La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures quinze.
La séance est reprise.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36, et s'adresse à M. Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Certes, monsieur le ministre de l'outre-mer, j'aurais pu l'adresser tout à l'heure à M. Estrosi.
Monsieur le ministre de l'intérieur, je proteste énergiquement contre votre acharnement à expulser M. et Mme Raba et leurs trois enfants, âgés respectivement de sept, quatre et trois ans.
Ils sont sur notre sol depuis 2001, deux de leurs enfants sont nés en France ; ils ne demandent que le droit d'asile au pays des droits de l'homme, comme l'ont obtenu les autres membres de leur famille. Ce sont non pas des terroristes, ni de dangereux criminels, mais des victimes de la guerre. Ils ont connu, dans leur pays, des violences ; ils ont été victimes d'agressions qui ont été commises par des tortionnaires ayant aujourd'hui pignon sur rue, et ils ont même été menacés de mort.
En les renvoyant au Kosovo, monsieur le ministre de l'intérieur, vous fermez les yeux sur les menaces qui pèsent sur eux. Mme Raba n'hésitera pas, d'ailleurs, à mettre sa vie en jeu pour faire valoir sa juste cause.
Je m'élève également avec la plus grande énergie contre les moyens mis en oeuvre et le recours à la violence pour procéder à leur expulsion. Samedi dernier, au matin, j'étais à l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry pour protester contre cette situation. François Auguste, vice-président communiste de la région Rhône-Alpes, se trouvant dans l'avion qui transportait la famille, s'est également opposé à cette expulsion. Menottes, bâillon et brutalité ne sont pas de mise envers des êtres humains devant leurs enfants ! Pas plus qu'il n'est de mise de disposer de l'argent public en affrétant un avion militaire pour satisfaire votre zèle à l'encontre de la famille Raba !
C'est la deuxième fois que j'ai à traiter un tel dossier !
Il est temps que la raison l'emporte, et que vous mettiez en pratique l'une de vos déclarations, en tant que candidat à l'élection présidentielle, parue, le 30 novembre 2006, dans Libération : « Faire de la France le pays où tout peut devenir possible. Et cela pour tout le monde, mais d'abord pour ceux qui ont connu des épreuves. »
L'expulsion est en cours, avec un transit à Toulouse. Je vous épargnerai les détails, mes chers collègues, mais vous seriez vraiment surpris !
Avec toutes celles et tous ceux qui sont mobilisés contre l'expulsion de cette famille, je vous demande instamment, monsieur le ministre de l'intérieur, d'accorder à M. et Mme Raba et à leurs enfants l'autorisation de vivre en France, dans la paix et la sécurité.
Madame la présidente, je souhaitais transmettre ce message d'actualité à la Haute Assemblée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 50 et 50 bis), la parole est à M. Jacques Gillot.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'outre-mer, en particulier la Guadeloupe, attendait de ce projet de budget des réponses concrètes à ses difficultés. Mais force est de constater que la déception est au rendez-vous face à la poursuite d'une politique qui ne répond que de façon très lacunaire aux problématiques.
Pourtant, monsieur le ministre, on a assisté, ces derniers temps, à la publication d'un nombre important de rapports sur l'outre-mer. Leurs préconisations vous auraient permis de disposer d'une matière suffisante pour la mise oeuvre d'une politique de réformes ambitieuse.
Je note toutefois que vous avez été bien avisé de maintenir l'abaissement des charges initié par la loi d'orientation relative à l'outre-mer qu'exigent les caractéristiques de nos départements.
J'avais aussi espéré que vous seriez allé plus loin en supprimant, notamment, les effets de seuil, qui freinent depuis trop longtemps le renforcement de l'encadrement des entreprises d'outre-mer.
Néanmoins, le contexte économique durant ces deux dernières années a été relativement favorable à la création d'emplois et à la lutte contre le travail dissimulé, même si, en Guadeloupe, le taux de chômage s'établit encore à plus de 24 % de la population active, alors qu'il est passé sous la barre symbolique des 10 % dans l'hexagone. Comme vous le disiez, cela n'est qu'une tendance, mais je peux d'autant moins m'en satisfaire qu'elle ne peut masquer à elle seule la dégradation parallèle des chiffres en matière sociale.
Au terme d'une progression constante depuis 2002, la part de la population bénéficiaire du RMI s'établit aujourd'hui à 16 %. S'il en était besoin, ce chiffre justifie à lui seul la nécessité de poursuivre l'effort de financement des emplois aidés du secteur non marchand, qui permettent de ramener sur le marché du travail les publics les plus éloignés. Or, alors que les chiffres du chômage restent encore trop élevés, le projet de budget prévoit une réorientation des crédits au détriment de ces emplois aidés, ce qui revient ni plus ni moins à laisser une part des exclus de l'emploi au bord du chemin.
Monsieur le ministre, 2 % d'augmentation de l'emploi salarié du secteur marchand, c'est encore trop peu pour relâcher l'effort. Dès lors, toutes les pistes doivent être explorées afin de créer un contexte économique favorable à l'emploi.
À cet égard, le projet de zone franche global élaboré par les socioprofessionnels de la Guadeloupe permettrait, par le biais de la fiscalité, de compenser et de surmonter les blocages résultant, notamment, des surcoûts liés à l'insularité et à l'étroitesse des marchés. C'est un projet dont la faisabilité mérite d'être davantage qu'un argument de campagne électorale, surtout quand on connaît l'impact que peut avoir sur l'emploi la diminution des charges des entreprises.
Monsieur le ministre, la Guadeloupe a besoin, pour son dynamisme économique et touristique, d'un réseau de transports publics moderne.
Le département a souhaité relever ce défi. Il a plaidé pour obtenir votre soutien en en appelant à votre concours financier et technique : malheureusement, je ne vois pas le moindre début de traduction de cette volonté d'accompagnement dans le projet de budget que vous nous soumettez. J'attends, encore une fois, une réponse de votre part sur ce point, tout en appréciant votre soutien technique.
La situation du logement, quant à elle, est un échec aux conséquences dramatiques pour les populations d'outre-mer.
La crise du logement concerne la France entière, mais elle connaît, dans les départements d'outre-mer, une certaine acuité, qui s'est même aggravée au cours de ces deux dernières années.
Dans ce domaine, les chiffres reflètent, eux aussi, les difficultés.
Vous le savez, en Guadeloupe, 25 000 familles restent aujourd'hui peu ou mal logées. Cette situation inadmissible n'est pas digne de notre République ! Plus de 60 % de la population de la Guadeloupe est éligible à l'accès à un logement social, contre environ 20 % dans l'hexagone.
Dans la présentation du budget pour 2007, je constate que le logement ne figure pas au rang des priorités, même affichées. Pourtant, le Gouvernement est bien conscient de l'enjeu. J'en veux pour preuve le coup d'accélérateur donné, dans l'hexagone, à la production par la loi portant engagement national pour le logement, qui, malgré les promesses, reste encore une fois non appliquée en Guadeloupe.
De plus, la « panne » du logement social ne permettra pas de bénéficier de ses effets induits sur l'emploi et le secteur des travaux publics.
À mon avis, trois mesures au moins auraient amorcé une réforme durable:
En premier lieu, je pense à la pluri-annualisation de la LBU, la ligne budgétaire unique, sur laquelle je suis encore contraint de revenir.
En deuxième lieu, dans les DOM, il faudrait étendre au prêt locatif à usage social la baisse de 0, 5 point sur les prêts de la Caisse des dépôts et consignations annoncée par M. Borloo.
En troisième lieu, il faudrait mieux tenir compte des surcoûts résultant de la mise aux normes antisismiques et anticycloniques, auxquels s'ajoute l'augmentation du coût du foncier.
Vous l'aurez compris, la sortie de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui le logement social passe par une réforme profonde de son financement. Dans ce contexte, lors de son déplacement en Guadeloupe, le Premier ministre a souligné la nécessité de répondre à l'urgence. Je crains, cependant, que le règlement du passif ne réduise pas la file des 25 000 familles de la Guadeloupe en attente d'un logement.
De plus, en dépit de vos explications sur les modalités de rattrapage de la dette, qui s'élève aujourd'hui à plus de 100 millions d'euros, le projet de budget pour 2007 ne me paraît toujours pas à la hauteur des engagements qui ont été pris, comme l'ont démontré nos collègues Claude Lise et Henri Torre. Je souhaiterais donc obtenir des éclaircissements sur ce point et que vous m'indiquiez le nombre de logements correspondant aux crédits censés financer les mesures nouvelles pour 2007.
Des éclaircissements et des engagements, c'est également ce que l'outre-mer réclame s'agissant des finances des collectivités locales.
Le département de la Guadeloupe fait face à une croissance exponentielle de ses dépenses en faveur du revenu minimum d'insertion, le RMI. Le solde laissé à la charge du conseil général suit la même évolution, car, là encore, il n'est pas compensé.
À ce sujet, le Premier ministre a annoncé le versement d'une enveloppe de 500 millions d'euros aux départements sur trois ans, mais sans en préciser les modalités ni apporter de garantie. En réponse à une première interrogation, vous aviez seulement confirmé la somme annoncée ; j'espère que votre réponse sera, cette fois, plus complète.
La refonte du régime de réassurance au titre des catastrophes naturelles préoccupe également les collectivités territoriales de la Guadeloupe. Plusieurs d'entre elles ont fait l'objet d'une résiliation, à titre conservatoire, de leur couverture par leur assureur, dans l'attente de l'issue de la réforme en cours.
Si, pour renforcer l'équilibre financier de la Caisse centrale de réassurance, le principe de solidarité nationale devait être remis en cause en outre-mer, l'économie de ces régions, exposées aux phénomènes climatiques se trouverait davantage fragilisée. Sur ce sujet, les acteurs économiques me disent avoir du mal à obtenir des réponses claires.
Par ailleurs, avec le groupe socialiste, en particulier avec MM. Lise et Larcher, je suis porteur d'un amendement visant à proroger, pour la durée du prochain contrat de projet, la taxe d'embarquement sur les passagers instituée au profit des régions d'outre-mer. Celle-ci sert, notamment, au financement de la politique touristique et des dispositifs de continuité territoriale de tout l'archipel guadeloupéen. D'ailleurs, je remarque, comme d'autres avant moi, que la politique menée par votre gouvernement en la matière reste bien timide au regard des attentes qu'elle a suscitées, notamment dans les îles du Sud.
Monsieur le ministre, tout au long de l'examen du projet de budget, j'ai bien gardé en tête le fait que les crédits gérés par le ministère de l'outre-mer ne représentent que 13 % de la dépense globale de l'État outre-mer. Il appartient, cependant, à votre ministère de coordonner la politique conduite dans ces régions de manière d'autant plus énergique qu'il s'agit d'un ministère de plein exercice.
Permettez-moi, ainsi, de soulever deux questions qui me préoccupent.
Tout d'abord, je dois vous alerter sur l'insécurité en Guadeloupe. Elle se distingue, notamment, par un taux élevé d'atteinte à la personne, supérieur aux taux constatés en métropole, sans que paradoxalement des actions fortes soient mises en oeuvre.
Ensuite, je m'inquiète de l'entrée en vigueur effective du statut de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin avant la fin de cette législature. Je souhaiterais donc que vous me rassuriez sur son aboutissement.
Monsieur le ministre, les difficultés que j'ai évoquées devant vous sont chroniques, et cette législature s'achève en ayant marqué un recul dans certains domaines. Dans ces conditions, vous comprendrez que, faute d'éclaircissements et d'engagements, je ne puisse voter votre projet de budget en l'état, car ce serait approuver une politique engendrant une déception qui n'a d'égale que les espoirs dont elle était porteuse !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, les membres du Gouvernement ont multiplié les visites aux Antilles.
J'apprécie particulièrement ces contacts réguliers qui sont pour nous, élus, l'occasion de faire part de nos préoccupations et, surtout, de nos suggestions.
Je pense ainsi au déplacement en Guadeloupe de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Je songe également à la mission d'information de la commission des affaires sociales du Sénat sur les quartiers en difficulté, en juin dernier.
À cette occasion, une journée de travail a été organisée à l'hôtel de ville des Abymes, ce qui a permis de présenter le projet de renouvellement urbain que nous sommes en train de préparer afin de le soumettre à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU. Il m'a semblé essentiel que nous participions à cette réflexion sur les quartiers en difficulté.
Forts de cette expérience de terrain, nous pouvions légitimement espérer que le Gouvernement donnât un nouvel élan à sa politique pour la remise à niveau et le développement de l'outre-mer.
Ce projet de loi de finances pour 2007 est, en effet, l'occasion pour le Gouvernement de mettre en oeuvre les engagements qu'il a pris et qu'il a confirmés à l'égard de l'outre-mer.
Certes, et c'est tout à votre honneur, monsieur le ministre, les priorités que vous affichez sont conformes à nos besoins sociaux les plus urgents, à savoir l'emploi, le logement et l'immigration clandestine. Toutefois, malgré cette prise de conscience affirmée de l'urgence qu'il y a à agir, ce texte se caractérise paradoxalement par la stabilité, voire, pour être objectif, par une régression des moyens financiers mobilisés.
Ce projet de budget interpelle donc à plusieurs titres.
En premier lieu, il lui manque de l'ambition, alors même que la situation des collectivités d'outre-mer appelle une mobilisation politique et un plan d'action énergique.
Pour preuve, quand le budget de 2006 s'élevait à 1, 99 milliard d'euros en crédits de paiement, celui de 2007 prévoit seulement 1, 962 milliard d'euros. Les autorisations d'engagement, elles, passent de 2, 36 milliards d'euros à 2, 03 milliards d'euros.
Je déplore cette régression du niveau des crédits de la mission « Outre-mer », tant elle ne fait que témoigner et confirmer l'absence d'une réelle stratégie et d'une vision à long terme pour l'outre-mer.
Dois-je rappeler, une fois de plus, que taux de chômage y est trois fois supérieur à la moyenne nationale, avec, en corollaire, une période moyenne d'inactivité plus longue ?
Or, la situation se dégrade encore. Le nombre de demandeurs d'emploi enregistrés est passé de 42 000 en juin 2005 à 43 560 en juin 2006, soit une augmentation de 4 %.
Face à cette situation, les crédits alloués à l'emploi s'élèvent, en 2007, à 1, 16 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 1, 42 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1, 22 milliard d'euros en crédits de paiement, en 2006.
Ainsi, malheureusement, ce budget est loin de confirmer vos déclarations devant la commission des lois le 18 octobre dernier. Je pense pourtant que vous êtes, monsieur le ministre, je tiens à le souligner, l'un des ministres en charge de ce secteur qui a le mieux compris l'outre-mer. Votre bonne volonté et votre sincérité ne peuvent donc être mises en cause.
Néanmoins, les choix qui ont dû être faits ne traduisent pas l'effort auquel nous aurions pu nous attendre. Ce constat de baisse pourrait gravement nuire au plan local d'insertion professionnelle des personnes en difficulté, ce qui n'est pas conforme à vos souhaits et à vos attentes - nous savons très bien que vous êtes vous-même obligé de vous battre vigoureusement lors des arbitrages budgétaires.
S'agissant du logement social, lors de la première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, j'ai alerté le Gouvernement - M. Borloo défendait alors ce texte - sur la nécessité d'abonder la ligne budgétaire unique, la LBU, afin de couvrir les dettes de 2005 et de financer les objectifs annuels dans le cadre d'une programmation pluriannuelle conforme aux besoins très largement identifiés.
J'ai noté avec satisfaction, d'une part, l'intention du Gouvernement, exprimée en Guadeloupe par le Premier ministre, d'augmenter la dotation consacrée au logement social de 120 millions d'euros, dont 60 millions d'euros dès 2007 et, d'autre part, la prise de conscience du fait que la dette accumulée, soit 113 millions d'euros, doit être épongée d'ici à la fin du premier trimestre 2007.
Toutefois, mon inquiétude persiste lorsque je lis l'analyse de M. Henri Torre, rapporteur spécial.
En effet, il considère que les modalités budgétaires particulières qui ont été adoptées faussent l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » par le Parlement. De plus, il nous met en garde, dans l'attente des précisions qui seront apportées lors de l'examen du collectif budgétaire de 2006, sur le risque d'un accroissement de l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.
Comme tous ceux qui sont intervenus avant moi, monsieur le ministre, je souhaite que, sur ces interrogations et ces zones d'ombre, vous nous apportiez les éléments d'information susceptibles de nous éclairer et de rassurer nos populations, ainsi que les opérateurs dans le domaine du logement social.
Pour l'heure, je vous l'assure, l'outre-mer garde confiance quant au respect des engagements pris. Nous avons conscience de votre engagement à nos côtés et de votre volonté, mais nous savons aussi que tout cela ne dépend pas uniquement de vous C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les promesses faites soient effectivement tenues dans les délais annoncés, eu égard à l'urgence.
Je pourrais me réjouir également de la progression des crédits consacrés à la continuité territoriale. Néanmoins ils restent, en réalité, trop insuffisants au regard de l'objectif fondamental fixé. En effet, l'idée de continuité territoriale se réfère à la notion d'équité qui, elle-même, repose sur un principe d'égalité entre les citoyens dans l'exercice de leur droit de se déplacer dans les mêmes conditions de prix entre divers points du territoire national.
À cet égard, la comparaison avec la Corse est aussi légitime qu'édifiante. Le rapport est de un à six : 180 millions d'euros d'un côté, et seulement 32 millions d'euros de l'autre. Si l'on tient compte des populations respectives ou encore de la distance, sans faire le calcul précis, ce rapport passerait de un à dix, voire de un à quinze, selon le critère retenu !
Aujourd'hui, il faut avoir le courage politique de reconnaître que le dispositif pour l'outre-mer est inadapté aux besoins authentiques et légitimes des populations ultramarines. N'est-il pas temps, monsieur le ministre, d'envisager sérieusement la mise en place d'une vraie continuité territoriale avec l'outre-mer et de proposer une réforme en ce sens, comme le souhaitent les élus et les populations concernées ?
Dans un premier temps, cette réforme devrait se traduire, concrètement, par l'ouverture du dispositif à de nouvelles catégories de bénéficiaires.
En évoquant cette question, je veux, bien sûr, parler des personnes qui sont obligées de se déplacer entre l'outre-mer et la métropole pour des raisons de formation, initiale ou continue, ou encore de celles qui doivent se déplacer dans le cadre de leur activité professionnelle. Je pense également à nos concitoyens ultramarins gravement malades et qui doivent, le cas échéant, se faire soigner en métropole.
Je veux enfin, du moins pour le moment, parler des originaires d'outre-mer vivant en métropole et devant se rendre en urgence dans leur région de naissance pour des évènements familiaux exceptionnels tels que le décès d'ascendants ou de collatéraux.
Pour tous ces personnes, il faut envisager la conclusion de conventions de service public avec les compagnies aériennes desservant l'outre-mer, comme cela se fait avec la SNCM, qui participe au service public entre Marseille et la Corse.
La notion d'intérêt général et son corollaire, la continuité territoriale, répondent aussi à un impératif de développement économique. Dans ce budget, comme dans les précédents, s'il est fait un tant soit peu état du déplacement des personnes, la question du coût du transport des marchandises est totalement éludée.
Monsieur le ministre, cette question majeure de la continuité territoriale dans sa configuration actuelle doit pouvoir bénéficier d'une volonté politique forte du Gouvernement pour, enfin, connaître un aboutissement heureux, à la mesure des attentes des populations concernées.
À ce stade de mon intervention, je souhaite évoquer rapidement deux sujets qui me tiennent à coeur.
Le premier concerne le devenir de l'île de Saint-Martin. Le vote du budget me paraît, en effet, le moment opportun pour insister une fois de plus sur la nécessité d'un plan d'accompagnement, national et volontariste, qui sera la clé d'un passage réussi à l'autonomie.
Comme je l'ai dit lors de la discussion du projet de loi portant évolution statutaire des îles du nord de l'archipel guadeloupéen, le Gouvernement doit donc aller au terme du processus. Là encore, je ferai référence au traitement réservé en son temps à la Corse.
La loi 22 janvier 2002 prévoit, en effet, en son article 53, un dispositif exceptionnel d'accompagnement de la Corse : pour surmonter ses handicaps naturels, elle bénéficie d'un plan tout à fait exceptionnel sur quinze ans, afin de résorber son déficit en équipements publics et en services collectifs. Je demande qu'un dispositif identique soit mis en oeuvre pour Saint-Martin. Ce plan prouve que notre pays sait y faire quand il veut être objectif et juste !
Le second sujet que je veux évoquer concerne le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD. La loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a transformé le FASILD en Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC.
Par des subventions, le FASILD soutenait l'action des associations qui mettent en place des ateliers linguistiques. Cependant, à partir de 2007, il est prévu pour l'outre-mer, pour les DOM en particulier, que l'apprentissage du français par les immigrés soit pris en charge par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.
Aussi, pour permettre à cette dernière de mener à bien ses nouvelles missions, il me semble nécessaire d'abonder en conséquence les crédits qui lui sont octroyés, notamment pour assurer la création d'antennes ou de bureaux d'accueil dans chaque département d'outre-mer. Je déposerai donc un amendement en ce sens.
Pour conclure, je dirai que, globalement, ce budget se situe dans la continuité du précédent. C'est sans doute une occasion ratée d'adresser à l'outre-mer le message clair qu'attendent les populations quant à la volonté du Gouvernement de prendre enfin les décisions en rapport avec l'acuité des difficultés auxquelles sont confrontés ces territoires.
La déception risque d'être d'autant plus vive que les attentes sont grandes, légitimes, connues, largement partagées et bien relayées par les représentants de ces populations, notamment par les parlementaires - je pense, particulièrement, aux sénateurs.
Monsieur le ministre, je sais que nos compatriotes suivent attentivement nos travaux. Vous comprendrez donc que j'attende de connaître la position que vous prendrez sur toutes ces questions majeures avant de déterminer le sens que je donnerai à mon vote.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la législature s'achève, et il est bon de mesurer la distance parcourue grâce aux engagements pris par le chef de l'État, M. Jacques Chirac, par le Gouvernement et par la majorité qui l'a soutenu.
Plusieurs grands sujets étaient à l'ordre du jour, le terrain institutionnel était miné, le développement économique était difficile à relancer et il fallait donner un visage humain et digne à l'égalité sociale.
Dans le domaine de la paix institutionnelle, il faut reconnaître que l'objectif a été atteint. Il l'a été à la Réunion parce que le Président de la République a exigé et obtenu que la parole donnée soit respectée.
La Réunion est restée dans le champ de l'intégration adaptée grâce à l'amendement que vous avez adopté, mes chers collègues, à une très large majorité.
La paix institutionnelle a été rétablie dans les autres départements d'outre-mer par le vote des citoyens : je ne connais pas de meilleur moyen démocratique !
Sur le plan de l'égalité économique, qui faisait partie de l'engagement du Président de la République, des avancées très substantielles ont été réalisées.
Je voudrais que l'on revienne à la réalité. Moi qui suis un élu d'un département d'outre-mer, je veux dire à la représentation nationale que les choses ne peuvent plus aujourd'hui être telles qu'elles étaient hier ! Les temps sont devenus difficiles pour tout le monde. Chacun doit balayer devant sa porte, chacun doit prendre sa part de responsabilité et participer à l'effort commun. On ne peut plus seulement demander à l'État : que faites-vous pour nous ? - je le dis à cette majorité comme je le dirais à une autre - il faut aussi se demander ce que nous faisons pour l'État !
Dans ce contexte, force est de constater que la loi de programme pour l'outre-mer, qui établit l'égalité économique et l'égalité sociale dans la dignité, a eu des résultats considérables.
L'investissement défiscalisé a augmenté de 180 millions d'euros entre la loi d'orientation pour l'outre-mer, la LOOM, et la loi dite « Girardin », voulue par le Président de la République.
En matière de continuité territoriale, il est vrai, mes chers collègues de l'opposition, que nous n'avons pas fait un bond en avant extraordinaire, mais nous sommes sur la bonne voie : 60 000 passeports mobilité ont été accordés. Un tel dispositif n'existait pas avant 2002.
Par ailleurs, une autre avancée qualitative a été réalisée, et elle n'a pas été accompagnée par les régions, sauf la Guadeloupe : 32 millions d'euros de crédits ont été mis en place, et, monsieur le ministre, vous avez majoré les dotations en faveur du passeport mobilité de 31 % dans le budget pour 2007.
Ce sont donc 32 millions d'euros de crédits qui sont consacrés à la continuité territoriale. Or la plupart des régions, sauf la Guadeloupe, je le répète, n'utilisent pas les crédits qui leur sont alloués Ce n'est donc pas la faute de l'État ! Certains n'utilisent pas la manne qui leur a été accordée pour réduire le handicap de la distance !
En matière de développement économique et touristique, les collectivités locales, les acteurs économiques locaux doivent s'investir davantage. Ce n'est pas uniquement le rôle de l'État.
Lorsque l'image d'un département est entachée par une épidémie comme celle due au chikungunya - localement, nous n'arrivons pas à relancer l'image d'île accueillante, attrayante, intense, qui est traditionnellement attachée à la Réunion -, l'État a un rôle à jouer.
Grâce à l'action du Gouvernement, la Réunion ne connaît plus - et j'espère qu'elle ne la connaîtra plus - l'épidémie qui a sévi dans l'île.
Je le dis solennellement, mes chers collègues, la représentation nationale doit savoir que le Premier ministre, le ministre de l'outre-mer et le ministre de la santé ont « mouillé leur chemise » sur le terrain, avec l'aide de l'armée française, des pompiers, des élus locaux et de toute la population. Grâce à cette mobilisation, j'espère que cette épidémie ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir et que les touristes français et européens reviendront à la Réunion, où ils seront bien accueillis parce que c'est une île qui ne cherche qu'à s'ouvrir aux autres.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Certes, il reste encore du chemin à parcourir. Mais quand je voyage, quand je regarde autour de moi, quand je vois ce qui se passe à Madagascar, en Afrique, et même dans certains pays d'Asie - voilà bientôt quarante ans que je suis élu ; nous nous sommes battus aux côtés de Michel Debré pour rester Français -, j'ai envie de remercier la France, sa représentation nationale et les gouvernements qui se sont succédé d'avoir transformé les DOM, de terres de misère, d'abandon, de ruines, en vrais départements français, en vraies régions de l'Europe qui progressent.
C'est par l'effort collectif, par un langage de vérité, par une volonté commune, que nous atteindrons nos objectifs.
Le fait que 58 % des enfants dans nos écoles primaires sont du niveau moyen métropolitain et que 42 % restent au-dessous de ce niveau ne signifie-t-il pas que des efforts doivent être accomplis pour améliorer la réussite scolaire de nos élèves ?
Lorsque 60 % des étudiants des facultés de la Réunion échouent en première année - ils sont 40 % en métropole, ce n'est guère mieux - n'avons-nous pas un effort à faire pour valoriser le facteur humain ?
L'égalité et le développement économiques passent par l'investissement premier, qui est l'investissement dans l'homme. Quand l'homme maîtrise le savoir, quand il est capable de définir son projet de vie, de construire son avenir, alors là, oui, l'argent public est bien utilisé !
Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur deux points noirs, deux zones d'ombre majeures dans le développement économique de l'outre-mer.
Le premier de ces points noirs concerne le logement social. Ainsi que tous les orateurs l'ont souligné, notamment M. Henri Torre et Mme Anne-Marie Payet, une opération vérité doit être menée.
