Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord me tourner vers Mme et MM. les rapporteurs, pour les remercier de la qualité de leurs travaux et de la pertinence de leurs interrogations.
Par extension, je voudrais également, en cette fin de législature, rendre un hommage appuyé à toutes celles et à tous ceux, ultramarins ou métropolitains, qui ont porté, tout au long des cinq années écoulées, un regard particulièrement attentif sur le respect des engagements pris par le Président de la République et sur l'évolution et l'adaptation des politiques publiques menées par l'État, en collaboration avec les collectivités territoriales, en faveur de nos compatriotes d'outre-mer. Ils ont dû mener des combats, s'impliquer, débattre de nombreuses heures pour déboucher sur des avancées qui vont, me semble-t-il, dans le sens de l'histoire, de l'égalité économique, comme l'a indiqué M. Virapoullé, et de l'expression d'un besoin réaffirmé d'État, besoin qui n'était peut-être pas aussi évident voilà quelques années encore.
Ce besoin d'État impose à ce dernier de poursuivre sa mission et découle du constat que des efforts conjoints en vue d'un mieux-être au quotidien ont montré que l'État avait toute sa place aux côtés des élus, des collectivités territoriales et de nos compatriotes d'outre-mer.
Comme vous avez pu l'observer à la lecture du projet de loi de finances tel qu'issu de la seconde délibération à l'Assemblée nationale, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2007 atteignent un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins de 2 milliards d'euros en crédits de paiement.
Vous avez rappelé, messieurs Laufoaulu et Othily, qu'en maintenant à ce niveau les crédits de la mission « Outre-mer », dans un contexte marqué par de fortes contraintes pesant sur le budget de l'État, le Gouvernement a manifesté sa détermination à poursuivre l'effort de solidarité en faveur de l'outre-mer, dont les besoins sont spécifiques.
En prenant en compte les dépenses des autres ministères - cela me semble important, car cela permet de mettre en perspective l'effort de la puissance publique pour l'outre-mer -, on constate que le total des crédits consacrés à l'outre-mer approche 15 milliards d'euros. Il s'agit tant de dépenses fiscales que de contributions directes des différents ministères, qui participent outre-mer à l'autonomie financière des collectivités territoriales, à l'exercice des missions régaliennes de l'État et à la mise en oeuvre des priorités du Gouvernement.
La première de ces priorités, c'est le soutien au développement des collectivités d'outre-mer, qui passe, avant tout, par une reconnaissance des identités particulières et par un plus large exercice des responsabilités locales. C'est tout le sens des projets de loi organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer qui sont actuellement soumis au Parlement. Je félicite, à cet instant, M. Cointat pour la pertinence de son rapport. Le travail accompli ensemble nous a permis d'obtenir des avancées réelles, significatives, et de bâtir sur de solides fondations de nouvelles collectivités territoriales.
Cette priorité se concrétise également par un soutien financier accentué aux collectivités d'outre-mer, que ce soit dans le cadre de l'aménagement du territoire ou dans celui de la continuité territoriale, si important, si évident et si prioritaire.
Sur ce point, je suis, pour ma part, très favorable à ce qu'une réflexion sur l'adaptation de la notion de continuité territoriale soit menée. Depuis quelques mois, j'entends des élus de Guyane expliquer que la pertinence de la continuité territoriale s'inscrit plutôt à l'intérieur du territoire de leur département qu'entre Cayenne et Paris. J'ai entendu le même discours sous d'autres formes dans le Pacifique, en Polynésie, à propos des étudiants souhaitant poursuivre leurs études pas forcément à Paris, mais peut-être à Canberra ou à Auckland. Cette notion d'imbrication régionale, d'insertion dans le tissu régional doit nous conduire naturellement à réfléchir à l'évolution de la définition de la continuité territoriale.
Dans le même esprit, nous pourrions parfaitement être amenés, monsieur Virapoullé, à envisager l'accompagnement des étudiants réunionnais en Australie, puisque vous avez déjà, à l'échelon local, passé des accords avec l'un des États de l'État fédéral australien.
