Intervention de Robert Laufoaulu

Réunion du 6 décembre 2006 à 15h15
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer suite

Photo de Robert LaufoauluRobert Laufoaulu :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier nos collègues rapporteurs, qui ont effectué un excellent travail d'études sur la mission « Outre-mer », dont nous examinons aujourd'hui les crédits. La vue d'ensemble qu'ils nous offrent éclaire considérablement notre réflexion et permet ainsi aux sénateurs d'outre-mer de concentrer leurs interventions sur les problèmes de la collectivité qu'ils représentent. Je ne dérogerai pas à cette règle.

Je voudrais également saluer le volontarisme du ministre François Baroin pour maintenir à niveau le budget de son ministère, dans un contexte toujours difficile. La nation fait un effort pour aider ses collectivités les plus handicapées structurellement et géographiquement. Le territoire de Wallis et Futuna est concerné, car il souffre plus que tout autre de son éloignement de la métropole et même de ses plus proches voisins dans la région.

Ainsi, je me plais à le souligner, grâce à la solidarité nationale, les îles Wallis et Futuna seront bénéficiaires d'une dotation totale de 93, 7 millions d'euros, soit un peu plus de 11 milliards de francs Pacifique, dont 36 millions d'euros, soit 4, 3 milliards de francs Pacifique, au titre des crédits de la mission « Outre-mer ».

Nos compatriotes de ces îles apprécient profondément cette solidarité et sont reconnaissants vis-à-vis de tous ceux dont le travail permet ce partage. Néanmoins, je crains que cette réelle générosité ne bascule peu à peu dans la suspicion et le rejet de la part de nos concitoyens de métropole, à force d'entendre nos débats parfois peu clairs et interminables sur les avantages dont bénéficierait indûment l'outre-mer.

Monsieur le ministre, il est urgent de faire aboutir les réflexions et de tourner la page de ces débats cycliques, qui favorisent inévitablement, chez des esprits peu informés, des amalgames entre, d'une part, les avantages dont certains bénéficient peut-être s'agissant des indexations ou de la défiscalisation et, d'autre part, les dotations et les aides, qui relèvent du partage et de la solidarité. Bien évidemment, de tels amalgames nuisent à la réputation, à la crédibilité de l'outre-mer et à la cohésion nationale.

L'aide de l'État au territoire de Wallis et Futuna concerne au premier chef trois secteurs essentiels, c'est-à-dire la santé, l'éducation et la formation professionnelle.

Je voudrais souligner l'effort réalisé en direction de l'Agence de santé, dont le budget progresse significativement et se rapproche ainsi un peu plus de la réalité des besoins liés, notamment, aux évacuations sanitaires induites par la faiblesse des structures locales.

Je me projette également dans l'avenir pour me réjouir avec vous de la réalisation prochaine des deux centres hospitaliers de Sia et Kaleveleve, avec un complément de financement dans le contrat de développement 2007-2011.

L'éducation, dont le ministère de l'outre-mer contribue au financement par le biais de la convention de développement, notamment pour la réhabilitation des bâtiments scolaires du primaire, et la formation professionnelle, que le même ministère aide également, notamment à travers l'Agence nationale pour l'insertion des travailleurs d'Outre-mer, l'ANT, sont les deux « mamelles » du développement économique d'une collectivité dépourvue de potentialités et de ressources naturelles à valoriser.

Notre jeunesse, qui est instruite, éduquée et formée, détient la clé de notre développement. Je compte sur le Gouvernement - la collectivité fera également sa part - pour que les meilleures conditions de la réussite scolaire soient créées et intensifiées.

Je voudrais saisir cette occasion pour rendre un hommage reconnaissant aux directions nationale et régionales de l'ANT, ainsi qu'à tous leurs personnels, pour leur politique d'accueil et de suivi attentif, qui est particulièrement appréciée par nos jeunes stagiaires qui en bénéficient.

Nous aurions souhaité - nous l'avons souvent sollicité - qu'un tel dispositif d'accueil et de suivi relevant de la tutelle du ministère de l'outre-mer prenne également en charge nos jeunes lycéens. En effet, faute de structures scolaires, ceux-ci sont obligés de quitter le territoire pour poursuivre leur scolarité à 20 000 kilomètres de chez eux. Cet éloignement forcé occasionne de nombreuses difficultés.

J'en viens maintenant à l'emploi, qui reste l'engagement prioritaire du Gouvernement. Il convient de le remarquer, les collectivités d'outre-mer en général, et Wallis et Futuna en particulier, sont défavorisées de ce point de vue.

Je souhaite, notamment, vous remercier de la pérennisation de la dotation prévue pour les primes à la création d'emploi ou encore de la formation individualisée mobilité. Un effort significatif est également réalisé en faveur des chantiers de développement local.

En ce qui concerne le programme « 40 cadres », je souhaiterais souligner les difficultés budgétaires qu'il a connues au cours de l'année 2006. Hébergés par le service d'inspection du travail et des affaires sociales, le SITAS, les responsables du programme se sont trouvés dans l'impossibilité de payer les différents frais de fonctionnement et le problème n'a été réglé que tout récemment. En effet, c'est le SITAS qui assume financièrement, sur son budget, le programme « 40 cadres ». Il aurait été souhaitable que ce programme bénéficie, à l'avenir, d'un budget autonome, comme c'est le cas pour le programme « Cadres avenir » en Nouvelle-Calédonie.

