ?

D'autres formules sont certes possibles, je le reconnais ! J'aurais, moi aussi, préféré celle qu'a rappelée M. le rapporteur : une justice de proximité placée autour du juge d'instance. Pour autant, le choix retenu a au moins le mérite d'exister et d'ouvrir des perspectives intéressantes et positives.

Alors, donnons sa chance à cette réforme. N'usons pas d'arguties pour savoir s'il aurait été préférable de l'envisager sous cette forme ou sous une autre. Elle est en place ; faisons en sorte qu'elle réussisse ! Nous devons offrir à cette justice de proximité les conditions les meilleures pour répondre à ce que nous attendons d'elle.

Nous n'avons pas le droit, mes chers collègues, de décevoir nos concitoyens.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec mes collègues Jean-Jacques Hyest et Christian Cointat, nous vous proposons d'apporter quelques modifications à l'organisation judiciaire et notamment d'élargir la compétence des juges de proximité.

La présente proposition de loi a été l'occasion pour nous de procéder à un certain nombre d'auditions et de dresser un premier bilan, très instructif.

Je tiens à saluer le travail de la commission des lois et de son rapporteur, Pierre Fauchon, qui a permis de rappeler la philosophie des membres du Sénat sur cette question : nous nous sommes toujours faits les avocats d'une justice plus proche des citoyens et plus rapide, notamment pour les petits litiges.

Les membres de notre Haute Assemblée ont mené une réflexion novatrice en faveur de la justice de proximité. Il était donc normal que nous nous saisissions de nouveau de cette question, d'autant que, dès 1994, le rapport de MM. Arthuis et Haenel avait préconisé une réforme en ce sens.

Nous souhaitions mettre en place une justice géographiquement plus proche des justiciables, plus accessible dans son fonctionnement, et ayant vocation à régler dans les plus brefs délais le contentieux le plus courant, celui qui empoisonne le quotidien de nos concitoyens.

Si l'instauration de cette nouvelle juridiction a suscité de vives critiques de la part de certains magistrats professionnels, paradoxalement, un bon accueil a été réservé aux juges de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

A l'occasion d'un sondage, 85 % des juges de proximité interrogés ont affirmé avoir été reçus très favorablement par les magistrats professionnels, ce que ces derniers ne démentent pas. Les auditions en commission ont toutefois révélé la persistance d'une certaine hostilité de la part d'organisations de magistrats professionnels.

Dans ce contexte, pourquoi élargir la compétence des juges de proximité ?

Si nous avons souhaité relever le taux de compétence des juridictions de proximité, c'est en vue de garantir une meilleure intégration de ces juges au sein de l'institution judiciaire.

Actuellement, le nombre des litiges suivis par les juges de proximité est beaucoup trop faible, particulièrement en matière de contentieux civil. Ainsi, il est intéressant de noter que le nombre d'affaires relevant de la compétence des juges de proximité ne représente que 5 % du contentieux civil des tribunaux d'instance.

Or, comme le signalait un juge de proximité lors de son audition par la commission des lois, la compétence des juges de proximité et la qualité de leurs décisions seront d'autant plus avérées qu'ils pourront traiter un nombre d'affaires significatif.

Je souhaite aborder maintenant la question du recrutement et de la formation. Nous estimons, en effet, que l'extension des compétences doit s'accompagner d'une augmentation significative du nombre de juges.

A cet égard, il convient de signaler que le rythme actuel de recrutement est beaucoup trop faible ; il ne répond pas à l'objectif que nous souhaitions atteindre, à savoir 3.300 juges en 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous sommes face à une double exigence : accélérer la durée d'examen des dossiers de candidatures, qui sont nombreux, et garantir la qualité du recrutement. Sur ce point, il conviendrait de faire taire toutes les critiques, car, s'il peut exister, comme dans tout corps professionnel, y compris, malheureusement, parmi les magistrats professionnels, un ou deux membres défaillants, cela ne saurait suffire à remettre en cause l'institution elle-même.

Les critères de sélection nous paraissent sévères, mais ils demeurent indispensables, car il faut bien garantir la qualité des futurs juges de proximité et, surtout, respecter la constitutionnalité de la juridiction de proximité.

Par ailleurs, les auditions ont permis de mettre en avant l'importance de la formation des juges de proximité, et notamment de la formation continue. Les juges auditionnés, s'ils ont salué la qualité de la formation initiale dispensée par l'Ecole nationale de la magistrature, aujourd'hui réduite à cinq jours, ont souhaité en allonger la durée. Ils ont également regretté le manque d'enseignement sur la tenue d'une audience. Ce sont autant de pistes qu'il conviendra certainement d'approfondir dans les prochaines semaines.

Je ne reviendrai pas sur tous les autres points de la proposition de loi, mais je me réjouis que la constitution de blocs de compétences ait été saluée par l'ensemble des magistrats auditionnés. Sur ce point, je me rallie à la position de Pierre Fauchon s'agissant des ajustements qu'il propose. La sagesse nous pousse en effet à suivre sa position en ce qui concerne le contentieux des baux d'habitation, le paiement direct des pensions alimentaires, les diffamations et injures proférées autrement que par voie de presse et le contentieux des charges de copropriété, lesquels, dans la version définitive du texte, relèveront toujours du tribunal d'instance.

Un point important a été signalé par plusieurs d'entre nous : l'avenir de la juridiction de proximité passe par une refonte globale de son organisation faisant des juges de proximité des assesseurs des juges d'instance. Je ne crains pas de le dire, même si cela peut paraître un peu brutal !

Ce système, qui serait proche du modèle britannique des magistrates'court, présenterait l'avantage de ne pas développer une juridiction supplémentaire et d'intégrer plus facilement les magistrats non professionnels dans l'organisation judiciaire.

Nous ne faisons que reprendre la position du Sénat sur le sujet. En 1996, la mission d'information chargée d'évaluer les moyens de la justice avait défendu cette position et c'est également ce système qu'avait recommandé la mission d'information sur l'avenir des métiers de la justice.

J'en arrive à la participation des juges de proximité aux formations collégiales des tribunaux correctionnels. Pour ce qui est de la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975, qui concernait la collégialité des audiences de correctionnelle par rapport au juge unique, j'ai tendance à penser, un peu naïvement, que la présente proposition de loi n'affecte en rien le principe de collégialité : elle se borne ²à diversifier la composition d'une formation qui reste collégiale. Je ne suis donc pas certain que l'on puisse extrapoler à partir de cette décision pour remettre en cause la présence d'un magistrat non professionnel dans un organe collégial.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Une seconde décision du Conseil constitutionnel a été évoquée, celle du 29 août 2002 : dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté, la juridiction de proximité peut exercer des compétences en matière pénale. Nous proposons que la peine privative de liberté soit prononcée, non pas par la juridiction de proximité, mais par le tribunal correctionnel.

Je suis impatient de connaître la décision du Conseil constitutionnel, dans le cas où certains parmi vous décideraient de le saisir ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il n'en demeure pas moins que, peut-être naïvement, je suis confiant dans l'issue de cet examen par le Conseil constitutionnel.

En conclusion, il est bien évident que cette proposition de loi ne constitue pas une réforme radicale, mais elle représente une avancée qui permettra de donner aux juges de proximité toutes leurs chances d'exister.

Il ne s'agit que d'une expérimentation, mais nous sommes bien décidés à la faire perdurer. C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter ce texte dont je suis l'un des co-signataires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord vous faire part de la stupéfaction qui a été la nôtre, partagée d'ailleurs par la quasi-totalité des professionnels de justice, à l'annonce, d'abord d'un projet de loi étendant les compétences des juges de proximité, ensuite de la substitution au projet de loi d'une proposition de loi identique.

En effet, comment une telle proposition de loi peut-elle nous être présentée, alors que la mise en place des juges de proximité, laborieuse et tout juste balbutiante, n'est guère à porter au crédit de cette réforme ?

Nous nous sommes opposés, voilà deux ans, à la loi organique relative aux juges de proximité, et ce pour plusieurs raisons que je rappellerai très brièvement.

Loin de « déjudiciariser » les conflits, elle contribue à la multiplication des ordres de juridiction et des magistrats aux compétences enchevêtrées. Elle contrevient au principe constitutionnel d'égalité devant la justice. Elle confère, pour la première fois, à un juge unique non professionnel une compétence pénale.

Nous étions très sceptiques quant à l'ouverture à la société civile que vous invoquiez à l'époque, monsieur le ministre et chers collègues de la majorité, car nous craignions un glissement vers un recrutement de notables.

D'ailleurs, lorsque nous avions proposé le recrutement, par défaut, comme juges de proximité, de personnes ayant une expérience judiciaire dans le monde de travail, tels les conseillers des prud'hommes, vous avez refusé, levant les bras au ciel.

Nous étions dubitatifs sur la réalité des économies attendues.

Or, deux ans plus tard, et avant même que soit dressé le bilan que vous aviez pourtant promis, monsieur le ministre, et qui était censé infirmer nos craintes, il nous est proposé d'étendre les compétences de ces juges de proximité. Pour l'instant, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour que nous puissions juger de la situation, encore que celle-ci ne semble pas très satisfaisante.

Actuellement, 172 juges de proximité sont en exercice, alors qu'il était prévu, selon les calculs de la Chancellerie de l'époque, d'en recruter 3 300, ce qui équivaut à 330 magistrats plein temps. Nous n'en sommes aujourd'hui qu'à 17 juges plein temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Exactement 17, 2 !

Quel est le profil type de ces 172 recrues ? Il s'agit d'un homme retraité ou exerçant une profession juridique, âgé en moyenne de cinquante-huit ans, ou d'une femme de quarante-sept ans, très diplômée, ayant cessé son activité professionnelle pour élever ses enfants. Les professions de juriste d'entreprise et d'avocat sont très largement représentées ; en matière d'ouverture à la société civile, on fait mieux !

En tout cas, on peut dire que l'expérience dont ils peuvent se prévaloir et que l'on met en avant pour justifier l'extension considérable de leurs compétences est plutôt univoque !

En matière civile, la proposition de loi relève le taux de compétence de la juridiction de proximité, le faisant passer de 1 500 à 4 000 euros. Vous nous disiez à l'époque que 1 500 euros, c'était des « broutilles ». Nous vous avions répondu que beaucoup de gens ne gagnaient pas 1 500 euros par mois. Peut-être ne le saviez-vous pas ! Ces 4 000 euros sont encore sans doute des « broutilles » !

En matière pénale, l'objectif poursuivi est de permettre à un juge de proximité de siéger au côté de deux magistrats professionnels dans les formations collégiales correctionnelles.

La clarification des compétences entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance qu'introduit cette proposition de loi ne fait que corriger l'un des effets pervers de la mise en place d'un nouvel ordre de juridiction, à savoir l'enchevêtrement des compétences entre les différentes juridictions.

L'extension des compétences est le sujet qui nous préoccupe le plus parce qu'il soulève de graves problèmes.

Tout d'abord, la formation des personnes recrutées s'avère insuffisante au regard de l'importance de l'acte de juger. En effet, cinq jours de formation théorique à l'Ecole nationale de la magistrature, puis vingt-quatre ou seize jours de stage, selon que celui-ci est probatoire ou non, ne peuvent garantir une formation de qualité ; on peut déjà s'en apercevoir. De plus, c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui décide seul si le stage est probatoire ou non, ce qui pose évidemment la question de l'égalité entre les candidats lors de la formation.

Par ailleurs, rien n'est prévu dans le budget pour 2005 en vue d'augmenter les capacités de l'Ecole nationale de la magistrature en matière d'offre de formation. Autrement dit, l'extension des compétences des juges de proximité ne sera pas accompagnée d'une meilleure formation, ce qui nous paraît particulièrement grave, car ce sont, à l'évidence, de moins en moins des « petits litiges » qui vont leur être confiés.