Il est vrai que, sur le plan de l'égalité économique, le logement a évolué grâce à la défiscalisation. Tout le monde le sait, les carnets de commandes des entreprises sont remplis, mais, sur le plan du logement social, il y a une opération vérité à mettre en oeuvre, monsieur le ministre, et nous comptons sur vous, après la mise au point du Premier ministre aux Antilles, pour, aujourd'hui, rassurer la représentation nationale.
Le second point noir, mes chers collègues --et je compte sur l'effort de tous pour nous aider -, est lié au pouvoir d'achat et au coût de la vie.
Si la solidarité nationale, européenne, est freinée par l'écran des abus de positions dominantes, des ententes illicites, qui renchérissent lourdement le coût de la vie outre-mer, nos compatriotes des DOM sont pris en étau entre deux problèmes : si les salaires du privé sont plus faibles qu'en métropole, le coût de la vie y est plus élevé. Cette situation, évidemment, crée une population de mécontents.
Je vous ai écrit à ce sujet, monsieur le ministre, ainsi qu'au Premier ministre, et vous m'avez répondu que vous alliez demander au directeur général de l'INSEE de mener une mission.
Cela m'amène à ma première question.
En métropole, où l'INSEE mesure, mes chers collègues, 200 000 prix par an, le niveau réel des prix peut être connu. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, à quelle échéance l'INSEE devra s'acquitter du travail que vous allez lui demander, afin que nous puissions, ensemble, déterminer les voies et moyens permettant de mettre en place l'observatoire des prix qui a été prévu par l'article 75 de la loi d'orientation pour l'outre-mer ?
C'est une obligation légale. En effet, l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les prix sont « librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Mais quand il n'y a plus de libre concurrence, il faut bien trouver un moyen de la rétablir.
Par ailleurs, les règlements communautaires l'imposent. Les articles 81 et 82 du Traité d'Amsterdam prévoient clairement que les ententes illicites sont interdites et qu'il faudrait y mettre un terme.
Ma deuxième question concerne l'inquiétude qui s'empare aujourd'hui des milieux économiques dans les départements d'outre-mer.
Il nous a été rappelé que les États voisins souhaitaient que l'octroi de mer et les taxes qui grèvent leurs productions soient supprimés dans le cadre de l'article 28 des accords de Cotonou. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, quelle est votre réponse à cette demande des pays qui nous entourent et quelle est la stratégie du Gouvernement pour faire en sorte que l'économie fragile de l'outre-mer ne soit pas mise en péril.
Enfin, hasard du calendrier, Matignon examine, en ce moment même, le dossier des quinze zones franches urbaines, les ZFU. Je voudrais, quoi qu'il en soit, vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir appuyé personnellement ce dossier. Grâce à votre soutien, l'est de la Réunion, qui est dans une situation économique difficile, pourra, par le biais de la ZFU, conquérir un nouveau souffle.
Pouvez-vous me dire - et peut-être aurez-vous tout à l'heure une réponse sur ce sujet - si la ZFU sera appliquée et, dans ce cas, si elle le sera avant la fin de l'année ? Les acteurs économiques n'attendent qu'un signal pour démarrer.
Telles sont donc les quelques remarques que je voulais formuler.
J'estime que cette législature a été positive sur le plan de l'égalité économique, qu'elle a permis un sursaut en termes de solidarité nationale par rapport à l'outre-mer et que, dans les moments difficiles, nous avons pu compter sur l'aide du Gouvernement.
Rien n'est parfait en ce bas monde, il y a encore des zones d'ombre - le coût de la vie, le logement social -, mais le travail a été largement positif. C'est la raison pour laquelle je voterai votre budget et je soutiendrai l'action que vous allez mener pour l'outre-mer français.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2007 étant le dernier de la législature, il est l'occasion de dresser le bilan de la politique conduite ces cinq dernières années par l'actuel gouvernement en direction de l'outre-mer.
D'aucuns pourraient penser que certains engagements du Président de la République ont été respectés.
En effet, la loi de programme pour l'outre-mer était le premier de ses engagements. Cependant, la commission d'évaluation de cette loi venant seulement d'être mise en place, rien ne nous permet d'en juger pour l'instant l'efficacité ou, au contraire, les insuffisances.
La réforme constitutionnelle de 2003 était le deuxième engagement du Président de la République. J'ai eu l'occasion, il y a peu de temps, d'exprimer mon avis sur cette « décentralisation Raffarin ».
De surcroît, cette loi n'est toujours pas applicable, puisque les deux projets de loi organique et de loi ordinaire permettant de rendre effective l'évolution statutaire de certaines collectivités ultramarines viennent seulement d'être adoptés au Sénat et n'ont pas encore été examinés à l'Assemblée nationale.
Nous pourrions reprendre les doléances des années passées puisque, depuis 2002, le budget de l'outre-mer est en baisse constante. Cette diminution est alarmante, car elle touche principalement les priorités absolues que sont le logement et l'emploi. Cela est d'autant plus inquiétant que nous le rappelons chaque année à l'occasion du débat budgétaire et que les élus d'outre-mer, monsieur le ministre, ne cessent de vous le répéter.
Ainsi, pour la quatrième année consécutive, on peut observer une baisse du budget de l'outre-mer. Pour 2007, la mission « Outre-mer » affiche 1, 962 milliard d'euros, alors que le budget voté l'an dernier s'élevait à 1, 990 milliard d'euros, ce qui équivaut à une diminution de 1, 5 %, soit une baisse de 28 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire plus de 3% en euros constants.
Nous constatons également une diminution des autorisations d'engagement de 14 %, même si nous savons, par ailleurs, que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une faible partie de la contribution de l'État, qui s'élève cette année à 12, 41 milliards d'euros en crédits de paiement, et à 12, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement.
Le logement constitue l'un des axes prioritaires du développement économique et social de l'outre-mer.
Or, dans ce secteur, il existe des divergences de plus en plus grandes entre les moyens mis en oeuvre dans l'hexagone, et ceux qui sont déployés en outre-mer. Ni les crédits inscrits dans la mission ni ceux qui ont été annoncés par le Premier ministre, lors de sa récente visite aux Antilles, ne sont susceptibles de modifier la donne quant à l'écart croissant entre les besoins et l'offre de logements.
Le projet de budget pour 2007 prévoit une enveloppe de 280, 75 millions d'euros pour le logement. Or un audit de modernisation, consacré au financement du logement social outre-mer, évalue les besoins à 307 millions d'euros par an, sur cinq ans.
Certes, le Gouvernement a récemment promis une rallonge de 120 millions d'euros sur trois ans, mais celle-ci est très insuffisante, ainsi que l'a montré ce matin encore le rapporteur spécial, M. Henri Torre.
De plus, le rapport de cet audit stigmatise la gestion de la ligne budgétaire unique qui s'illustre par une distorsion croissante entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement. En 2007, cet écart sera de 105 millions d'euros. Cette situation laisse augurer la reconstitution d'une nouvelle dette de l'État à l'égard des opérateurs sociaux dès la fin de 2007, créant ainsi une nouvelle crise de la filière et mettant en grande difficulté les entreprises du bâtiment et des travaux publiques.
En Martinique, le montant des factures impayées de l'État s'élève, aujourd'hui, à 26 millions d'euros, ce qui place près de 400 entreprises au bord de la faillite et menace, par voie de conséquence, plus de 4 000 emplois.
Par ailleurs, toujours selon cet audit, depuis 2000, en outre-mer, la part des logements aidés a été ramenée de 30 % à 15 %, alors que, dans le même temps, la demande ne cesse de croître. Pour la seule Martinique, on enregistre, chaque année, plus de 10 000 demandes de logements HLM et plus de 3 000 demandes d'aide à l'amélioration de l'habitat. Actuellement, il faut parfois attendre dix ans avant d'obtenir un logement social.
En outre, par souci d'égalité, si l'on appliquait le plan de cohésion sociale dans les DOM, il faudrait réaliser pas moins de 27 000 logements sociaux supplémentaires pour atteindre le même niveau que dans l'hexagone. Or, depuis six ans, seuls 4 200 logements locatifs sociaux par an ont été autorisés. En 2005, 3 800 logements seulement ont été construits. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
La situation du parc privé de logements n'est pas meilleure. Si la défiscalisation a apporté un certain espoir, aujourd'hui, force est de constater que ce dispositif produit des effets pervers, notamment une inflation des coûts de l'immobilier et une envolée des prix du foncier, excluant de ce fait toute une partie de la population de l'accession à la propriété. En réalité, la défiscalisation profite donc à une infime partie de la population locale et, paradoxalement, à des ménages vivants hors des territoires ultramarins.
J'évoquerai maintenant le thème de l'emploi, qui s'inscrit dans un contexte socioéconomique globalement défavorable en outre-mer.
Bien que le taux de chômage ait légèrement diminué en Martinique, il était encore de 26, 5 % en 2005, soit trois fois plus que la moyenne nationale, tout comme dans le reste de l'outre-mer. Force est de constater que ceux qui représentent l'avenir de notre pays, c'est-à-dire les jeunes, sont toujours les plus durement touchés. En effet, en Martinique, le chômage des jeunes a progressé de 8 % entre juin 2005 et juin 2006.
Déclaré prioritaire par le Gouvernement, l'emploi voit pourtant ses crédits diminuer substantiellement, alors que l'on observe, notamment, une augmentation constante du nombre de RMIstes. En effet, ceux-ci représentent 26 % de la population en Martinique, contre 10 % de la population nationale.
À cela s'ajoute la crise des secteurs de la banane et du tourisme, qui sont les principaux pourvoyeurs d'emplois.
En 2007, les crédits du programme « Emploi outre-mer » diminueront de 5, 2 %, soit une perte de 61 millions d'euros. Cela ne manquera pas de peser sur le financement des contrats aidés, dont les crédits ont été réduits de près de 40 % en quatre ans, ainsi que sur l'aide et le soutien aux jeunes créateurs d'entreprise.
Quoi qu'il en soit, il demeure indispensable de mener des actions fortes de soutien à l'activité et à l'emploi en outre-mer, afin de faire baisser le taux de chômage et de surmonter les handicaps liés, entre autres, aux différentiels de coûts salariaux avec les pays voisins.
À l'heure où le Gouvernement entend poursuivre le développement des biocarburants, je suggère que l'outre-mer en bénéficie tout autant que la métropole. Des études de faisabilité sont d'ailleurs en cours en Martinique ; elles devraient aboutir à des résultats très favorables.
L'industrie des biocarburants devrait pouvoir s'implanter en Martinique et créer ainsi un nombre important d'emplois. J'étais d'ailleurs intervenu auprès de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable en vue de l'inscription d'une unité de production de biocarburants en Martinique dans le programme opérationnel 2007-2013.
Je voudrais à présent évoquer l'hôpital public. Comme je l'avais déjà dit l'année dernière, celui-ci pâtit de son nouveau mode de fonctionnement. En effet, la tarification à l'activité, ou T2A, a répondu à une logique financière, et non à une réelle politique de soins.
Les conséquences de cette réforme sont aggravées par le sous-effectif, ainsi que par les retards structurels accumulés en outre-mer. Bon nombre d'établissements de santé ne répondent plus aux normes d'accueil et aux règles sanitaires. La réforme porte donc atteinte tant à l'offre qu'à la qualité des soins.
En 2005, c'est grâce à une forte mobilisation des élus et des acteurs de la santé que les hôpitaux de Martinique ont perçu 10, 5 millions d'euros de crédits supplémentaires pour terminer l'année et assurer le paiement des salaires.
Cependant, rien ne garantit aujourd'hui que la dotation obtenue à l'arraché l'an dernier sera reconduite. Cela hypothèque gravement à la fois la qualité des soins, la sérénité des patients et les conditions de travail dans ces établissements.
En effet, les hôpitaux ont été contraints de signer avec l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, un « plan de retour à l'équilibre », dont les termes nous paraissent scandaleux, puisqu'il faut réaliser des économies sur tout et clôturer l'exercice 2006 sans déficits nouveaux, ni reports de charges.
Selon les termes de ce plan, le centre hospitalier universitaire, le CHU, s'engage à dégager 800 000 euros de recettes supplémentaires en 2006 et à économiser 1, 2 million d'euros. En réalité, cela se traduit par des départs à la retraite non remplacés, des mensualités de remplacements supprimées, des médicaments et des réactifs de laboratoires achetés en plus petite quantité, des frais de maintenance, de missions et de déplacements réduits ! En d'autres termes, il s'agit de faire des économies sur la santé de nos concitoyens !
Quel est le résultat ? On assiste actuellement à un développement sans précédent d'escarres dans nos hôpitaux, par manque de soins directement lié au sous-effectif du personnel. Pire encore : dans certains cas, les escarres conduisent à des amputations dont nos aînés sont les premières victimes ! Les personnes âgées pâtissent cruellement du manque de personnel : dans certains établissements, leurs petits déjeuners leur sont servis seulement à dix heures, tandis qu'ils reçoivent leur premier bain en milieu de journée !
Dans ces conditions, comment peut-on demander à nos centres hospitaliers de réduire leurs moyens ?
Les hôpitaux de Martinique ont besoin de 43 millions d'euros pour répondre aux besoins de la population. Le taux de la T2A, qui est de 35% en 2006, sera porté à 50% en 2007, ce qui aggravera encore un peu plus leur situation financière.
De plus, le coefficient géographique pour la prise en charge des surcoûts spécifiques aux DOM, qui est actuellement fixé à 25%, demeure insuffisant. Par ailleurs, aucun de ces établissements de santé, qui ont pourtant pour mission d'accueillir la population en cas de catastrophe naturelle, ne répond aux normes parasismiques.
Or les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour régler la situation sanitaire des territoires ultramarins vont en diminuant. Ils s'élèveront à 59, 4 millions d'euros en 2007 contre 89, 5 millions d'euros en 2006, soit une baisse de 30 millions d'euros. Nous sommes donc très loin du compte : les besoins des populations ne sont pas pris en considération.
Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, la situation est très préoccupante. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour venir en aide à l'hôpital public en Martinique ?
Comme en 2004 et 2005, j'évoquerai cette année encore les finances locales, qui sont une très forte préoccupation pour les maires ultramarins. J'espère cette fois être entendu !
Les communes d'outre-mer se trouvent dans une situation financière très tendue. Elles doivent faire face à une augmentation très importante de leurs budgets de fonctionnement, et plus particulièrement des charges salariales, du fait de la titularisation massive des agents communaux de catégorie C. Les charges des communes ont augmenté de plus de 3 % en 2005. Le premier poste de leurs dépenses correspond à la masse salariale et varie de 57 % à 65 % de leur budget de fonctionnement. La titularisation croissante des agents entraîne un surcoût financier qui n'est pas compensé par les dotations de l'État.
Les trente-quatre maires de la Martinique ont déjà accompli, dans leur commune, des efforts considérables pour faire régresser le nombre d'emplois précaires dans la fonction publique territoriale par la titularisation du personnel communal, tout en développant les équipements structurants, répondant ainsi aux besoins urgents et parfois élémentaires des populations.
Ainsi, les communes ont joué leur rôle de « buvard social », mais elles ne peuvent plus faire face seules à ces charges supplémentaires. La piste de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a principalement profité à l'intercommunalité et aux communes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie, mais pas aux communes qui en avaient urgemment besoin.
Je conclus, madame la présidente.
Je voudrais faire une proposition à M. le ministre. En 2004, nous avions adopté au Sénat un amendement déposé par M. Virapoullé tendant à instituer une dotation spécifique d'ultrapériphéricité en matière de DGF. Ce dispositif avait ensuite été rejeté par l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, il conviendrait de faire accepter le principe d'une exonération des charges sociales pour les catégories C dans les communes. Ce principe serait discuté avec les maires, qui s'engageraient à ne procéder à aucune nouvelle embauche pendant une période bien définie dans le temps.
Nous pouvons donc dire qu'avec les crises de l'emploi, du logement, de la banane, c'est toute l'organisation socio-économique de l'outre-mer qui se délite. Cette situation ne peut pas demeurer en l'état. Il n'existe pas de pire injustice que celle consistant à traiter uniformément des populations qui sont dans des situations très différentes. Une telle démarche ne peut que contribuer à accentuer les inégalités et à alimenter un sentiment d'exclusion de la solidarité républicaine.
Lorsque les inégalités s'accroissent sur une partie de son territoire, la France doit mettre en oeuvre des politiques adaptées de rattrapage et de solidarité. Cela vaut pour l'emploi et pour le logement.
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, pour les raisons que j'ai évoquées tout au long de mon intervention, je ne serai pas en mesure d'apporter mon soutien à votre budget.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans nos tribunes d'une délégation du Parlement du Monténégro, conduite par M. Rifat Rastoder, vice-président.
Les habitants du Monténégro, vous le savez, se sont prononcés pour l'indépendance par le référendum du 21 mai 2006 et nous accueillons donc la première délégation parlementaire d'un Monténégro autonome.
Je suis certaine, mes chers collègues, de me faire votre interprète à tous en adressant aux membres de la délégation monténégrine, et à travers elle, au peuple monténégrin, nos sentiments d'amitié et de sympathie et nos chaleureux voeux de succès dans le nouveau chemin qu'ils ont choisi.
M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier nos collègues rapporteurs, qui ont effectué un excellent travail d'études sur la mission « Outre-mer », dont nous examinons aujourd'hui les crédits. La vue d'ensemble qu'ils nous offrent éclaire considérablement notre réflexion et permet ainsi aux sénateurs d'outre-mer de concentrer leurs interventions sur les problèmes de la collectivité qu'ils représentent. Je ne dérogerai pas à cette règle.
Je voudrais également saluer le volontarisme du ministre François Baroin pour maintenir à niveau le budget de son ministère, dans un contexte toujours difficile. La nation fait un effort pour aider ses collectivités les plus handicapées structurellement et géographiquement. Le territoire de Wallis et Futuna est concerné, car il souffre plus que tout autre de son éloignement de la métropole et même de ses plus proches voisins dans la région.
Ainsi, je me plais à le souligner, grâce à la solidarité nationale, les îles Wallis et Futuna seront bénéficiaires d'une dotation totale de 93, 7 millions d'euros, soit un peu plus de 11 milliards de francs Pacifique, dont 36 millions d'euros, soit 4, 3 milliards de francs Pacifique, au titre des crédits de la mission « Outre-mer ».
Nos compatriotes de ces îles apprécient profondément cette solidarité et sont reconnaissants vis-à-vis de tous ceux dont le travail permet ce partage. Néanmoins, je crains que cette réelle générosité ne bascule peu à peu dans la suspicion et le rejet de la part de nos concitoyens de métropole, à force d'entendre nos débats parfois peu clairs et interminables sur les avantages dont bénéficierait indûment l'outre-mer.
Monsieur le ministre, il est urgent de faire aboutir les réflexions et de tourner la page de ces débats cycliques, qui favorisent inévitablement, chez des esprits peu informés, des amalgames entre, d'une part, les avantages dont certains bénéficient peut-être s'agissant des indexations ou de la défiscalisation et, d'autre part, les dotations et les aides, qui relèvent du partage et de la solidarité. Bien évidemment, de tels amalgames nuisent à la réputation, à la crédibilité de l'outre-mer et à la cohésion nationale.
L'aide de l'État au territoire de Wallis et Futuna concerne au premier chef trois secteurs essentiels, c'est-à-dire la santé, l'éducation et la formation professionnelle.
Je voudrais souligner l'effort réalisé en direction de l'Agence de santé, dont le budget progresse significativement et se rapproche ainsi un peu plus de la réalité des besoins liés, notamment, aux évacuations sanitaires induites par la faiblesse des structures locales.
Je me projette également dans l'avenir pour me réjouir avec vous de la réalisation prochaine des deux centres hospitaliers de Sia et Kaleveleve, avec un complément de financement dans le contrat de développement 2007-2011.
L'éducation, dont le ministère de l'outre-mer contribue au financement par le biais de la convention de développement, notamment pour la réhabilitation des bâtiments scolaires du primaire, et la formation professionnelle, que le même ministère aide également, notamment à travers l'Agence nationale pour l'insertion des travailleurs d'Outre-mer, l'ANT, sont les deux « mamelles » du développement économique d'une collectivité dépourvue de potentialités et de ressources naturelles à valoriser.
Notre jeunesse, qui est instruite, éduquée et formée, détient la clé de notre développement. Je compte sur le Gouvernement - la collectivité fera également sa part - pour que les meilleures conditions de la réussite scolaire soient créées et intensifiées.
Je voudrais saisir cette occasion pour rendre un hommage reconnaissant aux directions nationale et régionales de l'ANT, ainsi qu'à tous leurs personnels, pour leur politique d'accueil et de suivi attentif, qui est particulièrement appréciée par nos jeunes stagiaires qui en bénéficient.
Nous aurions souhaité - nous l'avons souvent sollicité - qu'un tel dispositif d'accueil et de suivi relevant de la tutelle du ministère de l'outre-mer prenne également en charge nos jeunes lycéens. En effet, faute de structures scolaires, ceux-ci sont obligés de quitter le territoire pour poursuivre leur scolarité à 20 000 kilomètres de chez eux. Cet éloignement forcé occasionne de nombreuses difficultés.
J'en viens maintenant à l'emploi, qui reste l'engagement prioritaire du Gouvernement. Il convient de le remarquer, les collectivités d'outre-mer en général, et Wallis et Futuna en particulier, sont défavorisées de ce point de vue.
Je souhaite, notamment, vous remercier de la pérennisation de la dotation prévue pour les primes à la création d'emploi ou encore de la formation individualisée mobilité. Un effort significatif est également réalisé en faveur des chantiers de développement local.
En ce qui concerne le programme « 40 cadres », je souhaiterais souligner les difficultés budgétaires qu'il a connues au cours de l'année 2006. Hébergés par le service d'inspection du travail et des affaires sociales, le SITAS, les responsables du programme se sont trouvés dans l'impossibilité de payer les différents frais de fonctionnement et le problème n'a été réglé que tout récemment. En effet, c'est le SITAS qui assume financièrement, sur son budget, le programme « 40 cadres ». Il aurait été souhaitable que ce programme bénéficie, à l'avenir, d'un budget autonome, comme c'est le cas pour le programme « Cadres avenir » en Nouvelle-Calédonie.
Pensez-vous qu'il soit possible juridiquement de doter le programme « 40 cadres » d'une dotation séparée ou, à tout le moins, que l'argent destiné à ce programme soit versé au SITAS de manière régulière et spécifique ? J'en profite pour vous rappeler que le SITAS ne bénéficie d'aucune dotation de la part du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Or, ce service gère également les questions liées aux handicapés.
Dans le cadre du renouvellement de la convention qui lie le territoire à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, nous souhaitons, dans la logique des lois récemment votées et du souhait du Gouvernement, que l'on intègre un volet spécifique destiné à la formation des handicapés.
Il en résultera un coût supplémentaire, mais je compte beaucoup sur votre appui personnel, monsieur le ministre, et sur l'appui de vos collaborateurs pour nous aider à obtenir une subvention annuelle de l'ordre de 15 000 à 20 000 euros, qui serait versée par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement au SITAS, lequel assumerait les frais de la convention signée avec l'AFPA.
Je souhaite maintenant revenir sur le problème chronique du manque de personnel d'État compétent pour faire face à la réalisation de nos projets de développement. Je suis conscient, mes chers collègues, que vous devez être fatigués de m'entendre soulever ce point à chaque budget, mais il est primordial, car cette faiblesse explique en grande partie les retards pris sur place dans la consommation des crédits. De ce fait, le développement dont nos îles ont tant besoin reste dans le monde virtuel de nos beaux ordinateurs !
Notre contrat de développement 2000-2004 a été prolongé de deux ans, faute de consommation des crédits. Les deux tiers des crédits du huitième Fonds européen de développement ont été basculés sur le neuvième et ceux du neuvième ont été menacés d'être reportés sur le dixième, pour les mêmes raisons.
Les crédits de la convention de développement 2003-2007 n'ont été délégués qu'à hauteur d'un tiers à la fin de 2005, comme le souligne l'excellent rapport de notre collègue Christian Cointat. Le cas du lycée de Wallis, dont la construction bâclée a pourtant coûté 18 millions de francs, illustre les défaillances et les lacunes dans le domaine de la conception, de la réalisation, du suivi et de l'entretien de notre patrimoine immobilier.
Dans un tout autre domaine, afin de répondre aux problèmes liés aux maladies animales, nous souhaiterions la création d'un laboratoire vétérinaire distinct de celui de l'agence de santé. Une demande conjointe du préfet, du conseil territorial et des élus sera déposée auprès de vos services et de ceux du ministère de l'agriculture et de la pêche. J'espère vivement, monsieur le ministre, que nous pourrons compter sur votre implication personnelle pour nous aider à faire aboutir ce dossier qui nécessite l'octroi d'une subvention.
En ce qui concerne la construction de la piste de Vele, qui conditionne le désenclavement de Futuna, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que le Premier ministre, qui s'est personnellement impliqué dans ce dossier, répondant à un souhait du Président de la République. J'en profite pour vous demander des précisions sur l'échelonnement des prochains versements destinés à financer la suite et la fin des travaux.
J'exprime un petit regret concernant la baisse prévue des crédits de paiement et des autorisations d'engagement: destinés au développement du sport. Elle est dommageable à la jeunesse de notre territoire, d'autant plus qu'il dispose d'un potentiel réel dans ce domaine.
Pour terminer, je ne peux passer sous silence notre politique de coopération et d'intégration dans la région du Pacifique. Au cours de cette année, deux événements majeurs ont marqué cette politique : le sommet France-Océanie, qui s'est tenu le 26 juin 2006 à Paris, à l'invitation du Président de la République, et le Forum des îles du Pacifique, qui a eu lieu à Fidji, au mois d'octobre, au cours duquel la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont accédé au statut de membre associé, et Wallis et Futuna à celui de membre observateur.
Chacun reconnaît, aujourd'hui, contrairement aux idées reçues d'il y a encore une dizaine d'années, que l'avenir du développement de ces collectivités passe désormais par leur intégration dans les dispositifs et les structures de coopération et d'union de leur environnement géographique immédiat sans, bien sûr, se couper de la France.
Cependant, les turbulences politiques, qui sont de plus en plus fréquentes et violentes dans cette région, nous ramènent aux doutes et aux hésitations d'antan. Je pense que l'on ne peut plus faire marche arrière ; il faut continuer à aller de l'avant en essayant de comprendre et d'améliorer ce qui peut l'être.
Les îles Fidji viennent de subir le quatrième coup d'État de l'histoire de leurs vingt dernières années ; il y a moins de trois mois, les îles Tonga ont été agitées par des troubles et des manifestations violentes qui ont fait huit morts et détruit 80 % de la zone commerciale de la capitale, Nukualofa ; les îles Salomon ne sont pas encore complètement sorties de leurs conflits interethniques ; sans parler des îles de Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui sont aux prises avec l'insécurité et la délinquance, après la guerre de sécession menée par les habitants de l'île Bougainville contre le gouvernement central de Port Moresby. Ce ne sont que quelques exemples, sans oublier la recrudescence des activités mafieuses et terroristes dans la zone.
La présence de la France dans la région est une chance, car elle peut lui apporter son soutien et ses conseils. Les valeurs de la République et de la démocratie, que défend notre pays, doivent être portées haut et fort pour aider, guider les îles du Pacifique, et rappeler que les retours nostalgiques à nos passés idéalisés sont source de déception et trop souvent de malheur, surtout pour les plus modestes. Les traditions et les coutumes doivent, bien entendu, être respectées, mais à condition de ne pas être une entrave au développement. La France doit montrer l'exemple dans ce domaine.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m'apporter, et je voterai naturellement les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, ce n'est pas sans émotion que nous examinons le dernier budget de cette législature, qui intervient dans un contexte financier peu favorable mais qui, néanmoins, grâce à votre implication personnelle, maintient l'effort de l'État outre-mer
En effet, le montant des interventions de l'État outre-mer, qui s'élève à plus de 13 milliards d'euros, progresse de 11, 6 % par rapport à 2006 alors que, parallèlement, les crédits et les dotations gérés directement par votre ministère, d'un montant de 1, 96 milliard d'euros en crédits de paiement, se situent au niveau de 2006.
