Intervention de Denis Detcheverry

Réunion du 6 décembre 2006 à 15h15
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer suite

Photo de Denis DetcheverryDenis Detcheverry :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui à la deuxième année de mise en oeuvre de la LOLF.

Ce projet de loi de finances pour 2007 permet déjà d'en apprécier les qualités. En effet, on peut constater une plus grande responsabilité dans l'attribution des autorisations d'engagement qui, certes, diminuent parfois, mais pour être finalement plus en conformité avec les crédits de paiement. Cela permet de restaurer la confiance dans la parole du Gouvernement.

L'important décalage qui persiste concerne le logement, secteur où les défauts de paiement s'accumulent et rendent difficile le rattrapage nécessaire, notamment dans les Antilles. Néanmoins, l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement passe de 36 % à 20 %, ce qui représente une nette amélioration.

Sont également à signaler certaines diminutions fortes, s'agissant notamment de l'action « Sanitaire et sociale » ou de l'action « Culture, jeunesse et sport », dont les crédits chutent respectivement de 35 % et de 22 %, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.

Il en est de même pour l'action « Coopération régionale », dont les crédits, malgré une hausse de 63 % des dépenses de fonctionnement, baissent globalement du fait d'une réduction des crédits d'intervention, à hauteur de 29 % en autorisations d'engagement et de 8 % en crédits de paiement.

Cependant, une fois de plus, cette diminution des autorisations d'engagement tend à rendre le projet de budget plus sincère. Espérons que les années à venir permettront d'améliorer la présentation et le contenu des annexes et documents de politique transversale, avec - pourquoi pas ? - un bref rappel des priorités propres à chaque département ou collectivité d'outre-mer.

En effet, vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, l'outre-mer français est bien trop disparate pour qu'un seul et même ensemble d'objectifs puisse correspondre aux besoins et aux problématiques très variables de cette France à travers le monde.

Ces commentaires d'ordre général étant faits, je souhaiterais, comme tous les ans, évoquer devant vous, monsieur le ministre, la situation économique de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Je n'entrerai pas dans le détail des conséquences au jour le jour du marasme économique que nous vivons depuis maintenant treize ans, mon collègue député Gérard Grignon ayant fort bien décrit la situation lors de la présentation du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.

J'évoquerai tout de même aujourd'hui ce qui m'apparaît être un obstacle majeur à tout développement économique : l'important déficit budgétaire du conseil général.

Ce déficit de presque 6 millions d'euros, que l'on peut qualifier d'abyssal s'agissant d'une si petite collectivité, a entraîné dans son sillage les budgets communaux.

Je constate de votre part, et dans vos services en général, monsieur le ministre, une prise de conscience de cette situation, puisque, malgré les difficultés budgétaires que vous rencontrez également, et bien que nous arrivions au terme de l'exercice budgétaire, vous avez d'ores et déjà accordé, cette semaine, une subvention exceptionnelle d'un montant non négligeable, qui, d'une part, permettra d'équilibrer le budget de la commune de Miquelon-Langlade, et, d'autre part, donnera un ballon d'oxygène au conseil général. Je tenais à vous remercier de ce geste. La nouvelle lisibilité obtenue grâce à la LOLF a, d'ailleurs, sans doute facilité cette opération.

En collaboration avec la préfecture, le conseil général vous a présenté un document contenant un contrat de projet associé à une convention de développement pour une durée d'au moins sept ans. Ce projet devant associer l'État à la collectivité territoriale peut paraître quelque peu ambitieux, et les sommes annoncées « rondelettes ». Vous nous conseillez de faire certains choix ; bien entendu, ils seront faits, mais j'insiste auprès de vous pour que ces choix ne consistent pas en un « déshabillage » qui viderait de sa substance ce projet, supposé conditionner le redémarrage économique de l'archipel. Dans ce cas, ces nouveaux investissements ne seraient, une fois de plus, que des « rustines », et ne déboucheraient que sur l'assistanat.

