Monsieur le secrétaire d'État, le groupe CRC est loin de considérer le projet de loi de finances pour 2008 comme un budget pour rien, une loi de transition entre une pratique budgétaire passée et une pratique nouvelle, découlant en particulier de la révision générale des politiques publiques et des prélèvements obligatoires.
Le projet de loi de finances pour 2008 est en effet un budget idéologique, tout entier destiné à satisfaire l'appétit des marchés financiers, les plus grandes entreprises et les ménages les plus aisés. Il creuse encore plus profondément que les précédentes lois de finances le sillon des choix libéraux, confisquant l'argent public au profit de quelques-uns, sous toutes les formes possibles et imaginables.
Ici, on allège l'impôt sur le revenu des professions libérales, là, on soutient la spéculation immobilière, ailleurs, on réduit l'impôt de solidarité sur la fortune, là encore, on réduit à nouveau la fiscalité du patrimoine.
Les Français, inquiets pour leur pouvoir d'achat, plébiscitent à 80 % la baisse de la TVA, mais peu importe : on supprime l'impôt de bourse, on relève le seuil de taxation des plus-values, on aménage encore et encore l'impôt de solidarité sur la fortune !
Les Français attendent de l'État un effort particulier en faveur de la santé, du logement, de l'emploi ? Là encore, peu importe ! On taille dans le vif des crédits du logement, on persiste à soutenir les placements immobiliers, on supprime les subventions aux associations d'insertion et on dépense à tout vent, prétendument pour alléger le coût du travail !
Quelques mesures du projet de loi de finances tel qu'il résultait de son adoption par le Sénat n'ont pas trouvé grâce en commission mixte paritaire.
Certains des articles qui avaient été supprimés sont revenus dans le collectif budgétaire, comme nous venons de le voir, mais cela ne signifie pas qu'ils ont été améliorés.
La suppression de deux dispositions est source d'une légère satisfaction pour nous.
La première disposition est l'exonération de taxe professionnelle des industries de production dans le secteur de l'audiovisuel. Pour la énième fois, cette disposition n'a donc pas passé la rampe !
À cet égard, permettez-moi simplement de souligner que, selon nous, la méthode consistant à gager sur des exonérations d'impositions locales le devenir de certains secteurs d'activité est tout simplement inadaptée aux enjeux.
La concurrence fiscale entre territoires ne fait, sur la durée, que créer les conditions de la disparition programmée de telle ou telle activité. En outre, elle s'avère ruineuse, sans contrepartie réelle, pour les collectivités locales concernées. Il convenait ici de le rappeler.
De même, il convient de définir pour ce secteur d'activité une intervention publique d'une autre portée et d'une autre nature si nous souhaitons donner sens à la création audiovisuelle dans notre pays.
La seconde disposition est la récupération sur succession de l'allocation personnalisée d'autonomie des personnes âgées.
Cette disposition, pour le moins contradictoire dans l'esprit avec les mesures votées en matière de fiscalité du patrimoine dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, a été retirée du projet de loi de finances à la suite de l'émotion légitime qu'elle a suscitée et de la mobilisation des professionnels des personnes âgées sur la question de la dépendance.
Ce débat, qui nous a longuement occupés, a permis de poser une question essentielle : le choix de confier la prise en charge de la dépendance aux départements est-il le bon ?
L'APA, qui remplace la prestation spécifique dépendance votée durant la législature 1993-1997, a vocation universelle. C'est ainsi qu'elle a été conçue. Elle doit donc, à notre avis, être prise en charge non par les collectivités locales, mais par la sécurité sociale, qui est plus à même de répondre à cette exigence d'universalité.
Ce débat sur l'APA ouvre donc la perspective d'une discussion plus approfondie sur le contenu réel de la décentralisation et sur la pertinence des attributions de compétences respectives de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.
C'est à l'aune de ce débat que nous pourrons mener une véritable révision des politiques publiques, en gardant à l'esprit ces questions essentielles : comment répondre de la manière la plus juste et la plus économe des deniers publics ? Comment répondre de la manière la plus efficace aux besoins de la population ?
Avec le projet de loi de finances pour 2008, nous ne sommes pas du tout dans cette logique ! Nous sommes au contraire dans une logique de cache-cache, la règle étant de contraindre le partenaire éventuel à prendre pour lui ce dont on veut se débarrasser !
C'est ainsi que le Gouvernement, en faisant voter l'article 12 sur le contrat de stabilité avec les collectivités locales, a transféré plus d'un milliard d'euros de déficit au service public local.
Quand cela ne suffit pas, ce sont les citoyens qui paient la facture. Plus de 2 milliards d'euros de coupes claires ont ainsi été prévus dans la seconde partie du projet de loi de finances, dans nombre de missions, notamment dans les dépenses les plus socialement utiles.
Enfin, comment ne pas relever, en conclusion de cette intervention, que ce projet de loi de finances est largement conditionné par l'état de la situation économique mondiale ?
La poussée actuelle de hausse des prix - l'indice INSEE a augmenté de 0, 5 % en novembre -, le ralentissement de la croissance, notamment aux États-Unis, les perspectives assombries pour l'activité économique dans notre propre pays, le déficit grandissant de notre commerce extérieur, les tensions sur les marchés boursiers, la hausse des taux d'intérêt sont autant de facteurs aggravants.
Une bonne part des effets attendus du projet de loi de finances sont donc sujets à caution.
Nous aimerions nous tromper sur ces perspectives peu optimistes, mais nous pensons que, si la conjoncture se dégradait, ce serait une fois encore en imposant une cure d'austérité au plus grand nombre que vous trouveriez les solutions à vos difficultés.
Le groupe CRC ne votera donc pas les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2008.