Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous en conviendrez, rarement une réforme gouvernementale n'a suscité un tel front de mécontentement ! Tous les professionnels de la justice se sont rassemblés pour crier leur incompréhension, leur indignation, leur révolte face à cette réforme de la carte judiciaire décidée arbitrairement et sans concertation aucune, au mépris des avis des chefs de cour et des autorités préfectorales, sans parler de celui des élus.
Synonyme de régression, cette réforme n'est en fait qu'un vaste plan de fermeture des tribunaux. Après la suppression des bureaux de poste, des hôpitaux de proximité, des trésoreries et des brigades de gendarmerie, la suppression des tribunaux porte une nouvelle et grave atteinte au service public.
En Gironde - département le plus étendu de France en superficie -, les tribunaux d'instance de Bazas, de Lesparre, de La Réole et de Blaye sont ainsi rayés de la carte.
En ce qui concerne la sous-préfecture de Blaye, la sentence de suppression est double puisque, à la suppression du tribunal de commerce, vient s'ajouter la liquidation du tribunal d'instance. Ressentie comme un non-sens absolu par l'ensemble de la profession et de la population, la suppression du tribunal de Blaye a de quoi surprendre.
En effet, cette décision va à l'encontre de l'évolution même de la structure, car ce tribunal affiche, ces dernières années, une activité en hausse constante, illustrée notamment par une forte augmentation des affaires liées au surendettement, par de très nombreuses procédures de tutelle, par des déclarations de pacte civil de solidarité... Il faut également rappeler que le budget de fonctionnement est de seulement 20 000 euros, avec des locaux mis gratuitement à disposition par la municipalité.
La suppression de ce tribunal va entraîner l'obligation pour les justiciables de se rendre à Libourne ou à Bordeaux, alors que le secteur de la Haute Gironde reste très mal desservi par les lignes de transport en commun : il n'y a pas de ligne ferroviaire, les bus sont très rares pour Bordeaux et inexistants pour Libourne.
La disparition d'un tel service de proximité va aggraver considérablement l'asphyxie des tribunaux de Libourne et de Bordeaux, allonger les délais de délibéré, accroître les distances et créer des coûts de déplacement.
Cette réforme pénalise lourdement les plus faibles et les plus vulnérables. Pourquoi supprimer ainsi un service public qui fonctionne ?
Au-delà d'un coût de fonctionnement très modeste, de l'efficacité reconnue des services rendus, il faut savoir, monsieur le secrétaire d'État, que près de 80 000 justiciables dépendent du tribunal de Blaye, que toutes les professions travaillent de concert et en proximité. Si nous sommes d'accord pour que la nouvelle carte judiciaire s'inscrive à la fois dans une logique de territoires et de services, nous ne pouvons pas accepter qu'elle méconnaisse l'évolution démographique des cantons concernés et les réalités de ce territoire. Ces critères plaident au contraire en faveur du maintien du tribunal d'instance de Blaye.
Vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'État, de déplorer les graves conséquences de l'approche technocratique et financière de cette réforme qui va injustement compliquer la vie des justiciables de la Haute Gironde. Une nouvelle fois, la ruralité verse un lourd tribut à la disparition du service public.
Les motions votées à l'unanimité par les élus des conseils municipaux de toutes les communes concernées, quelles que soient les étiquettes politiques, les pétitions signées par plus d'un millier de personnes illustrent bien la volonté politique de tout un territoire qui ne peut se résoudre à voir disparaître le tribunal d'instance.
Ce n'est pas ainsi, monsieur le secrétaire d'État, en oubliant les citoyens, que l'on peut réformer l'État. Il faut absolument que le sort du tribunal d'instance de Blaye soit réexaminé favorablement.