Je voudrais, à ce point de mon propos, évoquer l'un des côtés pervers de cet assistanat. En octobre dernier, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, a engendré le premier PIB de Saint-Pierre-et-Miquelon, l'un des meilleurs de France métropolitaine et d'outre-mer. Parallèlement, l'organisme monétaire souligne, dans son rapport, l'aspect artificiel et non productif de ce PIB : c'est, à mes yeux, la conséquence de l'assistanat caractérisant cette période de l'après-pêche, qui dure depuis maintenant treize années. Ce PIB, calculé en prenant en compte des subventions, cache en réalité une économie à deux vitesses, ces deux vitesses étant très différentes !

Malheureusement, ce qui est retenu le plus souvent, à Paris, c'est le chiffre absolu, et nous apparaissons comme une collectivité prospère. Quoi qu'il en soit, était-il judicieux d'appliquer à ce qui est l'équivalent d'une très petite ville française les règles utilisées en temps normal pour des régions entières ? Je ne le pense pas, mais le mal est fait, et cela constitue une difficulté supplémentaire quand nous devons plaider nos dossiers.

J'en arrive, monsieur le ministre, à évoquer une fois encore la coopération régionale.

Nous sommes d'accord pour admettre que le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon passe par une coopération avec nos voisins canadiens. Il y a un an, à cette même tribune, je déplorais l'absence d'organisation et de moyens ad hoc, pourtant nécessaires si nous souhaitons vraiment nous rapprocher du terrain économique.

En octobre dernier, pour la première fois, plusieurs réunions techniques ont été organisées à Ottawa, et ce sur votre initiative, monsieur le ministre, en collaboration avec le ministre des affaires étrangères. Outre les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont je fais partie, plusieurs ministères et organismes français étaient représentés. Leurs homologues canadiens ont répondu présent. Plusieurs thèmes ont été évoqués, et explorer des pistes de coopération s'avère possible et souhaitable. Cependant, cela nécessite beaucoup de travail. À cet égard, les Canadiens ont totalement souscrit à l'idée, que j'avais déjà suggérée l'année dernière, de créer une sous-commission mixte, permanente et technique cette fois, afin d'assurer un suivi efficace et régulier des dossiers intéressant conjointement le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Monsieur le ministre, comment et avec quels moyens les résolutions adoptées lors des rencontres d'octobre seront-elles mises en application ? À ma demande, vous êtes intervenu auprès du Premier ministre pour qu'une mission de coopération régionale me soit confiée. Cette mission, je l'ai acceptée, et, une fois de plus, je vous remercie de votre soutien. Compte tenu du calendrier électoral, elle durera environ deux mois et aura pour objet, dès le début de 2007, de créer les rapprochements à la fois politiques et techniques nécessaires à la mise en oeuvre de véritables projets économiques bilatéraux.

Là encore, monsieur le ministre, la volonté seule ne suffira pas : un minimum de moyens humains et financiers seront également indispensables pour pérenniser les démarches effectuées avant et pendant cette mission.

Or je vous avouerai que je suis un peu inquiet quand j'observe de plus près les crédits de l'action « Coopération régionale ». Je ne sais pas s'il s'agit d'un problème de rédaction ou de choix stratégique, mais, à la lecture de l'annexe, j'ai l'impression que le titre « Intégration des COM dans leur environnement régional » ne correspond pas du tout à l'exposé qui suit. Il semble que les fonds de coopération régionale ne s'adressent qu'aux DOM et à Mayotte ; les collectivités d'outre-mer ne seraient concernées que par la défense de leurs intérêts dans le cadre international. Évidemment, cela est nécessaire, mais vous connaissez mon sentiment, monsieur le ministre : la défense des intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon passe à mon sens, d'abord, par la coopération régionale.

Alors, quand je découvre de surcroît la proposition de M. le rapporteur spécial, notre excellent collègue Henri Torre, qui consiste à redéployer l'intégralité des crédits de l'action « Coopération régionale » en faveur du logement, je ne peux pas être d'accord, parce que Saint-Pierre-et-Miquelon a de réelles et indispensables perspectives de diversification économique en collaboration avec le Canada.

Ma question sera la suivante, monsieur le ministre : aurons nous les moyens à long terme de saisir ces chances et de remettre véritablement Saint-Pierre-et-Miquelon sur la voie d'un développement économique efficace et durable ?

Cela étant dit, malgré ces quelques inquiétudes, je ne retiendrai aujourd'hui que l'aspect positif de votre action et je vous confirme que j'approuverai les crédits que vous nous présentez.

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