Par ailleurs, je veux remercier M. Detcheverry d'avoir relevé que la LOLF avait permis, par la fongibilité des crédits, d'aider la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que la commune dont il est le maire. C'était un acte de solidarité bien nécessaire au regard de la situation. Cependant, on doit tout de même s'interroger sur la définition, à terme, de modalités permettant de ne plus avoir à intervenir sur le plan budgétaire, année après année, pour aider à résorber des déficits.
Tel est le sens de l'action que nous menons ensemble pour établir une convention, si possible décennale, qui instaurerait une meilleure lisibilité et permettrait aux élus d'assumer pleinement leurs prérogatives, nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon devant pouvoir toujours compter, naturellement, sur la solidarité nationale, à travers l'accompagnement de l'État.
En outre, la coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les provinces atlantiques du Canada était limitée, jusqu'à une période récente, aux rencontres régionales organisées dans le cadre de la commission mixte de coopération régionale. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Detcheverry, le Gouvernement a soutenu l'insertion de l'archipel dans son environnement régional, et a décidé de développer substantiellement cette coopération à partir des projets économiques définis par la collectivité.
Les rencontres d'Ottawa avec la partie canadienne, en octobre 2006, et la feuille de route franco-canadienne fournissent désormais le cadre de travail. Dans cette perspective, une dotation de l'ordre de 800 000 euros du ministère de l'outre-mer est prévue au titre du futur contrat de plan qui succèdera au contrat actuel à partir de 2007.
Cette dotation, qui sera définie en concertation avec le conseil général, contribuera à couvrir les frais de fonctionnement des groupes de travail franco-canadiens et à renforcer les moyens humains de l'agence de développement du conseil général chargée de suivre cette coopération. Sur ce point, je partage pleinement, monsieur le sénateur, votre vision, car il s'agit bien d'une vision, et votre souhait de voir évoluer les choses, car il s'agit aussi d'une modification de la nature de nos relations avec notre grand voisin et ami canadien.
Aussi importantes pour Saint-Pierre-et-Miquelon que pour la France, les réunions franco-canadiennes dans le domaine des accords de pêche et de l'accord sur les hydrocarbures montent en puissance ; elles continueront d'être financées avec les moyens de droit commun.
Monsieur Giraud, la dotation du Fonds européen de développement pour Mayotte est effectivement de 15 millions d'euros ; elle devrait approcher les 25 millions d'euros dans le dixième fonds. Mais il faut la comparer avec l'effort de l'État qui s'est élevé, à travers les différents contrats, à 575 millions d'euros sur la même période. Pour un territoire comme Mayotte, qui est peuplé d'un peu moins de 100 000 habitants, cela représente un effort important, dans cette logique contractuelle.
Nous avions évoqué, lors de l'examen du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique. Tout le monde sera d'accord avec moi, y compris à l'échelon local : ce changement ne peut être considéré uniquement sous un angle financier. Une mise en conformité avec l'acquis communautaire est, en effet, nécessaire et un régime fiscal et social doit être mis en place progressivement. Comme le Premier ministre s'y était engagé à Mayotte, la France a déposé auprès de la Commission européenne, en juillet dernier, une demande d'examen en ce sens. Nous allons donc dans la bonne direction.
Monsieur Ibrahim, vous avez souhaité que l'évaluation des politiques publiques dans la perspective du rattrapage social soit réalisée rapidement. Je peux vous annoncer qu'une mission interministérielle se rendra à Mayotte à cet effet au premier semestre 2007. Je confirme ce que j'ai déjà annoncé à cette même tribune : je suis favorable à l'évolution de Mayotte vers la départementalisation, selon un calendrier qui doit être partagé par tous, avec une méthodologie qui doit faire l'objet d'un consensus, et avec des objectifs qui doivent être bien définis pour permettre à la société mahoraise d'assumer son choix de façon souveraine.
Il faut simplement éviter de le faire dans une période où la « température politique » est élevée, ce qui risque d'être le cas dans les mois qui viennent, en métropole comme à Mayotte et dans l'ensemble de l'outre-mer. Il conviendra donc de choisir le bon moment, au début de la nouvelle législature. Le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer reviendra alors en débat à l'Assemblée nationale ; nous pourrons, à ce moment-là, discuter d'un amendement qui permettrait de fixer dans la loi - si la représentation nationale l'accepte, naturellement - un rendez-vous anticipé.
