Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de joindre mes félicitations personnelles à celles qui ont été exprimées à la fois par les rapporteurs et par les membres de la majorité sénatoriale et d'indiquer que, comme eux, je voterai les crédits de la mission « Sécurité » et des programmes qui la composent.
J'aimerais vous faire part de mes réflexions sur la notion de « sécurité » qui nous est présentée dans le cadre de cette mission, mais également ailleurs.
La notion de sécurité telle qu'elle découle de la réalité de la mission dont nous discutons renvoie à la prévention, la répression et l'encadrement des crimes et délits de toutes sortes, ainsi qu'à la surveillance des frontières, et l'on peut y ajouter les désordres affectant notre société. Ce périmètre me semble intéressant, parce qu'il permet de cerner les actions et les programmes ; mais, en même temps, il est un peu étroit par rapport à la réalité de ce que nous vivons au jour le jour ou que nous risquons de vivre à un moment ou à un autre.
L'interministériel dans cette mission fonctionne bien.
Dans d'autres domaines, malheureusement, je crains que nous n'en soyons pas exactement au même niveau. La sécurité se décline selon différentes directions ; nous avons, hier soir, discuté de sécurité sanitaire et nous discuterons tout à l'heure de sécurité civile. Pour nos concitoyens, la sécurité, à l'évidence, a d'autres dimensions que celles de la mission dont nous parlons en cet instant.
Nous voyons, au fur et à mesure qu'est décliné ce concept, apparaître de nouveaux intervenants : les pompiers, pour la sécurité civile, les hôpitaux, les ambulanciers et toute une série d'associations, pour la sécurité sanitaire. Il y a déjà là un élargissement de la préoccupation sécuritaire.
Au-delà, si l'on réfléchit sur l'intrusion éventuelle dans notre vie de catastrophes naturelles, de catastrophes technologiques qui, malheureusement, constituent une grave menace, du terrorisme, qu'il soit classique, cybernétique, nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique, on voit immédiatement, là encore, apparaître de nouveaux intervenants : l'équipement, le ministère de l'industrie, les services de renseignements.
Il est donc nécessaire d'accroître la coordination entre les différents intervenants éventuellement concernés. Cette coordination doit porter aussi bien sur la réflexion en amont que sur la réponse concrète, c'est-à-dire l'exercice, l'entraînement. Elle doit permettre une conception globale, anticipant la réaction de la population, car, à un moment ou à un autre, toute la population risque d'être concernée, surtout en cas d'actes de terrorisme massif ou de catastrophes technologiques en cascade.
Je prendrai un exemple très précis.
À Toulouse, nous avons eu l'extraordinaire chance que deux ingénieurs aient réussi à convaincre, quelques années avant l'accident d'AZF, la Société nationale des poudres et des explosifs d'enterrer un réservoir de phosgène, alors qu'aucune consigne de sécurité ne l'imposait à l'entreprise. Actuellement encore, des réservoirs de phosgène sont stockés à l'air libre dans notre pays.
Si ces personnes n'avaient pas pris une telle précaution, la catastrophe aurait été d'une tout autre ampleur, le réservoir de phosgène étant enterré exactement à 150 mètres de l'endroit où s'est produite l'explosion de l'usine AZF !
Dans ce type d'accident, la population entière peut se trouver concernée. Or, à mon avis, elle n'est pour l'instant que peu informée et, en tout cas, elle n'est certainement pas incitée à réfléchir au niveau nécessaire. J'en veux pour preuve, en particulier, le système d'alerte, qui, dans l'état actuel des choses, est obsolète ou absent et dont le langage, en tout cas, n'est pas connu des populations qui peuvent être concernées. Il y a là, à l'évidence, un problème majeur.
Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà dit, je voterai les crédits de votre mission, mais je souhaite que l'aspect interministériel, qui s'exerce bien dans le cadre de cette mission, s'exerce mieux dans d'autres cas.
Ayant eu assez souvent l'occasion de réunir des responsables de la sécurité appartenant à l'administration centrale ou décentralisée, ou venant d'entreprises privées, à des niveaux d'ailleurs assez élevés, je me suis aperçu que la communication ne passait pas toujours bien entre eux. Ils n'ont pas tout à fait le même langage et n'ont pas les connaissances réciproques de leurs responsabilités.
À cet égard, je citerai deux exemples malheureusement vécus.
Le premier est l'étiolement du projet de Cambrai qui, actuellement, commence à renaître mais ne sera pas conduit au niveau initialement souhaité.
Le second exemple est lié au Livre blanc sur le terrorisme, qui a été publié par le Gouvernement et remarquablement préparé sous l'égide du Secrétariat général de la défense nationale. Monsieur le ministre, cet ouvrage n'est pas connu de vos propres administrations ! Je m'en suis aperçu lors des colloques que j'ai eu l'honneur d'organiser, voilà quelques mois, à Saint-Denis, où de très hauts responsables de l'administration française présents dans la salle ignoraient jusqu'à l'existence de ce Livre blanc !
L'interministérialité sur la sécurité prise au sens large me semble donc, à l'heure actuelle, fonctionner encore insuffisamment. C'est ce que je voulais dire ce soir, en vous renouvelant encore une fois mon soutien, monsieur le ministre.