Monsieur le rapporteur, je voudrais tout d'abord vous remercier de la remarquable qualité de votre très dense rapport - 300 pages avec les annexes ! - qui nous a beaucoup aidés à améliorer notre texte, vous remercier aussi de l'étroite collaboration qui a marqué la préparation de cette discussion.
Le projet de loi soumis à votre examen a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 28 juin dernier. Je crois utile de le replacer dans le cadre général de l'action que mène le gouvernement de Dominique de Villepin depuis dix-huit mois sur ces sujets.
Tout d'abord, ce projet de loi concrétise le dialogue social qui s'est installé dans la fonction publique tout au long de l'année 2006, après la signature le 25 janvier dernier des accords - les premiers, il faut le rappeler, depuis huit ans - conclus avec la CFDT, la CFTC et l'UNSA, l'Union nationale des syndicats autonomes, sur l'amélioration des déroulements de carrière et l'évolution de l'action sociale.
S'il a été possible de signer ces accords, c'est que les partenaires sociaux ont une nouvelle approche du pouvoir d'achat des fonctionnaires, qui découle tout autant des mesures salariales, bien sûr, que des améliorations statutaires en faveur des agents, en particulier ceux de la catégorie C, ou de mesures sociales comme la mise en place du chèque emploi-service universel.
Ce qui a animé le Gouvernement, la CFDT, la CFTC et I'UNSA, c'est ensuite l'idée que les fonctionnaires veulent aujourd'hui des carrières offrant de fortes perspectives. Ces perspectives, ils espèrent en trouver d'abord dans une formation professionnelle renouvelée, accompagnée d'un droit nouveau : le droit individuel à la formation, ou DIF. J'ai ainsi eu l'occasion de signer le 21 novembre dernier avec la CFDT, la CFTC et la CGC le premier accord sur la formation professionnelle intervenu depuis dix ans dans la fonction publique.
Les fonctionnaires espèrent aussi une plus grande mobilité dans leur carrière, c'est-à-dire la possibilité de varier leurs postes entre ministères ou entre les fonctions publiques d'État, territoriale ou hospitalière. Certains fonctionnaires sont également prêts à tenter l'expérience du secteur privé. C'est pourquoi le présent projet de loi traitera aussi de la déontologie.
Enfin, les fonctionnaires et leurs employeurs attendent aujourd'hui plus de souplesse pour cumuler leurs activités, professionnelles et personnelles. Le projet de loi offrira donc une simplification des règles de cumul d'activités.
Je souhaite préciser que ce texte traite des principes généraux communs aux trois fonctions publiques et qu'il est en totale adéquation avec le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale que votre Haute Assemblée a adopté la nuit dernière.
Permettez-moi, après cette rapide introduction, d'entrer dans le détail du projet de loi.
Le premier chapitre traite de la formation professionnelle des agents publics. Celle-ci, qui occupait déjà une place centrale dans l'accord conclu le 25 janvier 2006, a donné lieu, le 21 novembre dernier, à la signature d'un nouveau protocole d'accord, qui détaille notamment les modalités de mise en oeuvre dans la fonction publique du droit individuel à la formation et de la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle. Ces dispositions font l'objet d'une très forte attente de la part des fonctionnaires.
Ainsi, conformément à l'accord du 25 janvier 2006, le projet de loi, dans son article 1er, étend aux fonctionnaires le bénéfice du congé pour validation des acquis de l'expérience ainsi que du congé pour bilan de compétences. Les fonctionnaires bénéficieront en la matière des droits ouverts aux salariés du privé, depuis le 17 janvier 2002, par la loi de modernisation sociale.
L'article 2 du projet de loi introduit le droit individuel à la formation dans la fonction publique. Là aussi, il s'agit d'étendre aux fonctionnaires des avancées sociales profitant aux salariés du privé.
Les articles 5 et 6 autorisent la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle dans les parcours professionnels, notamment en substitution d'une épreuve de concours ou au titre de la promotion interne. Cette prise en compte de l'expérience ne signifie en rien l'abandon des concours, mais indique dans quel sens ceux-ci doivent évoluer : le Président de la République nous avait déjà alertés voilà un an, les épreuves sont parfois trop académiques et déconnectées de la vie professionnelle.
Des dérogations aux conditions de diplôme seront aussi possibles pour l'inscription aux concours. La prise en compte de l'expérience professionnelle facilitera également les « secondes carrières », notamment pour les personnes venant du secteur privé.
Le deuxième chapitre adapte les règles de la mise à disposition des fonctionnaires pour rendre plus aisée leur mobilité entre fonctions publiques et entre ministères eux-mêmes. L'entrée en vigueur de la LOLF entraînait la nécessité de clarifier les règles en la matière ; par ailleurs, un récent rapport de l'inspection générale des finances avait mis en lumière des dérives.
Le projet de loi répond à ces exigences et va même plus loin en permettant de faire de la mise à disposition un instrument général favorisant la mobilité des fonctionnaires. Il sera ainsi possible de mettre un fonctionnaire à disposition d'une fonction publique à l'autre, entre ministères, au sein des établissements publics, mais aussi en faveur d'organismes contribuant à la mise en oeuvre des politiques de l'État, des collectivités territoriales ou des établissements publics. Les pôles de compétitivité, par exemple, pourront bénéficier de ces mises à disposition.
L'administration d'origine et l'employeur devront passer une convention, et la mise à disposition sera remboursée. M. le rapporteur fera un certain nombre de propositions d'amendements pour aller plus loin encore, notamment, étendre certains dispositifs de mise à disposition aux fonctions publiques hospitalière et territoriale ; je ne peux que m'en réjouir. L'objectif est bien de faire de la mise à disposition un instrument de plus grande souplesse pour la gestion des ressources humaines.
