Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 21 juin 2005 à 16h10
Lois de financement de la sécurité sociale — Question préalable

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

L'Etat continuera-t-il à faire financer ses échecs en matière de politique de l'emploi en ponctionnant la protection sociale nationale ? Cela est inacceptable, et M. le rapporteur semble d'ailleurs également en convenir.

Ainsi, il est mis fin au temps où certains - ils se reconnaîtront... - reprochaient la création du FOREC, parlaient de détournement de fonds sociaux, alors même que des centaines de milliers d'emplois étaient créés par le gouvernement Jospin.

Qu'en est-il aujourd'hui ? N'est-ce pas cette logique, si violemment décriée hier par la majorité, qui aujourd'hui est à l'oeuvre ?

Certes, avec la destruction de 40 000 emplois et une hausse du nombre de demandeurs d'emplois de 180 000, les résultats sont bien distincts, et nos concitoyens ne s'y trompent pas !

Que penser du caractère sincère des prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale lorsque, au détour d'un article de presse, les parlementaires découvrent que, selon les experts de l'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, et de l'IGF, l'inspection générale des finances, le coût du renouvellement du parc informatique de la sécurité sociale devrait être supérieur de moitié à ce qu'avait annoncé, quelques jours auparavant, le nouveau directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie ?

En effet, 1 milliard d'euros sur quatre ans ne sera définitivement jamais égal à 1, 5 milliard d'euros, et les 200 millions d'économies escomptés risquent fort de se métamorphoser en un déficit de 300 millions d'euros ! Voilà de quoi légitimement nous inquiéter.

Enfin, qu'en est-il du déficit abyssal de la sécurité sociale ?

Certes, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie estime, dans son dernier rapport, que l'objectif des dépenses d'assurance maladie pourrait être respecté, mais il ajoute que, si la croissance des remboursements de soins de ville reste limitée à 3 % au cours du premier trimestre de 2005 et si un certain ralentissement est constaté en matière de remboursement des indemnités journalières et des médicaments, ce cercle vertueux risque d'être mis à mal.

En outre, l'inconséquence avec laquelle la politique économique est menée depuis trois ans a fait considérablement augmenter le nombre de chômeurs et de travailleurs précaires. Elle s'illustre aussi par un ralentissement économique qui devrait se solder par une augmentation de la masse salariale de 3 % et non pas de 4 %, comme prévu par le gouvernement précédent. De fait, cela devrait entraîner une minoration des recettes de l'ordre de 1 milliard à 1, 5 milliard d'euros.

S'y ajoutent les effets produits par la convention médicale qui a été signée en janvier dernier et qui prévoit des revalorisations d'honoraires, alors même que s'expriment de fortes inquiétudes quant aux risques financiers qui pèsent sur les établissements de santé du fait que les budgets hospitaliers ont été fondés sur des objectifs fixés en 2004 et qui sont déjà dépassés.

Enfin, s'agissant de la branche famille, il faut s'attendre à un déficit de 1 milliard d'euros au moins, alors que le Gouvernement avait annoncé un retour à l'équilibre.

Dans la même logique, et bien que les comptes de la Caisse d'amortissement de la dette sociale ainsi que ceux du Fonds de réserve des retraites soient désormais intégrés dans la loi de financement de la sécurité sociale, force est de constater que, depuis la loi du 30 juin 2004, la dette sociale est organisée « à tombeau ouvert ». Et ce n'est pas ce texte qui octroiera au Parlement davantage de pouvoir pour contrôler les dépenses de l'assurance maladie ou l'ONDAM qui, malgré les dénégations gouvernementales, n'est que l'illustration d'une stricte maîtrise comptable et non pas médicalisée.

En outre, la transparence de nos comptes demeurera insuffisante, et la possibilité donnée au Gouvernement de procéder par ordonnances dès lors que des dérapages significatifs des comptes sociaux auront été observés renforce un peu plus cette conviction.

Ce texte relève de l'opération de ravalement de façade. Il n'offre aucune perspective crédible, il entretient l'opacité et conforte l'absence totale de pilotage. Nous le savons, vous le savez, et les débats de l'Assemblée nationale en témoignent : la majorité et ce gouvernement des Cent-Jours manquent d'ambition.

En lieu et place d'une réorientation politique indispensable, le cap libéral des gouvernements Raffarin est maintenu. Il est évident que la question de la maîtrise médicalisée n'est plus à l'ordre du jour. Il s'agit bel et bien de l'instauration d'une véritable maîtrise comptable. Cette politique fondée sur une stricte orthodoxie financière exclut toute prise en compte des besoins - de plus en plus importants - de nos concitoyens. Elle mène à l'instauration d'une médecine à deux vitesses qui est inacceptable et dangereuse pour la cohésion sociale.

Dans ce contexte grave, il eût fallu procéder à une grande concertation avec les partenaires sociaux et tous les acteurs de notre sécurité sociale. Par cet indispensable préalable, nous aurions pu effectivement oeuvrer en faveur de l'instauration d'une réelle transparence des comptes sociaux, d'un véritable contrôle du Parlement et des instruments certifiant la sincérité, bref d'une nouvelle gouvernance.

Mais le Gouvernement ne semble pas capable de mesurer l'importance des enjeux. Il organise et pérennise cette politique de l'échec et de la régression sociale. Il nie les exigences d'une politique rationnelle de santé publique aux objectifs annoncés.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous considérons qu'il y a tout lieu de retirer ce texte.

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