Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 24 mars 2010 à 14h30
Garde à vue — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Il faudrait que soient réunies au moins trois conditions.

Première condition – et c’est là où le bât blesse, madame le garde des sceaux -, l’autorité judiciaire, sous la tutelle de laquelle se feront ces investigations, devra être totalement indépendante du pouvoir politique. Ce n’est, à l’évidence, pas le cas aujourd’hui ; le parquet ne jouit pas de l’indépendance ni de l’impartialité nécessaires à l’exercice de la tâche que vous envisagez de lui confier. La Cour européenne des droits de l’homme l’a affirmé plusieurs fois : le parquet n’est pas une autorité judiciaire.

Quoi que vous puissiez en dire, tout le monde le sait bien, en particulier celles et ceux qui ont servi à un moment ou à un autre à la Chancellerie, notamment au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces, les interventions, parfois bienvenues, pour exercer des poursuites, par exemple, sont constantes auprès des membres des parquets généraux, et elles sont en général suivies.

Je n’aurai pas la cruauté d’énumérer toutes les affaires qui portent la marque de l’intervention du pouvoir politique, au moins depuis 2007, voire depuis 2004 – je ne remonterai pas jusqu’aux années soixante-dix, que je connais bien. Je pensais ce temps-là révolu !

Le juge d’instruction constitue une sauvegarde, et, si ce verrou « saute », le parquet doit être totalement indépendant et son statut considérablement modifié.

Vous ne le voulez pas, vous l’avez dit à plusieurs reprises. Ce n’est d’ailleurs pas souhaitable. Je ne suis en effet pas favorable à un parquet totalement indépendant. Par voie d’extension, je ne suis pas du tout favorable à la modification de la procédure que vous nous proposez.

Deuxième condition, qui découle de la première, les forces de police et de gendarmerie qui agiront sous l’autorité du parquet devront être aussi totalement indépendantes. Elles devront ne dépendre que du parquet et être détachées du ministère de l’intérieur, comme on le demande depuis très longtemps.

Il faudra enfin opérer une distinction nette dans les statuts, dans les nominations et dans l’avancement entre les forces consacrées à l’enquête judiciaire et les forces consacrées au maintien de l’ordre, les dernières étant rattachées au ministère de l’intérieur, les premières au parquet et au ministère de la justice.

La troisième et dernière condition est l’adaptation de l’aide juridictionnelle et une extension de son domaine.

À cela j’ajouterai une quatrième condition, dont nous discutons aujourd’hui : la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue. En effet, cette garde à vue sera encore plus importante – Mme Escoffier l’a dit tout à l’heure – pour l’issue du procès pénal.

Il paraît totalement inadmissible et aberrant que les droits de la défense ne soient pas assurés dès le début de la procédure, quelles que soient les conditions et les infractions commises. Les exemples que vous avez donnés ne valent pas : il est toujours possible de trouver des solutions dans des situations extraordinaires.

L’avocat doit assister à tous les interrogatoires, à tous les actes de procédure et, bien entendu, il doit avoir accès aux pièces du dossier, dès que celui-ci commence à se constituer, en sa présence.

Voilà dans quel contexte plus large se situe la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui par notre collègue Jacques Mézard.

Quoi qu’il en soit de l’avenir ou de votre texte futur, madame le ministre d’État, cette proposition doit être immédiatement adoptée et même avec encore plus de force.

Elle doit s’appliquer à la situation actuelle et elle devra être reprise, peut-être avec des inflexions, en fonction de nos décisions, à la future réforme de la procédure pénale.

Ce sont les raisons pour lesquelles, avec le groupe socialiste, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter la motion de renvoi à la commission de notre collègue François Zocchetto, qui est absolument dénuée de tout fondement.

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