Autre point hautement contestable : le fait que la juridiction de proximité statue en dernier ressort. Les justiciables, dans l'impossibilité de faire appel d'une décision d'un juge de proximité, ne disposeront comme seul recours que du pourvoi en cassation. Dois-je rappeler que la Cour de cassation ne juge pas au fond mais sur la forme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Compte tenu du peu de formation qui sera dispensé aux juges de proximité, il est légitime de s'interroger sur leur capacité à rendre un jugement. Ne pas prévoir de procédure d'appel dans ces conditions constitue un danger pour les justiciables quant à la protection de leurs droits.

Le danger est d'autant plus grand qu'avec cette nouvelle extension des compétences les litiges seront encore plus complexes, tant dans les faits qu'en droit. Il est incompréhensible que, dans ces conditions, les justiciables ne puissent faire appel de la décision rendue.

Il est enfin un dernier point inacceptable : l'extension des compétences des juges de proximité en matière pénale. Trois aspects retiennent notre attention.

Tout d'abord, l'intervention des juges de proximité en correctionnelle sera laissée à l'entière discrétion des présidents des tribunaux de grande instance. D'où une fragilisation de l'impartialité des juridictions et un facteur d'inégalité - encore ! - des justiciables devant la loi, dans un domaine où sont pourtant directement en jeu les libertés individuelles.

Cette inégalité sera de surcroît aggravée par l'impossibilité matérielle de constituer partout sur le territoire, de la même manière et pour toutes les audiences, des juridictions correctionnelles collégiales.

L'intervention des juges de proximité dans les audiences correctionnelles, dans les conditions proposées aujourd'hui, poserait d'ailleurs, me semble-t-il, les mêmes difficultés que celles qui ont été évoquées par le Conseil constitutionnel en 1975.

Par ailleurs, nous estimons dangereuse la possibilité offerte au président du tribunal de grande instance de désigner, pour valider les mesures de composition pénale, tout juge de proximité de son ressort.

Enfin, nous sommes particulièrement inquiets de la participation des juges de proximité au jugement des délits correctionnels. Il est en effet difficilement admissible qu'un juge non professionnel se prononce en matière de peine privative de liberté. A cet égard, la comparaison avec la cour d'assises n'est absolument pas acceptable !

Je vous rappelle que, lors du débat sur la loi organique, vous juriez vos grands dieux que jamais les juges de proximité n'auraient à participer à des jugements pouvant donner lieu à des peines privatives de liberté !

Bien entendu, les initiateurs de cette proposition de loi balayent nos objections d'un revers de main. Ils sont évidemment, en l'occurrence, les porte-parole du Gouvernement puisque la proposition de loi est identique au projet de loi qui était en gestation à la Chancellerie.

Devant une telle obstination à faire passer une réforme rejetée par tous les professionnels de justice, et dont l'urgence n'apparaît pas clairement, on peut s'interroger sur les réelles motivations du Gouvernement et des initiateurs de cette proposition de loi. S'agit-il de faire des économies ? Les formations au rabais, les rémunérations sous forme de vacations engendreraient une justice moins coûteuse... Franchement, aujourd'hui, il n'est pas évident que les vacations reviennent au bout du compte moins cher au ministère de la justice que la rémunération d'un magistrat professionnel exerçant à temps plein.

Je le disais en introduction, l'instauration d'une nouvelle juridiction de proximité apparaît comme un échec, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... eu égard à l'expérience acquise, très limitée à la fois dans l'espace et dans le temps ; la presse s'en est d'ailleurs largement fait l'écho.

Le mode de recrutement est un échec, car, si l'objectif affiché est de faire participer les citoyens aux décisions de justice, les juges de proximité doivent être recrutés au sein de la société civile. Or nous constatons que les juges de proximité déjà nommés sont en majorité d'anciens professionnels du droit, d'anciens policiers ou d'anciens gendarmes. Plusieurs questions se posent sur ce recrutement étonnamment centré sur des notables. L'impartialité peut-elle être respectée quand certains juges de proximité - je parle des anciens policiers ou gendarmes - sont confrontés à d'anciens collègues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Comment assurer un procès équitable dans ces conditions ? C'est impossible, et cela est extrêmement préjudiciable pour les justiciables.

Des difficultés sont par ailleurs apparues à la suite du recrutement de ces juges de proximité. Vingt-trois d'entre eux ont déjà démissionné, estimant que leur formation était insuffisante. En effet, ne devient pas juge qui veut ; si les anciens professionnels du droit rencontrent peu de difficultés dans leur nouvelle tâche, les autres, tout en justifiant les vingt-cinq années d'expérience requises, ont du mal à rédiger des jugements motivés.

Le but affiché à l'origine était de désengorger les tribunaux. Or, au vu de l'expérience acquise jusqu'à présent, il apparaît que les juges d'instance se retrouvent enlisés dans les problèmes logistiques et juridiques en raison des conditions très approximatives dans lesquelles a été mise en place cette juridiction de proximité. Non seulement les juges de proximité n'ont pas amélioré la situation des tribunaux d'instance - ceux-là mêmes qui, pourtant, fonctionnent le mieux -, mais ils ont également plutôt contribué à les désorganiser : problèmes de locaux, de partage des greffiers, etc. Loin de soulager les juges d'instance, ils leur donneraient plutôt du travail supplémentaire : formation, organisation des audiences, calcul des vacations ; bref, beaucoup de problèmes logistiques pour bien peu d'affaires traitées.

Sur le plan juridique, les juges d'instance sont confrontés à quelques incohérences. En attendant - jusqu'à quand ? - les 3 300 juges de proximité, ils sont dans l'obligation de traiter les contentieux relevant des deux juridictions, et donc de changer de casquette selon les faits qu'ils ont à juger. Il n'est pas rare, d'après ce que l'on nous a dit, de rencontrer des situations proprement ubuesques !

Monsieur le garde des sceaux, vous avez renoncé à présenter un projet de loi en la matière.

Messieurs les auteurs de la proposition de loi, vous savez que les professions judiciaires sont hostiles à l'extension des pouvoirs de juges de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et il n'est pas honnête de dire que c'est du corporatisme. Le recrutement des magistrats par concours est, sans conteste, conforme aux principes républicains. La suppression de la justice de paix en a été l'illustration. Désengorger les tribunaux de ce que vous appelez les « petits litiges », c'est favoriser les procédures de médiation et de conciliation - et on en est loin avec les juges de proximité -, c'est recruter plus de magistrats, plus de greffiers, plus de personnels.

Démocratiser la justice, c'est faciliter l'accès aux concours de recrutement. Trop de candidats potentiels reculent aujourd'hui devant le manque de démocratie du recrutement ; nous y reviendrons dans le débat.

Nous disons donc résolument non à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en écoutant le rapporteur et les autres co-auteurs de la proposition de loi, j'ai eu de nombreux fous rires, qui étaient en vérité assez nerveux, car « lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer » !

Tout le monde le sait, cette proposition de loi n'en est pas une : un même texte avait été soumis auparavant par la Chancellerie aux organisations syndicales. Ce procédé, peu brillant, vous permet, monsieur le garde des sceaux, de vous passer de l'avis du Conseil d'Etat ; c'est bien dommage !

Le rapporteur - qui n'est pas lui-même co-auteur de la proposition de loi parce qu'il savait qu'il serait le rapporteur de ce texte - propose, avec l'accord des auteurs de la proposition de loi, de multiples modifications. Le Gouvernement est bien évidemment d'accord, M. le garde des sceaux ayant d'ailleurs déjà eu l'occasion, au cours d'une question d'actualité tout aussi spontanée que cette proposition de loi, de l'expliquer.

La loi du 9 septembre 2002, on vient de le rappeler, promettait la création de 3 300 postes de juges de proximité en cinq ans. Or 172 juges de proximité ont été nommés en deux ans, et la majorité d'entre eux ont pris leurs fonctions soit en mai, soit en septembre dernier, comme l'a indiqué M. Michel Lernout, chef de la mission chargée du recrutement des juges de proximité. Certains d'entre eux ont même été nommés au début du mois d'octobre ! Il est ainsi absolument impossible de tirer les leçons de ce qu'ils ont pu faire ou ne pas faire ; plus exactement, ils n'ont rien pu faire, et on ne saurait d'ailleurs le leur reprocher.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Concernant la qualité de ces juges, ni le rapporteur ni personne d'autre n'a jusqu'à présent cru devoir rappeler que le Conseil constitutionnel a sanctionné l'initiative que vous aviez prise de vouloir nommer des femmes ou des hommes ayant vingt-cinq ans d'ancienneté dans les domaines « économique, social ou financier ».

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Une ouverture souhaitée par beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Le Conseil constitutionnel pense en effet - et le groupe socialiste est parfaitement de son avis - que, pour rendre la justice, il n'y a rien de mieux que des juges professionnels, qui font de longues études, qui apprennent le droit, qui savent ce qu'est le droit.

Dans sa question d'actualité que j'évoquais précédemment, M. Garrec, puisqu'il s'agissait de lui, avait fait valoir que, les juges de proximité étant d'une qualité plus grande qu'on ne le pensait à l'origine, il était à ses yeux possible d'accroître leurs compétences.

Or le Conseil constitutionnel a bien dit : « Les compétences que vous leur donnez sont valables pour ceux que vous aurez le droit de recruter. » Il n'a pas dit qu'on pouvait leur en donner plus !

Enfin, vous proposez un bouleversement des compétences en matière civile : pour les juges de proximité, le taux de compétence passerait de 1 500 à 4 000 euros. Ce n'est pas rien ! Il s'agit plus du tout de « petits litiges », mais de litiges fort importants, si tant est d'ailleurs qu'il en existe de petits !

Pour les tribunaux d'instance, ce taux, qui a déjà été relevé de 4 573 à 7 600 euros en 1998, passerait à 10 000 euros, pour tenir compte de l'inflation, nous dit-on. On se moque du monde !

Mme Borvo rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

A l'évidence, ce sont des sommes tout à fait considérables pour une juridiction où il n'y a pas de représentation obligatoire !

M. le président de la commission des lois proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Mais le comble est vraiment atteint quand il est proposé que, dans tous les cas, sauf dans les affaires de droit de la consommation - j'ignore d'ailleurs le pourquoi de cette exception, mais vous me l'expliquerez sans doute tout à l'heure -, les décisions du juge d'instance soient susceptibles d'appel, alors que celles du juges de proximité ne le seraient en aucun cas.

Nous défendrons un amendement tendant à ce que, dans tous les cas, alors qu'il est encore inconcevable de tirer quelque enseignement que ce soit de l'exercice de ces magistrats non professionnels qui sont en place depuis très peu de temps, il soit possible de faire appel de leurs décisions, si vous décidez d'augmenter leurs compétences.

J'en viens à la partie du texte qui prévoit de permettre aux juges de proximité de participer à des décisions en matière correctionnelle.

A l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi, la commission des lois a entendu, notamment, la présidente de l'Association nationale des juges de proximité. Voilà un titre qui impressionne, mais elle nous a confié qu'elle avait été élue par la première promotion qui ne comptait que quarante personnes, ce qui relativise tout de même quelque peu la portée de ses propos !

En tout état de cause, aujourd'hui, 48 % des affaires correctionnelles relèvent du juge unique, sans parler de la composition pénale, de la comparution préalable avant reconnaissance de responsabilité ou de l'ordonnance pénale.

Ce qui relève encore de la collégialité, ce sont les délits les plus graves, les affaires les plus complexes. Dès lors, ce n'est tout de même pas trop demander que de prévoir trois magistrats professionnels pour juger de ces quelques affaires qui échappent encore au juge unique !

La comparaison que certains prétendent faire avec la cour d'assises, dans lesquelles siègent effectivement depuis fort longtemps des jurés non professionnels, n'est évidemment pas du tout pertinente.