En revanche, les crédits gérés par votre ministère ne représentent plus que 13 % de l'ensemble des concours de l'État à l'outre-mer, contre 17 % en 2006. Sur le fond, cela pose le problème du poids politique du ministère de l'outre-mer et de son rôle centralisateur pour l'ensemble des interventions de l'État outre-mer.
Pour Mayotte, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, les apports de l'État, tous ministères confondus, progressent tandis que les crédits à la charge de votre ministère sont en légère baisse.
Je voudrais maintenant évoquer trois points : les dotations des collectivités locales, le rattrapage social et le contrat de projet 2007-2013, qui est en cours de discussion à Mayotte.
S'agissant des dotations, je note avec satisfaction que les collectivités de Mayotte qui sont éligibles au FCTVA, devraient, à ce titre, bénéficier de 12 millions d'euros en 2007. La dotation de rattrapage et de premier équipement des communes, le fonds intercommunal de péréquation, ainsi que les centimes additionnels à l'impôt sur le revenu des personnes physiques institués au profit des communes de Mayotte, qui arrivent à échéance en 2006, sont prorogés par la Haute Assemblée - je me souviens encore de notre discussion lors de l'examen du projet de loi organique -, avec l'accord du Gouvernement, « jusqu'à l'accession de Mayotte au régime de département d'outre-mer défini par l'article 73 de la Constitution ».
Cependant, à titre transitoire, il me paraît absolument nécessaire d'adopter l'article 50 de ce projet de loi de finances, afin d'assurer le lien entre ces dispositions que je viens d'évoquer et celles de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.
Dans la même logique, il est souhaitable d'aligner les autres dotations sur ce calendrier, d'une part, la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires du premier degré, qui progresse de 5 % dans le projet du budget qui nous est soumis, mais qui arrive à terme en 2007, et, d'autre part, la dotation exceptionnelle pour les charges liées à la réforme de l'état civil, qui prend fin en 2008, mais dont il faudrait envisager la prorogation jusqu'au terme de la mission de la Commission de révision de l'état civil, la CREC, à Mayotte.
Compte tenu de l'importance des travaux de cette commission, les Mahorais attendent de connaître le calendrier de la réforme législative de la CREC, que vous avez annoncée, ainsi que les moyens administratifs, budgétaires et financiers qui l'accompagnent.
Enfin, la dotation globale de fonctionnement des communes devrait croître de 2, 5 % en 2007, conformément à l'orientation fixée par l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003.
Pour terminer sur ce point, je voudrais attirer votre attention sur le fait que cinq communes sont placées sous la tutelle de la préfecture et que l'État n'est pas en mesure d'équilibrer leur budget, faute de recettes suffisantes, la différence entre les recettes disponibles et les dépenses obligatoires étant excessive. N'est-t-il pas possible de permettre aux communes de Mayotte d'émarger sur les crédits de l'octroi de mer, même si, je le sais, l'Union européenne semble réticente ?
S'agissant du volet social, il convient d'observer que l'évolution prochaine du régime législatif de Mayotte, de l'article 74 à l'article 73 de la Constitution, conduit à accomplir, en peu de temps, des efforts soutenus en matière de rattrapage social. Dans ce but, l'évaluation préalable des politiques publiques demandée par le Président de la République devrait intervenir sans délai, de manière à pouvoir mesurer l'écart à combler pour rapprocher progressivement Mayotte des départements, dès 2011 et, peut-être, dès 2008. Cela concerne notamment l'emploi, le logement, l'extension de l'allocation de parent isolé, l'API, la revalorisation du SMIC, la hausse des montants des allocations familiales et de rentrée scolaire.
Enfin, pour le prochain contrat de projet 2007-2013 en cours de discussion, en sus des grands équipements structurants tels que le port, la piste longue et le haut débit, il me paraît nécessaire de prévoir une annexe consacrée aux constructions scolaires du premier degré, à la mise aux normes des écoles et à l'équilibrage de l'équipement du territoire en terrains sportifs, en particulier dans les communes à forte pression démographique, migratoire et urbaine pour lesquelles les besoins sont immenses.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, je voterai votre budget.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui à la deuxième année de mise en oeuvre de la LOLF.
Ce projet de loi de finances pour 2007 permet déjà d'en apprécier les qualités. En effet, on peut constater une plus grande responsabilité dans l'attribution des autorisations d'engagement qui, certes, diminuent parfois, mais pour être finalement plus en conformité avec les crédits de paiement. Cela permet de restaurer la confiance dans la parole du Gouvernement.
L'important décalage qui persiste concerne le logement, secteur où les défauts de paiement s'accumulent et rendent difficile le rattrapage nécessaire, notamment dans les Antilles. Néanmoins, l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement passe de 36 % à 20 %, ce qui représente une nette amélioration.
Sont également à signaler certaines diminutions fortes, s'agissant notamment de l'action « Sanitaire et sociale » ou de l'action « Culture, jeunesse et sport », dont les crédits chutent respectivement de 35 % et de 22 %, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.
Il en est de même pour l'action « Coopération régionale », dont les crédits, malgré une hausse de 63 % des dépenses de fonctionnement, baissent globalement du fait d'une réduction des crédits d'intervention, à hauteur de 29 % en autorisations d'engagement et de 8 % en crédits de paiement.
Cependant, une fois de plus, cette diminution des autorisations d'engagement tend à rendre le projet de budget plus sincère. Espérons que les années à venir permettront d'améliorer la présentation et le contenu des annexes et documents de politique transversale, avec - pourquoi pas ? - un bref rappel des priorités propres à chaque département ou collectivité d'outre-mer.
En effet, vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, l'outre-mer français est bien trop disparate pour qu'un seul et même ensemble d'objectifs puisse correspondre aux besoins et aux problématiques très variables de cette France à travers le monde.
Ces commentaires d'ordre général étant faits, je souhaiterais, comme tous les ans, évoquer devant vous, monsieur le ministre, la situation économique de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Je n'entrerai pas dans le détail des conséquences au jour le jour du marasme économique que nous vivons depuis maintenant treize ans, mon collègue député Gérard Grignon ayant fort bien décrit la situation lors de la présentation du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.
J'évoquerai tout de même aujourd'hui ce qui m'apparaît être un obstacle majeur à tout développement économique : l'important déficit budgétaire du conseil général.
Ce déficit de presque 6 millions d'euros, que l'on peut qualifier d'abyssal s'agissant d'une si petite collectivité, a entraîné dans son sillage les budgets communaux.
Je constate de votre part, et dans vos services en général, monsieur le ministre, une prise de conscience de cette situation, puisque, malgré les difficultés budgétaires que vous rencontrez également, et bien que nous arrivions au terme de l'exercice budgétaire, vous avez d'ores et déjà accordé, cette semaine, une subvention exceptionnelle d'un montant non négligeable, qui, d'une part, permettra d'équilibrer le budget de la commune de Miquelon-Langlade, et, d'autre part, donnera un ballon d'oxygène au conseil général. Je tenais à vous remercier de ce geste. La nouvelle lisibilité obtenue grâce à la LOLF a, d'ailleurs, sans doute facilité cette opération.
En collaboration avec la préfecture, le conseil général vous a présenté un document contenant un contrat de projet associé à une convention de développement pour une durée d'au moins sept ans. Ce projet devant associer l'État à la collectivité territoriale peut paraître quelque peu ambitieux, et les sommes annoncées « rondelettes ». Vous nous conseillez de faire certains choix ; bien entendu, ils seront faits, mais j'insiste auprès de vous pour que ces choix ne consistent pas en un « déshabillage » qui viderait de sa substance ce projet, supposé conditionner le redémarrage économique de l'archipel. Dans ce cas, ces nouveaux investissements ne seraient, une fois de plus, que des « rustines », et ne déboucheraient que sur l'assistanat.
Je voudrais, à ce point de mon propos, évoquer l'un des côtés pervers de cet assistanat. En octobre dernier, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, a engendré le premier PIB de Saint-Pierre-et-Miquelon, l'un des meilleurs de France métropolitaine et d'outre-mer. Parallèlement, l'organisme monétaire souligne, dans son rapport, l'aspect artificiel et non productif de ce PIB : c'est, à mes yeux, la conséquence de l'assistanat caractérisant cette période de l'après-pêche, qui dure depuis maintenant treize années. Ce PIB, calculé en prenant en compte des subventions, cache en réalité une économie à deux vitesses, ces deux vitesses étant très différentes !
Malheureusement, ce qui est retenu le plus souvent, à Paris, c'est le chiffre absolu, et nous apparaissons comme une collectivité prospère. Quoi qu'il en soit, était-il judicieux d'appliquer à ce qui est l'équivalent d'une très petite ville française les règles utilisées en temps normal pour des régions entières ? Je ne le pense pas, mais le mal est fait, et cela constitue une difficulté supplémentaire quand nous devons plaider nos dossiers.
J'en arrive, monsieur le ministre, à évoquer une fois encore la coopération régionale.
Nous sommes d'accord pour admettre que le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon passe par une coopération avec nos voisins canadiens. Il y a un an, à cette même tribune, je déplorais l'absence d'organisation et de moyens ad hoc, pourtant nécessaires si nous souhaitons vraiment nous rapprocher du terrain économique.
En octobre dernier, pour la première fois, plusieurs réunions techniques ont été organisées à Ottawa, et ce sur votre initiative, monsieur le ministre, en collaboration avec le ministre des affaires étrangères. Outre les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont je fais partie, plusieurs ministères et organismes français étaient représentés. Leurs homologues canadiens ont répondu présent. Plusieurs thèmes ont été évoqués, et explorer des pistes de coopération s'avère possible et souhaitable. Cependant, cela nécessite beaucoup de travail. À cet égard, les Canadiens ont totalement souscrit à l'idée, que j'avais déjà suggérée l'année dernière, de créer une sous-commission mixte, permanente et technique cette fois, afin d'assurer un suivi efficace et régulier des dossiers intéressant conjointement le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Monsieur le ministre, comment et avec quels moyens les résolutions adoptées lors des rencontres d'octobre seront-elles mises en application ? À ma demande, vous êtes intervenu auprès du Premier ministre pour qu'une mission de coopération régionale me soit confiée. Cette mission, je l'ai acceptée, et, une fois de plus, je vous remercie de votre soutien. Compte tenu du calendrier électoral, elle durera environ deux mois et aura pour objet, dès le début de 2007, de créer les rapprochements à la fois politiques et techniques nécessaires à la mise en oeuvre de véritables projets économiques bilatéraux.
Là encore, monsieur le ministre, la volonté seule ne suffira pas : un minimum de moyens humains et financiers seront également indispensables pour pérenniser les démarches effectuées avant et pendant cette mission.
Or je vous avouerai que je suis un peu inquiet quand j'observe de plus près les crédits de l'action « Coopération régionale ». Je ne sais pas s'il s'agit d'un problème de rédaction ou de choix stratégique, mais, à la lecture de l'annexe, j'ai l'impression que le titre « Intégration des COM dans leur environnement régional » ne correspond pas du tout à l'exposé qui suit. Il semble que les fonds de coopération régionale ne s'adressent qu'aux DOM et à Mayotte ; les collectivités d'outre-mer ne seraient concernées que par la défense de leurs intérêts dans le cadre international. Évidemment, cela est nécessaire, mais vous connaissez mon sentiment, monsieur le ministre : la défense des intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon passe à mon sens, d'abord, par la coopération régionale.
Alors, quand je découvre de surcroît la proposition de M. le rapporteur spécial, notre excellent collègue Henri Torre, qui consiste à redéployer l'intégralité des crédits de l'action « Coopération régionale » en faveur du logement, je ne peux pas être d'accord, parce que Saint-Pierre-et-Miquelon a de réelles et indispensables perspectives de diversification économique en collaboration avec le Canada.
Ma question sera la suivante, monsieur le ministre : aurons nous les moyens à long terme de saisir ces chances et de remettre véritablement Saint-Pierre-et-Miquelon sur la voie d'un développement économique efficace et durable ?
Cela étant dit, malgré ces quelques inquiétudes, je ne retiendrai aujourd'hui que l'aspect positif de votre action et je vous confirme que j'approuverai les crédits que vous nous présentez.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord me tourner vers Mme et MM. les rapporteurs, pour les remercier de la qualité de leurs travaux et de la pertinence de leurs interrogations.
Par extension, je voudrais également, en cette fin de législature, rendre un hommage appuyé à toutes celles et à tous ceux, ultramarins ou métropolitains, qui ont porté, tout au long des cinq années écoulées, un regard particulièrement attentif sur le respect des engagements pris par le Président de la République et sur l'évolution et l'adaptation des politiques publiques menées par l'État, en collaboration avec les collectivités territoriales, en faveur de nos compatriotes d'outre-mer. Ils ont dû mener des combats, s'impliquer, débattre de nombreuses heures pour déboucher sur des avancées qui vont, me semble-t-il, dans le sens de l'histoire, de l'égalité économique, comme l'a indiqué M. Virapoullé, et de l'expression d'un besoin réaffirmé d'État, besoin qui n'était peut-être pas aussi évident voilà quelques années encore.
Ce besoin d'État impose à ce dernier de poursuivre sa mission et découle du constat que des efforts conjoints en vue d'un mieux-être au quotidien ont montré que l'État avait toute sa place aux côtés des élus, des collectivités territoriales et de nos compatriotes d'outre-mer.
Comme vous avez pu l'observer à la lecture du projet de loi de finances tel qu'issu de la seconde délibération à l'Assemblée nationale, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2007 atteignent un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins de 2 milliards d'euros en crédits de paiement.
Vous avez rappelé, messieurs Laufoaulu et Othily, qu'en maintenant à ce niveau les crédits de la mission « Outre-mer », dans un contexte marqué par de fortes contraintes pesant sur le budget de l'État, le Gouvernement a manifesté sa détermination à poursuivre l'effort de solidarité en faveur de l'outre-mer, dont les besoins sont spécifiques.
En prenant en compte les dépenses des autres ministères - cela me semble important, car cela permet de mettre en perspective l'effort de la puissance publique pour l'outre-mer -, on constate que le total des crédits consacrés à l'outre-mer approche 15 milliards d'euros. Il s'agit tant de dépenses fiscales que de contributions directes des différents ministères, qui participent outre-mer à l'autonomie financière des collectivités territoriales, à l'exercice des missions régaliennes de l'État et à la mise en oeuvre des priorités du Gouvernement.
La première de ces priorités, c'est le soutien au développement des collectivités d'outre-mer, qui passe, avant tout, par une reconnaissance des identités particulières et par un plus large exercice des responsabilités locales. C'est tout le sens des projets de loi organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer qui sont actuellement soumis au Parlement. Je félicite, à cet instant, M. Cointat pour la pertinence de son rapport. Le travail accompli ensemble nous a permis d'obtenir des avancées réelles, significatives, et de bâtir sur de solides fondations de nouvelles collectivités territoriales.
Cette priorité se concrétise également par un soutien financier accentué aux collectivités d'outre-mer, que ce soit dans le cadre de l'aménagement du territoire ou dans celui de la continuité territoriale, si important, si évident et si prioritaire.
Sur ce point, je suis, pour ma part, très favorable à ce qu'une réflexion sur l'adaptation de la notion de continuité territoriale soit menée. Depuis quelques mois, j'entends des élus de Guyane expliquer que la pertinence de la continuité territoriale s'inscrit plutôt à l'intérieur du territoire de leur département qu'entre Cayenne et Paris. J'ai entendu le même discours sous d'autres formes dans le Pacifique, en Polynésie, à propos des étudiants souhaitant poursuivre leurs études pas forcément à Paris, mais peut-être à Canberra ou à Auckland. Cette notion d'imbrication régionale, d'insertion dans le tissu régional doit nous conduire naturellement à réfléchir à l'évolution de la définition de la continuité territoriale.
Dans le même esprit, nous pourrions parfaitement être amenés, monsieur Virapoullé, à envisager l'accompagnement des étudiants réunionnais en Australie, puisque vous avez déjà, à l'échelon local, passé des accords avec l'un des États de l'État fédéral australien.
Par ailleurs, je veux remercier M. Detcheverry d'avoir relevé que la LOLF avait permis, par la fongibilité des crédits, d'aider la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que la commune dont il est le maire. C'était un acte de solidarité bien nécessaire au regard de la situation. Cependant, on doit tout de même s'interroger sur la définition, à terme, de modalités permettant de ne plus avoir à intervenir sur le plan budgétaire, année après année, pour aider à résorber des déficits.
Tel est le sens de l'action que nous menons ensemble pour établir une convention, si possible décennale, qui instaurerait une meilleure lisibilité et permettrait aux élus d'assumer pleinement leurs prérogatives, nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon devant pouvoir toujours compter, naturellement, sur la solidarité nationale, à travers l'accompagnement de l'État.
En outre, la coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les provinces atlantiques du Canada était limitée, jusqu'à une période récente, aux rencontres régionales organisées dans le cadre de la commission mixte de coopération régionale. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Detcheverry, le Gouvernement a soutenu l'insertion de l'archipel dans son environnement régional, et a décidé de développer substantiellement cette coopération à partir des projets économiques définis par la collectivité.
Les rencontres d'Ottawa avec la partie canadienne, en octobre 2006, et la feuille de route franco-canadienne fournissent désormais le cadre de travail. Dans cette perspective, une dotation de l'ordre de 800 000 euros du ministère de l'outre-mer est prévue au titre du futur contrat de plan qui succèdera au contrat actuel à partir de 2007.
Cette dotation, qui sera définie en concertation avec le conseil général, contribuera à couvrir les frais de fonctionnement des groupes de travail franco-canadiens et à renforcer les moyens humains de l'agence de développement du conseil général chargée de suivre cette coopération. Sur ce point, je partage pleinement, monsieur le sénateur, votre vision, car il s'agit bien d'une vision, et votre souhait de voir évoluer les choses, car il s'agit aussi d'une modification de la nature de nos relations avec notre grand voisin et ami canadien.
Aussi importantes pour Saint-Pierre-et-Miquelon que pour la France, les réunions franco-canadiennes dans le domaine des accords de pêche et de l'accord sur les hydrocarbures montent en puissance ; elles continueront d'être financées avec les moyens de droit commun.
Monsieur Giraud, la dotation du Fonds européen de développement pour Mayotte est effectivement de 15 millions d'euros ; elle devrait approcher les 25 millions d'euros dans le dixième fonds. Mais il faut la comparer avec l'effort de l'État qui s'est élevé, à travers les différents contrats, à 575 millions d'euros sur la même période. Pour un territoire comme Mayotte, qui est peuplé d'un peu moins de 100 000 habitants, cela représente un effort important, dans cette logique contractuelle.
Nous avions évoqué, lors de l'examen du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique. Tout le monde sera d'accord avec moi, y compris à l'échelon local : ce changement ne peut être considéré uniquement sous un angle financier. Une mise en conformité avec l'acquis communautaire est, en effet, nécessaire et un régime fiscal et social doit être mis en place progressivement. Comme le Premier ministre s'y était engagé à Mayotte, la France a déposé auprès de la Commission européenne, en juillet dernier, une demande d'examen en ce sens. Nous allons donc dans la bonne direction.
Monsieur Ibrahim, vous avez souhaité que l'évaluation des politiques publiques dans la perspective du rattrapage social soit réalisée rapidement. Je peux vous annoncer qu'une mission interministérielle se rendra à Mayotte à cet effet au premier semestre 2007. Je confirme ce que j'ai déjà annoncé à cette même tribune : je suis favorable à l'évolution de Mayotte vers la départementalisation, selon un calendrier qui doit être partagé par tous, avec une méthodologie qui doit faire l'objet d'un consensus, et avec des objectifs qui doivent être bien définis pour permettre à la société mahoraise d'assumer son choix de façon souveraine.
Il faut simplement éviter de le faire dans une période où la « température politique » est élevée, ce qui risque d'être le cas dans les mois qui viennent, en métropole comme à Mayotte et dans l'ensemble de l'outre-mer. Il conviendra donc de choisir le bon moment, au début de la nouvelle législature. Le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer reviendra alors en débat à l'Assemblée nationale ; nous pourrons, à ce moment-là, discuter d'un amendement qui permettrait de fixer dans la loi - si la représentation nationale l'accepte, naturellement - un rendez-vous anticipé.
Mayotte pourra ainsi partir sur des bases saines et solides une fois que nous aurons établi, comme vous l'avez souhaité, une évaluation précise des modalités et du chemin à parcourir pour devenir un département à part entière.
Monsieur Laufoaulu, je peux vous garantir que la piste de Vélé sera, bien entendu, financée en 2007 ; elle sera une priorité du futur contrat de développement des îles Wallis et Futuna. À cet égard, permettez-moi de vous demander de transmettre au roi et à la famille royale des voeux de prompt rétablissement. La coutume wallisienne, je le sais, veut que l'on soit très attentif à l'évolution de l'état de santé du roi ; nous le sommes, à Paris.
Messieurs Gillot, Lise et Othily, vous m'avez interrogé sur la répartition de la dotation de 500 millions d'euros annoncée par le Premier ministre pour les départements, au titre du revenu minimum d'insertion.
S'agissant des départements d'outre-mer, il y aura deux parts : une pour combler la différence entre les dépenses réelles et le montant de la compensation - 80 % de la dotation pour les dépenses de 2005, puis 70 % pour les deux années suivantes -, le reste étant destiné à compenser les efforts d'insertion des départements. Les DOM percevront ainsi une dotation exceptionnelle permettant de couvrir près de 90 % de leurs dépenses au titre de 2005.
Outre cette dotation exceptionnelle, l'État prend en charge le coût d'une partie de l'activation des dépenses du revenu minimum d'insertion au profit des titulaires d'un contrat d'avenir ou d'un contrat d'insertion-revenu minimum d'activité. Nous l'avions déjà évoqué, cette confirmation officielle du calendrier n'est donc ni une surprise ni « l'enfant trouvé », mais elle permet de suivre cet important dossier en assumant nos responsabilités, qui sont partagées.
Monsieur Lise, j'ai pris bonne note des difficultés de financement que vous avez signalées. Le Gouvernement suit avec attention les initiatives prises dans ce domaine par les collectivités locales. L'État, même au cours de la période dans laquelle nous allons entrer, continuera de vous aider dans cette politique d'accompagnement économique et de soutien de l'emploi.
Enfin, en ce qui concerne la compensation au département de ses dépenses de transport scolaire par voie fluviale, j'ai demandé au ministre d'État, ministre de l'intérieur, d'examiner si la dotation globale de décentralisation pouvait être augmentée. Je soutiens cette demande de compensation, car je l'estime légitime.
Le sujet, évoqué par M. Gillot, des zones franches globales est d'actualité et fera débat, au cours des mois qui viennent, dans le cadre des engagements pris pour les prochaines échéances. Ces zones s'inspirent des résultats encourageants des zones franches urbaines et du succès des exonérations de charges sociales et de la défiscalisation, qui ont été définies dans la loi de programme pour l'outre-mer et qu'il faut préserver.
Je profite de cette occasion pour souligner que, si les zones franches urbaines ont été un succès, c'est parce qu'elles se sont appuyées sur une référence ultramarine. La politique de défiscalisation et d'exonérations de charges menée depuis de nombreuses années outre-mer a permis de s'apercevoir que ce modèle pouvait être appliqué à des zones en difficulté de la métropole, qui connaissent une importante concentration de chômeurs et d'allocataires du RMI ou de prestations sociales, et une forte tension sur le plan du logement social.
Lorsque nous expliquons que l'outre-mer peut être une référence dans de très nombreux domaines - y compris sur le plan économique - pour favoriser la réussite et la création d'emplois, cet exemple doit être signalé. Il nous inspire, naturellement, des réflexions plutôt positives en faveur de l'évolution vers des zones franches globales. Il faudra réfléchir à des activités tournées vers l'ouverture des économies insulaires et leur intégration régionale, en partant des secteurs prioritaires retenus dans la loi de programme.
Mais, bien entendu, comme vous l'avez relevé, madame Lurette Michaux-Chevry, l'emploi constitue toujours l'effort principal du ministère de l'outre-mer. Je vous remercie pour vos propos très aimables ; je connais votre degré d'implication pour favoriser la réussite de cette priorité de mon ministère.
Doté de 1, 16 milliard d'euros consacrés à l'emploi, le projet de budget de la mission « Outre-mer » consacre près de 60 % de ses crédits à la lutte contre le chômage. Avec les mesures de droit commun du ministère de l'emploi et de la cohésion sociale, le projet de loi de finances pour 2007 devrait permettre le financement de 57 400 contrats aidés, afin de lutter contre l'exclusion du marché du travail des publics prioritaires, dont 14 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi inscrits au budget de mon collègue Jean-Louis Borloo.
La relance de la création d'emplois dans le secteur productif était un engagement pour l'outre-mer du Président de la République. Les résultats doivent être confortés, mais ils sont conformes aux objectifs. L'an dernier, le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand a progressé de 2, 2 % - ces chiffres ne sont contestés par personne - soit un rythme trois fois et demi supérieur à celui de la métropole. Le taux de chômage a continué à diminuer pour s'établir à 21, 6 %.
Il ne s'agit pas de « porter en bandoulière » une fierté qui n'a pas lieu d'être, mais il convient de constater que les outils mis en place au cours de cette législature ont produit des effets positifs. Il faut maintenant les conforter pour arriver à des seuils plus conformes à ceux de la métropole, car 21, 6 % de chômeurs, c'est encore beaucoup trop. Il est donc nécessaire de poursuivre cet élan, de donner une dynamique, de maintenir cette exigence d'efforts et de l'inscrire dans la durée, ce qui est la seule garantie pour obtenir des résultats.
Prolongeant une tendance constatée, ce sont, depuis 2002, 30 000 emplois salariés qui ont été créés dans les quatre départements d'outre-mer ; 38 000 personnes ne sont plus au chômage et ont trouvé un emploi.
Cette priorité accordée à l'emploi rejoint celle qui est donné au logement. En effet, s'il y a bien un secteur qui a des effets induits sur l'emploi, c'est celui du logement social où nous ne pouvons, vous l'avez tous relevé, que constater l'ampleur des besoins dans les départements d'outre-mer. Il y a certes un historique, des retards pris, une accumulation de dettes, l'État n'ayant pas toujours été exemplaire - c'est une litote - dans sa politique de règlement de ses factures.
De mon point de vue, un élément très positif doit être relevé, qui ne doit pas vous gêner : vous avez la chance d'avoir une démographie dynamique. Je parle sous votre contrôle, monsieur Othily : plus de 50 % de la population guyanaise a moins de 25 ans ; la Réunion comptera plus de un million d'habitants dans les dix ans qui viennent ; en Guadeloupe, la démographie est aussi intéressante ; en Martinique, elle n'est pas tout à fait de même nature.
Il est donc nécessaire d'anticiper sur l'évolution des besoins en matière de logement social. C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup travaillé, au ministère, pour favoriser des arbitrages éclairés du Premier ministre. Celui-ci a décidé de solder, dans les meilleurs délais, les retards en crédits de paiement de la dotation consacrée au logement social dans les départements d'outre-mer ; il faut saluer ce tournant décisif, que M. Henri Torre a évoqué assez longuement. Des artisans, des petites entreprises, de nombreux acteurs économiques ont peiné à maintenir leurs emplois salariés du fait des difficultés de paiement. C'est une responsabilité très lourde.
