Intervention de Serge Larcher

Réunion du 6 décembre 2006 à 15h15
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2007 étant le dernier de la législature, il est l'occasion de dresser le bilan de la politique conduite ces cinq dernières années par l'actuel gouvernement en direction de l'outre-mer.

D'aucuns pourraient penser que certains engagements du Président de la République ont été respectés.

En effet, la loi de programme pour l'outre-mer était le premier de ses engagements. Cependant, la commission d'évaluation de cette loi venant seulement d'être mise en place, rien ne nous permet d'en juger pour l'instant l'efficacité ou, au contraire, les insuffisances.

La réforme constitutionnelle de 2003 était le deuxième engagement du Président de la République. J'ai eu l'occasion, il y a peu de temps, d'exprimer mon avis sur cette « décentralisation Raffarin ».

De surcroît, cette loi n'est toujours pas applicable, puisque les deux projets de loi organique et de loi ordinaire permettant de rendre effective l'évolution statutaire de certaines collectivités ultramarines viennent seulement d'être adoptés au Sénat et n'ont pas encore été examinés à l'Assemblée nationale.

Nous pourrions reprendre les doléances des années passées puisque, depuis 2002, le budget de l'outre-mer est en baisse constante. Cette diminution est alarmante, car elle touche principalement les priorités absolues que sont le logement et l'emploi. Cela est d'autant plus inquiétant que nous le rappelons chaque année à l'occasion du débat budgétaire et que les élus d'outre-mer, monsieur le ministre, ne cessent de vous le répéter.

Ainsi, pour la quatrième année consécutive, on peut observer une baisse du budget de l'outre-mer. Pour 2007, la mission « Outre-mer » affiche 1, 962 milliard d'euros, alors que le budget voté l'an dernier s'élevait à 1, 990 milliard d'euros, ce qui équivaut à une diminution de 1, 5 %, soit une baisse de 28 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire plus de 3% en euros constants.

Nous constatons également une diminution des autorisations d'engagement de 14 %, même si nous savons, par ailleurs, que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une faible partie de la contribution de l'État, qui s'élève cette année à 12, 41 milliards d'euros en crédits de paiement, et à 12, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement.

Le logement constitue l'un des axes prioritaires du développement économique et social de l'outre-mer.

Or, dans ce secteur, il existe des divergences de plus en plus grandes entre les moyens mis en oeuvre dans l'hexagone, et ceux qui sont déployés en outre-mer. Ni les crédits inscrits dans la mission ni ceux qui ont été annoncés par le Premier ministre, lors de sa récente visite aux Antilles, ne sont susceptibles de modifier la donne quant à l'écart croissant entre les besoins et l'offre de logements.

Le projet de budget pour 2007 prévoit une enveloppe de 280, 75 millions d'euros pour le logement. Or un audit de modernisation, consacré au financement du logement social outre-mer, évalue les besoins à 307 millions d'euros par an, sur cinq ans.

Certes, le Gouvernement a récemment promis une rallonge de 120 millions d'euros sur trois ans, mais celle-ci est très insuffisante, ainsi que l'a montré ce matin encore le rapporteur spécial, M. Henri Torre.

De plus, le rapport de cet audit stigmatise la gestion de la ligne budgétaire unique qui s'illustre par une distorsion croissante entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement. En 2007, cet écart sera de 105 millions d'euros. Cette situation laisse augurer la reconstitution d'une nouvelle dette de l'État à l'égard des opérateurs sociaux dès la fin de 2007, créant ainsi une nouvelle crise de la filière et mettant en grande difficulté les entreprises du bâtiment et des travaux publiques.

En Martinique, le montant des factures impayées de l'État s'élève, aujourd'hui, à 26 millions d'euros, ce qui place près de 400 entreprises au bord de la faillite et menace, par voie de conséquence, plus de 4 000 emplois.