Quant à la comparaison avec les tribunaux pour mineurs, qui ont été créés en 1945, elle ne l'est pas davantage : on sait bien que les assesseurs sont choisis en fonction de leurs compétences particulières en matière de jeunesse et que, le plus souvent, il s'agit non pas de punir, mais de relever, précisément parce que ce sont des enfants qui sont en cause. C'est un domaine tout à fait particulier, qui n'a strictement rien à voir avec le droit pénal général.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Il a déjà été dit, mais je tiens à le répéter, que ce dispositif était anticonstitutionnel, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, sur la question de l'impossibilité pour les juges de proximité de prononcer une peine de prison, il est clair qu'on joue sur les mots.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Oui, vous, vous jouez sur les mots, c'est sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Vous jouez sur les mots lorsque vous affirmez que le Conseil constitutionnel a parlé, non pas du « juge proximité », mais de la « juridiction de proximité ». Tout le monde sait que c'est la même chose ! Dès l'instant où cette juridiction de proximité ne se compose que d'un magistrat, qui est le juge de proximité, le Conseil constitutionnel répétera, car il en aura évidemment l'occasion, qu'il ne veut pas voir le juge de proximité participer au prononcé de mesures privatives de liberté.

Robert Badinter a parfaitement démontré tout à l'heure que, dans une juridiction collégiale, en cas de désaccord entre les magistrats professionnels, c'est le juge de proximité qui fera la différence et qui, en fait, prononcera la peine privative de liberté. C'est peut-être même lui qui rédigera le jugement !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Ensuite, dans sa décision en date du 23 juillet 1975, le Conseil constitutionnel - vous avez pu remarquer que Robert Badinter n'a cité que des décisions prises à une époque où il n'en était pas membre - a déclaré contraire à la Constitution le fait que dépende du seul président la désignation de la collégialité ou du juge unique. Or c'est précisément ce que vous proposez puisque le président du tribunal pourra désigner ou ne pas désigner un juge de proximité. Autrement dit, il en résultera une inégalité pour les justiciables.

Enfin, il ne se trouve pas partout des juges de proximité et, si votre texte est adopté, il est de très nombreux tribunaux où il ne pourra pas être appliqué. J'ai sous les yeux un tableau dressant la liste des affectations des juges de proximité, liste qui vient juste de m'être communiquée après que je l'eus longtemps demandée : mieux vaut tard que jamais. Quoi qu'il en soit, elle fait apparaître que des juges de proximité sont présents dans vingt-neuf cours d'appel sur trente-cinq, ce qui signifie que six ressorts de cours d'appel en sont totalement dépourvus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Et plusieurs cours n'ont qu'un juge de proximité : Basse-Terre, Besançon, Nîmes ou Pau. D'autres n'en ont que deux ou trois.

C'est dire que ce texte serait impossible à appliquer et qu'il y a là encore un facteur d'inégalité entre les justiciables.

Il me faut aussi évoquer la formation des juges de proximité. Que peut-on penser d'un stage de cinq jours à l'Ecole nationale de la magistrature ? Je sais bien que, maintenant, le service militaire ne dure plus qu'une journée ! Là, c'est un peu la même chose !

Mme Borvo rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Or il s'agit souvent, nous a-t-on dit, de personnes qui viennent des tribunaux administratifs ou de la Cour des comptes et qui, par conséquent, ne connaissent rien ni au droit civil ni au droit pénal. Et vous allez leur permettre de juger, sans appel possible, d'affaires portant sur des sommes allant jusqu'à 4 000 euros ou de condamner des gens à la prison !

J'ai le regret de le dire, ce n'est ni fait ni à faire !

Il fallait au moins attendre l'épreuve du temps !

J'ai également constaté, grâce au tableau que j'évoquais à l'instant, que soixante-huit juges de proximité, sur les cent soixante-douze en exercice, n'avaient été nommés qu'en septembre dernier, ce qui signifie qu'ils n'ont évidemment aucune pratique. En outre, dans la mesure où ils ne siègent qu'une fois par mois, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est impossible de tirer une quelconque leçon de l'expérience.

Notre collègue Pierre Fauchon, qui est un peu un spécialiste en la matière, après nous avoir expliqué que le dispositif de composition pénale était destiné aux « tout petits litiges », l'a déjà étendu aux délits passibles d'une peine inférieure ou égale à cinq ans. Aujourd'hui, il fait de même avec les compétences du juge de proximité, dans les conditions que l'on sait.

C'est décidément du très mauvais travail législatif et nous voterons résolument contre cette proposition de loi.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Il n'est pas dans mon intention de revenir sur le débat. J'ai compris que les représentants de la gauche étaient hostiles à l'institution de la justice de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Pas à la justice de proximité, au juge de proximité !

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Je vous ai laissé parler, monsieur le sénateur, ayez la courtoisie de faire de même en ce qui me concerne !

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

La gauche a voté, voilà deux ans, contre la justice de proximité.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Elle va continuer à le faire aujourd'hui.

Je souhaite simplement apporter quelques éléments d'information susceptibles d'intéresser le Sénat.

Le profil type du juge de proximité en activité aujourd'hui est le suivant : la moyenne d'âge s'établit à cinquante-huit ans pour les hommes, quarante-sept ans pour les femmes. Le benjamin a trente-sept ans et le doyen, soixante-treize ans. La profession comprend 55 % d'hommes et 45 % de femmes. Parmi ces juges, 48 % ont un niveau d'études bac + 4 et quatre ans d'expérience juridique, 38 % provenant de professions libérales et juridiques.

Ces derniers chiffres montrent que le ciblage du texte correspond bien à la réalité d'aujourd'hui. L'exigence d'une formation juridique relativement importante et d'une expérience dans les métiers du droit se retrouve très clairement dans le profil actuel des juges de proximité.

C'est la raison pour laquelle il m'arrive de ne pas comprendre deux critiques qui sont émises simultanément, parfois par les mêmes personnes. Tantôt on regrette l'insuffisance du nombre de personnes venant de la société civile, hors métiers du droit. Je réponds à cela que notre souci de constitutionnalité nous a précisément amenés à fixer des conditions assez strictes en matière de formation et d'expérience. Tantôt on souligne au contraire que ces personnes n'ont pas une formation juridique suffisante. Les chiffres que je viens de vous communiquer apportent un certain nombre d'éléments sur ce point.

S 'agissant de la possibilité de faire appel des décisions des juges de proximité, je rappelle que, aujourd'hui, le tribunal d'instance statue en dernier ressort jusqu'à 3 800 euros. La proposition qui vous est faite est de faire passer le taux de compétence de la justice de proximité à 4 000 euros, soit 200 euros de plus par rapport à la situation actuelle, où il n'y a pas d'appel.

Chacun pourra tirer les conséquences qu'il souhaite de ces informations complémentaires par rapport aux analyses qui ont été présentées par certains orateurs il y a un instant.

A l'évidence, le débat que nous avons aujourd'hui sur certains éléments techniques destinés à définir les compétences de la justice de proximité est évidemment important. Mais, au-delà de cela il y a plus important encore : c'est le fait que l'institution judiciaire s'ouvre sur des femmes et des hommes ayant des expériences diversifiées. Cela me paraît déterminant pour l'avenir de cette institution. Je le dis avec une grande conviction et beaucoup de sincérité, après deux ans et demi d'expérience comme ministre de la justice.

Je pense en particulier aux juges professionnels. Il est de leur intérêt de pouvoir exercer leurs attributions professionnelles dans les mêmes tribunaux et à « proximité » de femmes et d'hommes ayant des origines, des cultures, des expériences professionnelles différentes.

J'en suis profondément convaincu, nous avons tous intérêt - et je regrette que la gauche n'évolue pas sur ce sujet - à la réussite de la justice de proximité.

En effet, ne vous y trompez pas, mesdames, messieurs les sénateurs : nous pouvons être inquiets de l'image que la justice a parfois dans l'opinion publique française. C'est là une réalité préoccupante, car un pays démocratique doit avoir confiance dans son institution judiciaire.

C'est pourquoi nous devons tout faire pour que cette institution s'ouvre sur l'extérieur.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Il faut que cette nécessaire relation de confiance puisse être rétablie et soit même plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Je le dis franchement, je pense que certaines critiques émises sur la justice de proximité sont parfois plus empreintes de mesquinerie que de sincérité.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance (66, 20042005).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Josiane Mathon, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous estimons - et nous tenterons de vous convaincre, monsieur le garde des sceaux - qu'il n'y a pas lieu de discuter d'un tel texte, qui est d'ailleurs contesté par l'ensemble des magistrats et qui va à l'encontre des principes de notre justice.

J'avancerai plusieurs arguments pour étayer mon propos.

Tout d'abord, je souligne qu'il existait déjà une justice de proximité, incarnée par les juges d'instance. Nul besoin, dans ces conditions, de créer un nouvel ordre de juridiction, prétendument pour rapprocher les citoyens de leurs juges et faciliter, s'agissant des petits litiges, l'accès à la justice. Il n'est donc pas nécessaire d'étendre aujourd'hui les compétences des juges de proximité qui, de surcroît, n'ont pas fait leurs preuves, ou plutôt qui ont fait preuve de leur inefficacité.

Depuis leur mise en place il y a tout juste un an, comme l'a rappelé notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, les juges de proximité n'ont effectué qu'un très petit nombre de vacations et ne déchargent pas les juges d'instance de leur travail.

Tout indique, dans les faits, que la création de cette nouvelle justice de proximité est un échec. Nous ne disposons d'ailleurs d'aucun bilan officiel sur leur activité. Il est notamment impossible de dire en quoi la justice se trouverait rapprochée du citoyen et dans quelles conditions de qualité. Ce seul argument suffirait à rejeter toute velléité d'extension des compétences des juges de proximité.

En outre, vous aviez annoncé, monsieur le garde des sceaux, que, au titre de l'année 2004, les effectifs des juges de proximité seraient portés à six cents. Or il s'avère que le nombre de juges en fonction à la fin de l'exercice 2004 n'excédera pas la moitié. Eu égard aux objectifs prévus - 3 300 juges de proximité sur cinq ans, je le rappelle -, le développement de cette juridiction ne semble donc pas être assuré.

En tout état de cause, l'extension du dispositif existant est envisagée alors que nous ne disposons d'aucun élément de visibilité sur le fonctionnement des juridictions de proximité.

Cet échec est d'autant plus regrettable que la priorité n'était pas de désengorger la juridiction d'instance, contrairement à ce qui était affiché lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.

L'argument avancé par le Gouvernement était alors qu'il fallait offrir une réponse judiciaire aux nombreuses affaires qui échappaient à l'institution judiciaire en raison du coût occasionné par le procès, des démarches trop complexes à effectuer ou des délais de jugement trop importants.

Les faits contredisent cet argument. Outre le fait que la justice d'instance est facile à saisir, le traitement des affaires dans les tribunaux d'instance est de l'ordre de cinq mois en moyenne : c'est l'un des délais de jugement les plus rapides.

Par ailleurs, M. Fauchon le souligne lui-même dans son rapport, la procédure applicable devant le tribunal d'instance est simple : les débats sont oraux et les parties peuvent se présenter seules à l'audience.

Dès lors, pourquoi s'acharner à désorganiser une juridiction qui fonctionne sinon bien, du moins mieux que les autres ?

Nicole Borvo a évoqué ce problème tout à l'heure : les tribunaux d'instance voient effectivement leur fonctionnement perturbé depuis la mise en place des juges de proximité. Pourquoi ne pas faire en sorte d'augmenter les moyens accordés à la juridiction d'instance, juridiction de proximité par excellence ? Un nouvel ordre de juridiction dit « de proximité » serait, de ce fait, inutile.

Contrairement à ce qu'affirme notre rapporteur, à savoir que la réforme instituant une juridiction de proximité « a permis de répondre au souci ancien, constamment réaffirmé depuis la disparition des juges de paix, de rapprocher la justice des citoyens », les arguments soutenus par le Gouvernement et la majorité selon lesquels une plus grande proximité entre la justice et les citoyens et un désengorgement des tribunaux d'instance seraient nécessaires ne tiennent pas.

Lorsqu'on examine le décret du 23 juin 2003 relatif à la juridiction de proximité, force est de constater que le nombre de sièges des juridictions de proximité coïncide avec celui des sièges des tribunaux d'instance. D'ailleurs, le greffe de la juridiction de proximité est celui du tribunal d'instance dont elle dépend. Si le tribunal est déchargé, le greffe, lui, ne l'est pas.