Je souhaitais terminer cette législature en ayant au moins obtenu le règlement du passif et l'ouverture de pistes intéressantes pour que, dans les quelques années qui viennent, une dynamique soit créée et que les besoins immenses constatés sur place soient satisfaits par la construction et la production de logement social.
Lorsque l'État prend un engagement de financement d'un programme de logement social, les crédits de paiement sont étalés dans le temps, au rythme de la réalisation des opérations, sur plusieurs années. Or, la dette dont vous avez fait état, monsieur le rapporteur, correspond au montant total actuel de ses engagements, qui n'appelleront des paiements que progressivement, sur les quatre années qui suivent. Il faut mettre ce point en perspective dans le « glissement » annuel.
C'est la raison pour laquelle je préfère m'en tenir, pour ma part, à la dette effective, dont le montant prévisionnel a été déterminé avec précision, en collaboration avec les services du ministère des finances ; il s'élève à 113 millions d'euros à la fin de 2006. Il s'agit des factures qui sont susceptibles d'être présentées au paiement au 31 mars 2007 par tous les acteurs concernés par le logement social.
L'objectif est de solder ces 113 millions d'euros. Toutes les factures doivent être adressées à l'échelon local, puisque cette procédure a été déconcentrée : les préfets et les trésoriers-payeurs généraux ont donc toute latitude pour engager les crédits et favoriser le règlement de cette dette.
À cette fin, les premières dotations ont été mises en place par la Caisse des dépôts et consignations, soit 30 millions d'euros, mais cela ne réglera qu'une partie des factures en instance. Aussi, le Premier ministre s'est engagé à ce que celles-ci soient acquittées en totalité avant la fin du premier trimestre 2007, ce qui représente un effort considérable.
Pour ce faire, dès 2006, 30 millions d'euros de crédits supplémentaires seront ouverts sur le programme concerné du budget de l'outre-mer : 9, 6 millions d'euros en provenance de la réserve gouvernementale ont d'ores et déjà été délégués dans les départements d'outre-mer, 8, 4 millions d'euros seront transférés dans les meilleurs délais, et 12 millions d'euros sont ouverts dans le collectif de fin d'année.
Ainsi, avec ces 60 millions d'euros injectés dès cette année et les crédits de la loi de finances initiale, les factures en souffrance pourront être payées en totalité.
Mais, comme M. Othily l'a souligné, le Premier ministre ne s'est pas contenté de ce rattrapage. Il a décidé d'aligner le rythme de progression des crédits sur celui qui a été fixé en métropole dès 2004 par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo et l'engagement national pour le logement, prévu par la loi du 13 juillet 2006.
Sur ma proposition, le Premier ministre a donc décidé d'augmenter de 20 % pendant les trois prochaines années les crédits du logement social outre-mer. Pour répondre à votre interrogation, monsieur Gillot, cette augmentation totale de 120 millions d'euros se répartira en 60 millions d'euros dès 2007, 30 millions d'euros en 2008 et 30 millions d'euros en 2009.
Nous n'altérons pas le principe de l'annualité budgétaire, puisque le plan de cohésion sociale se situe dans une logique de loi de programmation pluriannuelle : les crédits sont disponibles avec des financements contrôlés. Ces engagements s'appuient non seulement sur la parole de l'État, mais aussi sur la continuité budgétaire, dans le cadre de ces lois de programmation pluriannuelles.
Pour des questions de calendrier et de contraintes budgétaires, les crédits sont ouverts dans le collectif de fin d'année et reportés en 2007, soit 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement qui, compte tenu du rythme de réalisation des opérations, ne généreront l'an prochain, au mieux, qu'un besoin de treize millions d'euros en crédits de paiement, soit un peu plus de 20 %. Nous sommes, là aussi, dans l'épure.
Pour pouvoir utiliser ces crédits en 2007, l'Assemblée nationale a voté, en deuxième délibération, une dérogation aux règles très strictes de report de la loi organique relative aux lois de finances. C'est la raison pour laquelle notre engagement sera tenu. Pardonnez-moi d'être technique, mais le sujet est essentiel.
Ainsi, avec les crédits destinés à rattraper le retard et ceux qui sont inscrits dans l'actuel projet de loi de finances, ce sont 281 millions d'euros en autorisations d'engagement et 201 millions d'euros en crédits de paiement qui seront directement consacrés en 2007 au logement social outre-mer, soit une hausse de 5 % en moyens d'engagement et de près de 20 % en moyens de paiement par rapport aux crédits votés en 2006.
Cet effort considérable ne peut bien entendu se faire, vous avez raison de le souligner, madame Payet, sans réorganisation efficace de la politique du logement.
Malgré la production soutenue de logements sociaux dans les départements d'outre-mer - en hausse de 15 % par rapport à 1999, même si cette progression est très nettement insuffisante par rapport à l'évolution des besoins -, l'audit de modernisation sur la politique du logement outre-mer a fait apparaître la nécessité d'accroître le parc social de 27 000 logements locatifs sociaux en cinq ans, soit une moyenne de 5 400 par an, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale dans les départements d'outre-mer.
Sur la seule année 2005, madame Hoarau - vous m'avez interrogé sur ce sujet -, plus de 323 millions d'euros ont été engagés en faveur du logement social. Ce montant, monsieur Gillot - vous m'avez également alerté sur ce point - doit être comparé - n'y voyez aucune malice de ma part - à celui qui a été engagé, par exemple, en 2000, à savoir 247 millions d'euros. Le différentiel n'est pas neutre. Certes, cinq ans se sont écoulés, mais nous sommes bien obligés de rattraper le retard !
L'effort budgétaire que l'État accomplira au cours des trois prochaines années permettra, en principe, de soutenir le rythme de production que je viens d'évoquer, sauf en cas de nouvelles évolutions. Mais je pense que cela ira.
S'agissant toujours de la délicate question du logement social, je crois nécessaire d'associer plus étroitement encore de nouveaux acteurs et de rechercher de nouvelles solutions pour le financement des politiques urbaines et de logement social, dans un contexte où la dépense publique est désormais durablement contrainte.
C'est dans cet esprit et dans cette perspective que Jean-Louis Borloo et moi-même mettrons très prochainement en place une conférence nationale du logement outre-mer, qui réunira l'ensemble des acteurs concernés - représentants de l'État, élus, acteurs économiques, bailleurs sociaux, représentants des établissements financiers -, afin d'explorer en commun les voies de l'avenir, mais aussi de rendre des comptes. Je crois, en effet, aux vertus de l'évaluation des politiques publiques, dans des séquences plus courtes.
L'expérience en matière de politique du logement social en outre-mer nous enseigne qu'il est impératif que nous ayons des rendez-vous annuels - cette fréquence semble être la bonne - pour faire le point. De tels rendez-vous permettent d'éviter d'accumuler du retard et des dettes. Ils permettent également de ne pas se retrouver en fin de législature dans une situation compliquée et intenable, dont il est difficile de sortir.
Monsieur Loueckhote, vous avez évoqué les travaux de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer. Je tiens à vous rendre un hommage particulier. Chacun connaît le rôle qui le vôtre au sein de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, que vous présidez, ainsi que votre degré d'implication. Chacun connaît également votre esprit de solidarité à l'égard de tous les territoires ultramarins et votre profond attachement aux valeurs républicaines qui, comme vous l'avez rappelé, ont guidé votre combat politique. Même si nous risquons de ne pas toujours marcher sur les mêmes chemins de crête, nous partageons des valeurs essentielles, qui nous rapprochent. Je tenais à vous le dire et à vous remercier pour la qualité de nos relations au cours de ces quinze derniers mois.
Vous remettrez tout à l'heure au Premier ministre le rapport de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer, qui s'appuiera sur une démarche pragmatique et que nous accompagnerons. Comme je l'ai indiqué lors de l'installation de cette commission, il appartiendra ensuite au ministère et aux pouvoirs publics de formuler des propositions, dans le strict esprit de vos propositions.
S'agissant des déplacements de la commission, je vous indique que je suis prêt à participer à leur financement. Ce point ne pose pas de difficultés.
Des évolutions significatives interviendront, notamment en matière de logement. Il nous faut être pragmatiques. Ce qui compte, c'est ce qui marche et ce qui est efficace, c'est la correspondance entre les engagements pris et la réalité des crédits affectés.
À cet égard, je pense qu'il ne faut pas avoir de fierté mal placée. Si le logement outre-mer, notamment dans les départements, peut être géré de façon plus efficace par le ministère du logement, il nous faudra peut-être cesser de nous intéresser à des problèmes de « tuyauterie » - la LBU d'un côté, les plans de programmation en matière de logement et le plan de cohésion sociale piloté par Jean-Louis Borloo de l'autre -, comme c'est le cas actuellement, et réfléchir au glissement vers la mission « Ville et logement » d'un programme « Outre-mer ». Un tel glissement serait peut-être pertinent et plus facile pour les élus ultramarins, qui y gagneraient en lisibilité et en traçabilité. En outre, nous aurions la certitude que les crédits nécessaires seraient affectés à l'ensemble des dossiers pilotés conjointement par le ministère de l'outre-mer.
J'en viens à une autre de mes préoccupations, la question de l'immigration clandestine, très douloureuse, très humaine et très importante pour l'équilibre de notre pacte républicain. À cet égard, je remercie Lucette Michaux-Chevry d'avoir rappelé les débats qui nous avaient occupés il y a un an sur cette question.
Je tiens à indiquer clairement que nous sommes parvenus - il fallait peut-être du courage - à alerter sur ce sujet l'opinion publique française, particulièrement l'opinion métropolitaine, qui a une très grande méconnaissance de ce qui se passe dans certains de nos territoires, et, par esprit de solidarité, l'ensemble de nos compatriotes ultramarins, qui ne sont pas touchés de la même façon par le problème de l'immigration clandestine. Il concerne, en effet, de façon beaucoup plus douloureuse, la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte.
Ce débat était nécessaire. Il a permis des avancées législatives, ainsi que le déblocage de moyens matériels. Nous avons d'ores et déjà obtenu des résultats.
Permettez-moi, à cet égard, de vous communiquer les informations présentées hier en comité interministériel de contrôle de l'immigration. Une hausse de 86 % des reconduites à la frontière a été constatée entre le mois de janvier et le mois d'octobre 2006, sur la base de nos trois territoires.
Le nombre de demandes d'asile a été réduit de façon très significative, à la suite du message politique que nous avons adressé ; nous vous communiquerons, naturellement, les chiffres.
Enfin, des moyens matériels et humains supplémentaires ont été octroyés, qui nous permettent de tenir bon. Nous verrons ensuite comment évoluer au fil des années, mais au moins avons-nous fait ce que nous avions dit, et ce, dans des délais rapides, ce qui nous permet dès à présent d'obtenir des résultats parfois spectaculaires. Une politique assumée, c'est une politique maîtrisée. Il n'y a pas de fatalité, y compris en matière d'immigration clandestine.
Pour vous donner des chiffres précis, 20 744 éloignements d'étrangers en situation irrégulière sont intervenus au cours des dix premiers mois de l'année.
À Mayotte, quatre-vingt-huit kwassas-kwassas ont été interceptés durant la même période, contre seulement quarante-huit en 2005. Les kwassas-kwassas, je le dis pour ceux qui ne le savent pas, sont des petites embarcations de fortune qu'utilisent en général les Comoriens pour franchir, dans des conditions parfois extraordinairement dangereuses pour leur sécurité, les soixante ou quatre-vingt kilomètres qui les séparent de Mayotte. Nous avons donc pratiquement doublé le nombre de ces interceptions.
Effet indirect de cette maîtrise de l'immigration irrégulière, on constate également - pourquoi le taire ? - une réduction sensible de la délinquance, notamment à Mayotte, où la délinquance de voie publique a tout de même baissé de 21 % depuis le début de l'année.
Les demandes d'asiles traitées par l'antenne de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, désormais installée aux Antilles, comme nous l'avions annoncé, sont en forte chute par rapport à 2005, madame Michaux-Chevry, de 79 % aux Antilles et en Guyane et, monsieur Ibrahim, de 37 % à Mayotte. En dix mois ! Ces chiffres sont suffisamment parlants.
Monsieur Othily, le Gouvernement a beaucoup fait pour la Guyane : dispositions spécifiques sur les contrôles des personnes et des moyens de transport dans la loi du 24 juillet 2006, renforcement des effectifs de la gendarmerie et augmentation de 53 %, entre 2001 et 2005, des effectifs de la police aux frontières.
Sur le terrain, on constate les premiers effets très positifs de ces mesures. Sur le territoire guyanais, ce déploiement a permis de faire chuter la délinquance de voie publique et les violences aux personnes de 15 % en août 2006.
Concernant les constructions illicites, vous avez rappelé, monsieur le sénateur, l'habilitation à légiférer par ordonnances qui figure dans le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Cela permettra l'instauration d'une procédure simplifiée pour lutter contre ce fléau, ainsi que vous le souhaitez.
Dans les domaines sociaux, nous réfléchissons actuellement, avec le ministère des affaires étrangères, aux manières les plus efficaces de redynamiser la coopération sanitaire et hospitalière avec le Surinam et, plus particulièrement, avec la région d'Albina, afin de soulager l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni.
Toujours dans le domaine social, vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la grève des agents EDF, qui pénalise fortement nos compatriotes de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe.
Vous soulignez que ces personnels redoutent un désengagement du service public de l'électricité dans les départements d'outre-mer. Je tiens, ici, à vous affirmer très solennellement que cette crainte est infondée et que, au contraire, l'État veillera à prendre en compte toute la spécificité des besoins de ces régions dans le domaine énergétique.
Conformément aux engagements qu'il a pris dans le contrat de service public, et sur la base de la programmation pluriannuelle des investissements publiée par le Gouvernement le 7 juillet 2006, EDF a manifesté sa volonté de participer de façon très ambitieuse au renouvellement et à l'augmentation des capacités de production dans les systèmes énergétiques insulaires, en construisant près de 800 mégawatts au cours des six ans à venir.
C'est la raison pour laquelle j'appelle la direction de l'entreprise à faire en sorte de renouer sans délai un dialogue constructif avec les organisations syndicales qui sont à l'origine de la grève actuelle.
À ce stade, j'indique que je me félicite du climat apaisé dans lequel s'est déroulée l'élaboration du projet de budget pour 2007, ce qui est très satisfaisant. Il est vrai que les problèmes que nous avons rencontrés l'an passé sont derrière nous, même si d'autres débats nous attendent.
Conformément à l'engagement que le Premier ministre a pris l'an dernier, les parlementaires sont associés très étroitement à l'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer.
Comme vous avez pu le constater samedi dernier, lors du débat sur les retraites, l'État n'engagera pas de réforme sans évaluation ni concertation. C'est d'ailleurs une question de cohérence : on ne peut pas présenter un texte relatif à la modernisation du dialogue social en conseil des ministres et, dans le même temps, éluder le dialogue social à l'échelon territorial, alors que le sujet abordé, qui implique des avancés, mérite débat.
Je propose donc l'organisation d'une table ronde à l'échelon local, réunissant les représentants de l'État et les syndicats. Les propositions qu'ils formuleront seront transmises au ministère. Nous tracerons alors des pistes de réflexion sur les importantes questions soulevées, afin que des textes, qu'ils soient de nature législative ou réglementaire, soient prêts pour le début de la prochaine législature.
S'agissant du difficile problème de l'évaluation du coût de la vie et du pouvoir d'achat, je rappelle, comme je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, que je suis favorable à la création d'un observatoire du pouvoir d'achat, madame Hoarau, et pas simplement des prix.
C'est vrai qu'il existe déjà des outils permettant de qualifier et de quantifier le coût de la vie, ainsi que le niveau des revenus dans les départements d'outre-mer : on est capable de comparer les salaires du privé et ceux du public, d'évaluer le coût de la construction, du logement, d'obtenir un indice des prix à peu près objectif. Cependant, il ne nous est pas possible d'effectuer avec pertinence une comparaison sincère entre l'outre-mer et la métropole.
Un tel outil est donc nécessaire. Sa mise en place est d'ordre réglementaire ; je souhaite qu'elle puisse intervenir d'ici à la fin de la législature. J'ai donc demandé au directeur général de l'INSEE, voilà quelques semaines, de trouver un outil statistique pertinent et consensuel. Dès qu'il sera en notre possession, il sera possible de faire des comparaisons entre les différents territoires ultramarins, mais également entre ces territoires et la métropole. Nous pourrons alors tous parler de la même chose et mettre en oeuvre des politiques cohérentes et compatibles.
Tels sont les quelques éléments de réflexion dont je tenais à vous faire part. Je vous prie de me pardonner d'avoir été si long, mais je me suis efforcé de répondre aussi précisément que possible à chacune de vos sollicitations. J'espère n'avoir oublié personne.
Je remercie chacun des orateurs et des membres présents dans cet hémicycle. Ils nous ont permis d'avancer sur le projet de budget 2007, qui traduit les engagements pris par le Président de la République et qui va dans une direction utile à nos compatriotes ultramarins.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission «Outre-mer » figurant à l'état B.
Mission
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Outre-mer
Emploi outre-mer
dont titre 2
85 890 000
85 890 000
Conditions de vie outre-mer
Intégration et valorisation de l'outre-mer
dont titre 2
67 640 748
67 640 748
L'amendement n° II-25, présenté par M. Torre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
Dont Titre 2
Conditions de vie outre-mer
Intégration et valorisation de l'outre-mer
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai également l'amendement n° II-24, qui a trait lui aussi au problème du logement.
L'amendement n° II-24, présenté par M. Torre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
Dont Titre 2
Conditions de vie outre-mer
Intégration et valorisation de l'outre-mer
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
Veuillez poursuive, monsieur le rapporteur.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, de la qualité de vos réponses et de votre courtoisie. La situation est un peu moins tendue que l'an dernier, ce dont je me félicite.
Mais, ce matin, je vous ai dit pourquoi j'étais inquiet s'agissant du financement du logement. Je pensais quitter cet hémicycle en étant totalement rassuré. Malheureusement, tel n'est pas le cas et je vais vous dire pourquoi.
Vous avez tenté, cette année, de rapprocher la masse des crédits de paiement de celle des autorisations d'engagement. Vous avez réduit la différence entre ces masses à 45 millions d'euros, contre 70 millions à 80 millions d'euros autrefois. Nous ne pouvons que vous en féliciter.
Le Premier ministre a promis des crédits nouveaux, nous dites-vous, mais il s'agit en fait d'autorisations d'engagement, pour un montant de 60 millions d'euros en 2007, qui ne figurent en crédits de paiement qu'à hauteur de 25 millions d'euros, par ailleurs déjà amputés de 12 millions d'euros dans le collectif budgétaire.
Vous venez d'évoquer, je n'invente pas les chiffres, 281 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 201 millions d'euros de crédits de paiement. Cette situation m'inquiète, car elle reproduit celle que nous avons décrite ce matin, qui a été si préjudiciable à l'activité du bâtiment outre-mer.
Vous nous avez indiqué, et je vous en remercie, que vous feriez appel le moment venu au plan de cohésion sociale, en accord avec le Gouvernement. C'est une bonne voie, comme nous l'avons indiqué dans le rapport, mais je suis malheureusement obligé de constater que rien n'est encore chiffré.
Je ne suis pas là pour formuler des critiques à l'encontre du Gouvernement, je tiens seulement à souligner que, en reproduisant un tel écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, nous allons nous retrouver, à terme, dans la situation qui nous a déjà conduits à prendre des mesures d'urgence pour combler les dettes.
Malheureusement, faute de plus de précision de votre part, monsieur le ministre, je me vois dans l'obligation de maintenir les deux amendements de la commission des finances.
Je suis ennuyé de faire de la peine à mon ami Denis Detcheverry.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
L'amendement n° II-24 a pour objet de supprimer 3 millions d'euros de crédits sur le programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » pour les affecter à l'action « Logement » du programme « Conditions de vie outre-mer », que nous estimons prioritaire. Notre démarche est logique.
Monsieur Detcheverry, nous avons naturellement entendu vos arguments. Vous tenez à ce que nous ne touchions pas aux crédits de la coopération régionale, qui couvre un large domaine culturel, social, éducatif et sportif. La dilution de ces crédits dans des secteurs aussi divers ne répond pas exactement à l'efficacité que nous attendons de l'utilisation des fonds publics.
Les crédits affectés au logement nous paraissant plus essentiels encore, je maintiens donc, je le répète, cet amendement.
Le Gouvernement a le regret d'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je réaffirme que l'État honorera les engagements du Premier ministre, jusqu'au terme du plan de cohésion sociale. Je rappelle que, pour 2007, 201 millions d'euros de crédits de paiement seront disponibles, soit le niveau le plus élevé depuis sept ans. Ces crédits permettront de résorber la dette de l'État et d'engager le processus d'application, outre-mer, du plan de cohésion sociale.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter s'agissant du premier amendement.
Je comprends que vous ayez donné un avis défavorable sur cet amendement, monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle.
Toutefois, si nous voulons favoriser le logement outre-mer, nous devons augmenter l'ensemble des crédits, mais les crédits de paiement doivent être proches des crédits d'engagement. Dans le cas contraire, je le dis très clairement, nous courrons au désastre !
L'amendement n° II-25 vise à réduire les autorisations d'engagement de 10 millions d'euros ; il n'a pas pour objet de pénaliser le logement outre-mer. Nous voulons plus généralement attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que des autorisations d'engagement non accompagnées de crédits de paiement sont dangereuses.
Le Gouvernement est d'accord avec le sénateur Detcheverry concernant la coopération régionale.
En fait, l'amendement ne fait qu'inverser le dispositif sur les fonds de coopération régionaux. Le Gouvernement maintient donc son avis défavorable.
À mon tour, je voudrais me réjouir de la qualité de cette discussion et du climat apaisé et serein qui l'a caractérisée.
Je voudrais aussi saluer l'implication et l'engagement de M. Henri Torre, en sa qualité de rapporteur spécial. Il a multiplié les missions sur place et sur pièce pour être en mesure d'éclairer nos échanges et de donner une pleine crédibilité aux positions que nous prenons.
Monsieur le ministre, vous l'avez bien compris, c'est le financement du logement qui nous préoccupe. Des entreprises se trouvent en difficulté parce que les opérateurs sont en cessation de paiement. Nous ne pouvons pas accepter cette situation. Bien sûr, des engagements peuvent être pris, mais les données que vous nous avez présentées laissent clairement en l'état l'accumulation d'engagements de programmes non suivis de paiements.
Bien sûr, il existe une inertie. Nous comprenons qu'il y ait un décalage entre l'autorisation d'engagement et la liquidation des dépenses. Cependant, nous avons atteint la cote d'alerte. Si nous voulons répondre à l'attente légitime de nos compatriotes d'outre-mer, nous devons, par le vote de ces amendements, solenniser la gravité de la situation et, ensemble, rechercher des modes de financement fondés, crédibles et réalisables.
Or, pour l'instant, les indications dont nous disposons manquent de crédibilité. En loi de finances rectificative, les autorisations d'engagement s'élèveraient à 60 millions d'euros et les crédits de paiement à 13 millions d'euros, auxquels seraient ajoutés 12 millions d'euros, c'est-à-dire 25 millions d'euros au total. L'écart se creuse de nouveau de 35 millions d'euros.
La commission des finances ne peut, en conscience, cautionner une telle situation ; c'est pour cette raison que le rapporteur spécial a déposé deux amendements que nous invitons le Sénat à adopter.
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° II-24.
Si je comprends parfaitement la volonté de la commission des finances d'améliorer la situation s'agissant des paiements en matière de logement, le choix de transférer des crédits d'un poste à un autre ne me paraît pas bon.
Nous ne pouvons pas boucher un trou en créant un trou ailleurs, et non des moindres !
Je voudrais tout de même rappeler que la Haute Assemblée a adopté à la quasi-unanimité, sur le rapport de Charles Guené, la proposition de loi présentée par Michel Thiollière visant à promouvoir la coopération régionale.
Nous nous sommes également rendu compte que de graves problèmes qui touchent les départements, les régions et les collectivités d'outre-mer, à savoir l'immigration illégale ou le faible développement économique, pourraient être pris en compte dans le cadre régional.
Nous avons également affirmé à l'unanimité, dans les lois organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, que la coopération régionale était l'un des facteurs essentiels de son développement. Et, aujourd'hui, nous retirerions l'ensemble des crédits qui y sont affectés ! C'est alors que nous serions totalement incohérents et non crédibles, mes chers collègues !
S'il nous faut effectivement renforcer les crédits destinés au logement en raison de la différence entre les engagements et les paiements, mes chers collègues, je vous en conjure, ne les prenons pas là, ...
...car la coopération régionale est un élément essentiel du développement.
De surcroît, cet amendement est contraire à celui que je vous présenterai ultérieurement, au nom de la commission des lois, et qui a justement pour objet de renforcer les crédits de la coopération régionale. Cette coopération nous aidera à promouvoir la vie économique et la paix sociale dans nos départements, régions et collectivités d'outre-mer !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Notre rapporteur spécial, Henri Torre, a justement attiré l'attention du Sénat et du Gouvernement sur les écarts existant entre les autorisations d'engagements et les crédits de paiement, sur les dettes qui se sont accumulées au fil du temps. Il a fait un travail excellent dans ce domaine, mais je ne peux admettre, comme l'orateur précédent, que la solution pour combler partiellement ces écarts consiste à retirer de l'argent à d'autres actions tout aussi importantes.
Je ne suis d'accord ni avec cet amendement, ni avec l'amendement précédent. Une fois l'attention du Gouvernement attirée sur ce point, je considère qu'il faut lui faire confiance pour trouver les solutions adaptées aux engagements qui ont été pris.
Transférer de façon massive des crédits d'un programme sur un autre, c'est pénaliser le premier, tout aussi important, même si le problème du logement est crucial.
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voté l'amendement n° II-25, comme je ne voterai pas l'amendement n° II-24.
Il n'y a pas grand-chose à ajouter aux propos que viennent de tenir mes deux collègues. J'abonde totalement dans leur sens : déshabiller la coopération régionale pour habiller le logement n'a guère de sens...
Les nombreux problèmes rencontrés en outre-mer proviennent certainement d'un manque d'intégration régionale. Il faut absolument favoriser l'intégration des régions d'outre-mer et, à terme, nous aurons certainement moins besoin de crédits pour le logement social.
Je suis donc contre l'amendement.
Je voudrais rappeler toute la difficulté de l'exercice.
Dans le cadre de la loi organique, notre examen des crédits se modifie très substantiellement et nous devons porter un jugement, ou proposer au Sénat de porter un jugement, sur l'efficacité comparée d'une même somme consacrée à tel ou à tel objectif : ce sont bien l'analyse et la proposition que le rapporteur spécial, M. Henri Torre, vient de nous présenter.
Il fait valoir, compte tenu de ses investigations, que je sais très approfondies, de ses contacts, que je sais très nombreux, qui ont eu lieu tout au long de l'année et non à la seule occasion d'un débat ou de sa préparation, qu'en son âme et conscience il lui semble - et la commission des finances a partagé ce choix - que les 3 millions d'euros dont il est question seraient plus efficaces s'ils étaient affectés à l'action « Logement » plutôt qu'à l'action « Coopération régionale ».
Il indique, et vous l'avez entendu tout à l'heure, que les 3 millions d'euros sont pour la coopération régionale, au regard des enjeux, presque insignifiants, ce qui conduit, et je partage ce jugement, à une dilution préjudiciable à l'efficacité de l'action publique. C'est d'autant plus vrai qu'il existe par ailleurs des dotations importantes à disposition du ministère de l'outre-mer pour nos départements.
