Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 3 mars 2006 à 22h00
Égalité des chances — Demande de priorité, amendement 370

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Lors d'une allocution prononcée le 14 novembre 2005 en réaction à la situation dans les banlieues, le Président de la République, M. Jacques Chirac, avait annoncé la création d'un service civil volontaire. Le texte que nous examinons actuellement serait la suite législative de cet engagement.

L'article 28, qui tend à créer un service civil volontaire, serait ainsi destiné, selon les rapporteurs, issus de la majorité sénatoriale, à « aider les jeunes en difficulté à trouver un emploi en leur permettant d'intégrer différents corps de métier (défense, police, environnement, santé, culture et secteur associatif) ».

Pour ce faire, l'article 28 prévoit un service civil volontaire, qui viendra s'appuyer sur des initiatives existantes : les cadets de la République, le plan « Défense deuxième chance », le volontariat associatif, etc.

Il faut d'abord signaler que, malgré les déclarations du Gouvernement, il ne s'agit pas de la création d'un service. En réalité, on peut tout au plus parler d'une compilation des mesures et de projets existants. Rien de nouveau, d'original, donc, qui puisse apporter une réponse à la « crise des banlieues ».

Il s'agirait ensuite d'une aide pour la recherche d'un emploi. Le but est certes louable, mais il tend à limiter à l'extrême les objectifs d'un service civil qui s'adresse à la jeunesse. Ainsi, l'article 28 institue un simple agrément de service civil volontaire, qui sera attribué aux missions d'accueil, sous contrat, d'un ou plusieurs jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus, exercées par des personnes morales de droit public ou de droit privé ayant une mission d'intérêt général ou d'insertion professionnelle. C'est tout.

En conséquence, le « grand service civil » annoncé par le Président de la République en novembre 2005 accouche d'une toute petite souris, volontaire certes, mais qui se limite à fédérer, comme l'a dit le rapporteur M. Gournac, « les récentes initiatives destinées à donner une nouvelle chance aux jeunes en difficulté ou en situation d'échec et à leur fournir les moyens d'apprendre un métier puis de trouver un emploi ».

Nous pouvons également signaler l'ambiguïté de l'appellation de « service civil volontaire ».

En effet, cette appellation fait cohabiter le mot « service », qui renvoie à une notion d'obligation, et l'adjectif « volontaire » qui, quant à lui, souligne le caractère facultatif de l'engagement. Or le Gouvernement a beaucoup insisté sur le caractère volontaire de cet engagement, ce qui réduira considérablement l'impact et la portée du service en question.

Il est en outre paradoxal qu'au moment où le soutien financier du Gouvernement fait défaut au monde associatif celui-ci soit chargé de porter le poids du service volontaire.

Ce projet, bâclé et mal défini, manque singulièrement de précision quant au statut des « volontaires » : il est dit qu'un contrat sera établi. Sera-t-il exclusif de toute autre activité ? Pourra-t-il être conclu pour une durée illimitée ? Quelle sera la couverture sociale du volontaire ?

Ce service civil ressemble fort à une énième mouture du sempiternel projet gouvernemental destiné à apporter in fine au marché une main-d'oeuvre souple, jeune et précaire - une sorte de « stage » civil-, et susceptible de créer une grande confusion statutaire entre bénévoles, volontaires et employés des associations.

Le service civil proposé par le Gouvernement est de plus un dispositif franco-français. À l'heure où nous devons nous ouvrir toujours davantage à l'Europe, on nous propose un texte qui ne fait pas une fois allusion aux dispositifs qui existent ou que l'on pourrait créer au sein de l'Union européenne.

Vous nous proposez en réalité un service civil au rabais, monsieur le ministre.

Il s'agit d'une démarche qui n'est ni ambitieuse, ni novatrice. Nous savons qu'il n'est pas possible, avec un système volontaire, d'offrir à tous les jeunes une formation citoyenne commune et de transmettre à tous nos valeurs républicaines : respect, tolérance, écoute de l'autre. S'agissant de l'écoute de l'autre, cette valeur aurait son utilité dans cet hémicycle. Il est souhaitable que ces valeurs soient réaffirmées partout sur le territoire et auprès des jeunes Français de l'étranger.

Notre proposition vise à créer un véritable service civique pour les jeunes femmes et les jeunes hommes. Nous pensons que ce service civique doit être obligatoire pour tous les jeunes Français, résidant en France ou établis hors de France. Il nous semble également nécessaire de faire profiter de cette expérience les jeunes femmes et les jeunes hommes étrangers résidant en France.

Dans l'objet de l'amendement n° 370 était exposé l'essentiel de notre argumentation. Je vous invite à le lire. Je suis convaincu que, au sein de la Haute assemblée, nombreux sont celles et ceux qui partagent les convictions républicaines qui y sont exprimées.

Si j'en juge par le nombre et la qualité des personnalités dont la signature a été recueillie à l'occasion de l'appel lancé par le journal La Vie, nous aurions été très nombreux à voter l'amendement de notre groupe.

Je vais conclure car je ne veux pas abuser de votre patience ni de votre gentillesse, étant précisé que je pourrais faire encore durer mon intervention si cela s'avérait nécessaire ou si l'on m'y poussait.

J'ai le texte de cet appel et la liste de sénateurs signataires.

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