Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 6 décembre 2006 à 15h15
Loi de finances pour 2007 — Sécurité

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit, aujourd'hui ou à l'occasion de précédents débats, notamment par moi-même, sur cette problématique de la sécurité. Je n'y reviendrai donc pas.

J'aimerais toutefois insister sur un point qui me tient à coeur et qui fait actuellement l'objet d'une polémique à mon avis peu constructive : la police au plus près du terrain, une police adaptée à la réalité de nos territoires.

La polémique - je n'y reviens pas - a trait à la police de proximité, expression que je n'emploie pas. Je me demande si l'on ne ferait pas mieux de parler, à l'instar d'autres pays européens, d'une « police de contact ». Sortons de cette vision franco-française qui consiste, en caricaturant les positions mutuelles, à parler d'une police de proximité qui n'aurait pas toujours rempli son rôle, qui n'exercerait pas une vraie mission de police et, à l'inverse, à la réclamer avec force.

Nous n'avons pas suffisamment réfléchi, me semble-t-il, aux missions qui devront tôt ou tard - à mon sens, le plus tôt sera le mieux - incomber à une telle police de contact dans notre pays.

S'agissant de l'emploi des forces, nous voyons bien aujourd'hui que, malgré les efforts accomplis par les personnels de police et de gendarmerie sur le terrain, efforts qu'il faut évidemment saluer, le format des actions menées n'est plus tout à fait adapté à la réalité de nos territoires et de nos quartiers.

De mon point de vue, une stratégie d'implantation durable dans les territoires, y compris dans les plus difficiles, est plus que jamais nécessaire. Mais cela suppose au préalable une définition claire des missions de ces forces. Bien entendu, il faut une approche globale. Cela nous ramène à des débats que nous avons déjà eus et que nous aurons certainement encore, par exemple sur le triptyque « prévention-répression-réparation ». Mais l'enjeu de la discussion ne se limite pas seulement à cela.

La question qui se pose est la suivante : quel type d'intervention policière ces forces doivent-elles opérer ?

Dans le cadre des travaux que j'ai autrefois menés, et que je mène toujours, au sein du Conseil de l'Europe, j'ai eu l'occasion d'observer le fonctionnement des polices de contact dans certains pays européens voisins de la France. Celles-ci sont loin des caricatures que certains en dressent parfois. En réalité, ce sont des polices extrêmement professionnelles, en lien constant avec les différentes polices spécialisées. Elles peuvent d'ailleurs faire appel à ces dernières et disposent pour cela de moyens technologiques perfectionnés, y compris dans les voitures. Ce sont donc des forces adaptées, qui évoluent au plus près du terrain. Les citoyens le savent d'ailleurs fort bien.

Bien entendu, dans l'idée de police de contact, il y a également une dimension de dialogue et de connaissance du terrain. Il s'agit de connaître et d'être connu. Mais le rôle de cette police ne se réduit pas à cela, faute de quoi nous pourrions effectivement en pointer rapidement les limites.

La police de contact doit mener une action ordonnée autour de territoires bien identifiés, établir un contact permanent avec la réalité du terrain et de la délinquance et faire preuve d'une polyvalence accrue. Cela revient donc à valoriser son rôle pour lui permettre d'exercer la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire, sur une zone géographique donnée. Bien entendu, cela implique également une clarification des fonctions des différents acteurs, donc la désignation pour chaque secteur d'un responsable identifié avec des objectifs précis.

Dans un certain nombre de pays que j'ai pu visiter, j'ai constaté l'efficacité de ce dispositif en termes de résolution de problèmes, de recherche de coupables et de dissuasion. Dès lors qu'elle est professionnelle, que l'ensemble de la hiérarchie la soutient et que les moyens nécessaires y sont affectés, une telle démarche est prise au sérieux et respectée.

Permettez-moi de revenir au débat que j'évoquais tout à l'heure. Certes, chacun doit balayer devant sa porte. Pour ma part, j'avais soutenu la politique qui avait été engagée par Daniel Vaillant lorsqu'il était ministre de l'intérieur, car c'était une démarche de qualité. A-t-elle eu le temps d'être mise en oeuvre ? La définition des missions avait-elle été suffisamment claire à l'époque ? C'est un vaste débat, qui, de toute façon, cela appartient désormais à l'histoire. Quoi qu'il en soit, par rapport à nos objectifs et aux réussites constatées dans d'autres pays, nous voyons bien aujourd'hui les limites d'un tel exercice sur le terrain, et ce quels que soient les efforts réalisés et les résultats obtenus.

C'est pourquoi, au-delà de nos débats par définition parfois très politiques, auxquels je participe également moi-même - je l'ai d'ailleurs encore fait récemment ici même -, nous devrions mener une réflexion sur ce sujet. Je dis cela en tant qu'élu de terrain, qui perçoit les difficultés, les manques, mais également les possibilités d'avoir une action plus efficace.

Certes, je ne mésestime évidemment pas le rôle des polices qui agissent aujourd'hui auprès de nos concitoyens, comme les compagnies républicaines de sécurité. Lorsqu'elles sont fidélisées à un territoire sur lequel elles reviennent régulièrement, ces forces peuvent se révéler extrêmement utiles.

Pour autant, la police de contact peut, à mon sens, représenter un plus et offrir une nouvelle perspective. Je suis même certain qu'une telle démarche, si elle se révélait efficace, nous permettrait de réaliser de véritables économies.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous incite fortement à ne pas exclure d'emblée le projet d'une police de contact digne de ce nom en France.

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