Il avance en contrepartie que le redéploiement au profit de l'action « Logement » lui semble être en conformité avec les besoins qui s'expriment et que nous avons entendu commenter tout à l'heure durant la discussion générale, notamment par les élus des Antilles, où ce problème du logement est si crucial.
Il fait enfin également valoir que, compte tenu de l'ampleur des besoins, ces crédits compléteraient très utilement ce que l'on peut obtenir grâce à la procédure de la défiscalisation.
Le fait que le présent gouvernement ait vraiment pris conscience de l'ampleur des besoins en matière de logement social me paraît un élément important de son bilan, et c'est en pondérant ainsi les objectifs d'intérêt général de part et d'autre que le redéploiement des 3 millions d'euros est proposé.
Bien sûr, déplacer une somme, même très faible par rapport au total des masses budgétaires, est très difficile pour nous parlementaires, car nous sommes en quelque sorte désarmés par rapport à l'exécutif : tout le temps que nous pouvons consacrer aux études, aux analyses, aux contacts, aux concertations de toute nature, pèse très peu comparé à ce que peut faire un ministre qui a la gestion permanente, quotidienne, de son « morceau » de l'appareil d'État.
Monsieur le ministre, si cette proposition de redéploiement a été formulée, c'est parce que nous nous efforçons de jouer le jeu de la loi organique et parce que l'espace qu'elle offre aux parlementaires doit être utilisé. Il faut faire vivre cette loi organique, sinon, la revalorisation du rôle du Parlement ne serait qu'un vain mot : nous ne saurions, bien entendu, nous y résigner.
Madame la présidente, avant de demander une brève suspension de séance, je voudrais, par respect pour M. le rapporteur général, rappeler un point.
Le Sénat, en adoptant l'amendement n° II-25, vient de supprimer 10 millions d'euros de crédits qui étaient affectés à ce que tous ici ont évoqué comme une priorité nationale.
Les uns et les autres, et d'abord les parlementaires ultramarins, nous nous efforçons depuis cinq ans de rappeler que la construction de logements sociaux pose des problèmes cruciaux et que ceux-ci, pour des raisons démographiques, sont non pas derrière, mais devant nous. Des efforts considérables ont été fournis pour trouver des solutions innovantes et respectueuses de l'orthodoxie budgétaire permettant des relais, un accompagnement des bailleurs sociaux, un solde des dettes et la création d'une dynamique de rythme pour les trois années qui viennent.
Et voilà qu'on veut nous « accompagner » en supprimant 3 millions d'euros destinés à favoriser l'intégration régionale, alors que, comme le sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon l'a rappelé, la politique publique de la France en matière d'accompagnement de ses territoires est de promouvoir l'insertion dans les bassins régionaux !
Pensez-vous, mesdames, messieurs, que c'est ainsi que nous aiderons ces territoires à rechercher des accords économiques, des accords sur le plan de l'éducation, des accords sur le plan des échanges en tous genres, de financements en matière de lutte contre l'immigration clandestine, puisque justement une partie de ces fonds sert à cela ?
On veut nous expliquer que c'est rendre service que de supprimer 10 millions d'euros d'un budget qui a fortement besoin de crédits et qu'on va les compenser en affectant 3 millions d'euros. D'abord, cela ne fait pas le compte ; ensuite, vous créerez ainsi d'autres difficultés.
J'espère que tout cela pourra être réglé d'ici à la fin de la discussion budgétaire. Si je peux comprendre la logique de l'orthodoxie, je ne peux pas comprendre qu'il y ait d'un côté un discours, de l'autre des réponses apportées par le Gouvernement, et, en fin de parcours, une solution totalement déséquilibrée !
Je comprends votre propos, monsieur le ministre, et je voudrais dissiper tout malentendu.
Nous adhérons aux objectifs que vous avez rappelés. L'outre-mer appelle une attention particulière et des moyens. Mais nous estimons, en conscience, que les moyens ne doivent pas se limiter aux autorisations d'engagement. Les moyens se mesurent en crédits de paiement, et c'est la responsabilité et l'honneur d'un gouvernement et de la majorité qui le soutient que de mettre en cohérence les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.
C'est une fâcheuse situation que celle que connaissent aujourd'hui les entreprises et les opérateurs du bâtiment outre-mer, qui se trouvent pratiquement en cessation de paiement.
Par conséquent, nous demandons que les arbitrages budgétaires traduisent les choix faits par le Gouvernement et sa majorité - et la loi de finances en est l'expression - en termes de crédits ouverts et de ressources pour en assurer le financement. Ce n'est que cela : c'est le signal d'alarme solennel qu'en conscience et en devoir la commission des finances a voulu donner au travers de ces deux amendements.
Encore une fois, je récuse l'idée que nous serions en désaccord avec la nécessité d'accompagner le mouvement en matière de logement. Nous avons cependant de fortes interrogations sur la défiscalisation, dont on dit le plus grand bien : n'arrive-t-il pas qu'elle conduise à des types de constructions n'ayant pas grand-chose à voir avec le logement social et participant ici ou là à la spéculation foncière qui complique singulièrement la construction de logements sociaux ?
Des réflexions sont en cours. Nous y souscrivons, et nous formons le voeu qu'elles aboutissent, de façon cohérente, crédible, et que nous puissions ainsi nous engager aux côtés de nos collègues ultramarins pour apporter les bonnes réponses à ces souhaits, à ces questions, à ces exigences, qui sans doute ne peuvent plus attendre.
Je voudrais confirmer les propos de l'éminent président de la commission des finances : nous n'avons pas l'intention de pénaliser en quoi que ce soit le logement outre-mer. Nous estimons toutefois que, lorsque la différence entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement est aussi importante, les engagements deviennent en quelque sorte irréels. C'est ce qu'aujourd'hui nous avons voulu souligner par notre vote. Nous combattons l'irréalité des autorisations d'engagement, rien de plus.
Madame la présidente, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.
Le Sénat va bien entendu accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.
Cette suspension de séance a été utile non seulement, sans doute, à M. le ministre, mais aussi à nous-mêmes. Nous avons en effet pu discuter en toute décontraction. L'amendement n° II-25 a été adopté.
Quant à l'amendement n° II-24, qui vise à supprimer 3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement affectés à l'action « Coopération régionale » pour affecter 3 millions d'euros de crédits de paiement à l'action « Logement », nous avons vu qu'il choquait une partie de nos collègues. C'est pourquoi je le retire, et je demande à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois de retirer dans le même temps l'amendement n° II-119.
L'amendement n° II-24 est retiré.
L'amendement n° II-119, présenté par M. Cointat, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
Dont Titre 2
Conditions de vie outre-mer
Intégration et valorisation de l'outre-mer
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
La voix de la sagesse vient d'être exprimée par M. le rapporteur spécial. Par conséquent, j'adopte la même position que lui, et je retire mon amendement.
Je remercie M. le rapporteur spécial et le M. le président de la commission des finances qui ont exprimé une certaine continuité de la ligne qui est la leur depuis toujours.
Ce que je souhaite, c'est que, lors des arbitrages qui seront rendus par la commission mixte paritaire, soient trouvées les solutions permettant de rétablir les engagements pris par l'État en faveur de la politique du logement social, en essayant de respecter le mieux possible, dans l'application de la politique de programmation pluriannuelle, la question de l'écart entre les autorisations d'engagement, d'une part, et les crédits de paiement, d'autre part.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer » figurant à l'état B.
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer ».
Ces crédits sont adoptés.
J'appelle en discussion les articles 50 et 50 bis et les amendements tendant à insérer les articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Dans le premier alinéa de l'article 38 et le troisième alinéa de l'article 40 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, l'année : « 2006 » est remplacée par l'année : « 2007 ».
L'article 50 est adopté.
L'article 15 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. - Par dérogation aux dispositions du 2° du III du présent article, le salarié peut adhérer à une convention de congé de solidarité jusqu'au 31 décembre 2007 dans les conditions suivantes :
« 1° Le salarié doit justifier d'une activité salariée d'au moins quinze ans et bénéficier, au plus tard à l'âge de soixante ans, d'une pension de retraite au titre de l'assurance vieillesse du régime de sécurité sociale dont il relève ;
« 2° Le montant de l'allocation de congé de solidarité ne peut pas être supérieur à 85 % du salaire antérieur de la personne bénéficiaire ;
« 3° La participation par l'État ne peut excéder 50 % du montant de l'allocation de congé de solidarité et des cotisations de retraite complémentaire afférentes aux périodes de versement de l'allocation ;
« 4° Peuvent conclure une convention les seules entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics et des secteurs mentionnés aux II et III de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale ;
« 5° L'effectif atteint à la date de la signature de la convention mentionnée au 2° du IV du présent article est déterminé selon les dispositions des articles L. 620-10 et L. 620-11 du code du travail et ne doit pas être réduit, hors décès ou démission de salariés, pendant la durée de la convention qui ne peut être inférieure à deux ans.
« L'entrée en vigueur de ce dispositif est subordonnée à la signature d'un avenant à la convention-cadre mentionnée au I du présent article.
« Les demandes de convention de congé de solidarité formées par les employeurs auprès des services gestionnaires du dispositif avant le 31 décembre 2006 et restées sans réponse à cette date peuvent être déposées à nouveau auprès de ces services après la date de la signature de l'avenant pour pouvoir être prises en compte selon les règles prévues au présent IX.
« Les conventions en vigueur avant le 1er janvier 2007 ne peuvent recueillir l'adhésion de nouveaux salariés au-delà du 31 décembre 2006 qu'après la date de la signature de l'avenant et dans les conditions prévues par le présent IX et par ledit avenant.
« Les salariés bénéficiant du congé de solidarité avant le 31 décembre 2006 continuent à en bénéficier dans les conditions prévues aux I à VIII. »
L'article 50 bis est adopté.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° II-26 rectifié bis est présenté par M. Torre, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-78 est présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° II-120 est présenté par M. Cointat, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° II-194 est présenté par M. Lise, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005 (loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005) est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Le document relatif à la politique mentionnée au 7° comporte également :
« - un état récapitulatif, par mission, de l'effort budgétaire et financier consacré à chaque département ou région d'outre-mer, à chaque collectivité d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises ;
« - une évaluation du coût net de chaque exonération de cotisation sociale ou d'impôt destinée à l'outre-mer ;
« - un état de la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale en matière de transports de personnes ;
« - le détail et le coût des compléments de rémunérations, de pensions et d'indemnités temporaires applicables aux fonctionnaires en poste outre-mer ;
« - le détail des statuts fiscaux particuliers ;
« - tous les deux ans, une appréciation des différences de salaires et de prix à la consommation entre les collectivités territoriales ultramarines et la métropole. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-26 rectifié bis.
Les trois rapporteurs pour avis ont déposé des amendements identiques à celui-ci. Nous sommes donc unanimes.
Il s'agit d'améliorer l'information du Parlement en intégrant dans le document de politique transversale les éléments intéressants qui avaient été fournis dans les anciens « jaunes » budgétaires par l'article 135 de la loi de finances.
Monsieur le ministre, cela est d'autant plus nécessaire que le ministère de l'outre-mer avait fourni, pour réaliser ces documents, un travail de synthèse de très grande qualité.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-78.
La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-120.
Cet amendement de la commission des lois a été déposé pour appuyer la démarche de la commission des finances. Il est donc défendu.
La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-194.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-26 rectifié bis, II-78, II-120 et II-194.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50 bis.
L'amendement n° II-166, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième phrase du troisième alinéa de l'article 49 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, après les mots : « entre les communes », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, leurs groupements lorsqu'ils exercent la compétence d'actions de développement économique ».
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Cet amendement vise la répartition de la dotation d'octroi de mer.
Il apparaît nécessaire d'attribuer directement une dotation spécifique d'octroi de mer prélevée sur le Fonds régional de développement économique aux groupements de communes, quand ces derniers mènent des actions de développement économique.
La commission ne peut pas se prononcer sur un texte qu'elle n'a pas examiné. Dans ces conditions, elle demande l'avis du Gouvernement.
Une simulation serait nécessaire compte tenu de la répercussion sur les établissements publics de coopération intercommunale.
Aussi, si Mme Michaux-Chevry acceptait de retirer son amendement, les calculs pourraient être effectués, et nous pourrions éventuellement en rediscuter dans d'autres occasions. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Monsieur le ministre, le calcul est simple : 80 % du fonds sont affectés à la part communale et 20 % à la part régionale ! Nous demandons qu'une dotation d'octroi de mer soit attribuée aux groupements de communes menant des actions de développement. Pourrions-nous disposer des éléments nécessaires pour le collectif budgétaire ?
Je fournirai ces éléments le plus tôt possible.
L'amendement n° II-166 est retiré.
L'amendement n° II-167 rectifié bis, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du premier alinéa du D de l'article L. 4434-3 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « dépasse », le nombre : « 50 000 » est remplacé par le nombre : « 35 000 ».
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Cet amendement a pour objet d'abaisser le seuil de population permettant à des groupements de communes de bénéficier du fonds d'investissement routier, le FIR.
La commission n'a pu se prononcer sur un amendement dont elle n'a pas eu connaissance. Comme pour l'amendement précédent, je demande l'avis éclairant du Gouvernement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50 bis.
L'amendement n° II-168, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 2563-6 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2563-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 2563 -7. - Dans les départements d'outre-mer, le plafond de population de 5 000 habitants mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 2334-40 est fixé à 15 000 habitants. »
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Il s'agit d'adapter les critères d'attribution de la dotation de développement rural pour les départements d'outre-mer et de permettre d'augmenter le seuil de 5 000 habitants à 15 000 habitants.
Je pense que le Gouvernement émettra un avis défavorable. Je suis prête à retirer mon amendement à la condition expresse d'avoir l'engagement qu'il sera réexaminé le plus rapidement possible. En effet, ce fonds profite uniquement à certaines communes rurales. Or, d'autres communes rurales devraient pouvoir en bénéficier parce qu'elles ont été frappées par les secousses sismiques et par les cyclones.
La commission n'a pas pu se prononcer, puisqu'elle n'a pas eu l'occasion d'examiner l'amendement.
Comme vous pouvez le constater, il y a une extraordinaire fluidité dans les relations entre le Gouvernement, la commission des finances, la commission des lois, la commission des affaires sociales et les parlementaires dans le dépôt des amendements. Dans un parallélisme des formes absolu, le même esprit anime le Gouvernement sur l'amendement n°II-166 et sur l'amendement n° II-168. Il est nécessaire de faire les comptes, d'établir des simulations dans les meilleurs délais possible et nous en reparlerons le plus tôt possible.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Je retire mon amendement par gentillesse, mais la réponse de M. le ministre ne me satisfait pas, car il n'y a aucun compte à faire !
L'amendement n° II-168 est retiré.
L'amendement n° II-226 rectifié, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les montants non engagés par les Régions au titre de la dotation de continuité territoriale sont affectés aux crédits destinés au financement du passeport-mobilité tel que défini par le décret n° 2004-163 du 18 février 2004 relatif à l'aide dénommée « passeport-mobilité ».
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
L'État a versé des sommes importantes au nom de la continuité territoriale. Or, le constat navrant qui a été fait, c'est que, dans de nombreuses régions - sauf la Guadeloupe, d'ailleurs -, beaucoup de crédits n'ont pas été utilisés.
Je propose donc, étant donné le succès du passeport-mobilité et la nécessité de l'ouvrir - peut-être après étude - à d'autres régions que l'Europe, que les crédits non utilisés au titre de la continuité territoriale puissent être reversés au passeport-mobilité.
C'est une question de bonne gestion des crédits publics. Je ne vois pas pourquoi on se plaint que la continuité territoriale ne va pas assez loin, et qu'on n'utilise pas les crédits, quand on en a, alors qu'il y a des besoins de financement pour le passeport-mobilité. En effet, de nombreux jeunes forgent leur avenir là où ils estiment que c'est possible. On ne doit pas les paralyser.
Je ne sais pas ce que dit Bruxelles. Mais, s'agissant de la continuité territoriale, il faut être extrêmement prudent, car cela peut mener très loin.
L'amendement n° II-226 rectifié vise à reporter les reliquats, s'il y en a, sur le passeport-mobilité pour les jeunes. À titre personnel, cela me paraît une bonne orientation, mais j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement.
Le Gouvernement émet un avis très favorable. Cette continuité territoriale est un succès. Quant à la redéfinition de ses modalités d'application, nous en avons parlé et nous en reparlerons.
L'utilisation des passeports-mobilité - plus de 60 000 en quatre ans - a bien montré la pertinence de cette mesure. Il n'est pas concevable que des crédits qui ont été fléchés ne soient pas utilisés. Il faut donc, en logique pure et en logique pratique, permettre l'utilisation d'une année sur l'autre. Le Gouvernement soutient donc l'initiative de M. Virapoullé.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50 bis.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Quand on aime, on ne compte pas et on ne voit pas le temps passer. (Sourires.) Nous avons eu un débat tout à fait riche, mais nous y avons consacré cinq heures, et non les trois heures trente prévues.
Dans ces conditions, l'examen des crédits de la mission « Sécurité » va nous conduire jusqu'au dîner et peut-être au-delà. Par conséquent, nous aborderons les crédits de la mission « Sécurité civile » ce soir, à la reprise de la séance.
À l'évidence, l'examen des crédits de la mission « Politique des territoires » ne pourra pas commencer avant minuit. Or la conférence des présidents a posé le principe selon lequel la discussion des crédits d'une mission ne peut débuter après minuit. Dans ces conditions, madame la présidente, mes chers collègues, nous pourrions reporter à demain matin, à neuf heures trente, l'examen des crédits de cette mission.
Si nous parvenons à rattraper le retard pris aujourd'hui, peut-être pourrons-nous éviter de consacrer une partie du samedi, journée pour laquelle aucune discussion n'est prévue, aux éventuelles discussions reportées. Mais, si nous continuons à prendre du retard, nous serons obligés de siéger samedi.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Le Sénat examinera donc les crédits de la mission « Politique des territoires » demain, jeudi 7 décembre, à neuf heures trente.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je présenterai tout d'abord les principales caractéristiques de cette mission, puis j'aborderai plus spécifiquement les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », qui la composent.
Après quelques tâtonnements lors de la conception initiale de la maquette budgétaire, le caractère interministériel de la mission « Sécurité », rassemblant police et gendarmerie nationales, est désormais une réalité tangible. Une véritable politique de mutualisation des forces de sécurité est désormais en oeuvre et les réflexes de travail en commun sont acquis.
Les groupements d'intervention régionaux, les GIR, constitués à parité de policiers et de gendarmes, illustrent la mise en application sur le terrain de cette interministérialité.
Seule la « reventilation » de 53 % des crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », soit 244, 8 millions d'euros, vers le programme « Police nationale » de la présente mission témoigne de la survivance d'une ancienne logique ministérielle, en contradiction avec l'esprit de la LOLF.
La mission « Sécurité » est dotée de 16, 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 1, 5 % par rapport à 2006, et de 15, 6 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 2, 6 % par rapport à l'exercice précédent.
L'essentiel de ces moyens, c'est-à-dire 13 milliards d'euros, soit 83, 4 % de la mission, est consacré aux dépenses en personnel. Je veux une fois de plus rappeler que les moyens supplémentaires ne constituent pas une fin en soi. Ils ne doivent être conçus que par rapport à un meilleur emploi des effectifs, des crédits et des locaux disponibles.
Dans cette perspective, je relève que, lors de son audition, M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, a témoigné de l'intérêt de l'audit mené, à la demande de la commission des finances, sur l'organisation et les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie.
Au total, en 2005, la délinquance constatée a baissé de 0, 77 % en zone police et de 2, 67 % en zone gendarmerie, si l'on se fonde sur les statistiques fournies par l'état 4001. Je souligne que ce baromètre de la délinquance existe depuis 1972. Il est par conséquent incontestable. Le nombre de crimes et de délits constatés est ainsi passé de 3 825 442 en 2004 à 3 775 838, soit une baisse de 49 604 faits constatés.
Parallèlement, le taux d'élucidation global a enregistré, en 2005, une légère progression : il est désormais de 30, 39 % en zone police et de 40, 62 % en zone gendarmerie.
Il faut avoir à l'esprit que ce taux global recouvre toutefois de grandes différences de performance selon les catégories d'infraction. Ainsi, pour le programme « Police nationale », le taux d'élucidation varie de 12, 37 % pour les vols, y compris le recel, à 51, 37 % pour les escroqueries et les infractions économiques et financières, et à 51, 96 % pour les violences contre les personnes.
Plus largement, je souhaite, à l'occasion de cette discussion budgétaire, insister une nouvelle fois sur l'importance, s'agissant des réseaux de communication des forces de sécurité, de disposer à terme d'un réseau unique commun à la police et à la gendarmerie, ainsi qu'aux personnels de sécurité civile.
J'en viens maintenant au programme « Police nationale ».
Ce programme comporte, hors fonds de concours, 8, 2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2, 3 %.
Au sein de ce programme, la lutte contre l'immigration clandestine, en particulier, mobilise 91, 2 millions d'euros, cette dotation incluant les coûts de fonctionnement des centres de rétention administrative, les CRA, et des zones d'attente, pour 40, 8 millions d'euros, ainsi que les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, pour 50, 4 millions d'euros. Il est utile de préciser que, hors frais de voyage, le coût de l'expulsion d'un clandestin s'élève à 1 800 euros environ.
S'agissant des effectifs, le taux de réalisation de la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, est satisfaisant, puisqu'il atteindra, en 2007, 95, 4 % pour la police nationale, avec 6 200 emplois créés, dont 4 200 emplois de fonctionnaires actifs.
En matière de dépenses d'investissement, le taux de réalisation de la LOPSI ne mérite toutefois pas le même satisfecit, puisqu'il n'est que de 66 %. En 2006, la fongibilité des crédits s'est essentiellement opérée de l'investissement vers le fonctionnement, notamment en faveur de l'interopérabilité.
Ici encore, il faut rappeler que les efforts consentis par les contribuables pour le renforcement des forces de sécurité doivent déboucher sur des progrès tangibles en termes d'efficacité.
Dans cette perspective, le développement des violences urbaines doit inciter à une réflexion approfondie et à une large concertation, menée sans pesanteur idéologique, mais avec pragmatisme. Si de nombreux commissariats de proximité ont été fermés en raison de leur faible fréquentation, le rôle de la police nationale ne saurait pourtant se réduire à la répression. Le travail de prévention est également fondamental dans les quartiers en difficulté.
En matière de performance du programme « Police nationale », il convient de relever que le coût moyen d'une rétention administrative, qui s'élevait, en 2005, à 802 euros, connaît une tendance à la hausse. Cette évolution tient notamment à l'amélioration des prestations hôtelières et à l'augmentation de la durée moyenne de rétention liée à la multiplication des recours.
En ce domaine, la création d'un indicateur relatif à l'évaluation du taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire pourrait se révéler judicieuse. Serait alors mesuré le « taux de réponse » donnée par la police à la mission qui lui est confiée, à savoir l'éloignement de personnes identifiées.
J'aborderai maintenant le programme « Gendarmerie nationale », qui comporte, hors fonds de concours, 7, 4 milliards d'euros de crédits de paiement, ce qui représente une progression de 2, 9 %.
Parmi les innovations concernant ce programme en 2007, figure, à partir de l'année prochaine, la prise en charge par la gendarmerie des dépenses de fonctionnement des trois CRA placés sous sa responsabilité. Les crédits de fonctionnement de ces derniers, qui s'élèvent à 1, 3 million d'euros, dépendaient auparavant de la mission « Justice », plus précisément du programme « Administration pénitentiaire ».
Force est de reconnaître que le niveau de création d'emplois pour ce programme, par rapport aux mesures prévues par la LOPSI, enregistrera au total, en 2007, un déficit de 950 postes, ce qui représente un taux de réalisation de 86, 4 %.
Le financement du développement et de la modernisation du parc immobilier de la gendarmerie nationale représente l'une des questions clefs de ce programme. Ce financement s'appuie de manière croissante sur les partenariats public-privé, les PPP, via le recours, notamment, à des opérations sur bail emphytéotique administratif.
Concernant la mise en oeuvre des chantiers en lien avec ces PPP, des retards sont, comme beaucoup d'élus locaux le savent, à déplorer. En outre, ce mode de financement a pour conséquence un renchérissement du prix de ces opérations pour la gendarmerie, du fait du coût de la prime de risque de l'opérateur privé. Ce surcoût a été estimé à 30 % environ par le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Guy Parayre.
Concernant les opérations extérieures, les OPEX, qui témoignent du caractère militaire de la gendarmerie nationale, 522 hommes en moyenne auront été déployés en 2006. Les missions hors du territoire continental pèsent significativement sur la disponibilité de la gendarmerie mobile.
Concernant la performance de ces OPEX, on ne peut, en outre, que regretter que les deux indicateurs qui leur sont rattachés mesurent plus une activité qu'une performance. Sur ce dernier point, l'« esprit » de la LOLF n'a pas encore fait sentir tous ses effets)
En conclusion, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » et de chacun de ses programmes.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc des commissions.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, l'effort budgétaire consacré à la mission « Sécurité » connaîtra une augmentation significative de 2, 6 %.
Cet effort renouvelé devrait permettre de mener à son terme l'exécution de la LOPSI. Rarement, je tiens à l'indiquer, une loi de programmation aura été aussi bien respectée. Je dois d'ailleurs dire que tous les syndicats que nous avons rencontrés l'ont souligné. La persévérance et la constance dans la conduite de la politique de sécurité sont l'une des principales explications des succès obtenus.
Pour la cinquième année consécutive, les chiffres de la délinquance sont bons, en dépit d'un ralentissement du rythme de la baisse. Seule ombre au tableau, les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser de manière inquiétante.
Je me contenterai de dresser un bilan rapide de l'exécution de la LOPSI. L'ensemble des grandes orientations de la politique de sécurité ont été menées à leur terme, même si une année supplémentaire sera nécessaire pour respecter la totalité des engagements pris en faveur de la gendarmerie, notamment en matière d'effectifs et d'immobilier.
Le principal apport de la LOPSI aura sans doute été de redonner un cap à la politique de sécurité intérieure. À cet égard, un grand succès aura été de parvenir simultanément à rendre son identité à la gendarmerie et à la replacer au coeur de cette politique, ce que l'on vous doit, madame la ministre. Je rappelle qu'en 2002 la gendarmerie nationale traversait une crise profonde, à la fois morale, culturelle et matérielle.
Ce bilan très positif de la LOPSI ne signifie bien entendu pas que tout soit parfait. À mon sens, l'un des domaines où les résultats n'ont pas été atteints est le recentrage des policiers et des gendarmes sur des missions liées à la sécurité.
En premier lieu, il est nécessaire d'aller encore plus loin dans le recrutement de personnels administratifs au sens strict, afin de libérer des policiers et des gendarmes des tâches de gestion.
En second lieu, je regrette qu'aucun résultat réellement significatif n'ait été obtenu pour réduire certaines charges qualifiées d'« indues », en particulier les extractions et les transfèrements judiciaires.
La tendance observée n'est d'ailleurs pas bonne. En 2005, les concours à la justice de la direction centrale de la sécurité publique ont augmenté de 9, 5 %.
Au cours de la réunion de la commission des lois, j'ai fait part de ma conviction que le principe prescripteur - payeur devrait s'appliquer en l'espèce, conformément à l'esprit de la LOLF. Les escortes judiciaires devraient par conséquent être effectuées par l'administration pénitentiaire.
