Votre budget consacre cette année encore l'essentiel de son augmentation au chantier de la lutte contre l'immigration clandestine.
Voyez les chiffres : l'objectif gouvernemental de 28 000 reconduites à la frontière en 2007 - uniquement pour la métropole - et l'augmentation significative du nombre de places en centres de rétention administrative, les CRA, pour les porter à 2 400 à l'été 2008, induisent pour la lutte contre l'immigration clandestine un montant de dépenses de fonctionnement de 107, 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 91, 228 millions d'euros en crédits de paiement !
À cela, il convient d'ajouter les crédits d'investissement qui couvrent les coûts de construction des CRA - 21, 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4, 5 millions d'euros en crédits de paiement - et les coûts de développement des systèmes d'information destinés à la lutte contre l'immigration clandestine et au contrôle aux frontières.
Il est clair que, au lieu de construire des commissariats qui font tant défaut dans certaines communes, vous préférez bâtir des centres de rétention administrativepour y placer les immigrés en situation irrégulière avant de les renvoyer chez eux, pour un montant qui s'élève à 1 801 euros par éloignement ! C'est un choix que, pour ma part, je ne peux accepter.
La répartition géographique des commissariats et des effectifs entre communes est, à nos yeux, une question essentielle.
Il est évident qu'il faut revoir la répartition des effectifs de police sur le territoire, qui est inchangée depuis cinquante ans, cesser d'affecter dans les quartiers les plus difficiles les jeunes fonctionnaires de police tout juste sortis de l'École de police et fidéliser ceux qui, par leur expérience de terrain, ont acquis une bonne connaissance des quartiers les plus difficiles.
À ce titre, j'ai bien noté l'arrivée au 1er décembre de 300 gardiens de la paix stagiaires dans mon département, la Seine-Saint-Denis. Cela dit, vous avouerez que cette augmentation des effectifs aurait dû intervenir plus tôt compte tenu de l'évolution de la délinquance dans ce département, délaissé depuis trop longtemps par l'État dans tous les domaines : école, habitat, emploi, services publics de proximité...
Mais plus que l'augmentation du nombre de policiers, ce sont surtout les missions de service public de la police nationale qu'il faut revoir.
En effet, la France étant le pays le plus policé d'Europe avec ses 180 000 policiers, dont 13 000 CRS, ses 90 000 gendarmes, dont 10 000 gendarmes mobiles, sans compter ses 25 000 policiers appartenant à la police municipale, le problème qui se pose n'est pas tant de connaître le nombre de policiers que de savoir à quoi ils servent.
Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion.
Il faut arrêter la culture du chiffre, la rentabilité à tout prix, le détournement de statistiques et cette politique du rendement axée sur la seule répression ; cette attitude est dangereuse pour tous et fait peser sur les forces de l'ordre une forte pression hiérarchique, sans parler d'une course aux résultats qui est loin de ressembler à une saine émulation !
D'ailleurs, permettez-moi de souligner ici le mécontentement qui gagne les forces de l'ordre en sous-effectif chronique dans les zones dites sensibles, qui se font agresser sur le terrain et paient ainsi, d'une certaine manière, le prix des propos tenus par leur ministre de tutelle. Les résultats des dernières élections professionnelles en sont d'ailleurs une flagrante illustration.
Il faut arrêter la surenchère sécuritaire qui est contre-productive et dangereuse pour tout le monde.
Pour ma part, je pense qu'il faudrait ouvrir un grand débat public sur l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques.
Si le maintien de l'ordre est nécessaire, ce ne peut cependant pas être l'unique voie à suivre en matière de sécurité. On ne réglera rien uniquement avec les brigades anti-criminalité, ou BAC, les CRS, et les groupements d'intervention régionaux, ou GIR !
Il faut rétablir une police de proximité avec des missions de service public, en y apportant bien évidemment certaines adaptations au regard de l'expérience passée. En ce sens, chacun doit se rappeler tout l'intérêt du travail de l'îlotage. Mais vous avez préféré vider cette police de proximité de son sens pour la remplacer par les GIR, les BAC et les CRS.
Je l'affirme une nouvelle fois, nous avons besoin d'une police républicaine, respectée et dont les agents soient formés.
Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen. À cet égard, il est indispensable de retisser le lien entre le citoyen et la police, qui s'est évanoui en même temps que disparaissaient les adjoints de sécurité, et de mettre à nouveau en place un travail de discussion avec les associations de locataires, les groupements sportifs et culturels.
Ces objectifs ne peuvent être atteints avec votre budget, qui continue de privilégier la culture du chiffre, donc la seule répression. J'en veux pour preuve la prime de résultats exceptionnels qui passe de 10 millions d'euros en 2005 à 15 millions d'euros en 2006, pour atteindre 20 millions d'euros en 2007.
Vous le savez, nous sommes profondément opposés à cette prime qui, versée en guise de récompense, n'en constitue pas moins une véritable incitation à « faire du chiffre », comme s'il s'agissait d'objectifs commerciaux alors même que sont en jeu les libertés individuelles et publiques. C'est le statut de la fonction publique qui risque, à terme, d'être remis en cause.
Telles sont les observations que je tenais à formuler sur le budget « Sécurité » pour 2007 contre lequel, vous l'aurez compris, ...