Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, à titre liminaire, rendre hommage à l'ensemble des professionnels de la mine pour le comportement exemplaire qu'ils ont adopté lors de la fin des activités d'extraction. Tous les acteurs ont eu, jusqu'au bout, une attitude particulièrement responsable dans un contexte effectivement douloureux.
Comme eux, j'y ai vu, non pas une fête, mais une célébration très émouvante et empreinte d'une grande dignité. De ce déplacement à La Houve, j'ai gardé, en effet, un sentiment très fort de dignité. J'ai également retenu la reconnaissance de la nation à l'égard de l'une des rares professions dans l'exercice de laquelle on peut trouver la mort.
En travaillant dans les mines, ces gens ont donné leur sueur, leur sang, leur souffrance pour la prospérité de notre pays, qu'ils ont alimentée pendant des décennies. Certains d'entre eux l'ont payé de leur vie. ! Les mineurs ont évidemment un très grand mérite.
La mine a constitué un très grand creuset d'intégration sociale. Des populations qui avaient quitté différents pays dans un état de grande détresse ont su, dans la mine, par leur travail et leur courage, nouer entre elles une solidarité et promouvoir des valeurs, qu'elles ont tenu à prolonger au travers de l'éducation de leurs enfants.
Dans la mine, on risque sa vie, et la vie de chacun dépend de l'attention de l'autre. La solidarité y est donc beaucoup plus forte que n'importe où ailleurs.
La qualité du travail des mineurs s'est retrouvée lors des opérations de reconversion. C'est pourquoi la reconversion dans d'autres activités a souvent été, sinon heureuse, du moins efficace : le caractère très exceptionnel des valeurs acquises dans la mine a particulièrement facilité ce grand moment. La plupart des industries ont apprécié les qualités professionnelles profondément ancrées des personnels reconvertis.
Le pacte charbonnier signé en 1994 avec les partenaires sociaux a permis d'organiser la fin progressive de l'exploitation charbonnière dans des conditions socialement acceptables et en facilitant la reconversion des régions minières.
Lors de mon déplacement à la Houve, le 23 avril dernier, vous avez fait part de vos préoccupations sur l'après-mines et j'ai bien volontiers accepté la proposition de M. Leroy de participer à ce débat.
J'ai entendu les différentes préoccupations que vous venez d'exprimer sur la gestion des conséquences, au sens large, de l'exploitation minière, notamment dans un contexte où la disparition des exploitants est désormais programmée. A ces questions légitimes, je souhaite apporter des réponses concrètes et opérationnelles.
Je vous précise toutefois d'emblée que, compte tenu de la multitude et de la complexité des domaines abordés mon propos souffrira peut-être de quelques carences. Je pallierai volontiers ces lacunes en répondant par écrit sur tel ou tel point précis.
Je témoigne également ma reconnaissance aux élus locaux pour leur sens des responsabilités. J'ai pris acte avec plaisir de l'accord de principe sur l'engagement du conseil régional comme du conseil général d'accompagner l'Etat chaque fois que cela sera nécessaire, dans des conditions qui restent naturellement à définir.
Je vous propose donc de structurer mon intervention en plusieurs volets : premièrement, les aspects techniques et de sécurité de la gestion de l'après-mines ; deuxièmement, l'indemnisation des dommages miniers ; troisièmement, les garanties en matière sociale ; enfin, quatrièmement, la revitalisation industrielle des bassins miniers. Sans prétendre à l'exhaustivité, du moins aurai-je traité l'essentiel.
J'aborderai donc d'abord la mise en sécurité, de manière pérenne, des anciens sites miniers.
A la suite des graves événements survenus en Lorraine à Auboué puis à Moutiers en 1996 et 1997, les pouvoirs publics ont modifié le code minier par la loi du 30 mars 1999. L'objectif était d'accompagner la disparition progressive des exploitants miniers d'une reprise par l'Etat de leurs responsabilités dès lors que leur défaillance ou leur disparition était constatée.
Les grandes institutions publiques du domaine se sont aussi mobilisées sur ces problèmes techniques. Cela a donné naissance à un pôle de recherche avec le GISOS et à un pôle d'expertise avec le GEODERIS.
La disparition programmée des deux opérateurs publics, d'ici à la fin de l'année 2007 pour Charbonnages de France, et au plus tard en 2009 pour les Mines de potasse d'Alsace, pose avec une nouvelle acuité ce problème de l'organisation institutionnelle de l'après-mines.
J'ai entendu vos interventions et vos préoccupations. Ma réponse d'ensemble se veut très claire et sans ambiguïté : la disparition des exploitants ne devra, en aucune façon, se traduire par un déficit dans la maîtrise des risques et des travaux de sécurité liés à l'après-mines.
J'en prends l'engagement : les financements nécessaires pour la réalisation de l'après-mines technique seront assurés.
Un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des mines, que j'ai rendu public, attirait l'attention sur quatre points principaux, qui sont au centre de cette question : les missions et les formes juridiques de l'entité en charge des fonctions opérationnelles liées à la mise en sécurité des mines ; les modalités des installations hydrauliques de sécurité ; les conditions de conservation des archives minières ; enfin, la mise en oeuvre des plans de prévention des risques miniers.
Sur le premier point, monsieur Longuet, l'option privilégiée est, comme le suggérait le rapport, de confier au Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, toutes les tâches opérationnelles qui incomberont à l'Etat du fait des anciennes mines.
A ce titre, le BRGM devra assurer la gestion des installations de surveillance des risques miniers et réaliser, pour le compte de l'Etat, la maîtrise d'ouvrage déléguée des travaux de mise en sécurité des sites.
En effet, la solution du BRGM présente des avantages en matière de souplesse de gestion, de coûts et d'optimisation des compétences. Ces dernières existent déjà et sont reconnues au sein de cet établissement. La réforme des statuts de cet établissement prévoit des aménagements dans ce but, à titre conservatoire.
J'insiste, monsieur Leroy, sur le fait que les missions opérationnelles de l'après-mines ne se limiteront pas, bien évidemment, pas au seul charbon. Il faudra aussi, bien sûr, porter l'effort sur les autres substances, notamment les mines de fer et les mines de sel, porteuses d'enjeux de sécurité très importants.
Même si le BRGM est un établissement national, la surveillance et les travaux de sécurité devront être menés là où peuvent survenir les difficultés, au plus près du terrain dans les régions concernées. De manière générale, le BRGM devra disposer sur place d'équipes significatives et à même d'être les interlocuteurs des décideurs locaux.
Parce qu'il paraît essentiel d'anticiper le plus en amont possible le transfert des compétences des personnels, sans attendre la disparition des exploitants, j'ai demandé au BRGM et à Charbonnages de France de créer, dès 2005, une mission de préfiguration pour élaborer, de manière concrète, le transfert des compétences et des installations concernées.
L'action de cette mission s'achèverait, monsieur Longuet, à la fin de l'année 2005 par l'établissement d'une convention qui serait signée entre le ministère de l'industrie et le BRGM.
Bien sûr, il est essentiel que la montée en puissance du BRGM sur ces questions ne s'accompagne pas d'une démobilisation, voire d'une déresponsabilisation des exploitants miniers actuels en ce qui concerne la mise en oeuvre des exigences de sécurité prévues dans le cadre des procédures de renonciation à concessions. Nous y veillerons particulièrement !
S'agissant du deuxième point - les installations hydrauliques de sécurité de pompage et de traitement des eaux - la solution la plus pertinente est, de prime abord, celle d'une reprise par les collectivités locales, moyennant la compensation des coûts de fonctionnement, conformément aux modalités prévues par le code minier.