Dans sa configuration actuelle, la nouvelle juridiction rejoindrait l'idée de proximité par le fait qu'elle concerne effectivement des petits litiges, tant en matière civile qu'en matière pénale. Il convient cependant de nuancer cette notion, 1 500 euros représentant une somme importante pour les personnes à faibles revenus. Par ailleurs, ce n'est pas parce que la somme en jeu est modeste que l'affaire est simple à juger. Ce n'est pas la valeur qui fait la complexité de l'affaire, loin de là.

Le projet d'extension du taux de compétence de cette juridiction de proximité s'affranchit, en revanche, de cette dimension.

En matière civile, la somme de 4 000 euros ne peut en aucune manière être considérée par la majorité de nos concitoyens comme étant modique, sans compter que les justiciables n'auront toujours pas la possibilité de faire appel de la décision rendue.

Le fait d'étendre la saisine de cette juridiction dite « de proximité » aux plaideurs professionnels en modifie évidemment la nature. Non, monsieur le rapporteur, la philosophie initiale de la réforme n'est pas conservée. Cette proposition de loi tend à opérer un bouleversement considérable pour ce qui concerne la protection des droits des citoyens.

Un nombre croissant de particuliers, souvent présents en personne lors des procès, se trouveront privés de l'équilibre qu'apporte l'accès à un juge professionnel face à des plaideurs institutionnels représentés par un avocat. Il ne s'agit donc plus de répondre aux besoins de justice de personnes rencontrant a priori des difficultés pour accéder à cette institution.

Enfin, l'extension des compétences du juge de proximité fera entrer dans son contentieux un plus grand nombre d'affaires relevant du droit de la consommation, affaires qui sont de plus en plus complexes.

Or le problème est que les juges qui ont été recrutés l'ont été soit parmi des professionnels ou d'anciens professionnels sans formation dans ce domaine, soit, au contraire, parmi des professionnels particulièrement proches des créanciers institutionnels ; je pense à des responsables de contentieux ou encore à des huissiers de justice. Pour les uns, la formation qui est actuellement dispensée sera pour le moins insuffisante pour leur inculquer les connaissances requises ; pour les autres, il est évidemment à craindre que leur impartialité ne soit pas objective pour traiter ce genre de contentieux.

En matière pénale, l'intérêt d'une participation de juges non professionnels aux audiences du tribunal correctionnel serait que ceux-ci aient une légitimité citoyenne. Or les juges de proximité sont recrutés quasiment exclusivement parmi d'anciens magistrats, avocats, juristes d'entreprises, ou bien encore parmi d'anciens policiers ou gendarmes.

Contrairement à ce que soutient la Chancellerie, la présence des juges de proximité au sein des formations correctionnelles ne répond pas tout à fait à la logique d'une participation des citoyens à la justice. Au contraire, la multiplication de leurs interventions, dans un ressort géographique plus étendu qu'actuellement, accroîtra les risques de conflits d'intérêts et d'atteinte à l'impartialité.

Par ailleurs, j'estime que le fait de permettre à des juges non professionnels de participer à des audiences correctionnelles contrevient à l'article 66 de la Constitution de 1958, selon lequel l'autorité judiciaire est garante du respect de la liberté individuelle.

En effet, bien que les juges non professionnels soient soumis au statut de la magistrature, ils ne sont pas membres du corps judiciaire. Cela nous pose un problème. La frontière est d'ailleurs étroite entre la validation de mesures de composition pénale et le prononcé des peines privatives de liberté. Jusqu'où irez-vous dans l'extension des compétences de ces juges en matière pénale ?

Vous le voyez, les conditions sont loin d'être réunies pour envisager d'étendre les compétences de ces juges, dont la création et la légitimité sont déjà particulièrement contestables.

De plus, pendant ce temps, le Gouvernement ne crée pas de postes de magistrats supplémentaires et désavoue encore davantage le travail des conciliateurs de justice. Ces derniers doivent d'ailleurs se demander à quoi ils peuvent bien servir.

Alors que le Gouvernement vantait les mérites de la médiation et de la conciliation lors de la présentation du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, et qu'il insistait sur le rôle des conciliateurs pour apaiser les conflits, un nouvel ordre de juridiction a été créé. Pis, il est aujourd'hui envisagé d'en étendre considérablement les compétences.

L'incohérence est même poussée plus loin : outre que le juge de proximité doit favoriser la conciliation avant de rendre un jugement, il peut, après avoir tenté une conciliation et faute d'accord entre les parties, leur enjoindre de rencontrer un conciliateur. L'inverse n'aurait-il pas été plus logique ?

Enfin, je souhaite insister sur le fait que la contribution des conciliateurs à la justice de proximité est loin d'être négligeable.

En juillet 2002, si l'intention du Gouvernement était réellement de donner une vraie place à la justice de proximité, il aurait pu s'appuyer sur les conciliateurs de justice, qui, en plus de vingt ans, ont fait leurs preuves.

Rappelons également que tout juge est conciliateur et que les moyens accordés aux services de conciliation du tribunal d'instance ne sont pas inférieurs à ceux qui sont accordés à la juridiction de proximité.

Cela nous renforce dans cette conviction : outre le fait que cette nouvelle juridiction de proximité présente les problèmes de fonctionnement que les divers intervenants ont décrits, problèmes qui portent évidement atteinte à la protection des droits des citoyens en matière de justice, elle est inutile.

Il est donc inadmissible que, après si peu de temps, et sans le recul nécessaire, le Gouvernement propose, par l'intermédiaire de parlementaires, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Mme Josiane Mathon. ... d'étendre les compétences de cette nouvelle juridiction.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je pense beaucoup de bien non seulement de l'institution du juge de proximité, mais aussi de la proposition de loi qui a été déposée par trois de nos collègues et dont Pierre Fauchon est le rapporteur.

Toutefois, cette réforme qui est très importante pour l'avenir de notre société, n'est pas tout à fait achevée. Je pense même que, à terme, il faudra aller sensiblement plus loin et repenser complètement l'organisation du tribunal d'instance pour faire en sorte que ce soient les juges de proximité, sous l'autorité d'un magistrat de carrière, qui assument la charge de l'ensemble du tribunal d'instance.

En effet, mes chers collègues, c'est bien le fonctionnement actuel des tribunaux d'instance qui donne une mauvaise image de la justice : on y expédie quarante ou cinquante affaires en une matinée ; les justiciables, qui n'ont pas toujours un avocat, n'ont même pas le temps de s'exprimer.

C'est en fin de compte une justice au rabais qui est rendue dans le tribunal d'instance. (

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Avec le juge de proximité, nous allons améliorer les relations et les contacts entre les justiciables et ceux qui rendent la justice.

Et qu'on ne nous dise pas que les juges de proximité sont des juges mal formés. Leur formation juridique est aussi bonne et aussi complète que celle qui est dispensée à tous les magistrats professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Certes, on peut s'interroger sur la brièveté du stage qu'ils effectuent au sein de l'Ecole nationale de la magistrature, mais une personne qui a été avocat ou professeur de droit a au moins la même formation qu'un magistrat. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Il lui manque certes la pratique, mais elle l'acquerra. Chacun le sait, un magistrat qui sort de l'Ecole nationale de la magistrature n'a, lui non plus, aucune pratique, et il commence bien, à un moment donné, par faire ses armes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Alors, supprimez l'Ecole nationale de la magistrature ! On fera des économies !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Après quelques années, les juges de proximité seront, vous le verrez, mes chers collègues, aussi compétents que les magistrats de carrière parce qu'ils ont, au départ, une formation juridique.

A cet égard, qu'il me soit permis de regretter que l'on n'ait pas profité de cette proposition de loi pour apporter une légère modification au statut actuel des juges de proximité.

En effet, on exige aujourd'hui des juges de proximité qu'ils exercent leur mission loin de l'endroit où ils habitent. Cette mesure est bien évidemment justifiée pour les avocats, mais elle ne l'est sûrement pas pour les professeurs ou les maîtres de conférence de droit, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

... qui pourraient parfaitement remplir leur mission là où ils résident. Il n'est guère probable qu'il puisse exister un lien entre leur exercice professionnel et les affaires qu'ils seraient susceptibles de traiter. En outre, nous pourrions retrouver un certain nombre de juges de proximité qui avaient été sélectionnés et qui ont démissionné face aux difficultés que représentait l'éloignement du tribunal par rapport à leur lieu de résidence.

Par ailleurs, on ne peut pas dire que les juges de proximité rendent une mauvaise justice, à moins de condamner toute forme de participation des citoyens au fonctionnement de la justice. Il faudrait condamner les conseils de prud'hommes, les tribunaux paritaires des baux ruraux, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

... les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les jurys de cours d'assises, toutes instances qui ne sont pas composées de magistrats professionnels mais qui rendent la justice au même titre qu'eux.

Par conséquent, c'est une expérience qu'il faut poursuivre, renforcer, conforter ; il convient de faire en sorte que cette greffe, un peu délicate, soit progressivement acceptée par les magistrats, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il faudrait organiser des stages dans les juridictions pour les sénateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

... qui seront ainsi déchargés d'affaires qui les empoisonnent et qui ne sont pas dignes d'eux parce qu'ils ont d'autres choses plus importantes à faire.

Le texte qui nous est proposé est un bon texte pour conforter cette institution. C'est la raison pour laquelle, avec mes amis, je voterai contre la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je ne reviendrai pas sur ce que le garde des sceaux a expliqué tout à l'heure en des termes très convaincants.

Permettez-moi de vous le dire amicalement, chers collègues du groupe CRC, je trouve consternante cette question préalable. Enfin quoi ! Vous savez bien quel est l'état de la justice en France ! Vous n'allez pas m'obliger à étaler ici les misères, les difficultés, les insuffisances, les retards, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Voilà, cher ami, une réflexion qui retombe sur celui qui l'a prononcée, les fautes étant largement partagées depuis des lustres !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

La situation de la justice n'est pas tellement satisfaisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je rends hommage aux magistrats qui sont dans la tranchée et qui font de leur mieux pour faire face à bien des difficultés.

Nous tentons une expérience qui est intéressante. Elle n'est pas, en elle-même, porteuse de bouleversements, mais elle est porteuse d'un grand espoir, comme le doyen Gélard l'a rappelé tout à l'heure. Laissez cet espoir grandir et s'épanouir. N'émettez pas une opposition de principe dont on sent tellement qu'elle est politique, pour ne pas dire politicienne,

Protestations sur les travées du groupe CRC

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Puisque vous n'avez pas le courage de retirer cette motion, la commission demande à la majorité de cette assemblée de la rejeter avec vigueur.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Si M. le garde des sceaux n'a rien à dire, je vais mettre cette motion aux voix.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Madame la présidente, je regrette que vous puissiez considérer que le garde des sceaux n'a rien à dire.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Je ne demande pas la parole, ce qui est un peu différent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Je tiens à dire que nous soutenons cette question préalable et à regretter le tour pris par ce débat...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Certes pas vous puisque vous n'étiez pas là auparavant !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

...dans la mesure où nous sommes injuriés et que nous ne saurions l'admettre.

Il n'est pas admissible, en effet, que l'on nous dise qu'il y aurait dans notre attitude - sans autre précision, mais, après tout, il n'y a pas tant de membres de l'opposition qui sont intervenus - plus de mesquinerie que de sincérité. Ces termes, nous ne les acceptons pas !

Nous n'admettons pas non plus que le rapporteur prétende que notre opposition serait politicienne, corporatiste et je ne sais quoi d'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Nous sommes au moins aussi sincères que vous, permettez-moi de vous le dire !

J'ajoute que je n'attends pas d'un garde des sceaux qu'il dise que l'on n'a plus confiance dans la justice, car il faut avoir confiance dans la justice, ce qui est notre cas, même si nous savons que la justice pourrait travailler dans de meilleures conditions.

Vous avez affirmé, monsieur le garde des sceaux, que nous étions contre la justice de proximité. J'ai répondu, et vous m'avez reproché de vous interrompre, que nous n'étions pas contre la justice de proximité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

... mais que nous étions contre l'institution des juges de proximité, ce qui n'est pas la même chose.

