Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 18 décembre 2007 à 21h45
Loi de finances rectificative pour 2007 — Articles additionnels après l'article 46

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

...mais, avant d'entrer dans les détails, est-il utile de rappeler qu'une décision de la Commission n'est pas une directive ?

Faut-il rappeler qu'un contentieux, qui n'est pas du tout perdu d'avance, est en cours devant la Cour de Justice des Communautés européennes ?

Faut-il rappeler que le système qui existe dans notre pays permet d'assurer le financement de deux services d'intérêt économique général tels que définis par l'article 86 du traité de Rome, à savoir le logement mais aussi l'accessibilité bancaire ?

Certes, le Président de la République, dans son discours la semaine dernière, posait trois conditions à la banalisation de la distribution : que cela ne mette pas en danger la collecte, que cela se traduise par une diminution de la rémunération des réseaux distributeurs et que cela ne nuise pas à l'équilibre des réseaux distributeurs.

Mais, nous le disons et nous le redirons, les réseaux bancaires n'ont qu'une envie : collecter de l'argent pour leur usage ! Or, vous le savez, monsieur le ministre, l'argent du Livret A n'est pas à la disposition des banques qui le collectent. Il est donc évident qu'à plus ou moins long terme les banques inviteront leurs meilleurs clients à déposer leur argent sur d'autres produits plus rémunérateurs, pour eux et pour elles. Il y a donc un réel danger pour la collecte, que la Caisse des dépôts et consignations reconnaît d'ailleurs et que les banques assument.

En diminuant la rémunération des réseaux collecteurs, vous laisserez au bord de la route les plus faibles des détenteurs de Livret A, ceux pour qui le Livret A est le dernier maillon de l'insertion bancaire.

Vous souhaitez banaliser la collecte et, si j'ai bien entendu, introduire un peu de concurrence dans le système. Cette concurrence a-t-elle pour objet de préserver le service bancaire universel ? Pour cela, vous devrez non seulement modifier par la loi le code monétaire et financier mais, de plus, revenir aussi sur des dispositions fondamentales de la loi postale de 2005.

Le Livret A, c'est aussi le dernier rempart contre la désertification bancaire des territoires classés en zones de redynamisation urbaine ou en zones de revitalisation rurale, ainsi que contre l'abandon des populations les plus fragiles.

En effet, en contrepartie du monopole de distribution, La Poste, pour ne citer qu'elle, assure une mission de service bancaire universel. Elle est dans l'obligation de répondre positivement à toute demande d'ouverture d'un Livret A, quel que soit le montant du dépôt, tout comme elle est tenue d'effectuer gratuitement sur ce livret toute opération supérieure à 1, 50 euro à ses guichets. Je rappelle que plus de la moitié des détenteurs de Livrets A disposent de moins de 150 euros d'épargne...

Ces obligations, monsieur le ministre, ne s'imposent à aucun autre organisme bancaire, et aucun d'entre eux ne s'engagera à assurer une telle contrepartie. Aussi donnez-nous l'assurance ce soir que, dans la prochaine loi, vous inscrirez ces obligations dans les cahiers des charges de toutes les banques distributrices et que vous veillerez à ce qu'elles s'y conforment !

De fait, l'État a un intérêt direct à améliorer le système tel qu'il existe aujourd'hui puisqu'une partie des sommes épargnées sur ce support populaire placée par la Caisse des dépôts et consignations rapporte de l'argent qui revient directement dans ses propres caisses grâce aux ponctions sur les fonds d'épargne.

Toutes les décisions en vue de la banalisation du Livret A sont prises de manière précipitée et sans concertation, alors que, à la suite du Grenelle de l'environnement, l'association des maires de grandes villes de France - à la tête de laquelle siègent notre collègue Jean-Paul Alduy et le député Michel Destot - propose, elle, d'élargir le système du Livret A au financement des infrastructures de transport ! Les équipes de Jean-Louis Borloo réfléchiraient également à une telle évolution. Il y a là, vous l'avouerez, monsieur le ministre, quelques légères contradictions...

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