Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, cette disposition a été adoptée sans grand débat, et cela n'est pas sans étonner.
Présentée comme un moyen de lutter contre la technique, très discutable, du « rebasage », en permettant d'apporter des rectifications en cours d'année et ainsi d'assurer le respect des objectifs de dépenses votés par le Parlement, elle va pourtant totalement à l'encontre des intentions des auteurs du projet de loi organique que nous examinons, au point de jeter le doute sur la portée réelle de ces dernières.
En effet, et M. le rapporteur l'a parfaitement souligné, cette habilitation paraît en contradiction flagrante avec l'ambition d'un ONDAM crédible, c'est-à-dire avec le fameux principe de sincérité de l'équilibre financier de la sécurité sociale.
Il est pour le moins paradoxal, s'agissant d'une loi de financement censée présenter des prévisions sincères, de prévoir, dès son vote initial, sa rectification en cours d'année par voie réglementaire. Une telle disposition revient à donner bénédiction au Gouvernement qui présenterait de façon insincère les finances sociales puisqu'il serait autorisé, par anticipation, à jouer les Georges Orwell de la sécurité sociale en rectifiant des données erronées en cours de route.
Nul doute que les gouvernements qui bénéficieront de cette possibilité ne recourent systématiquement à ce type de dispositions dans chaque loi de financement, ne serait-ce que par précaution !
Alors que la loi rectificative n'a vocation à intervenir qu'en cas de déséquilibre constaté, la loi d'habilitation présuppose le non-respect de cet équilibre et, à ce titre, ne peut qu'amoindrir la portée des lois de financement que nous voterons.
Par ailleurs, comment accepter, à l'heure où l'on souhaite ériger au rang organique le contrôle parlementaire sur les lois de financement de la sécurité sociale, le principe même d'une loi d'habilitation qui, quoi qu'on en dise, cantonne la représentation nationale dans un simple rôle d'enregistrement de décisions sur lesquelles elle n'a pas de maîtrise ? Certes, vote il y a, mais convenons qu'il s'agit d'un vote largement aveugle !
D'aucuns ont soutenu, pour justifier le recours à la procédure des ordonnances - décidément très à la mode puisqu'un projet de loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance va être soumis au Parlement dans quelques jours - que la loi de financement rectificative est une procédure lourde qui ne permet pas de prendre des mesures dans un délai rapide. C'est sans doute la raison pour laquelle un tel texte n'a jamais été présenté.
Qu'à cela ne tienne, d'autres voies auraient pu être explorées, tel l'allègement du processus de consultation de façon à obtenir un vote plus rapide, qui, sans remettre en cause le rôle du Parlement, permet de combiner cette exigence démocratique avec la nécessité d'une action suffisamment rapide.
La majorité des membres de l'Assemblée nationale ont refusé de s'engager dans cette voie plus démocratique et respectueuse des droits du Parlement. Nous ne pouvons que le déplorer et demander la suppression des dispositions litigieuses, comme le fait, ou plutôt comme le faisait la commission des affaires sociales du Sénat. Je ne sais pas quels interlocuteurs a rencontrés dernièrement M. le rapporteur, mais il me semble qu'il a légèrement modifié son avis, qui me paraissait beaucoup plus tranché.