Mayotte pourra ainsi partir sur des bases saines et solides une fois que nous aurons établi, comme vous l'avez souhaité, une évaluation précise des modalités et du chemin à parcourir pour devenir un département à part entière.
Monsieur Laufoaulu, je peux vous garantir que la piste de Vélé sera, bien entendu, financée en 2007 ; elle sera une priorité du futur contrat de développement des îles Wallis et Futuna. À cet égard, permettez-moi de vous demander de transmettre au roi et à la famille royale des voeux de prompt rétablissement. La coutume wallisienne, je le sais, veut que l'on soit très attentif à l'évolution de l'état de santé du roi ; nous le sommes, à Paris.
Messieurs Gillot, Lise et Othily, vous m'avez interrogé sur la répartition de la dotation de 500 millions d'euros annoncée par le Premier ministre pour les départements, au titre du revenu minimum d'insertion.
S'agissant des départements d'outre-mer, il y aura deux parts : une pour combler la différence entre les dépenses réelles et le montant de la compensation - 80 % de la dotation pour les dépenses de 2005, puis 70 % pour les deux années suivantes -, le reste étant destiné à compenser les efforts d'insertion des départements. Les DOM percevront ainsi une dotation exceptionnelle permettant de couvrir près de 90 % de leurs dépenses au titre de 2005.
Outre cette dotation exceptionnelle, l'État prend en charge le coût d'une partie de l'activation des dépenses du revenu minimum d'insertion au profit des titulaires d'un contrat d'avenir ou d'un contrat d'insertion-revenu minimum d'activité. Nous l'avions déjà évoqué, cette confirmation officielle du calendrier n'est donc ni une surprise ni « l'enfant trouvé », mais elle permet de suivre cet important dossier en assumant nos responsabilités, qui sont partagées.
Monsieur Lise, j'ai pris bonne note des difficultés de financement que vous avez signalées. Le Gouvernement suit avec attention les initiatives prises dans ce domaine par les collectivités locales. L'État, même au cours de la période dans laquelle nous allons entrer, continuera de vous aider dans cette politique d'accompagnement économique et de soutien de l'emploi.
Enfin, en ce qui concerne la compensation au département de ses dépenses de transport scolaire par voie fluviale, j'ai demandé au ministre d'État, ministre de l'intérieur, d'examiner si la dotation globale de décentralisation pouvait être augmentée. Je soutiens cette demande de compensation, car je l'estime légitime.
Le sujet, évoqué par M. Gillot, des zones franches globales est d'actualité et fera débat, au cours des mois qui viennent, dans le cadre des engagements pris pour les prochaines échéances. Ces zones s'inspirent des résultats encourageants des zones franches urbaines et du succès des exonérations de charges sociales et de la défiscalisation, qui ont été définies dans la loi de programme pour l'outre-mer et qu'il faut préserver.
Je profite de cette occasion pour souligner que, si les zones franches urbaines ont été un succès, c'est parce qu'elles se sont appuyées sur une référence ultramarine. La politique de défiscalisation et d'exonérations de charges menée depuis de nombreuses années outre-mer a permis de s'apercevoir que ce modèle pouvait être appliqué à des zones en difficulté de la métropole, qui connaissent une importante concentration de chômeurs et d'allocataires du RMI ou de prestations sociales, et une forte tension sur le plan du logement social.
Lorsque nous expliquons que l'outre-mer peut être une référence dans de très nombreux domaines - y compris sur le plan économique - pour favoriser la réussite et la création d'emplois, cet exemple doit être signalé. Il nous inspire, naturellement, des réflexions plutôt positives en faveur de l'évolution vers des zones franches globales. Il faudra réfléchir à des activités tournées vers l'ouverture des économies insulaires et leur intégration régionale, en partant des secteurs prioritaires retenus dans la loi de programme.
Mais, bien entendu, comme vous l'avez relevé, madame Lurette Michaux-Chevry, l'emploi constitue toujours l'effort principal du ministère de l'outre-mer. Je vous remercie pour vos propos très aimables ; je connais votre degré d'implication pour favoriser la réussite de cette priorité de mon ministère.
