Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'outre-mer, en particulier la Guadeloupe, attendait de ce projet de budget des réponses concrètes à ses difficultés. Mais force est de constater que la déception est au rendez-vous face à la poursuite d'une politique qui ne répond que de façon très lacunaire aux problématiques.
Pourtant, monsieur le ministre, on a assisté, ces derniers temps, à la publication d'un nombre important de rapports sur l'outre-mer. Leurs préconisations vous auraient permis de disposer d'une matière suffisante pour la mise oeuvre d'une politique de réformes ambitieuse.
Je note toutefois que vous avez été bien avisé de maintenir l'abaissement des charges initié par la loi d'orientation relative à l'outre-mer qu'exigent les caractéristiques de nos départements.
J'avais aussi espéré que vous seriez allé plus loin en supprimant, notamment, les effets de seuil, qui freinent depuis trop longtemps le renforcement de l'encadrement des entreprises d'outre-mer.
Néanmoins, le contexte économique durant ces deux dernières années a été relativement favorable à la création d'emplois et à la lutte contre le travail dissimulé, même si, en Guadeloupe, le taux de chômage s'établit encore à plus de 24 % de la population active, alors qu'il est passé sous la barre symbolique des 10 % dans l'hexagone. Comme vous le disiez, cela n'est qu'une tendance, mais je peux d'autant moins m'en satisfaire qu'elle ne peut masquer à elle seule la dégradation parallèle des chiffres en matière sociale.
Au terme d'une progression constante depuis 2002, la part de la population bénéficiaire du RMI s'établit aujourd'hui à 16 %. S'il en était besoin, ce chiffre justifie à lui seul la nécessité de poursuivre l'effort de financement des emplois aidés du secteur non marchand, qui permettent de ramener sur le marché du travail les publics les plus éloignés. Or, alors que les chiffres du chômage restent encore trop élevés, le projet de budget prévoit une réorientation des crédits au détriment de ces emplois aidés, ce qui revient ni plus ni moins à laisser une part des exclus de l'emploi au bord du chemin.
Monsieur le ministre, 2 % d'augmentation de l'emploi salarié du secteur marchand, c'est encore trop peu pour relâcher l'effort. Dès lors, toutes les pistes doivent être explorées afin de créer un contexte économique favorable à l'emploi.
À cet égard, le projet de zone franche global élaboré par les socioprofessionnels de la Guadeloupe permettrait, par le biais de la fiscalité, de compenser et de surmonter les blocages résultant, notamment, des surcoûts liés à l'insularité et à l'étroitesse des marchés. C'est un projet dont la faisabilité mérite d'être davantage qu'un argument de campagne électorale, surtout quand on connaît l'impact que peut avoir sur l'emploi la diminution des charges des entreprises.
Monsieur le ministre, la Guadeloupe a besoin, pour son dynamisme économique et touristique, d'un réseau de transports publics moderne.
Le département a souhaité relever ce défi. Il a plaidé pour obtenir votre soutien en en appelant à votre concours financier et technique : malheureusement, je ne vois pas le moindre début de traduction de cette volonté d'accompagnement dans le projet de budget que vous nous soumettez. J'attends, encore une fois, une réponse de votre part sur ce point, tout en appréciant votre soutien technique.
La situation du logement, quant à elle, est un échec aux conséquences dramatiques pour les populations d'outre-mer.
La crise du logement concerne la France entière, mais elle connaît, dans les départements d'outre-mer, une certaine acuité, qui s'est même aggravée au cours de ces deux dernières années.
Dans ce domaine, les chiffres reflètent, eux aussi, les difficultés.
Vous le savez, en Guadeloupe, 25 000 familles restent aujourd'hui peu ou mal logées. Cette situation inadmissible n'est pas digne de notre République ! Plus de 60 % de la population de la Guadeloupe est éligible à l'accès à un logement social, contre environ 20 % dans l'hexagone.
Dans la présentation du budget pour 2007, je constate que le logement ne figure pas au rang des priorités, même affichées. Pourtant, le Gouvernement est bien conscient de l'enjeu. J'en veux pour preuve le coup d'accélérateur donné, dans l'hexagone, à la production par la loi portant engagement national pour le logement, qui, malgré les promesses, reste encore une fois non appliquée en Guadeloupe.
De plus, la « panne » du logement social ne permettra pas de bénéficier de ses effets induits sur l'emploi et le secteur des travaux publics.
À mon avis, trois mesures au moins auraient amorcé une réforme durable:
En premier lieu, je pense à la pluri-annualisation de la LBU, la ligne budgétaire unique, sur laquelle je suis encore contraint de revenir.