Lorsque, tout à l'heure, je disais à M. Fauchon « c'est votre faute », je parlais évidemment de la majorité actuelle. Je m'explique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Il y avait jadis des juges de paix. Ils ont été supprimés. Par qui ? Vous vous en souvenez : c'était en 1958, quand M. Debré était garde des sceaux.

Fut ensuite votée par le Parlement une réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Qui ne l'a pas inscrite à l'ordre du jour du Congrès de Versailles ? Qui en a profité pour continuer à nommer des membres du parquet contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature ? Ce n'est pas nous non plus !

La gauche avait fait voter la collégialité des juges d'instruction, prévue par la loi du 7 janvier 1993. Qui est revenu dessus ? Ce n'est pas nous ! C'est vous, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

... dès le mois de juillet suivant, avec le vote de la loi Pasqua !

Il faut plus de juges, il faut plus de moyens, c'est la seule façon de rendre une bonne justice, car personne ne peut mieux rendre la justice que des magistrats professionnels. Tout le reste est de la littérature. Et croyez bien que, en disant cela, nous sommes parfaitement sincères !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le quatrième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est ainsi rédigé :

« Seront crées sur la période 2003-2007 10 680 emplois budgétaires permanents. »

II. Le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est supprimé.

III. Le tarif fixé à l'article 978 du code général des impôts est relevé à due concurrence.

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, mais nous l'avons déposé parce que nous considérons qu'il conviendrait d'augmenter les postes de magistrats de l'ordre judiciaire plutôt que de créer un nouvel ordre de juridiction dit « de proximité ». C'est une des réponses à apporter au problème de l'encombrement des tribunaux.

Par cet amendement, nous proposons de transformer le nombre de postes de juge de proximité et d'assistant de justice que la loi d'orientation et de programmation prévoyait en autant de postes supplémentaires de magistrat de l'ordre judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je ne surprendrai pas Mme Borvo en lui disant que la commission ne peut évidemment pas être favorable à son amendement. Tout l'intérêt du système est précisément de recruter des juges dans la société civile. C'est une idée à laquelle nous sommes attachés et qui est directement contredite par son amendement.

Je relève au passage que le dispositif proposé par Mme Borvo aurait aussi pour effet de limiter le nombre de postes d'assistant de justice. Je me permets de rappeler que c'est nous, au Sénat, qui avons créé les assistants de justice, à partir d'un amendement dont j'étais d'ailleurs l'auteur, et cela dans un scepticisme général. Or il s'avère que tous les magistrats que nous rencontrons sont contents des assistants de justice, que les assistants de justice sont eux-mêmes très contents de leur situation et que la question se pose de savoir s'il ne faudrait pas pérenniser leurs fonctions.

Le système des assistants de justice a tellement donné satisfaction que la Cour de cassation nous a demandé de voter un texte pour qu'elle puisse elle-même en disposer.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, mais je souhaiterais, en réponse à la question qu'il soulève, apporter quelques indications au Sénat sur les créations de postes de magistrat professionnel.

Dans le cadre de la loi d'orientation que la majorité du Sénat a votée, il était prévu que 950 postes de magistrats seraient créés sur le plan budgétaire. D'ores et déjà, 430 l'ont été et nous avons fait un effort important pour que s'accélère la « localisation » des magistrats, comme l'on dit dans le jargon de la Chancellerie, c'est-à-dire leur mise en place effective. Les vacances de postes, qui étaient de plus de 6 % à la fin de 2002, ont diminué aujourd'hui de manière très sensible et se situent maintenant en dessous de 3 %, proportion quasiment incompressible, car se pose ensuite le problème des changements d'affectation.

Celles et ceux d'entre vous qui ont des contacts avec les juridictions de vos départements le savent certainement, on n'entend plus la litanie sur les vacances de postes, cela grâce à l'important effort qu'a fourni la direction des services judiciaires pendant deux ans et demi.

En revanche, je dois dire, pour être aussi objectif que possible, que nous devons maintenant faire sérieusement porter l'effort sur les greffes.

En effet, si un examen précis de la situation dans les juridictions montre que celle-ci est aujourd'hui convenable en ce qui concerne les magistrats, un déficit est encore à déplorer s'agissant des greffes.

L'école des greffes a vu sa capacité de formation augmenter, afin que les promotions soient plus importantes. Nous allons tout faire pour que, dans les greffes, aucun poste ne reste vacant. Du reste, vous pourrez le constater dans quelques jours, la politique d'augmentation des postes budgétaires est poursuivie dans le projet de loi de finances pour 2005.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Titre premier

Dispositions modifiant le code de l'organisation judiciaire

Chapitre premier

Dispositions relatives au tribunal d'instance

L'article L. 321-2 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :

« Art. L. 321-2. - Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, le tribunal d'instance connaît, en matière civile, à charge d'appel, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10.000 euros. Il connaît aussi, à charge d'appel, des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10.000 euros. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Afin de pallier le manque criant de magistrats de l'ordre judiciaire, leur effectif n'ayant pas augmenté de façon suffisante, nous proposons d'ouvrir la troisième voie de recrutement des magistrats aux personnes exerçant des activités syndicales ou associatives.

Le groupe que je préside a souvent eu l'occasion de se prononcer en faveur d'une participation des citoyens à la justice à travers l'échevinage et une démocratisation du recrutement des magistrats, non par une augmentation du nombre de juges de proximité.

De telles mesures contribueraient, selon nous, à une plus grande ouverture de la justice, alors que les juges de proximité, eux, ne favorisent pas cette dernière, bien au contraire.

L'un de vos arguments en leur faveur est qu'ils seraient recrutés au sein de la société civile. Or celle-ci est diverse et le fait qu'ils soient tous ou presque issus de professions juridiques ne va pas dans le sens de cette diversité !

Notre logique est radicalement opposée à la vôtre : nous souhaiterions que des personnes venant d'horizons variés puissent devenir magistrats, ce qui présenterait le double avantage d'ouvrir la justice à la société civile et de professionnaliser ces magistrats.

Peut-être mon intervention vous incitera-t-elle, monsieur le garde des sceaux, à faire en sorte que la troisième voie de recrutement des magistrats soit plus largement ouverte, ce qui entraînerait, non un tarissement, mais au contraire une plus grande démocratisation du recrutement des magistrats professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 11, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Aux termes de cet article, « le tribunal d'instance connaît, en matière civile, à charge d'appel, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros ». Il s'agit là d'une somme énorme, qui n'a rien à voir avec les « petits litiges » dont on nous avait parlé jusqu'à présent.

Nous avons rappelé tout à l'heure que, devant le tribunal d'instance, le recours à un avocat n'était pas obligatoire : le malheureux juge se voit donc livré à des justiciables qui ne savent pas présenter leur cause, qui ne savent quelles pièces ils peuvent produire ni comment les produire, ce qui ne manque pas, d'ailleurs, d'allonger considérablement les débats.

Elargir ainsi, tout à coup, et de manière considérable, la compétence des tribunaux d'instance nous apparaît donc comme une très mauvaise idée et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Est-il possible de s'exprimer sans être interrompu par M. Dreyfus-Schmidt ?

Ce redéploiement est dans la logique du texte que la commission souhaite voir adopter et de nature à ce que, comme je le disais tout à l'heure, la compétence des tribunaux d'instance ne se réduise pas comme peau de chagrin, ce qui serait tout à fait absurde et opposé à l'idée que nous nous faisons de leur mission.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Après l'article L. 321-2 du même code sont insérés quatre articles L. 321-2-1 à L. 321-2-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 321-2-1. - Sous réserve des dispositions législatives, le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4.000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée, des actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations logement.

« Sont exclues de la compétence du tribunal d'instance toutes les contestations en matière de baux visés par les articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce.

« Art. L. 321-2-2. - Le tribunal d'instance connaît à charge d'appel des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation.

« Art. L. 321-2-3. - Le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4.000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée des actions relatives à l'application du chapitre 1er du titre premier du livre troisième du code de la consommation.

« Art. L. 321-2-4. - Les compétences particulières du tribunal d'instance sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 12, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 2 a été modifié par M. le rapporteur et les auteurs, ou pseudo-auteurs, de la proposition de loi.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Disons, si vous préférez, avec l'accord des pseudo-auteurs de la pseudo-proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Ce qui est mesquin, c'est de ne pas avoir le sens de l'humour, ce qui m'étonne de vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

L'article 2 dispose :

« Sous réserve des dispositions législatives, le tribunal connaît en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4. 000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée, des actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations logement.

« Sont exclues de la compétence du tribunal d'instance toutes les contestations en matière de baux visés par les articles L. 145-5 et L. 145-2 du code de commerce. »

S'il s'agit de simplifier les compétences, le moins que l'on puisse dire est que cela commence mal !

Je puis comprendre le sens de l'alinéa concernant les baux, même si le fait de préciser par quels articles du code de commerce ils sont visés en rend la lecture difficile.

En revanche, je ne comprends pas pourquoi, dans l'alinéa précédent, un sort spécial est réservé aux « actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ».

Peut-être voudra-t-on bien me l'expliquer.

En l'état actuel de mes connaissances, je propose la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je tiens à vous le rappeler pour que vous ne teniez pas de nouveau des propos qui ne seraient pas rigoureusement exacts du point de vue réglementaire.

La commission a donc estimé devoir préciser, par rapport au texte de la proposition de loi, que, s'agissant de problèmes de droit un peu complexes, concernant notamment les loyers, mieux valait, même en dessous de 4 000 euros, conserver sa compétence au tribunal d'instance.

Je pense que c'était la sagesse, car il convient d'éviter que le juge de proximité ne se voie contraint de renvoyer certaines affaires au tribunal d'instance, voire, dans certains cas, au tribunal de grande instance.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Votre position me surprend, monsieur Dreyfus-Schmidt : nous avons voulu que ces affaires locatives, qui portent quelquefois sur des impayés, sans doute modestes, parfois, j'en conviens, continuent à relever de la compétence du tribunal d'instance, c'est-à-dire de celle d'un juge professionnel. Or cela me paraît ressortir à une philosophie qui est proche de la vôtre.

En effet, non seulement ces affaires peuvent présenter des aspects complexes, mais, de plus, il n'y a pratiquement jamais de demande de recouvrement d'impayés de loyer qui ne soit assortie d'une demande de mise en jeu de la clause résolutoire - vous êtes un praticien et vous savez bien qu'elle est toujours demandée - et donc d'une demande de décision d'expulsion.

Dès lors, c'est le maintien dans le logement qui peut être en cause, avec toute une série de graves conséquences sur le plan humain.

Je suis de ceux qui ont foi en cette réforme, qui croient que la justice de proximité va se développer et que, dans dix ans, elle aura acquis une ampleur et une crédibilité telles que son champ d'application pourra encore être élargi.

Toutefois, au stade actuel, qui est encore un stade expérimental, nous croyons préférable de laisser ces affaires, parce qu'elles risquent de déboucher sur une expulsion du logement, à la responsabilité d'un juge professionnel, à savoir le juge d'instance.

Il me semble donc, mon cher collègue, que nous devrions être d'accord.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

M. le rapporteur vient de me donner une réponse, mais seulement sur un point.

L'article 2 tend également à insérer, dans le code de l'organisation judiciaire, un article L. 321-2-2, qui dispose que « le tribunal d'instance connaît à charge d'appel des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation. », ainsi qu'un article L. 321-2-3, aux termes duquel « le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4 000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée des actions relatives à l'application du chapitre 1er du titre premier du livre troisième du code de la consommation ».

Lors de la discussion générale, j'ai dit que je n'avais pas compris pourquoi, dans ce cas-là, le tribunal d'instance connaissait des actions « à charge d'appel ». Il m'a été répondu qu'on me l'expliquerait. Tel n'ayant pas été le cas, je maintiens ma demande de suppression de l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Dreyfus-Schmidt ne m'ayant pas interrogé sur ces alinéas, je n'ai pu lui répondre.

Pour les raisons que j'ai déjà évoquées et à la suite, notamment, des auditions des représentants des associations de consommateurs auxquelles nous avons procédé, il nous est apparu que les questions de crédit à la consommation pouvaient, elles aussi, apparaître comme étant assez particulières.