Doté de 1, 16 milliard d'euros consacrés à l'emploi, le projet de budget de la mission « Outre-mer » consacre près de 60 % de ses crédits à la lutte contre le chômage. Avec les mesures de droit commun du ministère de l'emploi et de la cohésion sociale, le projet de loi de finances pour 2007 devrait permettre le financement de 57 400 contrats aidés, afin de lutter contre l'exclusion du marché du travail des publics prioritaires, dont 14 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi inscrits au budget de mon collègue Jean-Louis Borloo.
La relance de la création d'emplois dans le secteur productif était un engagement pour l'outre-mer du Président de la République. Les résultats doivent être confortés, mais ils sont conformes aux objectifs. L'an dernier, le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand a progressé de 2, 2 % - ces chiffres ne sont contestés par personne - soit un rythme trois fois et demi supérieur à celui de la métropole. Le taux de chômage a continué à diminuer pour s'établir à 21, 6 %.
Il ne s'agit pas de « porter en bandoulière » une fierté qui n'a pas lieu d'être, mais il convient de constater que les outils mis en place au cours de cette législature ont produit des effets positifs. Il faut maintenant les conforter pour arriver à des seuils plus conformes à ceux de la métropole, car 21, 6 % de chômeurs, c'est encore beaucoup trop. Il est donc nécessaire de poursuivre cet élan, de donner une dynamique, de maintenir cette exigence d'efforts et de l'inscrire dans la durée, ce qui est la seule garantie pour obtenir des résultats.
Prolongeant une tendance constatée, ce sont, depuis 2002, 30 000 emplois salariés qui ont été créés dans les quatre départements d'outre-mer ; 38 000 personnes ne sont plus au chômage et ont trouvé un emploi.
Cette priorité accordée à l'emploi rejoint celle qui est donné au logement. En effet, s'il y a bien un secteur qui a des effets induits sur l'emploi, c'est celui du logement social où nous ne pouvons, vous l'avez tous relevé, que constater l'ampleur des besoins dans les départements d'outre-mer. Il y a certes un historique, des retards pris, une accumulation de dettes, l'État n'ayant pas toujours été exemplaire - c'est une litote - dans sa politique de règlement de ses factures.
De mon point de vue, un élément très positif doit être relevé, qui ne doit pas vous gêner : vous avez la chance d'avoir une démographie dynamique. Je parle sous votre contrôle, monsieur Othily : plus de 50 % de la population guyanaise a moins de 25 ans ; la Réunion comptera plus de un million d'habitants dans les dix ans qui viennent ; en Guadeloupe, la démographie est aussi intéressante ; en Martinique, elle n'est pas tout à fait de même nature.
Il est donc nécessaire d'anticiper sur l'évolution des besoins en matière de logement social. C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup travaillé, au ministère, pour favoriser des arbitrages éclairés du Premier ministre. Celui-ci a décidé de solder, dans les meilleurs délais, les retards en crédits de paiement de la dotation consacrée au logement social dans les départements d'outre-mer ; il faut saluer ce tournant décisif, que M. Henri Torre a évoqué assez longuement. Des artisans, des petites entreprises, de nombreux acteurs économiques ont peiné à maintenir leurs emplois salariés du fait des difficultés de paiement. C'est une responsabilité très lourde.
Je souhaitais terminer cette législature en ayant au moins obtenu le règlement du passif et l'ouverture de pistes intéressantes pour que, dans les quelques années qui viennent, une dynamique soit créée et que les besoins immenses constatés sur place soient satisfaits par la construction et la production de logement social.
Lorsque l'État prend un engagement de financement d'un programme de logement social, les crédits de paiement sont étalés dans le temps, au rythme de la réalisation des opérations, sur plusieurs années. Or, la dette dont vous avez fait état, monsieur le rapporteur, correspond au montant total actuel de ses engagements, qui n'appelleront des paiements que progressivement, sur les quatre années qui suivent. Il faut mettre ce point en perspective dans le « glissement » annuel.