Pensez-vous qu'il soit possible juridiquement de doter le programme « 40 cadres » d'une dotation séparée ou, à tout le moins, que l'argent destiné à ce programme soit versé au SITAS de manière régulière et spécifique ? J'en profite pour vous rappeler que le SITAS ne bénéficie d'aucune dotation de la part du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Or, ce service gère également les questions liées aux handicapés.

Dans le cadre du renouvellement de la convention qui lie le territoire à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, nous souhaitons, dans la logique des lois récemment votées et du souhait du Gouvernement, que l'on intègre un volet spécifique destiné à la formation des handicapés.

Il en résultera un coût supplémentaire, mais je compte beaucoup sur votre appui personnel, monsieur le ministre, et sur l'appui de vos collaborateurs pour nous aider à obtenir une subvention annuelle de l'ordre de 15 000 à 20 000 euros, qui serait versée par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement au SITAS, lequel assumerait les frais de la convention signée avec l'AFPA.

Je souhaite maintenant revenir sur le problème chronique du manque de personnel d'État compétent pour faire face à la réalisation de nos projets de développement. Je suis conscient, mes chers collègues, que vous devez être fatigués de m'entendre soulever ce point à chaque budget, mais il est primordial, car cette faiblesse explique en grande partie les retards pris sur place dans la consommation des crédits. De ce fait, le développement dont nos îles ont tant besoin reste dans le monde virtuel de nos beaux ordinateurs !

Notre contrat de développement 2000-2004 a été prolongé de deux ans, faute de consommation des crédits. Les deux tiers des crédits du huitième Fonds européen de développement ont été basculés sur le neuvième et ceux du neuvième ont été menacés d'être reportés sur le dixième, pour les mêmes raisons.

Les crédits de la convention de développement 2003-2007 n'ont été délégués qu'à hauteur d'un tiers à la fin de 2005, comme le souligne l'excellent rapport de notre collègue Christian Cointat. Le cas du lycée de Wallis, dont la construction bâclée a pourtant coûté 18 millions de francs, illustre les défaillances et les lacunes dans le domaine de la conception, de la réalisation, du suivi et de l'entretien de notre patrimoine immobilier.

Dans un tout autre domaine, afin de répondre aux problèmes liés aux maladies animales, nous souhaiterions la création d'un laboratoire vétérinaire distinct de celui de l'agence de santé. Une demande conjointe du préfet, du conseil territorial et des élus sera déposée auprès de vos services et de ceux du ministère de l'agriculture et de la pêche. J'espère vivement, monsieur le ministre, que nous pourrons compter sur votre implication personnelle pour nous aider à faire aboutir ce dossier qui nécessite l'octroi d'une subvention.

En ce qui concerne la construction de la piste de Vele, qui conditionne le désenclavement de Futuna, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que le Premier ministre, qui s'est personnellement impliqué dans ce dossier, répondant à un souhait du Président de la République. J'en profite pour vous demander des précisions sur l'échelonnement des prochains versements destinés à financer la suite et la fin des travaux.

J'exprime un petit regret concernant la baisse prévue des crédits de paiement et des autorisations d'engagement: destinés au développement du sport. Elle est dommageable à la jeunesse de notre territoire, d'autant plus qu'il dispose d'un potentiel réel dans ce domaine.

Pour terminer, je ne peux passer sous silence notre politique de coopération et d'intégration dans la région du Pacifique. Au cours de cette année, deux événements majeurs ont marqué cette politique : le sommet France-Océanie, qui s'est tenu le 26 juin 2006 à Paris, à l'invitation du Président de la République, et le Forum des îles du Pacifique, qui a eu lieu à Fidji, au mois d'octobre, au cours duquel la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont accédé au statut de membre associé, et Wallis et Futuna à celui de membre observateur.

Chacun reconnaît, aujourd'hui, contrairement aux idées reçues d'il y a encore une dizaine d'années, que l'avenir du développement de ces collectivités passe désormais par leur intégration dans les dispositifs et les structures de coopération et d'union de leur environnement géographique immédiat sans, bien sûr, se couper de la France.

Cependant, les turbulences politiques, qui sont de plus en plus fréquentes et violentes dans cette région, nous ramènent aux doutes et aux hésitations d'antan. Je pense que l'on ne peut plus faire marche arrière ; il faut continuer à aller de l'avant en essayant de comprendre et d'améliorer ce qui peut l'être.

Les îles Fidji viennent de subir le quatrième coup d'État de l'histoire de leurs vingt dernières années ; il y a moins de trois mois, les îles Tonga ont été agitées par des troubles et des manifestations violentes qui ont fait huit morts et détruit 80 % de la zone commerciale de la capitale, Nukualofa ; les îles Salomon ne sont pas encore complètement sorties de leurs conflits interethniques ; sans parler des îles de Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui sont aux prises avec l'insécurité et la délinquance, après la guerre de sécession menée par les habitants de l'île Bougainville contre le gouvernement central de Port Moresby. Ce ne sont que quelques exemples, sans oublier la recrudescence des activités mafieuses et terroristes dans la zone.

La présence de la France dans la région est une chance, car elle peut lui apporter son soutien et ses conseils. Les valeurs de la République et de la démocratie, que défend notre pays, doivent être portées haut et fort pour aider, guider les îles du Pacifique, et rappeler que les retours nostalgiques à nos passés idéalisés sont source de déception et trop souvent de malheur, surtout pour les plus modestes. Les traditions et les coutumes doivent, bien entendu, être respectées, mais à condition de ne pas être une entrave au développement. La France doit montrer l'exemple dans ce domaine.

Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m'apporter, et je voterai naturellement les crédits de la mission « Outre-mer ».

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