En tant qu’élu d’un département rural, je souhaite, une nouvelle fois, me faire le porte-parole de nombreux élus de diverses sensibilités, qui dénoncent l’absurdité du conseiller territorial, dont on ne sait s’il est le résultat du rêve éveillé d’un président de la République en panne d’imagination, ou du cauchemar d’un technocrate en mal d’innovation.
Les compétences n’étant pas modifiées, pour l’instant, le conseiller territorial devra, tout à la fois, s’occuper des horaires des transports scolaires et de la veille hivernale des routes départementales, être une super-assistante sociale, et avoir une vision prospective de l’évolution stratégique, sociologique et économique de la région. Il devra siéger dans d’innombrables conseils d’administration et commissions, et multiplier les représentations.
Si ce conseiller territorial existe un jour, car son mode d’élection n’a pas encore été décidé, il fera perdre sa spécificité à chacun des deux niveaux de collectivités territoriales. C’est bien la preuve que la voie est ouverte pour la fusion des collectivités et la suppression du département.
La suppression de la spécificité de chaque collectivité fera perdre à l’action publique sa force et son efficacité : le département perdra la proximité, la région son pouvoir d’impulsion et de coordination.
Le département perdra, au sein de ces vastes cantons ruraux, voués au redécoupage, ce qui constituait l’essence même de son action publique : la proximité avec les citoyens et les élus, mais aussi l’écoute des habitants, des maires et des conseillers municipaux.
Quant aux régions, qui ressembleront aux anciens établissements publics régionaux, elles fonctionneront de façon obsolète et s’inscriront dans un système bien éloigné de leur vocation actuelle.
Le conseiller territorial, je le répète, n’est en aucun cas un moyen de simplifier le dispositif existant ou d’améliorer la visibilité du citoyen. En revanche, vous détruisez une organisation territoriale, certes perfectible, mais patiemment construite sur la base de deux blocs : d’une part, le bloc de la proximité et de la solidarité, formé par les communautés de communes et les départements, et, d’autre part, le bloc de la stratégie, du développement et de la prospection, formé par la région, l’État et l’Union européenne. Pourquoi déstabiliser cet édifice construit progressivement, qui a fait la preuve de son efficacité ?
La réduction annoncée du nombre d’élus, nous le savons, a pour seul but d’affaiblir l’action publique et de réduire les services publics, au détriment de la cohérence et de la solidarité des territoires.