C'est la raison pour laquelle je préfère m'en tenir, pour ma part, à la dette effective, dont le montant prévisionnel a été déterminé avec précision, en collaboration avec les services du ministère des finances ; il s'élève à 113 millions d'euros à la fin de 2006. Il s'agit des factures qui sont susceptibles d'être présentées au paiement au 31 mars 2007 par tous les acteurs concernés par le logement social.
L'objectif est de solder ces 113 millions d'euros. Toutes les factures doivent être adressées à l'échelon local, puisque cette procédure a été déconcentrée : les préfets et les trésoriers-payeurs généraux ont donc toute latitude pour engager les crédits et favoriser le règlement de cette dette.
À cette fin, les premières dotations ont été mises en place par la Caisse des dépôts et consignations, soit 30 millions d'euros, mais cela ne réglera qu'une partie des factures en instance. Aussi, le Premier ministre s'est engagé à ce que celles-ci soient acquittées en totalité avant la fin du premier trimestre 2007, ce qui représente un effort considérable.
Pour ce faire, dès 2006, 30 millions d'euros de crédits supplémentaires seront ouverts sur le programme concerné du budget de l'outre-mer : 9, 6 millions d'euros en provenance de la réserve gouvernementale ont d'ores et déjà été délégués dans les départements d'outre-mer, 8, 4 millions d'euros seront transférés dans les meilleurs délais, et 12 millions d'euros sont ouverts dans le collectif de fin d'année.
Ainsi, avec ces 60 millions d'euros injectés dès cette année et les crédits de la loi de finances initiale, les factures en souffrance pourront être payées en totalité.
Mais, comme M. Othily l'a souligné, le Premier ministre ne s'est pas contenté de ce rattrapage. Il a décidé d'aligner le rythme de progression des crédits sur celui qui a été fixé en métropole dès 2004 par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo et l'engagement national pour le logement, prévu par la loi du 13 juillet 2006.
Sur ma proposition, le Premier ministre a donc décidé d'augmenter de 20 % pendant les trois prochaines années les crédits du logement social outre-mer. Pour répondre à votre interrogation, monsieur Gillot, cette augmentation totale de 120 millions d'euros se répartira en 60 millions d'euros dès 2007, 30 millions d'euros en 2008 et 30 millions d'euros en 2009.
Nous n'altérons pas le principe de l'annualité budgétaire, puisque le plan de cohésion sociale se situe dans une logique de loi de programmation pluriannuelle : les crédits sont disponibles avec des financements contrôlés. Ces engagements s'appuient non seulement sur la parole de l'État, mais aussi sur la continuité budgétaire, dans le cadre de ces lois de programmation pluriannuelles.
Pour des questions de calendrier et de contraintes budgétaires, les crédits sont ouverts dans le collectif de fin d'année et reportés en 2007, soit 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement qui, compte tenu du rythme de réalisation des opérations, ne généreront l'an prochain, au mieux, qu'un besoin de treize millions d'euros en crédits de paiement, soit un peu plus de 20 %. Nous sommes, là aussi, dans l'épure.
Pour pouvoir utiliser ces crédits en 2007, l'Assemblée nationale a voté, en deuxième délibération, une dérogation aux règles très strictes de report de la loi organique relative aux lois de finances. C'est la raison pour laquelle notre engagement sera tenu. Pardonnez-moi d'être technique, mais le sujet est essentiel.
Ainsi, avec les crédits destinés à rattraper le retard et ceux qui sont inscrits dans l'actuel projet de loi de finances, ce sont 281 millions d'euros en autorisations d'engagement et 201 millions d'euros en crédits de paiement qui seront directement consacrés en 2007 au logement social outre-mer, soit une hausse de 5 % en moyens d'engagement et de près de 20 % en moyens de paiement par rapport aux crédits votés en 2006.
Cet effort considérable ne peut bien entendu se faire, vous avez raison de le souligner, madame Payet, sans réorganisation efficace de la politique du logement.
Malgré la production soutenue de logements sociaux dans les départements d'outre-mer - en hausse de 15 % par rapport à 1999, même si cette progression est très nettement insuffisante par rapport à l'évolution des besoins -, l'audit de modernisation sur la politique du logement outre-mer a fait apparaître la nécessité d'accroître le parc social de 27 000 logements locatifs sociaux en cinq ans, soit une moyenne de 5 400 par an, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale dans les départements d'outre-mer.
