Intervention de Alain Milon

Réunion du 24 mars 2010 à 14h30
Interdiction du bisphénol a — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Quoi qu’il en soit, la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe RDSE tendant à interdire le bisphénol A dans les plastiques alimentaires nous amène à réfléchir sur l’attitude à adopter face au principe de précaution. Cet enjeu a été exposé avec pertinence par M. le rapporteur.

Le bisphénol A est un composant chimique du polycarbonate. Que ce soit sous forme d’antioxydant, dans les plastiques et PVC, ou de résine époxyde, le BPA est présent dans notre vie courante depuis des décennies. Mais les dernières analyses sur la toxicité du composé ont largement mobilisé les services de sécurité sanitaire. Cela m’amène à dresser la liste des risques sanitaires qui ont été soulignés lors de ces études et à faire le lien avec la proposition de loi de nos collègues du groupe RDSE.

Le BPA, chacun le sait, est un perturbateur endocrinien : autrement dit, il interfère avec les fonctions du système hormonal. Si la majorité des pays avaient conclu précédemment à « l’absence de risque pour le consommateur dans les conditions d’emploi » du BPA, de nouvelles études sont revenues sur cette appréciation.

L’AFSSA, qui avait constitué un groupe de travail ad hoc, a rendu le 29 janvier un nouvel avis sur le bisphénol A. Alors qu’elle avait conclu, en 2008, à « l’absence de risque pour le consommateur », l’Agence a réévalué son avis et évoque désormais des « effets subtils » sur le comportement. Le nouveau rapport met en exergue des « signaux d’alerte », mais l’AFSSA précise qu’il n’y a pas urgence et préconise un approfondissement des recherches, principalement la mise en œuvre d’une méthodologie adaptée à la détection de toxicité des perturbateurs endocriniens.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur, des agences de sécurité alimentaire étrangères se sont penchées sur le BPA et ont émis des avis contrastés. Cela conforte la position du groupe UMP quant à la proposition de loi : nous pensons qu’il faut attendre des avis plus certains, notamment celui que doit rendre en mai prochain l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, avant d’arrêter toute mesure radicale d’interdiction du BPA.

Il ne faut pas non plus limiter les recherches au bisphénol A. Il convient au contraire de les élargir à l’ensemble de la catégorie des perturbateurs endocriniens. Sur ce point, nous attendons les résultats de l’étude commandée par le Gouvernement à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Ces sujets doivent faire l’objet d’une mutualisation des connaissances scientifiques à l’échelle internationale.

Interdire le BPA en France n’est pas, à ce jour, la meilleure des solutions, ni la plus rationnelle. Il nous faut être vigilants sur cette question du bisphénol A, mais ne pas interdire cette substance sans disposer d’analyses précises, car nous risquerions alors de la remplacer par un autre composé chimique qui se révélerait encore plus toxique à l’avenir pour l’homme. Dans l’attente d’études plus poussées, il est préférable, d’une part, de ne pas précipiter la décision, et, d’autre part, de mutualiser les connaissances scientifiques en la matière à l’échelle internationale, afin d’atteindre un degré de précision suffisant sur les risques réels.

L’interdiction serait également une solution irrationnelle, étant donné le principe de libre-échange qui régit l’Union européenne. En effet, une telle mesure n’empêcherait pas l’arrivée sur le marché français de produits fabriqués avec du BPA dans un autre pays membre. Au contraire, elle risquerait plutôt de pénaliser le marché national, en engendrant des problèmes d’approvisionnement et des coûts de production supplémentaires liés au changement de matériau.

Toutefois, en cas de danger grave ou immédiat, le Gouvernement doit être en mesure de prendre un arrêté permettant d’interdire rapidement la production d’articles contenant du BPA. Cette possibilité doit être envisagée notamment pour la production de biberons, dont le chauffage fréquent favorise la migration du BPA vers les aliments. Un tel arrêté pourrait concerner prioritairement les nourrissons, plus sensibles car leurs systèmes neurologique, endocrinien et hépatique sont en plein développement.

À ce stade, nous ignorons l’ampleur potentielle de l’enjeu de santé publique que représente l’incidence des perturbateurs endocriniens sur le corps humain. Cependant, les conclusions des nouveaux rapports rédigés sur cette question, bien que lacunaires, nous conduisent à réfléchir à des procédures de précaution.

Tout d’abord, pour reprendre les termes de Mme la ministre de la santé, c’est un « signal d’alerte » dont il faut tenir compte. En attendant les résultats des dernières études, notamment le rapport de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire qui doit être publié ce printemps, la première étape de la mise en œuvre du principe de précaution est de s’assurer que les recommandations émises soient bien prises en compte par les personnes concernées, afin de diminuer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens.

Nous devons dès à présent réfléchir à des campagnes d’information afin d’alerter les femmes enceintes et les jeunes parents sur les éventuels risques liés à l’utilisation de biberons et de contenants fabriqués avec du BPA. Cette campagne doit recourir à des supports larges de communication pour sensibiliser le maximum de personnes.

La mise en place d’un site dédié au bisphénol A, présentant une information complète, serait une avancée certaine. Néanmoins, l’expérience canadienne montre qu’il risquerait d’être peu consulté. Il semble donc préférable de privilégier des campagnes sur internet ou à la télévision, préconisant, à destination d’un large public, des gestes simples de précaution.

Cette campagne d’information doit également passer par un meilleur étiquetage de la composition des contenants alimentaires. Cette amélioration doit prendre en compte les avis des consommateurs, qui soulignent le manque de clarté des informations actuellement fournies. Pour l’heure, les perturbateurs endocriniens sont regroupés sous le code européen d’identification 7, qui apparaît à l’intérieur du signe relatif au recyclage figurant sur les matériaux plastiques. Cette catégorie « divers », reprise du Canada par la Commission européenne dans sa directive 97/129/CE du 28 janvier 1997, ne permet pas aux consommateurs d’identifier clairement la présence de perturbateurs endocriniens et ne suffit pas à assurer leur traçabilité. Il convient donc de travailler à la création d’une marque distinctive pour l’ensemble des perturbateurs endocriniens.

Enfin, le principe de précaution peut être invoqué à l’adresse des fabricants de récipients en plastique à usage alimentaire pour bébés, notamment les biberons. Il s’agirait de recommander aux entreprises concernées de limiter l’utilisation du BPA et de vendre des produits n’en comportant pas. Deux entreprises françaises ont d’ores et déjà mis sur le marché, en 2009, une gamme de biberons sans BPA, afin de répondre à toutes les attentes des consommateurs.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP suivra la position de M. le rapporteur et adoptera les amendements qu’il présentera.

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