Je ne cacherai pas que de nombreux membres de la commission n'ont pas partagé cette idée. L'un de mes collègues a suggéré de responsabiliser financièrement le ministère de la justice en tarifant à la vacation les opérations d'escorte et de transfèrement. Toutefois, tous ont partagé le diagnostic selon lequel il était possible et nécessaire de réduire le volume des escortes judiciaires en rationalisant la façon dont elles sont organisées.
Ma première question, monsieur le ministre, est donc celle-ci : quelles solutions envisagez-vous avec le ministère de la justice pour réduire le volume des escortes judiciaires et le poids de ces missions pour la police et la gendarmerie ?
Je continuerai par quelques remarques sur le choix des indicateurs de performance.
L'année dernière, j'avais fait un certain nombre d'observations et de critiques à l'encontre du choix de ces indicateurs. Force est de constater que peu d'entre elles ont été suivies.
Toutefois, un indicateur m'avait semblé très pertinent pour évaluer la qualité des procédures d'éloignement des étrangers : le « taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure imputable aux services de police ». Il permet en effet de mesurer à la fois la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, le respect de la déontologie. Rien ne sert de lancer beaucoup de procédures si celles-ci sont bâclées ou faites dans la précipitation. Au final, elles sont inefficaces, puisqu'elles ont un coût, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité. Je note avec regret que cet indicateur n'est toujours pas renseigné cette année.
J'avais proposé de créer un indicateur de ce type pour évaluer, de manière plus générale, l'action de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales. Serait ainsi mesuré le nombre de procédures annulées pour vice de procédure imputable aux services de police et de gendarmerie. Je souhaite donc savoir si, sur cette question, une réflexion a été engagée par les services.
De manière plus générale, quels progrès ont-ils été accomplis depuis quatre ans pour assurer un meilleur continuum entre les statistiques des forces de sécurité et celles de la justice ? En effet, la politique de sécurité ne s'arrête pas aux portes des commissariats, mes chers collègues !
J'en viens maintenant à un thème que j'ai souhaité étudier de façon plus approfondie cette année : la police technique et scientifique, ou PTS.
Monsieur le ministre, vous m'avez autorisé - ce dont je vous remercie - à aller à Ecully, où se situe la sous-direction de la police technique et scientifique de la police nationale. Au cours de mon déplacement, j'ai pu constater l'importance de la révolution en cours pour les méthodes de travail de nos forces de sécurité.
Ma première question porte sur la signature par la France du traité de Prüm, le 27 mai 2005. Ce traité, signé entre les États du Benélux, l'Allemagne, l'Espagne, l'Autriche et la France, prévoit notamment la consultation automatisée des fichiers nationaux des empreintes génétiques et des empreintes digitales des États parties. Pouvez-vous nous dire si, sur ce point, des évolutions sont à attendre rapidement, notamment du fait de la présidence allemande de l'Union européenne au début de 2007 ?
Ma seconde question porte sur le fichier STIC - système de traitement des infractions constatées. À la demande du ministre de l'intérieur, un rapport récent de M. Alain Bauer a montré que ce fichier de police judiciaire était encore insuffisamment mis à jour, ce qui peut avoir des conséquences graves pour les individus lorsque ce fichier est consulté à l'occasion d'enquêtes administratives.
Ce rapport fait état d'un certain nombre de recommandations. Quelles conséquences comptez-vous en tirer ? Le futur système ARIANE, qui remplacera le STIC, permettra-t-il de résoudre ces problèmes, notamment d'établir des liaisons informatiques entre les parquets et les gestionnaires du fichier ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable aux crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2007.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi qu'au banc des commissions.
Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 pour la gendarmerie est marqué par une progression des crédits qui, avec 2, 5 %, est supérieure à celle du budget de l'État - 0, 8 %.
Les dépenses de personnel s'élèvent à 6 milliards d'euros pour 2007 contre 5, 8 milliards en 2006, soit une augmentation de 3, 1 %. Elles représentent 80 % des crédits de paiement du programme 152 « Gendarmerie nationale » et résultent principalement de la mise en oeuvre de la LOPSI et du plan d'adaptation aux responsabilités exercées.
Les dépenses de fonctionnement hors loi de programmation militaire s'élèvent à 560 millions d'euros. Elles permettront notamment le passage du réseau SAPHIR 2G au réseau SAPHIR 3G, qui assurera le raccordement intranet des unités élémentaires de gendarmerie. En 2007, 85 000 personnels de la gendarmerie disposeront ainsi d'un accès à l'intranet.
J'aborderai maintenant les dépenses relevant du périmètre financier de la loi de programmation militaire et de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Pour l'entretien programmé du personnel et du matériel, les autorisations d'engagement s'élèvent, en 2007, à 65 millions d'euros et les crédits de paiement à 81 millions d'euros. Je rappelle que l'entretien programmé du matériel regroupe les crédits de maintien en condition opérationnelle, notamment en ce qui concerne les matériels aériens,
Pour l'informatique et les télécommunications, les autorisations d'engagement s'élèvent à 68 millions d'euros et les crédits de paiement à 101 millions d'euros. Ces crédits seront consacrés au développement de nouveaux projets d'ampleur nationale conditionnant l'efficacité opérationnelle.
Je citerai, en particulier, le projet d'application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs, ou ARIANE, qui reposera sur la fusion des fichiers actuels de gendarmerie, JUDEX - système judiciaire de documentation et d'exploitation -, et de police, STIC - système de traitement des infractions constatées -, et la mise à niveau du réseau de radiocommunication RUBIS, qui est caractérisé notamment par la confidentialité et la disponibilité, et qui couvre plus de 80 % du territoire.
Le déploiement de chacun des réseaux RUBIS, pour la gendarmerie, et ACROPOL- automatisation des communications. radiotéléphoniques opérationnelles de la police -, pour la police, a représenté un coût de l'ordre de 600 millions d'euros ; la prochaine génération d'infrastructures de communication devra évidemment être commune à la police et à la gendarmerie.
Les dépenses d'équipement s'élèvent à 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 174 millions d'euros en crédits de paiement.
Elles concernent les véhicules : près de 2 000 voitures de brigades et de police de la route vont être acquises en 2007, ainsi que 300 véhicules de groupe pour la gendarmerie mobile. Par ailleurs, de nouveaux véhicules blindés légers vont remplacer les véhicules blindés à roues de la gendarmerie, ou VBRG : 78 engins vont être commandés en 2007 et les livraisons devraient débuter en 2008.
Les dépenses d'équipement concernent également les hélicoptères et, enfin, les armes individuelles : l'arme de poing SIG PRO 2022 et le pistolet TASER, qui paralyse.
Dans le domaine immobilier, les autorisations de paiement s'élèvent à 617, 50 millions d'euros.
La répartition par actions des crédits de la gendarmerie est la suivante : 55 % pour l'ordre et la sécurité publics, 14 % pour la sécurité routière, 28 % pour la police judiciaire et le concours à la justice, 3 % pour l'exercice des missions militaires. En ce qui concerne ces dernières, il convient de relever avec satisfaction - nous l'avions demandé l'année dernière - que les dépenses d'opérations extérieures font, pour le budget 2007, l'objet de provisions s'élevant au total à 15 millions d'euros. La lisibilité budgétaire sur les OPEX est ainsi améliorée.
En conclusion, je souhaiterais obtenir des précisions sur quelques points.
Depuis 2004, on observe un très net glissement des investissements des collectivités locales vers la procédure des baux emphytéotiques administratifs, les BEA. Dans l'ensemble des financements des constructions neuves du parc locatif, la part de ces BEA est ainsi passée de 3, 8 % en 2005 à 47, 9 % en 2007, c'est-à-dire en deux ans. Cela ne risque-t-il pas, à terme, de poser le problème du coût des loyers inhérents à cette modalité de financement ?
Comment sera assurée l'interopérabilité des réseaux de communication de la gendarmerie et de la police ?
Le nombre de postes créés dans le cadre de la LOPSI s'élevait à 7 000 pour la période 2003-2007. La gendarmerie s'est vu doter de 6 050 personnes et la création des 950 postes supplémentaires devra être lissée sur l'année 2008. Cela provient-il de contraintes budgétaires ou d'un problème de recrutement du personnel de gendarmerie ?
Enfin, je souhaite rendre hommage à la gendarmerie française
Mme la ministre approuve.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale », au sein de la mission interministérielle « Sécurité », et a rappelé sa profonde satisfaction pour le travail effectué par la gendarmerie française.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Roger Karoutchi.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion que nous avons aujourd'hui sur la mission « Sécurité » nous permet, à la suite de Jean Faure, de rendre hommage à l'ensemble des policiers et des gendarmes qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens.
La mission « Sécurité » est dotée de 16, 312 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 15, 703 milliards d'euros en crédits de paiement.
La répartition entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est relativement équilibrée, démontrant la volonté de ne pas faire de différences entre ces deux corps, qui ont tous deux pour objectif de réduire la délinquance et la criminalité.
Policiers et gendarmes travaillent déjà en bonne intelligence au sein des groupes d'intervention régionaux, les GIR, créés en 2002. Cette coopération devrait également s'illustrer par le lancement du projet d'application, de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs, ARIANE, résultant de la fusion des deux fichiers actuels, JUDEX et STIC.
En cette dernière année d'exécution de la LOPSI, on ne peut que se réjouir du bilan établi, qui, il faut bien le dire, est très satisfaisant. La LOPSI a en effet permis de refonder les principes régissant l'organisation de la sécurité intérieure sur le territoire national.
En termes de personnel, il est prévu, pour 2007, 1 000 emplois supplémentaires dans la police, portant à 6 200 le total de créations de postes depuis 2002, pour un objectif fixé à 6 500 postes, tandis que, dans la gendarmerie, ce sont 950 emplois nouveaux qui doivent être créés.
On peut donc considérer que les objectifs fixés par la LOPSI sont quasiment atteints, les taux de réalisation de création d'emplois étant de l'ordre de 95 % dans la police et de 86 % dans la gendarmerie.
Par conséquent, il me paraît tout à fait normal que les dépenses en personnel représentent l'essentiel des moyens de la mission pour 2007, avec 13 milliards d'euros.
Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie au niveau local et le recentrage des forces de sécurité sur leur mission fondamentale au niveau national sont de véritables réussites.
Certes, les forces de police ont une nécessaire mission de prévention, connue et reconnue, mais leur mission prioritaire est de permettre l'arrestation et la traduction devant les tribunaux des délinquants et des criminels. À ce titre, le débat qui a eu lieu récemment sur la police de proximité n'a en réalité pas lieu d'être. Chacun sait ce qu'attend la population de nos quartiers des forces de police.
Ce recentrage a en tout cas permis d'accroître l'activité judiciaire des forces de police et de faire diminuer sensiblement la délinquance et la criminalité.
Ainsi, la délinquance de voie publique a baissé entre 2004 et 2005 de près de 5 % - près de 4 % en zone police et plus de 7 % en zone gendarmerie, madame la ministre -, tandis que le taux d'élucidation a progressé en 2005, pour atteindre près de 31 % en zone police et près de 41 % en zone gendarmerie.
Il convient de noter des différences importantes selon la nature des infractions. Par exemple, dans le programme « Police nationale », le taux d'élucidation varie d'environ 13 % pour les vols à 52 % - taux extraordinairement significatif - pour les violences contre les personnes. Mais il est probable qu'on classe dans la première catégorie tous les vols « légers », qui, quoique influant sur le sentiment d'insécurité, ne déclenchent pas d'enquêtes approfondies.
Cet effort en matière de lutte contre la délinquance doit être soutenu à l'encontre tant des majeurs que des mineurs, notamment les multirécidivistes.
Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, que la Haute Assemblée a adopté en première lecture en septembre dernier, prévoit à ce titre une réponse plus ferme .à l'encontre de ces mineurs.
Naturellement, je félicite le Gouvernement d'avoir créé le service de police ferroviaire, dans un premier temps en région d'Île-de-France, puis sur tout le territoire national. Fort de 2 500 policiers, il a obtenu des résultats considérables dans la sécurisation du réseau des trains de banlieue, du RER et du métro. Il obtiendra sans doute des résultats identiques pour la sécurité des bus.
Cette politique de sécurisation des transports publics est essentielle non seulement en Île-de-France, mais encore dans l'ensemble de notre pays.
La réussite de la LOPSI se traduit également en matière de matériel et d'équipement. La tenue des policiers et des gendarmes a été transformée pour faire face à l'évolution de la violence : ces derniers disposent maintenant d'un gilet pare-balles, de nouvelles armes et de 400 véhicules équipés de caméras embarquées. De plus, le système de transmission sécurisé propre à la police, ACROPOL, a progressé, et il est prévu que l'ensemble du territoire soit couvert dès le second semestre de 2007.
En ce qui concerne l'immobilier, je félicite le ministère de son gros effort en faveur notamment de l'installation des jeunes policiers. Il est prévu de lancer la construction d'un commissariat de police à Clichy-sous-Bois et dans le XXe arrondissement de Paris, et de poursuivre le grand chantier de la direction départementale de la sécurité publique de Seine-Saint-Denis à Bobigny.
Là encore, nous avons besoin d'accroître nos efforts pour conserver nos forces de police, pour faire en sorte que les commissariats, notamment dans les grandes zones urbaines, soient modernes, opérationnels et proches de la population.
La réhabilitation des cellules de garde à vue, comme le préconise notre collègue Jean-Patrick Courtois dans le rapport sur l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue qu'il a remis au ministre d'État, est une nécessité. Je souligne à ce titre la politique ambitieuse engagée, notamment en région d'Île-de-France, puisque sur les 524 cellules qui sont actuellement en cours de réhabilitation, 220 le sont dans cette région. À terme, il est prévu que 2 500 cellules seront restaurées.
Là encore, l'action d'un certain nombre de parlementaires s'est révélé être une réussite en cette matière difficile mais nécessaire.
Si le budget pour 2007 permet l'amélioration des conditions de travail, il prévoit également de fidéliser et de remotiver les forces de sécurité.
On sait pertinemment que de nombreux jeunes policiers se retrouvent dans des quartiers difficiles. On l'a vu l'année dernière, on le voit de nouveau cette année. Il est nécessaire de fidéliser ces fonctionnaires, ce que permet le budget du programme « Police nationale » pour 2007, notamment en consacrant plusieurs dizaines de millions d'euros à l'action sociale. Je me réjouis que soient prévus pour la région d'Île-de-France 200 prêts à taux zéro supplémentaires, plus de places en crèche, plus de logements réservés. Il faut naturellement que nos forces de sécurité disposent des moyens nécessaires à une vie aussi normale que possible, y compris dans les régions difficiles.
Afin de remotiver les forces de sécurité, le Gouvernement a eu la bonne idée de consacrer 20 millions d'euros à la « prime de résultat », ce qui est innovant pour notre pays. Cette prime, dont le montant est de 400 euros en moyenne, a un effet non négligeable.
Madame la ministre, monsieur le ministre, sachez combien les élus de l'ensemble de la France vous sont reconnaissants des efforts que vous faites pour nos gendarmes et nos policiers. Sincèrement, au-delà des polémiques sur la politique de répression ou sur la politique de prévention, nous avons tous le souci de faire de la sécurité une priorité nationale, justement pour qu'elle ne soit plus un sujet de polémiques et de débats politiciens. Si la sécurité pouvait être le bien de tous, des plus modestes comme des autres, et si elle pouvait ne plus faire débat, cela signifierait que vous avez réussi. C'est ce que je vous souhaite.
En tout état de cause, le groupe UMP votera naturellement les crédits de la mission.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 28 mars dernier, à l'occasion d'une question orale avec débat sur le bilan des violences urbaines de novembre 2005, je plaidais à cette même tribune pour un élargissement du rôle des maires dans le dispositif de sécurité sur le territoire de sa commune.
C'est l'un des enseignements majeurs de la gestion de la crise de novembre 2005, dans laquelle les maires ont joué un rôle essentiel d'apaisement et de coordination.
À l'occasion de ces dramatiques événements, les maires ont souvent été en première ligne, réaffirmant sur le terrain leur statut d'acteurs incontournables de toute politique de sécurité et apportant la preuve qu'ils devaient être placés au centre du dispositif.
Ce devrait être bientôt chose faite, puisque, pas plus tard qu'aujourd'hui, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, à la suite du Sénat, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui consacre enfin le rôle pivot du maire en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.
Il reste maintenant à examiner au plus vite ce texte en deuxième lecture, malgré un calendrier parlementaire raccourci, et plus encore à permettre son entrée en vigueur à grand renfort de décrets.
C'est en prenant en compte les dispositions contenues dans ce projet de loi qu'il faut apprécier la politique de sécurité et ses crédits pour 2007, tant ce texte ouvre de nouvelles perspectives en permettant de développer la coordination des acteurs locaux, de renforcer l'efficacité du « couple » maire-préfet, de clarifier le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des groupes locaux de traitement de la délinquance et des contrats locaux de sécurité.
L'année 2007 sera la cinquième et dernière année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, laquelle aura été une priorité constante du quinquennat.
L'objectif pour 2007 est d'abord que soient poursuivis les bons résultats enregistrés depuis 2002. En ce domaine, les statistiques sont assez éloquentes ; elles viennent d'ailleurs d'être rappelées par les orateurs précédents.
L'effort sera donc poursuivi en 2007 puisque, une fois de plus, les crédits de la mission « Sécurité » augmentent, de surcroît plus fortement que le budget de l'État.
D'une certaine façon, ces chiffres obligent nos forces de sécurité en termes de résultats. Parce qu'ils disposent du monopole de la violence physique légitime, policiers et gendarmes sont les garants de la première des libertés que constitue la sécurité, sans laquelle il n'y aurait pas d'État de droit.
L'effort de recrutement important accompli depuis 2002 permettra de porter les effectifs policiers à plus de 150 000 fonctionnaires en 2007. Quant à la gendarmerie, elle aura vu ses effectifs renforcés en cinq ans, puisque ces derniers s'élèveront à 106 000 à la fin de 2007.
De plus, le redéploiement sur le territoire des effectifs de police et de gendarmerie est sur le point d'être achevé puisque soixante-cinq départements sont d'ores et déjà concernés. Ainsi, nos dispositifs sont plus lisibles, plus clairs et, surtout, plus rationnels.
S'agissant toujours des forces de l'ordre, je voudrais vous suggérer, monsieur le ministre, que, après avoir accru nettement leurs effectifs, vous étudiiez le problème des personnels.
Même si, statutairement, une obligation de rester cinq ans en poste pèse sur les personnels, il n'en demeure pas moins que, passé ce délai, il existe une rotation trop importante, qui est préjudiciable au bon fonctionnement de l'action de police.
En effet, beaucoup de jeunes policiers se trouvent affectés dans des quartiers difficiles. Or, quand ils commencent à connaître de manière satisfaisante leur quartier d'affectation ainsi que sa population, ils demandent à être mutés ailleurs.
Il faudrait donc réfléchir à des dispositifs financiers ou statutaires permettant d'encourager leur maintien dans les quartiers difficiles, ce qui ne serait pas sans incidence sur la qualité de l'ordre et de la sécurité qui y règnent.
D'ailleurs, cette idée participe de la même logique que celle qu'a mise en avant la mission commune d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années, mission présidée par notre collègue Alex Türk et dont j'étais membre. Dans son rapport intitulé Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers, elle formule soixante-dix propositions s'articulant autour de sept orientations. L'une d'entre elles vise à permettre de « mieux assurer la sécurité dans les quartiers en difficulté » en réactivant « une véritable police de proximité », condition nécessaire et suffisante pour pacifier ces quartiers, réconcilier leur population et la police et ainsi rétablir l'ordre et la sécurité.
Il est essentiel, en effet, que les policiers puissent connaître le mieux possible les quartiers dans lesquels ils sont amenés à évoluer.
Bien entendu, il ne s'agit pas de supprimer la répression et la sanction ; il faut donner plus de force au respect de la loi en y associant en amont la prévention et la dissuasion. L'indispensable fermeté de la répression est d'autant plus efficace qu'elle ne constitue pas le seul pilier de notre politique de sécurité.
Il ne s'agit pas non plus de confier aux forces de sécurité le rôle dévolu aux associations, aux travailleurs sociaux ou encore aux élus. De même, il ne faut pas confier à d'autres les missions qui doivent revenir aux forces de sécurité. C'est à l'État d'assumer ses fonctions régaliennes.
Dans ma ville, par exemple, c'est la police municipale qui a dû, de fait, se substituer à la police de proximité pour occuper le terrain dans les quartiers difficiles, mais avec ses moyens et ses prérogatives, qui ne sont évidemment pas les mêmes.
Une semaine après la remise de notre rapport, le Premier ministre a plaidé en faveur d'une « police de tranquillité publique » qui doit créer « un lien de confiance avec les populations » en étant « à la fois plus présente et plus à l'écoute ».
Faut-il y voir une convergence de vues entre le Gouvernement et le rapport sénatorial ? Au-delà de la terminologie, les propositions visant à instaurer une « police de tranquillité publique », s'agissant du Premier ministre, ou à réactiver la police de proximité, s'agissant du rapport de la mission, ne procèdent-elles pas du même constat et ne visent-elles pas au même but ?
Monsieur le ministre, quelle est votre appréciation ? Ne faut-il pas, en matière de violences urbaines et de police de proximité, privilégier, au-delà de tout dogmatisme, le pragmatisme, comme le recommande M. le rapporteur spécial, Aymeri de Montesquiou ?
Pour une meilleure sécurité des Français, il nous faut également des forces de sécurité mieux équipées. La question des dotations ayant été évoquée précédemment, je n'y reviendrai pas.
À propos de caméras, je souhaiterais évoquer le rôle d'appoint que peut jouer la vidéosurveillance.
Depuis la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, les collectivités publiques n'ont cessé de renforcer les moyens de vidéosurveillance et de considérer cette dernière comme un outil privilégié, jusqu'à la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, qui intensifie le recours à celle-ci.
Cependant, près d'un an après l'entrée en vigueur de cette loi, certains décrets en Conseil d'État relatifs à la vidéosurveillance sont toujours en attente de publication. Je ne peux que regretter ce retard et espérer que ces décrets ne tarderont pas à paraître. Disposez-vous d'informations particulières à ce sujet, monsieur le ministre ?
Enfin, je voudrais vous faire part d'une difficulté que nous rencontrons s'agissant de la formation des policiers municipaux habilités à porter une arme.
En effet, le décret du 24 mars 2000 fixant les modalités d'application de l'article L. 412-51 du code des communes et relatif à l'armement des agents de police municipale prévoit que les agents de la police municipale autorisés à porter une arme de quatrième catégorie reçoivent une « formation dispensée par l'État ou des groupements sportifs agréés », formation correspondant à deux séances d'entraînement et à cinquante cartouches tirées par an.
Or je suis confronté, madame le ministre, monsieur le ministre, aux refus de la gendarmerie comme de la police nationale de former les agents de police municipale, au motif que cela n'entrerait pas dans leurs prérogatives.
Pour conclure, je voudrais souligner, après M. Karoutchi, que, s'il faut poursuivre l'effort réalisé en matière d'investissement pour les commissariats situés dans les grandes zones urbaines, il ne faut pas négliger pour autant les commissariats situés dans les villes moyennes. À cet égard, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les négociations qui ont été engagées à Dole pour aboutir rapidement à la création d'un commissariat digne de ce nom.
Tels sont les différents sujets que je souhaitais aborder sur ce thème de la sécurité, si essentiel pour le bon fonctionnement de notre société et la qualité de notre « vivre ensemble ».
La majorité des membres du groupe du RDSE, y compris moi-même, voteront les crédits de la mission « Sécurité ».
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 complétée par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, le budget « Sécurité » que nous examinons aujourd'hui est aussi le dernier de la présente législature.
C'est donc l'heure des bilans.
Voilà tout juste un mois, lors d'un débat sur une question orale de notre collègue Jean-Claude Peyronnet, nous avons déjà discuté ici même du bilan de la politique de sécurité menée depuis 2002 par la droite.
Les propos que j'ai tenus à cette occasion, comme ceux qui avaient été les miens l'an dernier sur le budget « Sécurité » pour 2006, sont, hélas ! toujours d'actualité.
Ce bilan, votre bilan en matière de lutte contre l'insécurité, sujet dont le Président de la République avait pourtant fait son cheval de bataille lors de la campagne électorale de 2002, est, quoi que vous en disiez, négatif.
Votre échec en matière de sécurité, déjà mis en exergue l'an dernier avec les violences urbaines qu'ont connues certaines villes de France, a été confirmé par les nouvelles flambées de violences qui se sont déroulées voilà quelques semaines.
Ainsi donc, en dépit de l'arsenal législatif que vous avez fait voter à marche forcée depuis 2002 par la majorité parlementaire, on ne peut pas dire que vous ayez réussi à prévenir la délinquance ni la récidive, encore moins à lutter contre l'insécurité.
Les textes sécuritaires et judiciaires, tous plus répressifs les uns que les autres, existent pourtant, qu'il s'agisse de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, de la loi pour la sécurité intérieure, des lois Perben I et II, de la loi sur le traitement de la récidive des infractions pénales, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, et du projet de loi sur la prévention de la délinquance amendé par vos soins à la suite du drame de Marseille, sans parler de la loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.
Ces lois, tout aussi dangereuses pour les libertés fondamentales qu'inefficaces au regard du traitement de l'insécurité, n'ont à l'évidence rien réglé. J'en veux pour preuve, premièrement, que le drame de Marseille n'a pu être évité, deuxièmement, que les violences urbaines continuent, et, troisièmement, que les violences dans les stades et à l'extérieur de ceux-ci sont en recrudescence.
Toutes vos lois, censées lutter contre l'insécurité et bien trop souvent prises au gré des faits divers, n'auront fait, en définitive, que vous permettre d'occuper le terrain politique, laissant accréditer l'idée selon laquelle le Gouvernement s'occupe de l'insécurité, qu'accentuer la stigmatisation et la discrimination envers les jeunes en général, et ceux issus de l'immigration en particulier, que pénaliser les pauvres gens et aggraver les sanctions pénales.
Regardez les faits en face : en dépit de l'« arsenal de guerre » que vous avez déployé, rien n'y a fait. En dépit de votre autosatisfaction et des tours de passe-passe concernant les chiffres de la délinquance, la réalité vous rattrape.
Vous n'avez pas su prévenir ni même anticiper les événements de novembre 2005 et ceux de novembre 2006. Mais tel n'est sans doute pas votre objectif !
En effet, loin de répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens en matière de sécurité, votre politique pénale axée essentiellement sur la répression se révèle pour ce qu'elle est : injuste et inefficace.
Chacun sait pourtant que la répression seule ne suffit pas. Vous aurez beau multiplier les réformes pénales, augmenter autant que vous voudrez le quantum des peines, accroître le nombre de places en prison, rien n'y fera si l'on ne replace pas la répression - elle est, certes, nécessaire - au sein du triptyque « prévention-dissuasion-sanction/réparation », si l'on ne met pas en oeuvre une politique économique et sociale digne de ce nom.
En ne traitant pas les causes profondes de la violence, celles qui font notamment le terreau de la délinquance comme le chômage, la précarité, l'échec scolaire, la dégradation de l'habitat, la suppression des services publics de proximité, les inégalités sociales, la ségrégation, en n'apportant pas les réponses adéquates aux problèmes des quartiers populaires pourtant posés avec force à l'occasion des violences urbaines, en ne proposant que des réformes pénales répressives, vous conduisez le pays dans une impasse très dangereuse. Il s'agit là d'une véritable fuite en avant qui ne mène nulle part !
Le budget « Sécurité » pour 2007 est malheureusement loin d'inverser la tendance observée, tant les orientations qu'il contient privilégient encore la répression et l'enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance et de la dissuasion.