Sur la seule année 2005, madame Hoarau - vous m'avez interrogé sur ce sujet -, plus de 323 millions d'euros ont été engagés en faveur du logement social. Ce montant, monsieur Gillot - vous m'avez également alerté sur ce point - doit être comparé - n'y voyez aucune malice de ma part - à celui qui a été engagé, par exemple, en 2000, à savoir 247 millions d'euros. Le différentiel n'est pas neutre. Certes, cinq ans se sont écoulés, mais nous sommes bien obligés de rattraper le retard !
L'effort budgétaire que l'État accomplira au cours des trois prochaines années permettra, en principe, de soutenir le rythme de production que je viens d'évoquer, sauf en cas de nouvelles évolutions. Mais je pense que cela ira.
S'agissant toujours de la délicate question du logement social, je crois nécessaire d'associer plus étroitement encore de nouveaux acteurs et de rechercher de nouvelles solutions pour le financement des politiques urbaines et de logement social, dans un contexte où la dépense publique est désormais durablement contrainte.
C'est dans cet esprit et dans cette perspective que Jean-Louis Borloo et moi-même mettrons très prochainement en place une conférence nationale du logement outre-mer, qui réunira l'ensemble des acteurs concernés - représentants de l'État, élus, acteurs économiques, bailleurs sociaux, représentants des établissements financiers -, afin d'explorer en commun les voies de l'avenir, mais aussi de rendre des comptes. Je crois, en effet, aux vertus de l'évaluation des politiques publiques, dans des séquences plus courtes.
L'expérience en matière de politique du logement social en outre-mer nous enseigne qu'il est impératif que nous ayons des rendez-vous annuels - cette fréquence semble être la bonne - pour faire le point. De tels rendez-vous permettent d'éviter d'accumuler du retard et des dettes. Ils permettent également de ne pas se retrouver en fin de législature dans une situation compliquée et intenable, dont il est difficile de sortir.
Monsieur Loueckhote, vous avez évoqué les travaux de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer. Je tiens à vous rendre un hommage particulier. Chacun connaît le rôle qui le vôtre au sein de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, que vous présidez, ainsi que votre degré d'implication. Chacun connaît également votre esprit de solidarité à l'égard de tous les territoires ultramarins et votre profond attachement aux valeurs républicaines qui, comme vous l'avez rappelé, ont guidé votre combat politique. Même si nous risquons de ne pas toujours marcher sur les mêmes chemins de crête, nous partageons des valeurs essentielles, qui nous rapprochent. Je tenais à vous le dire et à vous remercier pour la qualité de nos relations au cours de ces quinze derniers mois.
Vous remettrez tout à l'heure au Premier ministre le rapport de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer, qui s'appuiera sur une démarche pragmatique et que nous accompagnerons. Comme je l'ai indiqué lors de l'installation de cette commission, il appartiendra ensuite au ministère et aux pouvoirs publics de formuler des propositions, dans le strict esprit de vos propositions.
S'agissant des déplacements de la commission, je vous indique que je suis prêt à participer à leur financement. Ce point ne pose pas de difficultés.
Des évolutions significatives interviendront, notamment en matière de logement. Il nous faut être pragmatiques. Ce qui compte, c'est ce qui marche et ce qui est efficace, c'est la correspondance entre les engagements pris et la réalité des crédits affectés.
À cet égard, je pense qu'il ne faut pas avoir de fierté mal placée. Si le logement outre-mer, notamment dans les départements, peut être géré de façon plus efficace par le ministère du logement, il nous faudra peut-être cesser de nous intéresser à des problèmes de « tuyauterie » - la LBU d'un côté, les plans de programmation en matière de logement et le plan de cohésion sociale piloté par Jean-Louis Borloo de l'autre -, comme c'est le cas actuellement, et réfléchir au glissement vers la mission « Ville et logement » d'un programme « Outre-mer ». Un tel glissement serait peut-être pertinent et plus facile pour les élus ultramarins, qui y gagneraient en lisibilité et en traçabilité. En outre, nous aurions la certitude que les crédits nécessaires seraient affectés à l'ensemble des dossiers pilotés conjointement par le ministère de l'outre-mer.