Par ailleurs, toujours selon cet audit, depuis 2000, en outre-mer, la part des logements aidés a été ramenée de 30 % à 15 %, alors que, dans le même temps, la demande ne cesse de croître. Pour la seule Martinique, on enregistre, chaque année, plus de 10 000 demandes de logements HLM et plus de 3 000 demandes d'aide à l'amélioration de l'habitat. Actuellement, il faut parfois attendre dix ans avant d'obtenir un logement social.

En outre, par souci d'égalité, si l'on appliquait le plan de cohésion sociale dans les DOM, il faudrait réaliser pas moins de 27 000 logements sociaux supplémentaires pour atteindre le même niveau que dans l'hexagone. Or, depuis six ans, seuls 4 200 logements locatifs sociaux par an ont été autorisés. En 2005, 3 800 logements seulement ont été construits. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, les chiffres parlent d'eux-mêmes.

La situation du parc privé de logements n'est pas meilleure. Si la défiscalisation a apporté un certain espoir, aujourd'hui, force est de constater que ce dispositif produit des effets pervers, notamment une inflation des coûts de l'immobilier et une envolée des prix du foncier, excluant de ce fait toute une partie de la population de l'accession à la propriété. En réalité, la défiscalisation profite donc à une infime partie de la population locale et, paradoxalement, à des ménages vivants hors des territoires ultramarins.

J'évoquerai maintenant le thème de l'emploi, qui s'inscrit dans un contexte socioéconomique globalement défavorable en outre-mer.

Bien que le taux de chômage ait légèrement diminué en Martinique, il était encore de 26, 5 % en 2005, soit trois fois plus que la moyenne nationale, tout comme dans le reste de l'outre-mer. Force est de constater que ceux qui représentent l'avenir de notre pays, c'est-à-dire les jeunes, sont toujours les plus durement touchés. En effet, en Martinique, le chômage des jeunes a progressé de 8 % entre juin 2005 et juin 2006.

Déclaré prioritaire par le Gouvernement, l'emploi voit pourtant ses crédits diminuer substantiellement, alors que l'on observe, notamment, une augmentation constante du nombre de RMIstes. En effet, ceux-ci représentent 26 % de la population en Martinique, contre 10 % de la population nationale.

À cela s'ajoute la crise des secteurs de la banane et du tourisme, qui sont les principaux pourvoyeurs d'emplois.

En 2007, les crédits du programme « Emploi outre-mer » diminueront de 5, 2 %, soit une perte de 61 millions d'euros. Cela ne manquera pas de peser sur le financement des contrats aidés, dont les crédits ont été réduits de près de 40 % en quatre ans, ainsi que sur l'aide et le soutien aux jeunes créateurs d'entreprise.

Quoi qu'il en soit, il demeure indispensable de mener des actions fortes de soutien à l'activité et à l'emploi en outre-mer, afin de faire baisser le taux de chômage et de surmonter les handicaps liés, entre autres, aux différentiels de coûts salariaux avec les pays voisins.

À l'heure où le Gouvernement entend poursuivre le développement des biocarburants, je suggère que l'outre-mer en bénéficie tout autant que la métropole. Des études de faisabilité sont d'ailleurs en cours en Martinique ; elles devraient aboutir à des résultats très favorables.

L'industrie des biocarburants devrait pouvoir s'implanter en Martinique et créer ainsi un nombre important d'emplois. J'étais d'ailleurs intervenu auprès de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable en vue de l'inscription d'une unité de production de biocarburants en Martinique dans le programme opérationnel 2007-2013.

Je voudrais à présent évoquer l'hôpital public. Comme je l'avais déjà dit l'année dernière, celui-ci pâtit de son nouveau mode de fonctionnement. En effet, la tarification à l'activité, ou T2A, a répondu à une logique financière, et non à une réelle politique de soins.

Les conséquences de cette réforme sont aggravées par le sous-effectif, ainsi que par les retards structurels accumulés en outre-mer. Bon nombre d'établissements de santé ne répondent plus aux normes d'accueil et aux règles sanitaires. La réforme porte donc atteinte tant à l'offre qu'à la qualité des soins.

En 2005, c'est grâce à une forte mobilisation des élus et des acteurs de la santé que les hôpitaux de Martinique ont perçu 10, 5 millions d'euros de crédits supplémentaires pour terminer l'année et assurer le paiement des salaires.

