Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 6 décembre 2006 à 15h15
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, les membres du Gouvernement ont multiplié les visites aux Antilles.

J'apprécie particulièrement ces contacts réguliers qui sont pour nous, élus, l'occasion de faire part de nos préoccupations et, surtout, de nos suggestions.

Je pense ainsi au déplacement en Guadeloupe de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Je songe également à la mission d'information de la commission des affaires sociales du Sénat sur les quartiers en difficulté, en juin dernier.

À cette occasion, une journée de travail a été organisée à l'hôtel de ville des Abymes, ce qui a permis de présenter le projet de renouvellement urbain que nous sommes en train de préparer afin de le soumettre à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU. Il m'a semblé essentiel que nous participions à cette réflexion sur les quartiers en difficulté.

Forts de cette expérience de terrain, nous pouvions légitimement espérer que le Gouvernement donnât un nouvel élan à sa politique pour la remise à niveau et le développement de l'outre-mer.

Ce projet de loi de finances pour 2007 est, en effet, l'occasion pour le Gouvernement de mettre en oeuvre les engagements qu'il a pris et qu'il a confirmés à l'égard de l'outre-mer.

Certes, et c'est tout à votre honneur, monsieur le ministre, les priorités que vous affichez sont conformes à nos besoins sociaux les plus urgents, à savoir l'emploi, le logement et l'immigration clandestine. Toutefois, malgré cette prise de conscience affirmée de l'urgence qu'il y a à agir, ce texte se caractérise paradoxalement par la stabilité, voire, pour être objectif, par une régression des moyens financiers mobilisés.

Ce projet de budget interpelle donc à plusieurs titres.

En premier lieu, il lui manque de l'ambition, alors même que la situation des collectivités d'outre-mer appelle une mobilisation politique et un plan d'action énergique.

Pour preuve, quand le budget de 2006 s'élevait à 1, 99 milliard d'euros en crédits de paiement, celui de 2007 prévoit seulement 1, 962 milliard d'euros. Les autorisations d'engagement, elles, passent de 2, 36 milliards d'euros à 2, 03 milliards d'euros.

Je déplore cette régression du niveau des crédits de la mission « Outre-mer », tant elle ne fait que témoigner et confirmer l'absence d'une réelle stratégie et d'une vision à long terme pour l'outre-mer.

Dois-je rappeler, une fois de plus, que taux de chômage y est trois fois supérieur à la moyenne nationale, avec, en corollaire, une période moyenne d'inactivité plus longue ?

Or, la situation se dégrade encore. Le nombre de demandeurs d'emploi enregistrés est passé de 42 000 en juin 2005 à 43 560 en juin 2006, soit une augmentation de 4 %.

Face à cette situation, les crédits alloués à l'emploi s'élèvent, en 2007, à 1, 16 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 1, 42 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1, 22 milliard d'euros en crédits de paiement, en 2006.

Ainsi, malheureusement, ce budget est loin de confirmer vos déclarations devant la commission des lois le 18 octobre dernier. Je pense pourtant que vous êtes, monsieur le ministre, je tiens à le souligner, l'un des ministres en charge de ce secteur qui a le mieux compris l'outre-mer. Votre bonne volonté et votre sincérité ne peuvent donc être mises en cause.

Néanmoins, les choix qui ont dû être faits ne traduisent pas l'effort auquel nous aurions pu nous attendre. Ce constat de baisse pourrait gravement nuire au plan local d'insertion professionnelle des personnes en difficulté, ce qui n'est pas conforme à vos souhaits et à vos attentes - nous savons très bien que vous êtes vous-même obligé de vous battre vigoureusement lors des arbitrages budgétaires.

S'agissant du logement social, lors de la première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, j'ai alerté le Gouvernement - M. Borloo défendait alors ce texte - sur la nécessité d'abonder la ligne budgétaire unique, la LBU, afin de couvrir les dettes de 2005 et de financer les objectifs annuels dans le cadre d'une programmation pluriannuelle conforme aux besoins très largement identifiés.

J'ai noté avec satisfaction, d'une part, l'intention du Gouvernement, exprimée en Guadeloupe par le Premier ministre, d'augmenter la dotation consacrée au logement social de 120 millions d'euros, dont 60 millions d'euros dès 2007 et, d'autre part, la prise de conscience du fait que la dette accumulée, soit 113 millions d'euros, doit être épongée d'ici à la fin du premier trimestre 2007.

Toutefois, mon inquiétude persiste lorsque je lis l'analyse de M. Henri Torre, rapporteur spécial.

En effet, il considère que les modalités budgétaires particulières qui ont été adoptées faussent l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » par le Parlement. De plus, il nous met en garde, dans l'attente des précisions qui seront apportées lors de l'examen du collectif budgétaire de 2006, sur le risque d'un accroissement de l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.

Comme tous ceux qui sont intervenus avant moi, monsieur le ministre, je souhaite que, sur ces interrogations et ces zones d'ombre, vous nous apportiez les éléments d'information susceptibles de nous éclairer et de rassurer nos populations, ainsi que les opérateurs dans le domaine du logement social.

Pour l'heure, je vous l'assure, l'outre-mer garde confiance quant au respect des engagements pris. Nous avons conscience de votre engagement à nos côtés et de votre volonté, mais nous savons aussi que tout cela ne dépend pas uniquement de vous C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les promesses faites soient effectivement tenues dans les délais annoncés, eu égard à l'urgence.