J'en viens à une autre de mes préoccupations, la question de l'immigration clandestine, très douloureuse, très humaine et très importante pour l'équilibre de notre pacte républicain. À cet égard, je remercie Lucette Michaux-Chevry d'avoir rappelé les débats qui nous avaient occupés il y a un an sur cette question.
Je tiens à indiquer clairement que nous sommes parvenus - il fallait peut-être du courage - à alerter sur ce sujet l'opinion publique française, particulièrement l'opinion métropolitaine, qui a une très grande méconnaissance de ce qui se passe dans certains de nos territoires, et, par esprit de solidarité, l'ensemble de nos compatriotes ultramarins, qui ne sont pas touchés de la même façon par le problème de l'immigration clandestine. Il concerne, en effet, de façon beaucoup plus douloureuse, la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte.
Ce débat était nécessaire. Il a permis des avancées législatives, ainsi que le déblocage de moyens matériels. Nous avons d'ores et déjà obtenu des résultats.
Permettez-moi, à cet égard, de vous communiquer les informations présentées hier en comité interministériel de contrôle de l'immigration. Une hausse de 86 % des reconduites à la frontière a été constatée entre le mois de janvier et le mois d'octobre 2006, sur la base de nos trois territoires.
Le nombre de demandes d'asile a été réduit de façon très significative, à la suite du message politique que nous avons adressé ; nous vous communiquerons, naturellement, les chiffres.
Enfin, des moyens matériels et humains supplémentaires ont été octroyés, qui nous permettent de tenir bon. Nous verrons ensuite comment évoluer au fil des années, mais au moins avons-nous fait ce que nous avions dit, et ce, dans des délais rapides, ce qui nous permet dès à présent d'obtenir des résultats parfois spectaculaires. Une politique assumée, c'est une politique maîtrisée. Il n'y a pas de fatalité, y compris en matière d'immigration clandestine.
Pour vous donner des chiffres précis, 20 744 éloignements d'étrangers en situation irrégulière sont intervenus au cours des dix premiers mois de l'année.
À Mayotte, quatre-vingt-huit kwassas-kwassas ont été interceptés durant la même période, contre seulement quarante-huit en 2005. Les kwassas-kwassas, je le dis pour ceux qui ne le savent pas, sont des petites embarcations de fortune qu'utilisent en général les Comoriens pour franchir, dans des conditions parfois extraordinairement dangereuses pour leur sécurité, les soixante ou quatre-vingt kilomètres qui les séparent de Mayotte. Nous avons donc pratiquement doublé le nombre de ces interceptions.
Effet indirect de cette maîtrise de l'immigration irrégulière, on constate également - pourquoi le taire ? - une réduction sensible de la délinquance, notamment à Mayotte, où la délinquance de voie publique a tout de même baissé de 21 % depuis le début de l'année.
Les demandes d'asiles traitées par l'antenne de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, désormais installée aux Antilles, comme nous l'avions annoncé, sont en forte chute par rapport à 2005, madame Michaux-Chevry, de 79 % aux Antilles et en Guyane et, monsieur Ibrahim, de 37 % à Mayotte. En dix mois ! Ces chiffres sont suffisamment parlants.
Monsieur Othily, le Gouvernement a beaucoup fait pour la Guyane : dispositions spécifiques sur les contrôles des personnes et des moyens de transport dans la loi du 24 juillet 2006, renforcement des effectifs de la gendarmerie et augmentation de 53 %, entre 2001 et 2005, des effectifs de la police aux frontières.
Sur le terrain, on constate les premiers effets très positifs de ces mesures. Sur le territoire guyanais, ce déploiement a permis de faire chuter la délinquance de voie publique et les violences aux personnes de 15 % en août 2006.
Concernant les constructions illicites, vous avez rappelé, monsieur le sénateur, l'habilitation à légiférer par ordonnances qui figure dans le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Cela permettra l'instauration d'une procédure simplifiée pour lutter contre ce fléau, ainsi que vous le souhaitez.