En deuxième lieu, dans les DOM, il faudrait étendre au prêt locatif à usage social la baisse de 0, 5 point sur les prêts de la Caisse des dépôts et consignations annoncée par M. Borloo.
En troisième lieu, il faudrait mieux tenir compte des surcoûts résultant de la mise aux normes antisismiques et anticycloniques, auxquels s'ajoute l'augmentation du coût du foncier.
Vous l'aurez compris, la sortie de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui le logement social passe par une réforme profonde de son financement. Dans ce contexte, lors de son déplacement en Guadeloupe, le Premier ministre a souligné la nécessité de répondre à l'urgence. Je crains, cependant, que le règlement du passif ne réduise pas la file des 25 000 familles de la Guadeloupe en attente d'un logement.
De plus, en dépit de vos explications sur les modalités de rattrapage de la dette, qui s'élève aujourd'hui à plus de 100 millions d'euros, le projet de budget pour 2007 ne me paraît toujours pas à la hauteur des engagements qui ont été pris, comme l'ont démontré nos collègues Claude Lise et Henri Torre. Je souhaiterais donc obtenir des éclaircissements sur ce point et que vous m'indiquiez le nombre de logements correspondant aux crédits censés financer les mesures nouvelles pour 2007.
Des éclaircissements et des engagements, c'est également ce que l'outre-mer réclame s'agissant des finances des collectivités locales.
Le département de la Guadeloupe fait face à une croissance exponentielle de ses dépenses en faveur du revenu minimum d'insertion, le RMI. Le solde laissé à la charge du conseil général suit la même évolution, car, là encore, il n'est pas compensé.
À ce sujet, le Premier ministre a annoncé le versement d'une enveloppe de 500 millions d'euros aux départements sur trois ans, mais sans en préciser les modalités ni apporter de garantie. En réponse à une première interrogation, vous aviez seulement confirmé la somme annoncée ; j'espère que votre réponse sera, cette fois, plus complète.
La refonte du régime de réassurance au titre des catastrophes naturelles préoccupe également les collectivités territoriales de la Guadeloupe. Plusieurs d'entre elles ont fait l'objet d'une résiliation, à titre conservatoire, de leur couverture par leur assureur, dans l'attente de l'issue de la réforme en cours.
Si, pour renforcer l'équilibre financier de la Caisse centrale de réassurance, le principe de solidarité nationale devait être remis en cause en outre-mer, l'économie de ces régions, exposées aux phénomènes climatiques se trouverait davantage fragilisée. Sur ce sujet, les acteurs économiques me disent avoir du mal à obtenir des réponses claires.
Par ailleurs, avec le groupe socialiste, en particulier avec MM. Lise et Larcher, je suis porteur d'un amendement visant à proroger, pour la durée du prochain contrat de projet, la taxe d'embarquement sur les passagers instituée au profit des régions d'outre-mer. Celle-ci sert, notamment, au financement de la politique touristique et des dispositifs de continuité territoriale de tout l'archipel guadeloupéen. D'ailleurs, je remarque, comme d'autres avant moi, que la politique menée par votre gouvernement en la matière reste bien timide au regard des attentes qu'elle a suscitées, notamment dans les îles du Sud.
Monsieur le ministre, tout au long de l'examen du projet de budget, j'ai bien gardé en tête le fait que les crédits gérés par le ministère de l'outre-mer ne représentent que 13 % de la dépense globale de l'État outre-mer. Il appartient, cependant, à votre ministère de coordonner la politique conduite dans ces régions de manière d'autant plus énergique qu'il s'agit d'un ministère de plein exercice.
Permettez-moi, ainsi, de soulever deux questions qui me préoccupent.
Tout d'abord, je dois vous alerter sur l'insécurité en Guadeloupe. Elle se distingue, notamment, par un taux élevé d'atteinte à la personne, supérieur aux taux constatés en métropole, sans que paradoxalement des actions fortes soient mises en oeuvre.
Ensuite, je m'inquiète de l'entrée en vigueur effective du statut de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin avant la fin de cette législature. Je souhaiterais donc que vous me rassuriez sur son aboutissement.
Monsieur le ministre, les difficultés que j'ai évoquées devant vous sont chroniques, et cette législature s'achève en ayant marqué un recul dans certains domaines. Dans ces conditions, vous comprendrez que, faute d'éclaircissements et d'engagements, je ne puisse voter votre projet de budget en l'état, car ce serait approuver une politique engendrant une déception qui n'a d'égale que les espoirs dont elle était porteuse !