Je pourrais me réjouir également de la progression des crédits consacrés à la continuité territoriale. Néanmoins ils restent, en réalité, trop insuffisants au regard de l'objectif fondamental fixé. En effet, l'idée de continuité territoriale se réfère à la notion d'équité qui, elle-même, repose sur un principe d'égalité entre les citoyens dans l'exercice de leur droit de se déplacer dans les mêmes conditions de prix entre divers points du territoire national.

À cet égard, la comparaison avec la Corse est aussi légitime qu'édifiante. Le rapport est de un à six : 180 millions d'euros d'un côté, et seulement 32 millions d'euros de l'autre. Si l'on tient compte des populations respectives ou encore de la distance, sans faire le calcul précis, ce rapport passerait de un à dix, voire de un à quinze, selon le critère retenu !

Aujourd'hui, il faut avoir le courage politique de reconnaître que le dispositif pour l'outre-mer est inadapté aux besoins authentiques et légitimes des populations ultramarines. N'est-il pas temps, monsieur le ministre, d'envisager sérieusement la mise en place d'une vraie continuité territoriale avec l'outre-mer et de proposer une réforme en ce sens, comme le souhaitent les élus et les populations concernées ?

Dans un premier temps, cette réforme devrait se traduire, concrètement, par l'ouverture du dispositif à de nouvelles catégories de bénéficiaires.

En évoquant cette question, je veux, bien sûr, parler des personnes qui sont obligées de se déplacer entre l'outre-mer et la métropole pour des raisons de formation, initiale ou continue, ou encore de celles qui doivent se déplacer dans le cadre de leur activité professionnelle. Je pense également à nos concitoyens ultramarins gravement malades et qui doivent, le cas échéant, se faire soigner en métropole.

Je veux enfin, du moins pour le moment, parler des originaires d'outre-mer vivant en métropole et devant se rendre en urgence dans leur région de naissance pour des évènements familiaux exceptionnels tels que le décès d'ascendants ou de collatéraux.

Pour tous ces personnes, il faut envisager la conclusion de conventions de service public avec les compagnies aériennes desservant l'outre-mer, comme cela se fait avec la SNCM, qui participe au service public entre Marseille et la Corse.

La notion d'intérêt général et son corollaire, la continuité territoriale, répondent aussi à un impératif de développement économique. Dans ce budget, comme dans les précédents, s'il est fait un tant soit peu état du déplacement des personnes, la question du coût du transport des marchandises est totalement éludée.

Monsieur le ministre, cette question majeure de la continuité territoriale dans sa configuration actuelle doit pouvoir bénéficier d'une volonté politique forte du Gouvernement pour, enfin, connaître un aboutissement heureux, à la mesure des attentes des populations concernées.

À ce stade de mon intervention, je souhaite évoquer rapidement deux sujets qui me tiennent à coeur.

Le premier concerne le devenir de l'île de Saint-Martin. Le vote du budget me paraît, en effet, le moment opportun pour insister une fois de plus sur la nécessité d'un plan d'accompagnement, national et volontariste, qui sera la clé d'un passage réussi à l'autonomie.

Comme je l'ai dit lors de la discussion du projet de loi portant évolution statutaire des îles du nord de l'archipel guadeloupéen, le Gouvernement doit donc aller au terme du processus. Là encore, je ferai référence au traitement réservé en son temps à la Corse.

La loi 22 janvier 2002 prévoit, en effet, en son article 53, un dispositif exceptionnel d'accompagnement de la Corse : pour surmonter ses handicaps naturels, elle bénéficie d'un plan tout à fait exceptionnel sur quinze ans, afin de résorber son déficit en équipements publics et en services collectifs. Je demande qu'un dispositif identique soit mis en oeuvre pour Saint-Martin. Ce plan prouve que notre pays sait y faire quand il veut être objectif et juste !

Le second sujet que je veux évoquer concerne le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD. La loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a transformé le FASILD en Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC.

Par des subventions, le FASILD soutenait l'action des associations qui mettent en place des ateliers linguistiques. Cependant, à partir de 2007, il est prévu pour l'outre-mer, pour les DOM en particulier, que l'apprentissage du français par les immigrés soit pris en charge par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.

Aussi, pour permettre à cette dernière de mener à bien ses nouvelles missions, il me semble nécessaire d'abonder en conséquence les crédits qui lui sont octroyés, notamment pour assurer la création d'antennes ou de bureaux d'accueil dans chaque département d'outre-mer. Je déposerai donc un amendement en ce sens.

Pour conclure, je dirai que, globalement, ce budget se situe dans la continuité du précédent. C'est sans doute une occasion ratée d'adresser à l'outre-mer le message clair qu'attendent les populations quant à la volonté du Gouvernement de prendre enfin les décisions en rapport avec l'acuité des difficultés auxquelles sont confrontés ces territoires.

La déception risque d'être d'autant plus vive que les attentes sont grandes, légitimes, connues, largement partagées et bien relayées par les représentants de ces populations, notamment par les parlementaires - je pense, particulièrement, aux sénateurs.

Monsieur le ministre, je sais que nos compatriotes suivent attentivement nos travaux. Vous comprendrez donc que j'attende de connaître la position que vous prendrez sur toutes ces questions majeures avant de déterminer le sens que je donnerai à mon vote.

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