Dans les domaines sociaux, nous réfléchissons actuellement, avec le ministère des affaires étrangères, aux manières les plus efficaces de redynamiser la coopération sanitaire et hospitalière avec le Surinam et, plus particulièrement, avec la région d'Albina, afin de soulager l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni.
Toujours dans le domaine social, vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la grève des agents EDF, qui pénalise fortement nos compatriotes de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe.
Vous soulignez que ces personnels redoutent un désengagement du service public de l'électricité dans les départements d'outre-mer. Je tiens, ici, à vous affirmer très solennellement que cette crainte est infondée et que, au contraire, l'État veillera à prendre en compte toute la spécificité des besoins de ces régions dans le domaine énergétique.
Conformément aux engagements qu'il a pris dans le contrat de service public, et sur la base de la programmation pluriannuelle des investissements publiée par le Gouvernement le 7 juillet 2006, EDF a manifesté sa volonté de participer de façon très ambitieuse au renouvellement et à l'augmentation des capacités de production dans les systèmes énergétiques insulaires, en construisant près de 800 mégawatts au cours des six ans à venir.
C'est la raison pour laquelle j'appelle la direction de l'entreprise à faire en sorte de renouer sans délai un dialogue constructif avec les organisations syndicales qui sont à l'origine de la grève actuelle.
À ce stade, j'indique que je me félicite du climat apaisé dans lequel s'est déroulée l'élaboration du projet de budget pour 2007, ce qui est très satisfaisant. Il est vrai que les problèmes que nous avons rencontrés l'an passé sont derrière nous, même si d'autres débats nous attendent.
Conformément à l'engagement que le Premier ministre a pris l'an dernier, les parlementaires sont associés très étroitement à l'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer.
Comme vous avez pu le constater samedi dernier, lors du débat sur les retraites, l'État n'engagera pas de réforme sans évaluation ni concertation. C'est d'ailleurs une question de cohérence : on ne peut pas présenter un texte relatif à la modernisation du dialogue social en conseil des ministres et, dans le même temps, éluder le dialogue social à l'échelon territorial, alors que le sujet abordé, qui implique des avancés, mérite débat.
Je propose donc l'organisation d'une table ronde à l'échelon local, réunissant les représentants de l'État et les syndicats. Les propositions qu'ils formuleront seront transmises au ministère. Nous tracerons alors des pistes de réflexion sur les importantes questions soulevées, afin que des textes, qu'ils soient de nature législative ou réglementaire, soient prêts pour le début de la prochaine législature.
S'agissant du difficile problème de l'évaluation du coût de la vie et du pouvoir d'achat, je rappelle, comme je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, que je suis favorable à la création d'un observatoire du pouvoir d'achat, madame Hoarau, et pas simplement des prix.
C'est vrai qu'il existe déjà des outils permettant de qualifier et de quantifier le coût de la vie, ainsi que le niveau des revenus dans les départements d'outre-mer : on est capable de comparer les salaires du privé et ceux du public, d'évaluer le coût de la construction, du logement, d'obtenir un indice des prix à peu près objectif. Cependant, il ne nous est pas possible d'effectuer avec pertinence une comparaison sincère entre l'outre-mer et la métropole.
Un tel outil est donc nécessaire. Sa mise en place est d'ordre réglementaire ; je souhaite qu'elle puisse intervenir d'ici à la fin de la législature. J'ai donc demandé au directeur général de l'INSEE, voilà quelques semaines, de trouver un outil statistique pertinent et consensuel. Dès qu'il sera en notre possession, il sera possible de faire des comparaisons entre les différents territoires ultramarins, mais également entre ces territoires et la métropole. Nous pourrons alors tous parler de la même chose et mettre en oeuvre des politiques cohérentes et compatibles.
Tels sont les quelques éléments de réflexion dont je tenais à vous faire part. Je vous prie de me pardonner d'avoir été si long, mais je me suis efforcé de répondre aussi précisément que possible à chacune de vos sollicitations. J'espère n'avoir oublié personne.
Je remercie chacun des orateurs et des membres présents dans cet hémicycle. Ils nous ont permis d'avancer sur le projet de budget 2007, qui traduit les engagements pris par le Président de la République et qui va dans une direction utile à nos compatriotes ultramarins.