Afin d'encourager les échanges entre secteur public et secteur privé, le troisième chapitre modernise les règles de déontologie. Il s'agit de permettre aux fonctionnaires d'effectuer des parcours professionnels plus variés et aux employeurs de tirer profit des nouvelles compétences ainsi acquises.
Les articles 10 et 11 instituent donc un nouveau dispositif : l'autorité de la commission de déontologie, désormais unique et indépendante, serait renforcée ; les agents qui exercent des fonctions de contrôle ou de responsabilité auraient l'obligation de passer devant la commission de déontologie et seraient sanctionnés pénalement s'ils ne se pliaient pas à cette règle ; le respect des avis de la commission de déontologie deviendrait obligatoire pour l'administration.
En outre, le délai d'incompatibilité entre des fonctions de responsabilité ou de contrôle dans l'administration et des fonctions similaires dans le secteur privé se trouverait réduit. Le Gouvernement souhaitait initialement le fixer à deux ans, à l'instar des règles appliquées dans les autres pays de l'OCDE ; l'Assemblée nationale a préféré retenir un délai de trois ans ; votre commission des lois a souhaité revenir sur certaines dispositions. Nous en débattrons.
Afin d'offrir une plus grande souplesse aux employeurs comme aux agents, le quatrième chapitre simplifie le régime des cumuls d'activités et encourage la création d'entreprises par des agents publics.
Le principe général est celui de l'interdiction : un fonctionnaire doit se consacrer totalement à son travail. Parallèlement, cependant, des dérogations sont possibles, et la façon de les accorder est assouplie : c'est à chaque chef de service d'apprécier si un cumul peut ou non nuire à l'intérêt du service ou à sa bonne exécution.
Le projet de loi vise également à favoriser les liens entre public et privé. Ainsi, le cumul d'une activité publique et d'une activité privée sera autorisé pendant un an pour créer une entreprise ; l'agent pourra soit rester employé à temps plein dans la fonction publique, soit bénéficier de droit d'une autorisation de travail à temps partiel. Le cumul sera également autorisé, dans les conditions de droit commun, pour les agents à temps partiel. Je rappelle à cet égard que le temps partiel est trop souvent un temps contraint, pour les femmes, particulièrement dans les petits grades.
Je ne vais pas énumérer ici toutes les dispositions diverses du chapitre V. Je mentionnerai cependant l'article 18, qui facilite le regroupement des commissions administratives paritaires, les CAP.
La fusion des corps de fonctionnaires constitue l'un des outils de la mobilité, car elle rapproche les règles de gestion, par exemple entre attachés du ministère des finances et attachés de l'équipement, qui n'ont pour l'heure ni les mêmes règles d'entrée ni les mêmes règles de promotion ou de rémunération. La fonction publique d'État, au 1er janvier 2006, comptait 1 200 corps, dont plus de 900 étaient « vivants ». Nous nous étions donné pour objectif de fusionner 10 % des corps par an. Nous sommes bien au-delà puisque en 2006 nous supprimons 234 corps, soit 25 % d'entre eux. L'article 18, en permettant de regrouper les CAP communes à plusieurs corps, facilitera ce travail.
Je souhaite mentionner également l'article 24 quater du projet de loi, qui permettra aux employeurs publics d'aider la protection sociale complémentaire des fonctionnaires. Cette disposition est très attendue par le monde mutualiste depuis que le Conseil d'État et la Commission européenne ont respectivement abrogé un arrêté qui autorisait ce type d'aide et ouvert une enquête, à la suite d'une plainte, pour déterminer si le droit européen des aides d'État était respecté.
L'article 24 quater marque une première étape dans la définition d'un dispositif nouveau, en étroite concertation avec les syndicats et les mutuelles de la fonction publique. La protection sociale des fonctionnaires pourra ainsi devenir un nouveau champ de discussion entre les employeurs publics et les partenaires sociaux.
Enfin, j'en viens aux amendements.
Le Gouvernement a déposé un amendement visant à permettre l'application au 1er novembre 2006 des mesures indiciaires concernant les catégories B et C qui découlent de l'accord du 25 janvier dernier sur l'amélioration des carrières. Son adoption permettrait le respect de l'engagement pris auprès des partenaires sociaux signataires.
Le Gouvernement propose également un amendement ayant pour objet de mettre en place l'expérimentation du remplacement de la notation chiffrée par l'entretien d'évaluation. Une longue concertation s'est déroulée sur ce sujet avec les partenaires sociaux, puisque j'avais commandé un rapport voilà un an et que les syndicats ont tous été consultés à quatre reprises sur ce projet. Pour tenir compte de leurs remarques, le Gouvernement propose d'ouvrir cette faculté aux seules administrations qui le souhaitent, étant entendu que le remplacement de la notation par l'entretien d'évaluation n'interviendra qu'après une large consultation interne à chacune d'entre elles. L'expérimentation ne pourra durer plus de trois ans, et le Parlement recevra en 2010 un rapport sur sa mise en oeuvre.
En conclusion, je tiens à dire que le Gouvernement est attaché à donner une nouvelle impulsion à la modernisation de la fonction publique, au bénéfice des usagers comme des agents et en étroite concertation avec les partenaires sociaux. Je souhaite donc, comme je m'y suis engagé, une entrée en vigueur la plus rapide possible des mesures contenues dans ce projet de loi. Certains des décrets nécessaires à leur application sont d'ores et déjà prêts et sont actuellement soumis à concertation, de façon à pouvoir être publiés, comme M. le président de la commission y est très attaché, rapidement après le vote du projet de loi.