Cependant, rien ne garantit aujourd'hui que la dotation obtenue à l'arraché l'an dernier sera reconduite. Cela hypothèque gravement à la fois la qualité des soins, la sérénité des patients et les conditions de travail dans ces établissements.

En effet, les hôpitaux ont été contraints de signer avec l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, un « plan de retour à l'équilibre », dont les termes nous paraissent scandaleux, puisqu'il faut réaliser des économies sur tout et clôturer l'exercice 2006 sans déficits nouveaux, ni reports de charges.

Selon les termes de ce plan, le centre hospitalier universitaire, le CHU, s'engage à dégager 800 000 euros de recettes supplémentaires en 2006 et à économiser 1, 2 million d'euros. En réalité, cela se traduit par des départs à la retraite non remplacés, des mensualités de remplacements supprimées, des médicaments et des réactifs de laboratoires achetés en plus petite quantité, des frais de maintenance, de missions et de déplacements réduits ! En d'autres termes, il s'agit de faire des économies sur la santé de nos concitoyens !

Quel est le résultat ? On assiste actuellement à un développement sans précédent d'escarres dans nos hôpitaux, par manque de soins directement lié au sous-effectif du personnel. Pire encore : dans certains cas, les escarres conduisent à des amputations dont nos aînés sont les premières victimes ! Les personnes âgées pâtissent cruellement du manque de personnel : dans certains établissements, leurs petits déjeuners leur sont servis seulement à dix heures, tandis qu'ils reçoivent leur premier bain en milieu de journée !

Dans ces conditions, comment peut-on demander à nos centres hospitaliers de réduire leurs moyens ?

Les hôpitaux de Martinique ont besoin de 43 millions d'euros pour répondre aux besoins de la population. Le taux de la T2A, qui est de 35% en 2006, sera porté à 50% en 2007, ce qui aggravera encore un peu plus leur situation financière.

De plus, le coefficient géographique pour la prise en charge des surcoûts spécifiques aux DOM, qui est actuellement fixé à 25%, demeure insuffisant. Par ailleurs, aucun de ces établissements de santé, qui ont pourtant pour mission d'accueillir la population en cas de catastrophe naturelle, ne répond aux normes parasismiques.

Or les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour régler la situation sanitaire des territoires ultramarins vont en diminuant. Ils s'élèveront à 59, 4 millions d'euros en 2007 contre 89, 5 millions d'euros en 2006, soit une baisse de 30 millions d'euros. Nous sommes donc très loin du compte : les besoins des populations ne sont pas pris en considération.

Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, la situation est très préoccupante. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour venir en aide à l'hôpital public en Martinique ?

Comme en 2004 et 2005, j'évoquerai cette année encore les finances locales, qui sont une très forte préoccupation pour les maires ultramarins. J'espère cette fois être entendu !

Les communes d'outre-mer se trouvent dans une situation financière très tendue. Elles doivent faire face à une augmentation très importante de leurs budgets de fonctionnement, et plus particulièrement des charges salariales, du fait de la titularisation massive des agents communaux de catégorie C. Les charges des communes ont augmenté de plus de 3 % en 2005. Le premier poste de leurs dépenses correspond à la masse salariale et varie de 57 % à 65 % de leur budget de fonctionnement. La titularisation croissante des agents entraîne un surcoût financier qui n'est pas compensé par les dotations de l'État.

Les trente-quatre maires de la Martinique ont déjà accompli, dans leur commune, des efforts considérables pour faire régresser le nombre d'emplois précaires dans la fonction publique territoriale par la titularisation du personnel communal, tout en développant les équipements structurants, répondant ainsi aux besoins urgents et parfois élémentaires des populations.

Ainsi, les communes ont joué leur rôle de « buvard social », mais elles ne peuvent plus faire face seules à ces charges supplémentaires. La piste de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a principalement profité à l'intercommunalité et aux communes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie, mais pas aux communes qui en avaient urgemment besoin.

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