C'est la raison pour laquelle nous avons cru plus sage, là encore, selon une philosophie qui ne devrait pas vous choquer, bien au contraire, laisser ces affaires relever du juge d'instance.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le chapitre II, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II de la loi n° 20021138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement est un peu provocateur, j'en ai bien conscience. En effet, les juges de proximité existent, 172 ont été nommés, et il serait aujourd'hui bien difficile de supprimer des juridictions en cours d'installation.

Il reste que cet amendement s'inscrit dans la logique de notre opposition aux juges de proximité et que, même si la mise en place des juges est effective, leur installation est laborieuse et rencontre de nombreuses difficultés. Personne ne peut dire le contraire !

En matière de réforme du fonctionnement des juridictions, et plus particulièrement de la juridiction d'instance, un autre choix était possible. Vous-même l'aviez admis, monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice : « Je conviens volontiers qu'un autre choix était possible, qui eût consisté à rester dans le cadre du tribunal d'instance et à assister les juges d'instance de magistrats non professionnels. Le rapporteur de votre commission des lois pour cette partie du projet, M. Pierre Fauchon, est particulièrement sensible à ce choix, qui se situe dans la lignée des magistrats à titre temporaire créés en 1995. »

Nous aurions préféré que vous fassiez ce choix plutôt que de créer les juges de proximité !

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous aviez alors soutenu que la juridiction de proximité serait une juridiction autonome nouvelle par rapport au tribunal d'instance. Il n'en est rien puisque c'est le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration de ce tribunal qui organise l'activité et les services de la juridiction de proximité.

Si proximité il y a, ce serait plutôt entre la juridiction de proximité et le tribunal d'instance !

La création d'un nouvel ordre de juridiction s'avère un mauvais choix. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Comme il s'agit une nouvelle fois d'une opposition de principe, la commission est naturellement défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Chapitre II

Dispositions relatives à la juridiction de proximité

L'article L. 331-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 331-2. - Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, la juridiction de proximité connaît en matière civile, en dernier ressort, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Elle connaît aussi à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.

« Elle connaît aussi, dans les mêmes conditions, en vue de lui donner force exécutoire, de la demande d'homologation du constat d'accord formée par les parties, à l'issue d'une tentative préalable de conciliation menée en application de l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 7 est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 13 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Avec cet article, nous abordons le coeur de la proposition de loi.

Certes, les deux premiers articles de la proposition de loi précisent de façon opportune les compétences du tribunal d'instance. Néanmoins, la création de blocs de compétences spécifiques pour le tribunal d'instance et pour le tribunal de grande instance de nature à clarifier leurs champs d'intervention respectifs ne justifie en rien l'extension du champ d'intervention de la juridiction de proximité.

Bien au contraire, la création de ce nouvel ordre de juridiction a constitué, sur ce point, une nouvelle source de difficultés et d'enchevêtrement des compétences.

C'est donc la mise en place de cette juridiction de proximité qui rend nécessaire a posteriori la détermination des blocs de compétences entre tribunal d'instance et juridiction de proximité.

Vous l'avez compris, nous sommes fermement opposés à toute extension des compétences des juges de proximité.

En effet, si la création des juges de proximité a été avancée comme la meilleure solution pour désengorger les tribunaux d'instance et rapprocher les citoyens de la justice, la réforme a rapidement trouvé ses limites.

Désormais, les juges de proximité pourront être saisis de litiges portant sur une somme maximale de 4 000 euros, au lieu de 1 500 euros actuellement. Avec ce nouveau seuil, nous sommes loin de la notion de « petit litige » !

Un autre point nous semble lourd de conséquences. Si cette proposition de loi est adoptée, pourront avoir recours à la justice de proximité les personnes morales - sociétés, associations professionnelles en tout genre -, et non plus seulement les particuliers. Cette disposition modifie la philosophie même du texte originel puisqu'il était initialement prévu que la justice de proximité devait être facilement accessible, pour régler de petits litiges.

Enfin, les décisions du juge de proximité ne sont pas susceptibles d'appel. J'y reviendrai lorsque je défendrai l'amendement n° 22 rectifié, à moins, bien sûr, que ne soit adopté le présent amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Nous sommes évidemment contre l'article 3, qui augmente - c'est bien le terme approprié - la compétence des juridictions de proximité jusqu'à 4 000 euros en dernier ressort, alors que nous ne les avons pas encore vues à l'oeuvre.

Malgré tout, j'apporterai ma contribution à la majorité : la nouvelle rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire, que prévoit l'article 3, me semble comporter une erreur.

Hormis les précisions et modifications qui ont déjà été signalées, la proposition de loi reprend la rédaction actuelle de l'article L. 331-2, mais en en supprimant le deuxième alinéa, ce qui donne ceci :

« Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, la juridiction de proximité connaît en matière civile, en dernier ressort, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Elle connaît aussi à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.

« Elle connaît aussi, dans les mêmes conditions, ... »

De quelles conditions s'agit-il ? De celles de la première ou de celles de la deuxième phrase du premier alinéa ? En d'autres termes, est-ce à charge d'appel ou en dernier ressort ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que quelque chose ne va pas !

Dans ces conditions, nous serons unanimes, je pense, à supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 14, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3312 du code de l'organisation judiciaire, remplacer les mots :

en dernier ressort

par les mots :

à charge d'appel

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Il nous a été dit - encore que cela ne résulte pas clairement de l'article 2 que vous venez d'adopter - que toutes les décisions du tribunal d'instance seraient désormais susceptibles d'appel. Elles le seront d'ailleurs sans doute dans la plupart des cas.

En revanche, et nous avons relevé ce paradoxe extraordinaire dans la discussion générale, alors qu'il serait possible de faire appel des jugements des tribunaux d'instance rendus par des magistrats professionnels, il ne pourrait en être de même des jugements rendus par des juges de proximité ! Certes, on a loué leur grande valeur, même si la plupart d'entre eux ont été nommés aux mois de juillet ou de septembre derniers et que, parmi eux, se trouvent des membres des tribunaux administratifs ou de la Cour des comptes. Je respecte énormément ces derniers dans la partie qui est la leur, mais je suis convaincu qu'ils ne peuvent, en cinq jours, apprendre le droit civil et le droit pénal, matières que nombre d'entre eux n'ont jamais approchées.

L'amendement n° 13 nous semble donc primordial : si seul cet amendement était voté, ce serait déjà un résultat important. Nous n'avons pas encore vu les juges de proximité à l'oeuvre. Nous les verrons, du moins provisoirement puisqu'un « Fauchon III », c'est-à-dire un troisième texte sur les juges de proximité, nous est promis. Qu'au moins il puisse être fait jusque-là appel des décisions des juges de proximité si elles ne donnent pas satisfaction !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après les mots :

connaît en matière civile

rédiger ainsi la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3312 du code de l'organisation judiciaire :

des actions personnelles ou mobilières, en dernier ressort jusqu'à la valeur de 1 000 euros et à charge d'appel jusqu'à la valeur de 4 000 euros.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous ne pouvons accepter, je le répète, que les jugements rendus par les juges de proximité le soient en dernier ressort, c'est-à-dire qu'aucun appel ne soit possible.

Selon vous, monsieur le rapporteur, puisque le tribunal d'instance comme le tribunal de grande instance peuvent juger de litiges sans appel possible, il n'est pas choquant que la juridiction de proximité statue également en dernier ressort.

Malgré le relèvement du taux de compétence des juridictions à 4 000 euros, le Gouvernement et la commission maintiennent l'impossibilité de faire appel des décisions des juges de proximité. L'argument pourrait faire sourire s'il ne s'agissait pas d'une somme aussi importante pour des justiciables aux revenus modestes.

Deux remarques s'imposent.

D'une part, s'il est vrai qu'il n'est pas possible de faire appel d'une décision des juges d'instance quand le litige porte sur une sommes inférieure à 3 800 euros - ce qui est actuellement le cas -, encore faut-il rappeler que les juges d'instance sont des magistrats professionnels, a priori bien formés, mieux que les juges de proximité. Prévoir un appel des décisions des juges de proximité constitue donc une garantie pour le justiciable dont le litige est tranché par un juge non professionnel, dont la formation est, de surcroît, insuffisante.

D'autre part, si votre souci, en procédant ainsi, est de ne pas aggraver l'encombrement dont souffrent les juridictions d'appel, il faut augmenter d'urgence les effectifs des magistrats dans ces juridictions !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

D'une manière générale, nous sommes défavorables à ces amendements qui vont à l'encontre de la démarche du texte.

Je répondrai aux deux questions qui viennent d'être posées à l'occasion de l'examen de cet article.

M. Dreyfus-Schmidt a d'abord pointé un éventuel problème rédactionnel.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Il ne me semble pas qu'il y en ait un, mais cela demande confirmation. Je m'en remets donc à l'appréciation de la Chancellerie et souhaiterais avoir l'avis de M. le garde des sceaux sur ce point. S'il y a lieu de préciser la rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire, nous le ferons dans le cadre de la navette.

Sur la question de l'appel, je comprends bien votre souci, madame Mathon. Dans l'absolu, il serait évidemment souhaitable qu'il puisse être fait appel de toutes les décisions, y compris de la décision rendue par la cour d'appel, selon une chaîne sans fin ! Malheureusement, ce n'est pas possible : le perfectionnisme aboutirait à la paralysie du système.

Nous vivons depuis des siècles sur l'idée que, en dessous d'un certain montant, la décision est rendue en dernier ressort. La Cour de cassation peut toutefois être saisie : elle traite très sérieusement des affaires posant un problème de principe, et ce de manière rapide et efficace.

A cette sécurité en aval s'ajoute une sécurité en amont. En effet, s'il est saisi d'une affaire qu'il estime trop problématique, le juge de proximité peut se défausser, si vous me permettez l'expression, et la renvoyer au juge d'instance.

Dans ces conditions, et conformément à ce qui est déjà bien établi dans notre système juridique, il faut admettre que, en dessous d'un certain seuil - il est porté de 3 800 à 4 000 euros, ce qui n'est pas un saut vertigineux -, aucun appel n'est possible. Dans le cas contraire, loin d'avoir amélioré le système, nous aboutirions à un engorgement phénoménal.

Encore une fois, nous sommes dans une phase expérimentale. S'il apparaît dans quelques années que cette nouvelle juridiction génère trop d'erreurs, il sera temps de réagir. J'aimerais vous convaincre, madame Mathon, que cette démarche est inspirée par le simple bon sens.

Je m'oppose donc avec force à l'idée d'introduire un appel : ce serait ruiner le système et revenir sur une pratique judiciaire maintenant établie depuis longtemps.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Pour dissiper ses inquiétudes, je répondrai à Michel Dreyfus-Schmidt qu'il n'est pas nécessaire de modifier la rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire.

En effet, le second alinéa prévoit que la juridiction de proximité connaît « de la demande d'homologation du constat d'accord formée par les parties » : la question du dernier ressort ou de l'appel ne se pose donc pas. Les « mêmes conditions » qui sont évoquées en tête de ce second alinéa renvoie en fait au membre de phrase qui figure au début du premier alinéa : « Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions ». La rédaction proposée ne soulève donc aucune difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 7 et 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

En ce qui concerne le problème de forme que j'ai signalé, je suis prêt à parier que l'Assemblée nationale, lorsqu'elle examinera cette proposition de loir, rectifiera ce que persiste à considérer comme une erreur de rédaction.

Sur le fond, M. le rapporteur a objecté qu'il était toujours possible de se pourvoir en cassation. Mais la Cour de cassation a peut-être aussi beaucoup de travail ! De surcroît, un pourvoi coûte beaucoup plus cher qu'un appel, tout le monde le sait.

Il n'est vraiment pas satisfaisant de considérer que, pour de prétendus « petits litiges », qui peuvent tout de même concerner des sommes allant jusqu'à 4 000 euros, si la décision du juge de proximité est contestée par les justiciables, ceux-ci n'auront d'autre solution que de se pourvoir en cassation.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'il faut faire l'expérience. Mais ce n'est pas vous qui allez « payer les pots cassés » ! Ce sont les justiciables et, sans doute, les plus pauvres d'entre eux.