Mais j'oubliais que vous avez une autre façon de lutter contre la délinquance : il s'agit de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine...
...en accentuant un peu plus encore les contrôles concernant notamment les mariages mixtes, l'accueil des étudiants étrangers, les procédures d'asile.
Si nous avions encore des doutes sur un éventuel amalgame opéré par le Gouvernement entre immigration et délinquance, nous n'en avons plus !
Votre budget consacre cette année encore l'essentiel de son augmentation au chantier de la lutte contre l'immigration clandestine.
Voyez les chiffres : l'objectif gouvernemental de 28 000 reconduites à la frontière en 2007 - uniquement pour la métropole - et l'augmentation significative du nombre de places en centres de rétention administrative, les CRA, pour les porter à 2 400 à l'été 2008, induisent pour la lutte contre l'immigration clandestine un montant de dépenses de fonctionnement de 107, 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 91, 228 millions d'euros en crédits de paiement !
À cela, il convient d'ajouter les crédits d'investissement qui couvrent les coûts de construction des CRA - 21, 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4, 5 millions d'euros en crédits de paiement - et les coûts de développement des systèmes d'information destinés à la lutte contre l'immigration clandestine et au contrôle aux frontières.
Il est clair que, au lieu de construire des commissariats qui font tant défaut dans certaines communes, vous préférez bâtir des centres de rétention administrativepour y placer les immigrés en situation irrégulière avant de les renvoyer chez eux, pour un montant qui s'élève à 1 801 euros par éloignement ! C'est un choix que, pour ma part, je ne peux accepter.
La répartition géographique des commissariats et des effectifs entre communes est, à nos yeux, une question essentielle.
Il est évident qu'il faut revoir la répartition des effectifs de police sur le territoire, qui est inchangée depuis cinquante ans, cesser d'affecter dans les quartiers les plus difficiles les jeunes fonctionnaires de police tout juste sortis de l'École de police et fidéliser ceux qui, par leur expérience de terrain, ont acquis une bonne connaissance des quartiers les plus difficiles.
À ce titre, j'ai bien noté l'arrivée au 1er décembre de 300 gardiens de la paix stagiaires dans mon département, la Seine-Saint-Denis. Cela dit, vous avouerez que cette augmentation des effectifs aurait dû intervenir plus tôt compte tenu de l'évolution de la délinquance dans ce département, délaissé depuis trop longtemps par l'État dans tous les domaines : école, habitat, emploi, services publics de proximité...
Mais plus que l'augmentation du nombre de policiers, ce sont surtout les missions de service public de la police nationale qu'il faut revoir.
En effet, la France étant le pays le plus policé d'Europe avec ses 180 000 policiers, dont 13 000 CRS, ses 90 000 gendarmes, dont 10 000 gendarmes mobiles, sans compter ses 25 000 policiers appartenant à la police municipale, le problème qui se pose n'est pas tant de connaître le nombre de policiers que de savoir à quoi ils servent.
Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion.
Il faut arrêter la culture du chiffre, la rentabilité à tout prix, le détournement de statistiques et cette politique du rendement axée sur la seule répression ; cette attitude est dangereuse pour tous et fait peser sur les forces de l'ordre une forte pression hiérarchique, sans parler d'une course aux résultats qui est loin de ressembler à une saine émulation !
D'ailleurs, permettez-moi de souligner ici le mécontentement qui gagne les forces de l'ordre en sous-effectif chronique dans les zones dites sensibles, qui se font agresser sur le terrain et paient ainsi, d'une certaine manière, le prix des propos tenus par leur ministre de tutelle. Les résultats des dernières élections professionnelles en sont d'ailleurs une flagrante illustration.
Il faut arrêter la surenchère sécuritaire qui est contre-productive et dangereuse pour tout le monde.
Pour ma part, je pense qu'il faudrait ouvrir un grand débat public sur l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques.
Si le maintien de l'ordre est nécessaire, ce ne peut cependant pas être l'unique voie à suivre en matière de sécurité. On ne réglera rien uniquement avec les brigades anti-criminalité, ou BAC, les CRS, et les groupements d'intervention régionaux, ou GIR !
Il faut rétablir une police de proximité avec des missions de service public, en y apportant bien évidemment certaines adaptations au regard de l'expérience passée. En ce sens, chacun doit se rappeler tout l'intérêt du travail de l'îlotage. Mais vous avez préféré vider cette police de proximité de son sens pour la remplacer par les GIR, les BAC et les CRS.
Je l'affirme une nouvelle fois, nous avons besoin d'une police républicaine, respectée et dont les agents soient formés.
Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen. À cet égard, il est indispensable de retisser le lien entre le citoyen et la police, qui s'est évanoui en même temps que disparaissaient les adjoints de sécurité, et de mettre à nouveau en place un travail de discussion avec les associations de locataires, les groupements sportifs et culturels.
Ces objectifs ne peuvent être atteints avec votre budget, qui continue de privilégier la culture du chiffre, donc la seule répression. J'en veux pour preuve la prime de résultats exceptionnels qui passe de 10 millions d'euros en 2005 à 15 millions d'euros en 2006, pour atteindre 20 millions d'euros en 2007.
Vous le savez, nous sommes profondément opposés à cette prime qui, versée en guise de récompense, n'en constitue pas moins une véritable incitation à « faire du chiffre », comme s'il s'agissait d'objectifs commerciaux alors même que sont en jeu les libertés individuelles et publiques. C'est le statut de la fonction publique qui risque, à terme, d'être remis en cause.
Telles sont les observations que je tenais à formuler sur le budget « Sécurité » pour 2007 contre lequel, vous l'aurez compris, ...
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'avais encore un doute !
Sourires
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la dernière année de la législature. Nous examinons donc aujourd'hui le dernier budget « Sécurité » du gouvernement actuel. Il peut être l'occasion de se tourner sur l'action accomplie depuis quatre ans et d'évaluer la situation à l'issue de cette période, avec ces cinq budgets.
Monsieur le ministre, vous vous targuez toujours de résultats formidables depuis 2002.
Pas moins de onze lois ont émané du ministère de l'intérieur ou de la justice, accompagnées à chaque fois de l'assurance que chaque nouveau texte allait tout régler.
La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, les trois lois Perben, la loi pour la sécurité intérieure, les deux lois sur l'immigration, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et une autre loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives... Et nous attendons le texte qui, enfin, permettra de prévenir toute délinquance !
Vu l'arsenal législatif dont dispose aujourd'hui la France, nous devrions vivre dans le pays le plus sûr du monde. Français, dormez tranquilles !
Malheureusement, que constate-t-on ?
En dépit de l'habileté et de l'intensité des discours, vous n'avez rien réglé, le discours du retour à l'ordre est contredit par la réalité.
M. Charles Gautier. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. En cinq ans, vous n'avez fait qu'attiser le feu. Vous avez cassé la police de proximité. Vous avez vidé les quartiers les plus en difficulté des forces de police, au bénéfice des beaux quartiers.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Pourtant, malgré ses imperfections, le système mis en place antérieurement commençait à produire certains effets encourageants.
Monsieur le ministre, en cinq ans, vous n'avez en réalité fait qu'augmenter la défiance envers l'action politique. Vous avez creusé le fossé entre les jeunes des quartiers et les forces de l'ordre. Vous avez monté les communautés les unes contre les autres. Vous avez érigé des frontières entre les générations. Vous avez même dressé les métiers de la sécurité les uns contre les autres. N'a-t-on pas assisté à une bataille rangée en plein Paris entre policiers et pompiers ?
Même dans les stades, la violence revient, jusqu'à endeuiller les manifestations sportives.
La loi du 5 juillet 2006, sur laquelle nous vous avions pourtant suivis, n'est toujours pas mise en oeuvre, du fait de l'absence des décrets d'application !
Les épisodes de flambée de violence se sont multipliés depuis deux ans : tout d'abord, en mars 2005, de jeunes manifestants contre la loi « Fillon » ont été agressés par d'autres jeunes venus des banlieues parisiennes ; puis, en octobre et novembre 2005, trois semaines d'émeutes ont eu lieu dans les villes les plus défavorisées de France. L'état d'urgence a même été décrété ; ensuite, de jeunes casseurs ont agressé violemment les manifestants contre le contrat première embauche, ou CPE.
Les tensions sont de plus en plus vives dans les quartiers, surtout lorsque, pour seule réponse, le Gouvernement leur envoie des cars de CRS, ce qui ne résout rien !
Comment expliquez-vous ces violences ? Comment expliquez-vous que les maires de banlieues, de droite comme de gauche, se plaignent d'une baisse continue des effectifs des personnels de sécurité dans leur ville ?
Monsieur le ministre, vous prônez par-dessus tout la rupture, ai-je cru comprendre.
Pourtant, la seule qui soit d'actualité, c'est la rupture entre les citoyens abandonnés et ceux qui sont privilégiés, entre les quartiers abandonnés et les quartiers privilégiés.
Vous prenez de gros risques, là ! Je serais plus modeste, à votre place !
Les commissariats de quartier sont vidés ou fermés ! Les quartiers sont surveillés depuis leur périphérie par les cordons de CRS multipliant les opérations de contrôle aux entrées et sorties, stigmatisant ainsi toute une population.
Même les policiers se rendent compte de votre échec.
Ne parlez pas à la place des policiers !
Tous ceux que nous avons auditionnés, et ils sont nombreux, nous ont dit que la violence n'avait jamais été aussi importante dans les quartiers de nos grandes villes.
Nous ne rencontrons pas les mêmes, alors !
C'est sans doute la raison pour laquelle, chez les gardiens de la paix comme chez les officiers, l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA, est arrivée en tête aux récentes élections professionnelles, déstabilisant ainsi les syndicats réputés proches de vos idées.
L'UNSA est un syndicat proche de vous ?
J'y vois une défiance à l'égard de votre action durant ces quatre dernières années.
Les policiers ne comprennent pas votre politique du chiffre...
Vous faites de la politique syndicale ?
Je le répète, les policiers ne comprennent pas votre politique du chiffre, qui ne se traduit par aucune amélioration ni des conditions de travail des policiers ni de la vie dans les quartiers les plus difficiles.
Vous n'avez réussi, en quatre ans, qu'à créer de la défiance. Cette dernière entraîne une surenchère de la violence et de la peur.
Or il faudrait envisager des solutions à long terme, envisager, comme pour l'environnement, la sécurité durable, selon l'expression de Michel Marcus, délégué général du Forum européen pour la sécurité urbaine.
Nous devons cesser de nous arrêter seulement aux chiffres. Il importe d'envisager un changement plus en profondeur, plus long à réaliser certes, mais passant par l'amélioration des conditions de travail des agents de la force publique dans leur ensemble, permettant de mieux accueillir, de mieux prévenir et de mieux intervenir.
Ces améliorations permettront enfin d'assurer un service public de sécurité de qualité.
Aujourd'hui, on peut le dire, vous êtes discrédités, et ce projet de budget ne changera rien à l'affaire. Nous devrons donc reparler de tout cela pendant la campagne électorale qui démarre et très certainement encore plus ultérieurement, avec des interlocuteurs qui auront enfin à coeur de respecter les populations qu'ils veulent protéger.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité est un sujet très concret, qui concerne tous les Français, sans exception, dans leur vie quotidienne.
Le drame de l'autobus de Marseille et la mort d'un jeune homme après un match au Parc des Princes sont venus nous rappeler la gravité des faits qui se déroulent sous nos yeux.
Mais au-delà de ces événements largement médiatisés, de nombreux Français sont également confrontés à des actes de violence qui rendent insupportable leur quotidien et conduisent à exacerber les tensions entre nos concitoyens.
Dans le projet de budget pour 2007, les crédits de la mission « Sécurité » s'élèvent à près de 15, 7 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse de 2, 6 %.
Si nous ne pouvons que nous féliciter de cet effort financier en faveur de la politique de sécurité, nous devons également nous interroger sur l'utilisation de ces crédits.
À cet égard, je veux saluer deux actions dans le cadre du budget pour 2007.
La première, qui a déjà été soulignée à l'occasion de l'examen des crédits d'une autre mission, concerne la lutte contre l'immigration clandestine.
Ce phénomène n'est pas à sous-estimer. L'augmentation de 28 % des crédits qui lui sont consacrés montre bien d'ailleurs qu'il s'agit d'une priorité pour le Gouvernement.
Avec un total de 687 millions d'euros, ces crédits sont parfaitement justifiés, même s'ils ne suffiront malheureusement pas à endiguer le phénomène, en particulier dans les départements d'outre-mer, dont la situation à cet égard a été longuement évoquée voilà quelques instants par M. le ministre de l'outre-mer.
Je tiens néanmoins à souligner l'effort qui est fait en la matière et je forme le voeu que nous puissions trouver, conjointement avec les services de police et de gendarmerie, les moyens de répondre à ces flux d'immigration clandestine, souvent massifs et s'expliquant par bien d'autres raisons que les contraintes administratives et de police.
Le second point que je salue, à l'instar de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, a trait aux progrès considérables accomplis par la police technique et scientifique.
Ils sont le résultat des efforts budgétaires importants qui y sont consacrés depuis plusieurs années.
Particulièrement sensible à la protection des libertés individuelles, la commission des lois du Sénat est très satisfaite lorsqu'elle constate le passage d'une culture de l'aveu et du témoignage à celle de la preuve.
Les résultats spectaculaires du fichier national automatisé des empreintes géniques, le FNAEG, s'agissant de la lutte non seulement contre le grand banditisme ou la grande criminalité mais aussi contre la petite délinquance, sont un réconfort pour ceux qui participent au travail de la justice.
Ce fichier a une autre incidence qu'il convient de souligner : il permet d'innocenter des personnes qui subiraient les foudres de la justice à tort, ce qui s'est malheureusement produit en maintes occasions.
Nous espérons ainsi voir diminuer le nombre d'erreurs judiciaires. Ne serait-ce que de ce point de vue, la police technique et scientifique est donc une bonne chose.
D'ailleurs, le taux d'élucidation des crimes et délits est en hausse, et les juges et magistrats sont considérablement confortés par ces moyens utilisés, parmi d'autres dispositifs, par la police et la gendarmerie.
Pour autant, ces moyens ne dispensent évidemment pas les services de police et de gendarmerie de mener une enquête complète, et encore moins le juge d'instruction de procéder par une instruction à charge et à décharge.
Permettez-moi d'évoquer à présent deux problèmes qui nous tiennent à coeur.
Tout d'abord, sans vouloir polémiquer sur les statistiques, une tendance lourde nous inquiète : il s'agit de l'augmentation importante et continue des crimes et délits contre les personnes. Durant le premier semestre de 2006, ces derniers ont malheureusement progressé de plus de 5 %, accentuant ainsi une tendance que nous avions observée ces dernières années. Force est de constater la croissance des vols avec violence et des atteintes volontaires à l'intégrité physique.
C'est une situation que nous ne pouvons accepter et que nos concitoyens, dans leur majorité, ne tolèrent pas ! Il y a ainsi des réactions très vives à cet égard.
Même si les atteintes aux biens sont en diminution manifeste depuis plusieurs années et si les chiffres globaux de la lutte contre la délinquance présentent des aspects satisfaisants, nous ne pouvons que vous interpeller sur ce problème, monsieur le ministre. Nous attendons par conséquent une réponse de votre part.
Par ailleurs, il existe un problème quant à l'âge des policiers envoyés dans les quartiers difficiles - ce sujet a d'ailleurs été évoqué par M. Barbier tout à l'heure.
Nombre d'élus locaux rapportent que trop de policiers jeunes et peu expérimentés sont affectés dans ces quartiers. J'imagine que ce n'est pas, à l'évidence, le résultat d'une décision du ministère de l'intérieur !
Certes, la jeunesse apporte certaines convictions et témoigne d'un engagement fort et d'une foi dans la mission de policier, mais le manque d'expérience peut être préjudiciable et, surtout, conduire à décourager très vite ceux qui s'étaient engagés au service de leurs concitoyens. D'ailleurs, comme cela a été excellemment souligné tout à l'heure, c'est au moment où ces jeunes policiers commencent à connaître le quartier dans lequel ils évoluent qu'ils demandent une nouvelle affectation.
Or il importe que les policiers aient une bonne connaissance du quartier dans lequel ils travaillent et qu'ils soient à même d'identifier ceux à qui ils ont affaire. La présence durable, la fidélisation du personnel policier sur un secteur contribue à faire baisser les tensions sur le terrain.
Dès lors, que faut-il faire ? Le mécanisme des primes ne suffit pas à atteindre cet objectif. En effet, après les « professeurs TGV », les « policiers TGV » ont fait leur apparition : ils vont travailler trois ou quatre jours sur le site en question, où ils occupent des logements temporaires, et retournent chez eux une fois la mission accomplie.
Ce mode de vie, qui existe aussi dans le monde médical, est peut-être inhérent aux contraintes de notre époque.
Il n'en reste pas moins que nous nous devons de lutter contre le nomadisme de ces personnels de police, qui risque de s'accentuer dans les prochaines années : peut-être en aidant à leur sédentarisation, soit en facilitant les locations dans un parc locatif correct, soit en favorisant leur accession à la propriété, ou tout simplement, pour répondre à certaines de leurs revendications à cet égard, en leur attribuant des places de crèche, puisqu'ils sont nombreux à avoir ou à souhaiter avoir des enfants. Efforçons-nous, surtout, de leur donner envie de rester dans ces quartiers, plutôt que d'attendre impatiemment le terme de la période de cinq ans pour les quitter.
Tels sont, monsieur le ministre, les deux sujets de préoccupation sur lesquels je vous remercie par avance de bien vouloir me répondre.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Sécurité ». Avant d'aborder ces derniers, je souhaite évoquer le contexte dans lequel nous allons - ce n'est pas une révélation - les adopter.
À cet égard, je veux saluer le bilan et la réussite de la politique volontariste conduite par Nicolas Sarkozy et par vous-même, monsieur le ministre, en dépit de l'incrédulité initiale de certains. Cela couronne d'abord le succès d'une méthode !
Au temps des formules péremptoires sur le « tout éducatif » ou le « tout répressif » a succédé le temps de l'action et du pragmatisme. Ne l'oublions jamais, voilà seulement quatre ans, un dimanche soir d'avril, nos compatriotes nous adressaient un message d'une clarté absolue.
Ceux qui, par angélisme ou « naïveté », ont voulu faire croire que l'insécurité était pour le moins un « sentiment » ou tout au plus « un fantasme » ont payé chèrement ce soir-là le refus systématique et idéologique d'appréhender la réalité sociale et l'insécurité quotidienne que subissent tous les Français.
Quoi qu'en pensent les « beaux esprits » qui s'arrogent le rôle de censeurs de notre action, les seuls juges sont nos concitoyens. Et ceux-ci sont satisfaits ! En effet, au-delà du seul chiffre implacable de 9 % de baisse de la délinquance depuis 2002, alors que celle-ci avait augmenté de 16 % pendant les années Jospin, le sentiment d'insécurité, lui aussi, recule.
Quelles sont les raisons de cette réussite ?
Premièrement, monsieur le ministre, vous avez replacé la victime au centre de votre action. Il n'est pas normal en effet d'accorder plus de droits, d'attention et de respect aux délinquants qu'aux victimes. La victime est toujours le parent pauvre des réformes de la justice pénale alors même que c'est elle qui devrait alimenter nos réflexions.
Deuxièmement, vous vous êtes attaché à restaurer l'autorité, le prestige et la dignité des forces de sécurité intérieure. Être policier ou gendarme est presque un sacerdoce. Leur action repose sur la foi du bien-fondé de leur mission. Mépriser ou affaiblir leur action, c'est émousser leur détermination. À l'heure où poignent des velléités d'enregistrer les gardes à vue, jetant ainsi le discrédit sur leur travail, je ne peux que m'inquiéter des conséquences sur leur motivation, et donc sur le taux d'élucidation. À cet égard, je tiens à saluer le remarquable travail de notre collègue Jean-Patrick Courtois, qui a parfaitement su mettre en évidence la nécessité de respecter le travail de ceux qui ont fait le choix de nous protéger.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous avez dépassé les vieux antagonismes idéologiques en associant prévention et sanction. Vous n'avez eu de cesse d'appliquer ce principe. Avec pragmatisme, nous avons jeté aux orties les vieilles théories pour apprendre à conjuguer toutes les facettes de l'action publique.
C'est particulièrement vrai avec la justice des mineurs. La commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, l'avait d'ailleurs mis en évidence. Dans son rapport, elle affirmait que la délinquance des jeunes était non pas un fantasme, contrairement à ce que certains voulaient faire croire, mais une réalité.
Cette délinquance se caractérise par ce que j'appelle les « trois plus » : elle est plus importante - les actes de délinquance des jeunes ont augmenté de 80 % depuis 1994 -, elle est plus violente - les actes de violence ont été multipliés par dix entre 1998 et 2002 - et les auteurs de ces actes sont de plus en plus jeunes, la moitié d'entre eux étant âgés de moins de seize ans. En un mot, la délinquance de l'an 2000 n'a plus rien à voir avec celle de 1945.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Les raisons sont multiples.
L'une des raisons majeures est liée à l'insuffisance, à la défaillance, voire à la faillite des trois cercles de proximité qui structurent notre société autour du jeune : la famille, l'école et le tissu associatif. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous les conséquences de cette faillite.
Cette défaillance des trois cercles de proximité, certains jeunes l'ont parfaitement intégrée et s'en prennent aujourd'hui au cercle suivant, à savoir le quartier ou la ville ; la crise des banlieues en a d'ailleurs été l'illustration.
Pour restaurer l'autorité de l'État, il faut adresser des signaux forts. Cela passe notamment par trois axes.
Premier axe, il faut être ferme sur le principe du respect de la loi. Il est impératif que les coupables soient jugés pour les infractions commises : un incendie volontaire d'un bus ou l'aspersion d'essence d'une personne handicapée, ces actes fussent-ils perpétrés par des mineurs, sont des homicides et doivent être sanctionnés comme tels.
Deuxième axe, la minoration de peine pour un jeune ne doit pas pour autant se transformer en excuse de minorité. La sanction doit être rapide afin d'être comprise par le délinquant, par la victime et par la société.
Troisième axe, il faut responsabiliser tous les acteurs. Si la justice des mineurs n'est pas particulièrement laxiste, elle reste cependant trop erratique. Les réponses pénales ne sont ni suffisamment claires, ni progressives, ni assez rapides, ni même quelquefois mises en oeuvre.
Je conclurai en indiquant que je suis satisfait par les crédits de la mission pour 2007. En effet, sans moyens pour les mettre en oeuvre, ces principes ne sont rien. Or, pour la cinquième année consécutive, les engagements de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, sont respectés. De mémoire, je ne peux pas citer d'autre exemple de plan quinquennal intégralement respecté. C'est pourtant ainsi qu'il faudrait procéder !
Nicolas Sarkozy l'a indiqué jeudi soir dernier : « Il faut sans doute promettre moins, mais tenir plus ce qu'on dit ». Tel est le cas aujourd'hui ! Sur cinq ans, les engagements ont été respectés et les résultats sont au rendez-vous, ce qui est de bon augure pour l'avenir. Nos concitoyens nous en saurons gré.
À l'instar de Roger Karoutchi et de mes autres collègues du groupe de l'UMP, je voterai les crédits de la mission « Sécurité ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en entendant des opinions différentes que l'on parvient finalement à établir un constat objectif de la situation. Ayant travaillé sur la presse et les débats parlementaires sous la IIIe République et entendu des échanges parfois contradictoires, je suis arrivé à la conclusion que c'est ainsi que l'on parvient à connaître la vérité. Je suis sûr qu'il en ira de même avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
La question qui vient tout naturellement à l'esprit en examinant les crédits de la mission « Sécurité » est celle-ci : le Gouvernement a-t-il pris la mesure des difficultés rencontrées depuis les événements de l'automne 2005 ?
Les causes de l'insécurité grandissante - rien n'indique au demeurant qu'elles disparaîtront - sont connues et viennent de loin. En l'occurrence, nous nous accorderons tous ici à relever la pauvreté et la précarité, l'exclusion de catégories de la population de plus en plus nombreuses, la déshérence culturelle, l'échec scolaire ou l'absence de débouchés pour ceux - nombreux pourtant - qui ont réussi, les discriminations, donc la formation durable dans notre pays de poches de pauvreté avec la révolte et la désespérance de tant de gens enfermés, à l'écart de notre société.
Mes chers collègues, la seule question qu'il importe au fond de se poser est la suivante : le Gouvernement a-t-il choisi la politique qui permettrait de faire reculer la misère ? Tout se tient, en effet : la politique économique et sociale et, au bout de la chaîne seulement, le contenu des missions de sécurité. Je vous laisse donc juge !
Les lois répressives se succèdent, exacerbant les tensions et le sentiment de ciblage qu'éprouve une partie de nos compatriotes. Or cette frénésie législative ne règle rien, bien au contraire.
Les orientations budgétaires que vous défendez, monsieur le ministre, ne vont rien arranger non plus. La répartition des crédits destinés à la police nationale pour 2007 ne permettra pas de regagner le terrain perdu dans les quartiers dits sensibles.
Le ministre de l'intérieur s'obstine à refuser de laisser sa part à la prévention, à la présence et au dialogue, à l'alerte - appelez cela comme vous voudrez -, à la proximité, au vivre et agir au milieu des habitants, préférant privilégier l'investigation, si possible spectaculaire et médiatisée, qui ne résout rien durablement, qui abandonne ensuite les habitants de quartiers entiers aux pires déboires, qui provoque à leur encontre troubles, menaces ainsi qu'amalgames injustes et dangereux.
L'investigation ponctuelle, voire répétée, est bien sûr nécessaire, mais elle ne dispense pas, bien au contraire, d'une présence permanente des forces de police dans certains quartiers, tard le soir et parfois vingt-quatre heures sur vingt-quatre, afin d'assurer la tranquillité, de faire reculer le sentiment de peur et la délinquance au quotidien.
Et quand la situation est devenue intenable, faute de prévention et d'anticipation, le Gouvernement en a été réduit à faire intervenir CRS et gendarmes mobiles dans un climat quasi guerrier. Hélas ! il était trop tard.
En outre, l'encadrement continu de certains quartiers par des unités de CRS, auxquelles ordre est donné de procéder à des contrôles d'identité répétés souvent ressentis comme des contrôles au faciès, accroît le sentiment d'exclusion et d'humiliation dans un corps social malade.
Monsieur le ministre, la police de proximité, qui insupporte votre collègue ministre de l'intérieur, avait commencé à rétablir un lien et un dialogue avec les jeunes. Mais par idée préconçue, par rigidité et dogmatisme, il l'a cassée. Ce projet de budget démontre qu'il entend persévérer.
Le souhait du Premier ministre de voir s'établir une police « de tranquillité publique », « en contact régulier avec la population, les commerçants, les familles, les gardiens d'immeubles et les responsables d'associations », restera donc lettre morte. Du moins le Premier ministre, lui, aura-t-il lu le récent rapport de la mission commune d'information du Sénat sur les quartiers en difficulté, s'intitulant Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers.
Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, contrairement à son titre, est porteur d'un nouvel arsenal répressif. Agressif et sans nuance, il va creuser davantage le fossé entre la police et les pouvoirs publics, d'une part, les jeunes, d'autre part, les élus étant sommés de mettre en oeuvre une politique qu'ils désapprouvent très souvent.
Dans ce climat, la tâche des policiers se trouvera alourdie, les interventions sporadiques et soudaines ne pouvant compenser l'insuffisance des effectifs dans des secteurs où leur présence permanente serait si nécessaire. Ne manque-t-il pas de nombreux fonctionnaires dans le seul département de la Seine-Saint-Denis, pour ne citer que celui-là, où plusieurs communes très peuplées sont encore dépourvues de commissariat ?
En fait, le ministère de l'intérieur, dans des opérations coups-de-poing de plus en plus aléatoires et périlleuses, engage des jeunes fonctionnaires - gardiens de la paix et commissaires - là où il faudrait assurer la présence pérenne de policiers chevronnés, forts de leur expérience et d'une bonne dose d'autorité au meilleur sens du terme.
Mais comment fidéliser les jeunes policiers dans la région parisienne après leur temps d'apprentissage sur le terrain quand le ministère fait si peu pour leur logement, leur accession à la propriété, la mise à disposition de services sociaux indispensables ? Comment faire quand la prime « aux résultats exceptionnels » est souvent attribuée de façon obscure à 10 % des effectifs, quand il n'est toujours rien prévu pour le paiement des heures supplémentaires - elles sont seulement récupérées, et au bout de combien de temps ? -, quand les salaires des gardiens de la paix demeurent médiocres, la prime de risque faible et la fixation de l'âge de la retraite toujours en suspens ?
Bref, à l'angoisse des populations répond le découragement de beaucoup de policiers. Dans le même temps, le divorce se confirme entre les habitants de nos banlieues et la police, qui devrait leur apparaître comme leur police, tandis qu'un autre commence à s'esquisser entre la police et les pouvoirs publics dont vous avez la charge.
C'est pourquoi nous réclamons des effectifs mieux répartis et plus expérimentés. Nous demandons également que des perspectives de carrière valorisantes soient offertes aux jeunes.
Nous savons que la police ne peut réussir seule des missions de plus en plus difficiles. Une coordination doit s'établir sans tarder entre les différents acteurs institutionnels. Or, le ministre de l'intérieur, en dénonçant un prétendu manque de sévérité chez certains juges vis-à-vis des délinquants ou des lenteurs dues, comme on le sait, au manque de moyens des tribunaux, en opposant les institutions les unes aux autres, comme il l'a fait en septembre, affaiblit indistinctement l'autorité de l'État, qui doit former un tout.
Je veux dire un dernier mot de la situation que subissent certains immigrés.
Dans les zones d'attente et les centres de rétention administrative, là aussi, la politique du chiffre conduit trop souvent le Gouvernement à enfreindre la déontologie, le respect des droits de l'homme et le respect dû à la loi.
En outre, que dire du sort cruel réservé aux enfants scolarisés des familles de sans-papiers ? Ces dernières vivent dans l'angoisse d'une reconduite à la frontière, alors qu'à la veille des grandes vacances leur avait été promis l'examen de leur cas, promesse bientôt trahie par les quotas fixés par le ministre de l'intérieur.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, faisant fonction de vice-ministre de l'intérieur, ...
M. Louis Mermaz. ... vous comprendrez que nous ne puissions approuver les crédits de la mission dite de « Sécurité ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, écouter les socialistes donner des leçons comme on vient encore de l'entendre, ...
... eux qui ont été les « fossoyeurs » de la sécurité dans notre pays...
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ils pratiquent la méthode globale !
Sourires
M. Philippe Goujon. Tout à fait, il y a des personnes très douées dans cet hémicycle !
Nouveaux sourires
Si la politique consiste à rendre possible ce qui est souhaitable, alors on peut dire que le Gouvernement et sa majorité y sont parvenus en matière de sécurité, tellement les changements ont été notables depuis cinq ans.
Le premier succès de la politique de sécurité menée depuis 2002 tient tout simplement à l'existence même d'une politique de sécurité, ce qui nous change véritablement !
Une nouvelle architecture de la sécurité intérieure, fondée sur la coordination et le partenariat, en particulier à l'échelon local avec les conseils locaux de sécurité et de la prévention de la délinquance, a été mise en place.
La police nationale et la gendarmerie travaillent désormais ensemble alors qu'on nous expliquait depuis toujours que c'était impossible. On en est même à mutualiser les moyens !
Cette unité d'action se traduit également en matière budgétaire, par l'effet de la LOLF, avec la création de cette mission interministérielle unique « Sécurité » dont nous examinons aujourd'hui les crédits.
Quant à la nature de leurs activités, les forces de sécurité sont désormais recentrées sur leurs missions fondamentales, même si des progrès restent encore à accomplir, par exemple pour les extractions de détenus. Un recours accru à la visioconférence devrait y contribuer.
À cet égard, il me semble que notre assemblée pourrait engager une réflexion, peut-être par le biais d'une mission d'information, sur les conditions d'un transfert effectif de ces tâches à l'administration pénitentiaire.
L'emploi des CRS et des gendarmes mobiles a enfin été déconcentré et ceux-ci ont été affectés à des missions de sécurisation. Les effets positifs ne se sont pas fait attendre.
Il nous faudra dépasser le stade de la fidélisation et réfléchir au transfert d'effectifs que je considère comme pléthoriques directement à la sécurité publique, sans omettre pour Paris une réflexion sur un meilleur engagement de la garde républicaine au profit de la sécurité des Parisiens.
Je dirai un mot sur le débat concernant la police de proximité, puisque c'est un thème récurrent.
N'oublions pas que c'est sous le gouvernement d'Édouard Balladur, lorsque Charles Pasqua était ministre de l'intérieur, qu'a été adoptée la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, qui a permis de passer d'une police d'ordre à une police de proximité.
Absolument ! Et les socialistes l'ont supprimée !
M. le ministre a évidemment raison, par nature et par fonction !
Si sa mise en place n'a pas eu les effets escomptés, c'est que les moyens nécessaires ont manqué - rien qu'à Paris, il manquait 1 000 hommes ! -, que la théorie du policier généraliste, idéalisée au colloque de Villepinte, s'est révélée être un mythe et que la police judiciaire a été sacrifiée.
La meilleure démonstration de l'échec de la police de proximité, la « polprox », version socialiste, c'est que la délinquance a augmenté de 15 % entre 1997 et 2002. Voilà qui devrait nous garder de tout intégrisme !
Il fallait revenir à l'efficacité, comme à Marseille où c'est la brigade anticriminalité qui a permis de retrouver en trois jours les agresseurs de la jeune femme brûlée vive dans un bus.
Comme l'a exposé excellemment M. le rapporteur, pour la première fois, une loi de programmation ambitieuse aura été respectée jusqu'au bout.
Les créations d'emplois sont au rendez-vous. La réforme des corps et carrières a permis d'étoffer l'encadrement intermédiaire. C'était indispensable.
Les indicateurs d'activité de la police - la culture du résultat n'y est pas étrangère - se sont tous considérablement améliorés. Ainsi, en 2005, un fait sur trois a été élucidé contre moins d'un fait sur quatre en 2002. Depuis 2002, la délinquance générale a reculé de près de 9 % et celle de voie publique de plus de 23 %.
À Paris, les résultats sont encore plus spectaculaires : au mois d'octobre 2006, il y a eu presque moitié moins de délits de voie publique qu'au mois d'octobre 2001, et le résultat s'est établi à son niveau le plus bas depuis vingt ans !
Grâce à la création du SRPT dont a parlé mon collègue Roger Karoutchi, la délinquance dans le métro et le RER a encore chuté de 12, 5 % au cours des douze derniers mois.
Toutefois, la délinquance connaît des mutations. Les violences aux personnes, même si elles progressent beaucoup moins qu'entre 1998 et 2002, période au cours de laquelle elles avaient augmenté de 42 %, doivent être traitées absolument en priorité.
C'est plus spécifiquement le cas pour les violences non crapuleuses commises dans la sphère familiale, très difficiles à appréhender par la police étant donné qu'elles se produisent dans des lieux où cette dernière n'intervient traditionnellement pas.
L'effort doit donc aujourd'hui porter sur ces violences intrafamiliales et conjugales. Les dispositions dont le Sénat est à l'origine et celles qui sont contenues dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance permettront de combattre plus efficacement ces violences par l'accueil et l'accompagnement des victimes aussi bien que par le suivi des auteurs, dont vous faites, monsieur le ministre, l'un des axes majeurs de votre politique.
Si le volume des forces de sécurité est important, en particulier avec la consolidation des 2 000 emplois d'adjoints de sécurité recrutés en 2006, la fidélisation, à Paris et en région d'Île-de-France - j'insiste sur ce point -, demande des mesures fortes, indemnitaires, statutaires et sociales.
À ce propos, monsieur le ministre, quel bilan dressez-vous du partenariat avec la Mairie de Paris en matière de crèches et de logements ?
Un autre sujet me tient particulièrement à coeur : celui de la « vidéo-tranquillité ».
M'appuyant sur l'exemple de Strasbourg, où cette pratique a permis de réduire la délinquance de 50 % dans les secteurs où elle a été mise en oeuvre, et tirant les enseignements des attentats de Londres, où la police dispose de plusieurs dizaines de milliers de caméras, contre 295 caméras à Paris, je puis affirmer que la vidéosurveillance représente un enjeu majeur pour la sécurité de la capitale.
Qu'en est-il du projet d'équipement de 1 000 caméras en cinq ans et de la participation de la Mairie de Paris à ce programme ?
La Ville de Paris pourrait déjà consacrer les 3 millions d'euros qu'elle attribue au PSG à l'amélioration des équipements vidéo et de sécurité au Parc des Princes et aux alentours !
De façon générale, en matière d'aide à la police, le département de Paris pourrait utilement s'inspirer de celui des Alpes-Maritimes.
Enfin, les conditions de circulation dans la capitale sont tellement dégradées, résultat d'un intégrisme incompréhensible, qu'il est urgent de donner à la préfecture de police les moyens d'y faire face, en renforçant les effectifs des compagnies de circulation dissoutes en 2001 et en affectant des Agents de surveillance de Paris « circulation » dans les arrondissements.
La sécurité, mes chers collègues, premier devoir de l'État, était la priorité de ce gouvernement, répondant ainsi aux aspirations légitimes des Français.
L'objectif a été atteint avec un million de victimes de moins depuis 2002.
Au-delà des polémiques stériles, l'enjeu est bien là, et c'est ce qui importe finalement pour nos concitoyens !
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, il est exact que vos statistiques indiquent une baisse globale de la délinquance. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Toutefois, les crimes et les délits contre les personnes depuis que vous êtes au gouvernement progressent de près de 17 %, ce qui est énorme au regard des mesures annoncées et prises !
D'ailleurs, le sentiment d'insécurité grandit dans la population.
Il y a donc un décalage, monsieur le ministre, entre vos résultats et ce que ressentent les Françaises et les Français. Ces derniers sont traumatisés par les formes nouvelles que revêtent les agressions.
Les agresseurs, de plus en plus jeunes, évoluent vers plus de violence. De plus, à l'agresseur isolé se substitue le groupe, voire le commando, qui organise des guets-apens contre les sapeurs-pompiers et, nouveauté sous votre gouvernement, contre la police !
Cette escalade inquiétante atténue donc la portée de vos statistiques. Il serait d'ailleurs éclairant, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez comment ces statistiques sont élaborées.
Par exemple, si dix agresseurs s'en prennent à deux sapeurs-pompiers, de quoi s'agit-il : de deux agressions, de dix agressions multipliées par deux, ou d'une agression ? Suivant ce que l'on prend en compte, bien sûr, les résultats obtenus sont tout à fait différents !
Ce sont les mêmes modes de calcul depuis 1972 !
Ce simple exemple souligne la valeur relative, donc contestable, des statistiques dans un domaine où la réalité est complexe et peu facile à traduire en chiffres.
Les statistiques, monsieur le ministre, ont donc leurs limites. Le tout répressif a également ses limites, et il les a atteintes, hélas !
D'ailleurs, même dans les pays les plus répressifs, à toutes les époques, dans les pays les plus féroces en matière de sanctions, là où les châtiments se déroulent en public, les criminels et les voleurs n'ont pas pour autant disparu !
Monsieur le ministre, si vous êtes profondément persuadés que la sanction aggravée, la condamnation alourdie sont suffisantes pour faire baisser de manière importante la criminalité, ...
Vous avez raison : il faut les récompenser et les remercier !
... je crains que vous ne proposiez bientôt de revenir sur l'abolition de la peine de mort !
La répression-sanction ne doit pas effacer la valeur irremplaçable de la prévention. Je suis intimement convaincu qu'il faut user des deux, en accordant toutefois une priorité à la prévention.
Or vous avez mis la prévention entre parenthèses. Ce qui manque, c'est la formation, l'éducation du citoyen. Le respect de l'autre n'est pas inné, il s'apprend. L'assemblée générale des Nations unies n'affirme pas autre chose dans sa résolution 53/25 adoptée à l'unanimité, et donc par la France.
Cette résolution proclame la décennie 2001-2010 décennie internationale de la promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde.
Cette résolution invite tous les États membres, dont la France, à prendre les mesures nécessaires pour que la pratique de la non-violence et de la paix soit enseignée - enseignée et non pas imposée ! - à tous les niveaux de la société, dans chaque pays.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il commencé à appliquer cette directive qu'il a votée ? Je pense que non ! Vous avez même fait tout le contraire ! Vous avez affaibli ou supprimé les structures et les organisations, qui contribuaient à la formation du citoyen. Vous avez réduit le nombre d'éducateurs. Vous avez diminué ou supprimé les aides aux associations de quartier. Vous avez supprimé le service militaire, qui aurait dû être un creuset d'intégration et un cadre pour la formation citoyenne. Vous avez allégé ou supprimé la présence permanente des forces de police dans certains quartiers et la présence de la gendarmerie dans le monde rural.
Les communautés de brigades ne permettent plus ce contact du gendarme et de la population. Connaître et être connu est pourtant un élément fondamental de la prévention et de l'intervention. Lorsque le gendarme en patrouille intervient sur le territoire d'une brigade qui n'est pas la sienne, il ne connaît ni les lieux ni les gens.
J'aurais souhaité demander à Mme la ministre de la défense si, comme elle s'y était engagée l'an dernier, elle a fait réaliser un bilan d'étape des communautés de brigades. D'après les informations qui me sont parvenues, il semblerait que tel soit le cas. Mais alors, pourquoi les parlementaires n'en ont-ils pas eu connaissance ?
Les parlementaires, les éducateurs, les associations, services et organisations qui oeuvrent dans le domaine de la justice sont des compléments indispensables à l'action des forces de l'ordre.
Monsieur le ministre, tout seul, vous ne gagnerez pas le combat contre la délinquance. Vous êtes même en train de le perdre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi qu'il ressort de l'excellent rapport de notre collègue Aymeri de Montesquiou, si le caractère interministériel de la mission « Sécurité », rassemblant police et gendarmerie nationales, est désormais une réalité tangible et si l'exemple des groupements d'intervention régionaux, les GIR, constitués à parité de policiers et de gendarmes, illustre bien la mise en application sur le terrain de cette interministérialité, il apparaît également que les dépenses en personnel composent l'essentiel des moyens de la mission, avec 13, 084 milliards d'euros, soit 83, 4 % de la mission.
Pour autant, il est clairement mis en évidence que les moyens supplémentaires ou la réorganisation des forces sur le terrain ne constituent pas une fin en soi, de sorte qu'ils ne sauraient se concevoir que dans un souci de meilleur emploi des effectifs, des crédits et des locaux disponibles.
C'est précisément dans cet esprit que je souhaite évoquer la difficulté posée par la fermeture de plusieurs postes de police au sein de communes et de bourgs suburbains autour de Mulhouse, et ce en raison d'un manque d'effectifs.
À ce jour, il manquerait environ trente fonctionnaires de police.
En effet, d'année en année, force est de constater que les postes vacants ne sont plus pourvus, faute de demandes de mutations sur cette région sensible. L'affectation d'office de jeunes fonctionnaires sortant de l'École demeure très faible et, dans tous les cas, ceux-ci demandent leur changement le plus rapidement possible.
Il en résulte que les postes vacants sur la ville ont été occupés par des fonctionnaires alors en poste sur les sites suburbains, où ils remplissaient un vrai rôle de dissuasion et de prévention de la délinquance, qui, par voie de conséquence, a tendance à glisser vers ces sites dès lors que la présence policière est importante et efficace sur l'emprise de la ville.
On comprend aisément que cet équilibre puisse être définitivement rompu, par insuffisance d'effectifs. C'est la raison pour laquelle mon regard ne peut s'empêcher de se tourner vers ce qui se pratique pour l'administration de la police de Paris et de Versailles, à savoir la gratification d'une indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques, qui se substitue notamment à celle qui est attribuée pour exercice sur poste difficile.
Dans la mesure où tous les critères d'attribution d'une telle prime semblent réunis au regard de la ville de Mulhouse, voire des autres circonscriptions de sécurité publique du Haut-Rhin, je souhaite que puisse être étendue l'application de cette indemnité aux fonctionnaires qui demanderaient leur affectation sur cette région particulièrement délicate, pour ne pas dire difficile.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la bienveillante attention que vous porterez à cette requête, qui n'a d'autre objet que d'apporter une solution concrète aux problèmes rencontrés sur le terrain par les élus que nous sommes et de contribuer à l'instauration d'un climat de sécurité pour nos concitoyens. Ce serait, de surcroît, se situer plus largement dans la même logique que celle qui préside à notre combat pour la prévention de la délinquance.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de joindre mes félicitations personnelles à celles qui ont été exprimées à la fois par les rapporteurs et par les membres de la majorité sénatoriale et d'indiquer que, comme eux, je voterai les crédits de la mission « Sécurité » et des programmes qui la composent.
J'aimerais vous faire part de mes réflexions sur la notion de « sécurité » qui nous est présentée dans le cadre de cette mission, mais également ailleurs.
La notion de sécurité telle qu'elle découle de la réalité de la mission dont nous discutons renvoie à la prévention, la répression et l'encadrement des crimes et délits de toutes sortes, ainsi qu'à la surveillance des frontières, et l'on peut y ajouter les désordres affectant notre société. Ce périmètre me semble intéressant, parce qu'il permet de cerner les actions et les programmes ; mais, en même temps, il est un peu étroit par rapport à la réalité de ce que nous vivons au jour le jour ou que nous risquons de vivre à un moment ou à un autre.
L'interministériel dans cette mission fonctionne bien.
Dans d'autres domaines, malheureusement, je crains que nous n'en soyons pas exactement au même niveau. La sécurité se décline selon différentes directions ; nous avons, hier soir, discuté de sécurité sanitaire et nous discuterons tout à l'heure de sécurité civile. Pour nos concitoyens, la sécurité, à l'évidence, a d'autres dimensions que celles de la mission dont nous parlons en cet instant.
Nous voyons, au fur et à mesure qu'est décliné ce concept, apparaître de nouveaux intervenants : les pompiers, pour la sécurité civile, les hôpitaux, les ambulanciers et toute une série d'associations, pour la sécurité sanitaire. Il y a déjà là un élargissement de la préoccupation sécuritaire.
Au-delà, si l'on réfléchit sur l'intrusion éventuelle dans notre vie de catastrophes naturelles, de catastrophes technologiques qui, malheureusement, constituent une grave menace, du terrorisme, qu'il soit classique, cybernétique, nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique, on voit immédiatement, là encore, apparaître de nouveaux intervenants : l'équipement, le ministère de l'industrie, les services de renseignements.
Il est donc nécessaire d'accroître la coordination entre les différents intervenants éventuellement concernés. Cette coordination doit porter aussi bien sur la réflexion en amont que sur la réponse concrète, c'est-à-dire l'exercice, l'entraînement. Elle doit permettre une conception globale, anticipant la réaction de la population, car, à un moment ou à un autre, toute la population risque d'être concernée, surtout en cas d'actes de terrorisme massif ou de catastrophes technologiques en cascade.
Je prendrai un exemple très précis.
À Toulouse, nous avons eu l'extraordinaire chance que deux ingénieurs aient réussi à convaincre, quelques années avant l'accident d'AZF, la Société nationale des poudres et des explosifs d'enterrer un réservoir de phosgène, alors qu'aucune consigne de sécurité ne l'imposait à l'entreprise. Actuellement encore, des réservoirs de phosgène sont stockés à l'air libre dans notre pays.
Si ces personnes n'avaient pas pris une telle précaution, la catastrophe aurait été d'une tout autre ampleur, le réservoir de phosgène étant enterré exactement à 150 mètres de l'endroit où s'est produite l'explosion de l'usine AZF !
Dans ce type d'accident, la population entière peut se trouver concernée. Or, à mon avis, elle n'est pour l'instant que peu informée et, en tout cas, elle n'est certainement pas incitée à réfléchir au niveau nécessaire. J'en veux pour preuve, en particulier, le système d'alerte, qui, dans l'état actuel des choses, est obsolète ou absent et dont le langage, en tout cas, n'est pas connu des populations qui peuvent être concernées. Il y a là, à l'évidence, un problème majeur.
Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà dit, je voterai les crédits de votre mission, mais je souhaite que l'aspect interministériel, qui s'exerce bien dans le cadre de cette mission, s'exerce mieux dans d'autres cas.
Ayant eu assez souvent l'occasion de réunir des responsables de la sécurité appartenant à l'administration centrale ou décentralisée, ou venant d'entreprises privées, à des niveaux d'ailleurs assez élevés, je me suis aperçu que la communication ne passait pas toujours bien entre eux. Ils n'ont pas tout à fait le même langage et n'ont pas les connaissances réciproques de leurs responsabilités.
À cet égard, je citerai deux exemples malheureusement vécus.
Le premier est l'étiolement du projet de Cambrai qui, actuellement, commence à renaître mais ne sera pas conduit au niveau initialement souhaité.
Le second exemple est lié au Livre blanc sur le terrorisme, qui a été publié par le Gouvernement et remarquablement préparé sous l'égide du Secrétariat général de la défense nationale. Monsieur le ministre, cet ouvrage n'est pas connu de vos propres administrations ! Je m'en suis aperçu lors des colloques que j'ai eu l'honneur d'organiser, voilà quelques mois, à Saint-Denis, où de très hauts responsables de l'administration française présents dans la salle ignoraient jusqu'à l'existence de ce Livre blanc !
L'interministérialité sur la sécurité prise au sens large me semble donc, à l'heure actuelle, fonctionner encore insuffisamment. C'est ce que je voulais dire ce soir, en vous renouvelant encore une fois mon soutien, monsieur le ministre.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit, aujourd'hui ou à l'occasion de précédents débats, notamment par moi-même, sur cette problématique de la sécurité. Je n'y reviendrai donc pas.
J'aimerais toutefois insister sur un point qui me tient à coeur et qui fait actuellement l'objet d'une polémique à mon avis peu constructive : la police au plus près du terrain, une police adaptée à la réalité de nos territoires.
La polémique - je n'y reviens pas - a trait à la police de proximité, expression que je n'emploie pas. Je me demande si l'on ne ferait pas mieux de parler, à l'instar d'autres pays européens, d'une « police de contact ». Sortons de cette vision franco-française qui consiste, en caricaturant les positions mutuelles, à parler d'une police de proximité qui n'aurait pas toujours rempli son rôle, qui n'exercerait pas une vraie mission de police et, à l'inverse, à la réclamer avec force.
Nous n'avons pas suffisamment réfléchi, me semble-t-il, aux missions qui devront tôt ou tard - à mon sens, le plus tôt sera le mieux - incomber à une telle police de contact dans notre pays.
S'agissant de l'emploi des forces, nous voyons bien aujourd'hui que, malgré les efforts accomplis par les personnels de police et de gendarmerie sur le terrain, efforts qu'il faut évidemment saluer, le format des actions menées n'est plus tout à fait adapté à la réalité de nos territoires et de nos quartiers.
De mon point de vue, une stratégie d'implantation durable dans les territoires, y compris dans les plus difficiles, est plus que jamais nécessaire. Mais cela suppose au préalable une définition claire des missions de ces forces. Bien entendu, il faut une approche globale. Cela nous ramène à des débats que nous avons déjà eus et que nous aurons certainement encore, par exemple sur le triptyque « prévention-répression-réparation ». Mais l'enjeu de la discussion ne se limite pas seulement à cela.
La question qui se pose est la suivante : quel type d'intervention policière ces forces doivent-elles opérer ?
Dans le cadre des travaux que j'ai autrefois menés, et que je mène toujours, au sein du Conseil de l'Europe, j'ai eu l'occasion d'observer le fonctionnement des polices de contact dans certains pays européens voisins de la France. Celles-ci sont loin des caricatures que certains en dressent parfois. En réalité, ce sont des polices extrêmement professionnelles, en lien constant avec les différentes polices spécialisées. Elles peuvent d'ailleurs faire appel à ces dernières et disposent pour cela de moyens technologiques perfectionnés, y compris dans les voitures. Ce sont donc des forces adaptées, qui évoluent au plus près du terrain. Les citoyens le savent d'ailleurs fort bien.
Bien entendu, dans l'idée de police de contact, il y a également une dimension de dialogue et de connaissance du terrain. Il s'agit de connaître et d'être connu. Mais le rôle de cette police ne se réduit pas à cela, faute de quoi nous pourrions effectivement en pointer rapidement les limites.
La police de contact doit mener une action ordonnée autour de territoires bien identifiés, établir un contact permanent avec la réalité du terrain et de la délinquance et faire preuve d'une polyvalence accrue. Cela revient donc à valoriser son rôle pour lui permettre d'exercer la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire, sur une zone géographique donnée. Bien entendu, cela implique également une clarification des fonctions des différents acteurs, donc la désignation pour chaque secteur d'un responsable identifié avec des objectifs précis.
Dans un certain nombre de pays que j'ai pu visiter, j'ai constaté l'efficacité de ce dispositif en termes de résolution de problèmes, de recherche de coupables et de dissuasion. Dès lors qu'elle est professionnelle, que l'ensemble de la hiérarchie la soutient et que les moyens nécessaires y sont affectés, une telle démarche est prise au sérieux et respectée.
Permettez-moi de revenir au débat que j'évoquais tout à l'heure. Certes, chacun doit balayer devant sa porte. Pour ma part, j'avais soutenu la politique qui avait été engagée par Daniel Vaillant lorsqu'il était ministre de l'intérieur, car c'était une démarche de qualité. A-t-elle eu le temps d'être mise en oeuvre ? La définition des missions avait-elle été suffisamment claire à l'époque ? C'est un vaste débat, qui, de toute façon, cela appartient désormais à l'histoire. Quoi qu'il en soit, par rapport à nos objectifs et aux réussites constatées dans d'autres pays, nous voyons bien aujourd'hui les limites d'un tel exercice sur le terrain, et ce quels que soient les efforts réalisés et les résultats obtenus.
C'est pourquoi, au-delà de nos débats par définition parfois très politiques, auxquels je participe également moi-même - je l'ai d'ailleurs encore fait récemment ici même -, nous devrions mener une réflexion sur ce sujet. Je dis cela en tant qu'élu de terrain, qui perçoit les difficultés, les manques, mais également les possibilités d'avoir une action plus efficace.
Certes, je ne mésestime évidemment pas le rôle des polices qui agissent aujourd'hui auprès de nos concitoyens, comme les compagnies républicaines de sécurité. Lorsqu'elles sont fidélisées à un territoire sur lequel elles reviennent régulièrement, ces forces peuvent se révéler extrêmement utiles.
Pour autant, la police de contact peut, à mon sens, représenter un plus et offrir une nouvelle perspective. Je suis même certain qu'une telle démarche, si elle se révélait efficace, nous permettrait de réaliser de véritables économies.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous incite fortement à ne pas exclure d'emblée le projet d'une police de contact digne de ce nom en France.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. le rapporteur spécial applaudit également.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.