La prudence consisterait, au contraire, à prévoir, dans un premier temps, la procédure d'appel, quitte à y renoncer éventuellement plus tard si l'expérience montre que l'appel des décisions des juges de proximité est rarissime, ce qui signifierait que leur compétence est unanimement reconnue.

Malheureusement, vous avez opté pour la démarche inverse et, dans ces conditions, nos amendements de suppression se justifient pleinement.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Après l'article L. 331-2 du même code, il est inséré un article L. 331-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 331-2-1. - Les compétences particulières de la juridiction de proximité en matière civile sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 15 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous nous opposons à l'extension des compétences du juge de proximité. D'où cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

J'avoue avoir quelque mal à comprendre : si j'en crois le tableau comparatif, à la page 78 du rapport, le même article du code est à la fois supprimé par la commission et maintenu sans modification. Le moins que l'on puisse dire c'est que, sur cet article, le tableau comparatif manque singulièrement de clarté. J'aimerais obtenir quelques éclaircissements.

Par ailleurs, alors que nous parlons depuis plus d'une heure des compétences qu'il conviendrait de donner à la juridiction de proximité, voilà qu'on nous dit qu'il pourrait y avoir des compétences particulières qui seraient fixées par décret en Conseil d'Etat ! Cela mérite tout de même une explication.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Ces deux amendements me paraissent inutiles. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

J'ajoute, pour répondre à la demande d'éclaircissements énoncée par M. Dreyfus-Schmidt, qu'il est clair que nous proposons de maintenir un seul des deux articles du code qui figuraient initialement dans l'article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

C'est cela que vous appelez des éclaircissements ?

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Défavorable.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

L'article L. 331-5 du même code est ainsi modifié :

I. Dans cet article, les mots : « l'article 706-72 » sont remplacés par les mots : « le deuxième alinéa de l'article 521 ».

II. Cet article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le président du tribunal de grande instance établit avant le début de l'année judiciaire la liste des juges de proximité de son ressort susceptibles de siéger en qualité d'assesseur au sein de la formation collégiale du tribunal correctionnel.

« Cette formation ne peut comprendre plus d'un juge de proximité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 16 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous l'avez compris, nous sommes totalement opposés à la possibilité accordée par l'article 5 aux juges de proximité de siéger en tant qu'assesseur lors des audiences correctionnelles. Cette compétence nous paraît inquiétante.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Cette compétence n'est pas seulement inquiétante ; elle est anticonstitutionnelle, ainsi que nous l'avons démontré lors de la discussion générale. A ce propos, je me permets respectueusement de renvoyer les membres du Conseil constitutionnel, puisque nous saisirons évidemment celui-ci, à la lecture des arguments que nous avons développés lors de ladite discussion.

Vous avez remarqué que nous vous avons fait faire l'économie du temps qui aurait pu être consacré à l'examen d'une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, étant rappelé au passage que, à l'Assemblée nationale, les motions de ce type sont débattues avant que commence la discussion générale, et pendant une heure et demie au moins.

Cela dit, nous demandons très fermement la suppression d'une compétence donnée, en matière pénale et correctionnelle, aux juges de proximité, d'autant qu'il n'y en a pas partout.

Tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, vous avez fait référence à l'expérience que vous pouvez tirer de deux ans et demi passés à la Chancellerie. Permettez-moi de vous dire qu'il ressort de mon expérience de quarante-trois ans de barreau que la présence de magistrats professionnels est indispensable au sein du tribunal correctionnel, même si, de temps en temps, en province, la composition d'un tribunal peut être complétée par un avocat, qui a évidemment une certaine expérience.

Rien n'empêche nos concitoyens d'avoir pleinement confiance en leur justice avec des tribunaux composés exclusivement de magistrats professionnels, surtout si vous leur donnez les moyens qui doivent être les leurs, et je ne doute pas que, comme tous vos prédécesseurs, vous serez le premier à prendre la défense des magistrats professionnels lorsqu'ils sont attaqués ou critiqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Nous sommes en présence d'un dispositif important, qui tend à introduire dans une formation collégiale un juge dont le recrutement n'est pas le même que celui des autres magistrats présents.

En invoquant, encore une fois, les réflexions de Montaigne, qui était loin d'être un sot, j'estime qu'une telle pratique n'est pas du tout dépréciative.

Le Conseil constitutionnel, dont nous respectons les décisions, a ses responsabilités ; nous, nous prenons les nôtres et il nous appartient de dire ce qui nous paraît souhaitable.

J'ai trouvé, je dois l'avouer, qu'il y avait une espèce de sophisme dans le raisonnement de M. Badinter lorsqu'il nous a expliqué que le tout n'existe pas sans la partie, que la formation collégiale n'existe pas sans l'un de ses membres et donc que l'un de ses membres se confond avec le tribunal tout entier. Au total, ce raisonnement revient à ignorer la réalité : une partie n'est qu'une partie, et une partie minoritaire reste minoritaire.

En l'espèce, ce que le Conseil constitutionnel refuse, c'est que le juge non professionnel prononce une peine privative de liberté. Or, dès lors que l'on est une partie minoritaire, on ne prononce pas une telle peine.

Je suis assez confiant : le Conseil constitutionnel n'épousera pas ce que j'ai cru pouvoir appeler, avec toute la considération que j'ai pour notre éminent collègue, une sorte de sophisme.

Par ailleurs, je rappelle que nous avons déjà institué, en 1995, des magistrats à titre temporaire qui pouvaient assumer les fonctions que nous évoquons. Le Conseil constitutionnel avait alors estimé qu'une telle pratique n'était pas inconstitutionnelle, à condition qu'elle soit limitée. Nous sommes bien dans la même hypothèse.

Oserai-je rappeler l'exemple du Royaume-Uni ? Ce pays a peut-être quelquefois des leçons à donner en matière de justice. L'excellent Henri II Plantagenêt, qui fut un très grand prince, régnant sur un territoire fort étendu, a créé les magistrate courts. Or, comme quelques-uns d'entre nous ont pu le constater, cette juridiction fonctionne admirablement alors qu'elle comporte nombre de juges qui n'ont pas fait d'études de droit, mais qui, comme l'a fort bien dit Montaigne, ont beaucoup de bon sens. S'il est question de réformer certains aspects de la justice britannique, celui-ci n'est nullement remis en cause parce qu'il donne toute satisfaction.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Monsieur Dreyfus-Schmidt, votre propos m'a étonné. Après nous avoir expliqué qu'il était impossible de faire siéger un juge de proximité dans un tribunal correctionnel, vous nous avez signalé que la loi permettait de compléter un collège insuffisant par un avocat supplémentaire. Est-ce constitutionnel ou non ? Je crains de voir une contradiction dans votre discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

M. le rapporteur a raison : le point que nous examinons est important.

Certaines traditions très anciennes en vigueur outre-Manche ne sont pas forcément les nôtres. Il est vrai qu'en Grande-Bretagne on ne change pas toutes les cinq minutes ce qui existe !

Je pense ne pas avoir appris à M. le garde des sceaux qu'il y a des avocats dans tous les tribunaux et qu'ils ont depuis très longtemps le privilège, lorsque, malheureusement, il manque un magistrat professionnel, de compléter le tribunal. Mais nous parlons maintenant des juges de proximité, dont nous savons comment ils sont recrutés...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Ils pouvaient aussi être suppléants des juges de paix.

Monsieur le rapporteur, vous invoquez souvent Montaigne. Je ne sais pas ce qu'a dit Montaigne, mais je sais ce qu'a dit Trenet dans une chanson que, apparemment vous faites vôtre, mais je pense que c'était de sa part une plaisanterie que personne d'autre que vous n'a prise au sérieux : « Si l'on met un singe à la place d'un juge, on s'aperçoit que ça ne va pas plus mal ! »

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'était un ours ! Ce n'est pas pareil !

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, c'est tout à fait différent ! Mais cessez donc de m'interrompre, cher rapporteur !

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Dans une première décision du 23 février 1975, le Conseil constitutionnel a estimé qu'était inconstitutionnel le fait, pour le président du tribunal correctionnel, de pouvoir choisir entre un juge unique et une instance collégiale selon les cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Par conséquent, en application de cette jurisprudence, est évidemment anticonstitutionnel le fait qu'un président de tribunal décide, dans tel cas, de compléter une formation par un juge de proximité et, dans tel autre cas, de ne pas le faire.

J'évoquerai également la décision du Conseil constitutionnel en date du 29 août 2002.

Monsieur le rapporteur, c'est vous qui êtes un sophiste. Je ne me serais pas permis d'utiliser ce qualificatif si vous ne l'aviez vous-même employé à propos de M. Badinter. Vous soutenez que le Conseil constitutionnel ne s'oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale, dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. Vous jouez sur les mots en visant la juridiction et non le juge, alors que la juridiction n'est composée que du seul juge. C'est donc la juridiction tout entière qui compléterait le tribunal correctionnel et qui pourrait entraîner la décision en cas de partage des voix et, en tout état de cause, peser sur le délibéré.

Enfin, il n'y a pas partout des juges de proximité. Je veux tout de même ajouter, pour être complet, qu'il y en a actuellement deux pour la cour d'appel d'Agen, un pour celle de Basse-Terre, un pour celle de Besançon, trois pour celle de Bordeaux, trois pour celle de Chambéry, cinq pour celle de Colmar, quatre pour celle de Dijon, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

... cinq pour celle de Fort-de-France, quatre pour celle de Limoges, deux pour celle de Metz, deux pour celle de Montpellier, un pour celle de Nîmes, un pour celle de Pau, deux pour celle de Reims, trois pour celle de Riom, quatre pour celle de Rouen.

Autant dire qu'il est impossible que les gens soient jugés partout de la même manière puisqu'il serait impossible, dans tous les tribunaux correctionnels de ces cours d'appel - sans parler des six cours qui n'en ont aucun ! - de compléter la formation avec un juge de proximité.

Voilà les raisons pour lesquelles nous insistons pour que soit adopté notre amendement de suppression.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Chapitre III

Dispositions relatives au tribunal de grande instance

Il est inséré au chapitre II du titre 1er du livre III du même code une section VI intitulée « Dispositions particulières aux actions immobilières possessoires » et comprenant un article L. 312-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 312-7. - Les actions possessoires relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. » -

Adopté.

Titre II

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Chapitre 1er

Dispositions étendant la compétence de la juridiction de proximité pour le jugement des contraventions

I. Le chapitre 1er du titre III du livre II du code de procédure pénale est ainsi intitulé :

« Chapitre 1er. - « De la compétence du tribunal de police et de la juridiction de proximité »

II. L'article 521 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 521. - Le tribunal de police connaît des contraventions de la cinquième classe.

« La juridiction de proximité connaît des contraventions des quatre premières classes.

« Un décret en Conseil d'Etat peut toutefois préciser les contraventions des quatre premières classes qui sont de la compétence du tribunal de police. »

III. Il est inséré, après l'article 522 du même code, deux articles 522-1 et 522-2 ainsi rédigés :

« Art. 522-1. - La compétence territoriale des juridictions de proximité est identique à celle prévue par l'article 522 pour les tribunaux de police, y compris les tribunaux d'instance ayant compétence exclusive en matière pénale en application des dispositions de l'article L. 623-2 du code de l'organisation judiciaire. »

« Art. 522-2. - Lorsque la juridiction de proximité constate que la qualification retenue dans l'acte qui la saisit concerne des faits relevant de la compétence du tribunal de police, elle renvoie l'affaire devant ce tribunal après s'être déclarée incompétente. Il en est de même lorsque le tribunal de police est saisi de faits relevant de la juridiction de proximité. Ce renvoi peut le cas échéant se faire à une audience qui se tient le même jour. »

IV. Il est inséré, après l'article 523 du même code, un article 523-1 ainsi rédigé :

« Art. 523-1. - La juridiction de proximité est constituée comme il est dit aux articles L. 331-7 et L. 331-9 du code de l'organisation judiciaire.

« Les fonctions du ministère public près la juridiction de proximité sont exercées par un officier du ministère public conformément aux dispositions des articles 45 à 48 du présent code. »

V. Le titre XXIV du livre IV du même code et son article 706-72 sont abrogés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 17.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Aux termes de cet article, les actions possessoires relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. On nous dit que les actions possessoires peuvent déboucher sur le pétitoire et...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Excusez-moi, tout le monde peut se tromper, mais, là encore, je me réfère au tableau comparatif qui figure à la page 80 du rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mon cher collègue, précisons pour la clarté du débat que ce que nous discutons, ce sont les conclusions de la commission des lois, et non le texte initial de la proposition de loi. L'article 7 de cette dernière est devenu l'article 6 du texte de la commission, tandis que l'article 10 d'origine est devenu l'article 7 de notre texte, où il est question de la compétence du tribunal de police et de la juridiction de proximité.

Vous avez été suffisamment longtemps vice-président de cette assemblée pour savoir comment nous procédons lorsque est discutée une proposition de loi émanant du Sénat. C'est dans le règlement !

Dès lors que votre amendement se rapporte à l'ancien article 7, qui est devenu l'article 6, et que celui-ci a été voté, cet amendement n'a plus lieu d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Vous conviendrez avec moi que tout cela prête à confusion ! Ainsi, l'article qui traite des actions possessoires a été voté dans la « nuit » !

Cela étant, nous retirons l'amendement n° 17.

L'article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Chapitre II

Dispositions relatives à la validation des compositions pénales par le juge de proximité

I. Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale, un alinéa ainsi rédigé :

« Le président du tribunal peut désigner, aux fins de validation de la composition pénale, tout juge du tribunal ainsi que tout juge de proximité exerçant dans le ressort du tribunal. »

II. Le dernier alinéa de l'article 41-3 du même code est ainsi rédigé :

« La requête en validation est portée, selon la nature de la contravention, devant le juge du tribunal de police ou devant le juge de la juridiction de proximité, sauf si le juge de proximité est désigné par le président du tribunal aux fins de validation de l'ensemble des compositions pénales contraventionnelles. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 10 rectifié est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 18 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous nous opposons à la possibilité pour le juge de proximité de valider les compositions pénales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Notre amendement a évidemment le même objet que celui qui vient d'être présenté par Mme Borvo.

Cela dit, nous souhaiterions obtenir certaines précisions.

Tout d'abord, l'expression « juge de proximité », qui est employée ici, équivaut-il à celui de « juridiction de proximité » ? On peut d'ailleurs se demander si c'est le juge ou la juridiction qui complète le tribunal correctionnel.

Ensuite, puisque ce serait, dorénavant, le tribunal d'instance qui serait compétent en matière de contraventions de cinquième classe, nous aimerions avoir confirmation que ce qui est proposé pour la validation des compositions pénales contraventionnelles ne s'applique qu'aux contraventions des quatre premières classes.

Enfin, dans la mesure où il nous a été expliqué que les juges de proximité sont souvent amenés à prononcer des ordonnances pénales, qui ne sont évidemment pas susceptibles d'appel, y a-t-il possibilité d'opposition devant le juge de proximité en matière d'ordonnance pénale ?

Je finirai par une observation. Il paraît anormal que les juges de proximité tels que nous les connaissons, tels qu'ils viennent à peine d'être mis en place, puissent avoir à valider des compositions pénales, même s'il s'agit d'amendes qui ne sont pas d'un montant très élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je signale à notre collègue que ces dispositions ont déjà été votées il y a deux ans, avec la loi du 9 septembre 2002. Il s'agit ici d'une réécriture, et non d'une modification de fond.

D'autre part, il ne faut pas confondre cette question de la validation des compositions pénales avec les ordonnances pénales ni avec les décisions en matière contraventionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Est-ce seulement pour les quatre premières classes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

C'est un domaine distinct, dans lequel le juge de proximité agit sur délégation du président du tribunal de grande instance et où il ne peut y avoir, rappelons-le, de peine privative de liberté.

L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

L'avis du Gouvernement est défavorable.

Je confirme ce que vient de dire M. Fauchon : l'article qui contenait cette disposition ayant été supprimé, il était nécessaire de le réécrire. Mais c'est le dispositif initial, celui de septembre 2002, qui est ici proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

La composition pénale, sur proposition de M. Fauchon, a été étendue à tous les délits encourant une peine inférieure ou égale à cinq ans de prison. Il nous dit que la présente disposition exclut les peines de prison. Mais, si tel est le cas, elle peut porter sur des contraventions de cinquième classe. Or les juges de proximité, d'après le nouveau texte, ne sont pas compétents en ce qui concerne les amendes de cinquième classe.

Par conséquent, au lieu de reprendre un texte qui existait dans la loi de 2002, il conviendrait plutôt de corriger celle-ci, afin de tenir compte de la nouvelle loi, qui exclut la compétence des juges de proximité pour les amendes de cinquième classe.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je ne suis pas sûr qu'il y ait de quoi rire, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais, si ce la vous amuse, c'est une consolation pour le reste de l'assemblée, qui est heureuse de vous revoir rire.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 8 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Titre III

Dispositions diverses de coordination, relatives à l'outre-mer et de droit transitoire

I. - Avant le premier alinéa de l'article 131-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3.000 € ».

II. - Au dernier alinéa de l'article 39 du code de procédure pénale, après les mots : « tribunal de police », les mots : « ou de la juridiction de proximité » sont insérés.

III. - Dans la première phrase de l'article 44 du même code, les mots : « tribunaux de police » sont remplacés par les mots : « juridictions de proximité ».

IV. - L'intitulé de la section IV du chapitre II du titre 1er du livre 1er du même code est complété par les mots : « et la juridiction de proximité ».

V. - L'article 45 du même code est ainsi modifié :

1. Dans la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « en toute matière » sont remplacés par les mots : « devant la juridiction de proximité ».

2. Au second alinéa du même article, après les mots : « tribunaux de police », les mots : « ou aux juridictions de proximité » sont insérés.

VI. - Au second alinéa de l'article 46 du même code les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».

VII. - Dans les articles 47 et 48 du même code, les mots : « le tribunal » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».

VIII. - Le premier alinéa de l'article 178 du même code est ainsi complété : « ou devant la juridiction de proximité. ».

IX. - Dans la première phrase de l'article 179-1 du même code, après les mots : « mise en examen devant », les mots : « la juridiction de proximité, » sont insérés.

X. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 180 du même code, après les mots : « Dans les cas de renvoi, », sont insérés les mots : « soit devant la juridiction de proximité, ».

XI. - L'article 213 du même code est ainsi modifié :

A. Le premier alinéa est complété par les mots : « ou devant la juridiction de proximité ».

B. Dans le dernier alinéa, après les mots : « tribunal de police », les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont insérés.

XII. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 528 du même code, après les mots : « tribunal de police », sont insérés les mots : « ou de la juridiction de proximité ».

XIII. - L'article 528-2 du même code est ainsi modifié :

A. Au premier alinéa, après les mots : « devant le tribunal de police », les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont insérés.

B. Dans le deuxième alinéa, après les mots : « le tribunal de police », les mots : « ou la juridiction de proximité » sont insérés.

XIV. - L'intitulé du chapitre III du titre III du livre II du même code est complété par les mots : « et de la juridiction de proximité ».

XV. - Au début de l'article 531 du même code, après les mots : « tribunal de police », sont insérés les mots : « ou la juridiction de proximité ».

XVI. - L'article 533 du même code est complété par les mots suivants : « et devant la juridiction de proximité. ».

XVII. - L'intitulé du chapitre IV du titre III du livre II du même code est complété par les mots : « et la juridiction de proximité ».

XVIII. - L'article 535 du même code est ainsi modifié :

A. Le premier alinéa est complété par les mots suivants : « et devant la juridiction de proximité ».

B. Dans le second alinéa, après les mots : « juge du tribunal de police » sont insérés les mots : « ou par le juge de proximité ».

XIX. - Au premier alinéa de l'article 538 du même code, après les mots : « juge du tribunal de police » sont insérés les mots : « ou par le juge de proximité ».

XX. -- Au début du premier alinéa de l'article 539, dans la première phrase de l'article 540, dans le premier alinéa de l'article 541 et dans la première phrase de l'article 542 du même code, après les mots : « tribunal de police » sont insérés les mots : « ou la juridiction de proximité ».

XXI. - Dans le premier alinéa de l'article 543 et dans le premier alinéa de l'article 544 du même code, après les mots : « tribunal de police » sont insérés les mots « et devant la juridiction de proximité ».

XXII. - Au premier alinéa de l'article 546 du même code, les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».

XXIII. - L'article 549 du même code est ainsi modifié :

A. Le premier alinéa est complété par les mots : « ou les juridictions de proximité »

B. Dans le second alinéa, après les mots : « tribunal de police, » sont insérés les mots : « ou de la juridiction de proximité »

XXIV. - Dans la première phrase de l'article 658 du même code, les mots : « ou deux tribunaux de police » sont remplacés par les mots : «, deux tribunaux de police ou deux juridictions de proximité ».

XXV. - L'article 677 du même code est ainsi modifié :

A. Au deuxième alinéa, après les mots : « tribunal de police » sont insérés les mots : « ou d'une juridiction de proximité ».

B. A l'avant-dernier alinéa, les mots : « d'un tribunal » sont remplacés par les mots : « d'une juridiction de proximité, d'un tribunal de police, d'un tribunal correctionnel ».

XXVI. - Dans l'article 678 du même code, les mots : « ou le tribunal » sont remplacés par les mots : «, le tribunal de police, le tribunal correctionnel ou la juridiction de proximité ».

XXVII.- Dans le troisième alinéa de l'article 706-71 du même code, après les mots : « tribunal de police », les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont insérés.

XXVIII. -La seconde phrase du second alinéa de l'article 706-76 et la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 706-109 du même code sont complétées par les mots : « ou devant la juridiction de proximité compétente en application de l'article 522-1. ».

XXIX. - Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 708 du même code, les mots : « ou de police » sont remplacés par les mots : «, par le tribunal de police ou la juridiction de proximité ».

XXX - Dans le dernier alinéa de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : « l'article 706-72 » sont remplacés par les mots : « du deuxième alinéa de l'article 521 ».

XXXI. - Au quatrième alinéa () de l'article 1018 A du code général des impôts, après les mots : « tribunaux de police », les mots : « et des juridictions de proximité » sont insérés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 19, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Cointat et Zocchetto, est ainsi libellé :

I - Après le XIII de cet article, insérer deux paragraphes additionnels ainsi rédigés :

... . - Dans la deuxième phrase de l'article 529-11 du même code, les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».

... . - Dans l'article 530-2 du même code, les mots : « au tribunal de police » sont remplacés par les mots : « à la juridiction de proximité ».

II - Dans le B du XXV de cet article, remplacer les mots :

l'avant-dernier

par les mots :

le dernier

III - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... . - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1213 du code de la route, les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».

La parole est à M. Christian Cointat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Il s'agit d'un amendement de coordination et de précision, qui a pour but de rendre le texte aussi clair que possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je suis opposé à l'amendement n° 19 pour les raisons qui ont été exposées précédemment.

Je suis, en revanche, favorable à l'amendement n° 2 rectifié puisqu'il tend à clarifier un texte qui n'est pas aussi clair que l'on pourrait le souhaiter. Que ses auteurs en soient félicités et remerciés !

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 19 et favorable à l'amendement n° 2 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 9 est adopté.

Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances les mesures de nature législative permettant de rendre applicable la présente loi, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Iles Wallis et Futuna et à Mayotte.

Les ordonnances seront prises, au plus tard, le dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi. Le projet de loi portant ratification de ces ordonnances sera déposé devant le parlement au plus tard le dernier jour du quinzième mois suivant la promulgation de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 20, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Les affaires dont le tribunal de police est saisi avant la date d'entrée en vigueur de cette loi demeurent de la compétence de cette juridiction.

La présente loi ne s'applique pas, en matière civile, aux instances engagées avant cette même date.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 21, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 41.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures.