Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 21 décembre 2006 à 9h30
Modernisation de la fonction publique — Adoption d'un projet de loi

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Le Sénat est donc appelé à examiner un ensemble de mesures disparates que j'ordonnerai autour de trois thèmes : favoriser la formation et l'expérience professionnelle des agents, développer les échanges entre les administrations publiques et entre le secteur public et le secteur privé et, enfin, faciliter la gestion des ressources humaines.

Je reviendrai ultérieurement, au cours de la discussion des articles, sur ces considérations générales.

Souscrivant pleinement aux objectifs sous-tendus par ce projet de loi, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, outre des amendements rédactionnels et de coordination, plusieurs amendements tendant à modifier sur le fond le projet de loi et à préciser certaines de ses dispositions.

J'évoquerai tout d'abord l'achèvement de la réforme de la mise à disposition.

La réforme de la mise à disposition prévue par le projet de loi semble de nature à la fois à répondre aux besoins des administrations publiques et de leurs agents et à mettre un terme à certaines dérives relevées par l'Inspection générale des finances en 2004.

La mise à disposition constitue, en effet, un instrument utile pour développer les échanges entre les administrations publiques ainsi qu'entre le secteur public et le secteur privé. Au même titre que la formation, ces échanges sont indispensables pour maintenir et accroître les compétences des agents et, ainsi, améliorer le service public et le service rendu à la population.

La commission vous propose, mes chers collègues, d'autoriser la mise à disposition à temps partagé de fonctionnaires de l'État, en encadrant les possibilités de mise à disposition auprès d'organismes extérieurs aux administrations publiques et en étendant le bénéfice de la réforme aux fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Elle vous soumettra notamment, à l'article 7, un amendement tendant à permettre la mise à disposition de fonctionnaires de l'État auprès d'un ou de plusieurs organismes pour y effectuer tout ou partie de leur service.

Cette mise à disposition à temps partagé présente l'intérêt d'apporter une plus grande souplesse dans la gestion des ressources humaines, de permettre la pluriactivité et de favoriser la mobilité.

À titre d'exemple, un agent des services déconcentrés pourra, sur une fraction de son temps de travail, prêter main-forte à ses collègues de l'hôpital ou de la commune, sans que ses conditions statutaires d'emploi s'en trouvent modifiées.

Par ailleurs, alors qu'ils peuvent être actuellement mis à disposition d'« organismes d'intérêt général », les fonctionnaires de l'État ne pourront désormais l'être qu'auprès d'« organismes contribuant à la mise en oeuvre d'une politique de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs ».

L'objectif recherché est de restreindre le champ des mises à disposition auprès d'organismes extérieurs aux administrations publiques, afin de le limiter au périmètre du service public administratif.

Toutefois, la rédaction proposée n'interdit pas la mise à disposition de fonctionnaires auprès de sociétés à vocation commerciale.

Elle n'est pas non plus sans précédents, nous l'avons déjà vu notamment pour ce qui concerne le ministère de la défense ou l'obligation de mobilité des nouveaux fonctionnaires recrutés par l'École nationale d'administration.

La commission des lois vous propose donc un amendement ayant pour objet, en cas de mise à disposition auprès d'organismes contribuant à la mise en oeuvre d'une politique de l'État, des collectivités territoriales ou des établissements publics administratifs, de limiter l'exercice de ces missions aux seules missions de service public confiées à ces organismes.

Par exemple, un ingénieur des ponts et chaussées pourra participer à la réalisation d'une autoroute, mais il ne pourra pas exercer d'autres fonctions au sein de la société concessionnaire.

La commission des lois vous propose également deux amendements qui permettent d'étendre le bénéfice de la réforme aux fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Les rédactions proposées constituent le décalque de celle qui a été retenue pour la fonction publique de l'État, sous réserve du maintien de quelques règles spécifiques à la fonction publique territoriale.

J'en viens maintenant au point qui a été le plus discuté, en commission, le contrôle du respect des règles déontologiques.

La commission des lois n'a pas été convaincue par la nécessité de créer la permission législative proposée par le projet de loi en matière déontologique, et conduisant à lier le contrôle pénal au contrôle déontologique précédemment effectué.

Elle comprend que, d'un point de vue juridique, l'articulation des mécanismes de contrôle entre le juge pénal et la commission de déontologie paraisse souhaitable et que l'instauration de la permission législative proposée soit séduisante. Pour autant, elle considère que cette réforme ne doit pas se faire au détriment de la garantie de la stricte application des règles déontologiques imposées aux agents, lesquelles constituent un élément essentiel de l'indépendance de l'administration et de ses agents.

Elle considère, sans remettre en cause l'important travail de la commission de déontologie et le sérieux des avis qu'elle rend, qu'elle n'offre pas les garanties d'indépendance suffisantes pour justifier que le juge pénal n'ait plus à connaître des cas éventuels de prise illégale d'intérêts où les agents auraient déjà reçu un avis de compatibilité de déontologie.

En outre, elle estime que rien ne justifie actuellement l'instauration de cette articulation entre les contrôles statutaire et pénal, dans la mesure où, en pratique, aucune décision divergente entre le juge pénal et la commission de déontologie n'a été constatée depuis la création de cette commission, c'est-à-dire depuis onze ans.

Elle propose donc un amendement tendant à supprimer cette permission législative.

S'agissant de la commission de déontologie, la commission des lois vous propose quelques aménagements.

Elle suggère tout d'abord de préciser que le magistrat de l'ordre judiciaire peut être un magistrat en activité ou honoraire et de lui prévoir un suppléant. Elle est très favorable à la présence effective d'un magistrat de l'ordre judiciaire au sein de la commission de déontologie.

Elle propose également de prévoir des suppléants pour les directeurs d'administration centrale ainsi qu'un représentant, plutôt qu'un suppléant, pour le membre de la commission représentant l'employeur de l'agent concerné, car il serait difficile de prévoir dans le décret un suppléant pour chacune de ces autorités, notamment pour les maires des 36 000 communes de France.

Enfin, elle propose d'alléger la composition de la commission de déontologie en réduisant de trois à deux le nombre de personnalités qualifiées et en ne prévoyant qu'un seul directeur d'administration centrale pour la fonction publique de l'État, un représentant d'une association d'élus de la collectivité dont relève l'intéressé pour la fonction publique territoriale, une personnalité qualifiée dans le domaine de la santé publique pour la fonction publique hospitalière et une personnalité qualifiée dans le domaine de la recherche ou de la valorisation de la recherche, lorsque s'agit de cette catégorie d'agents.

Je voudrais maintenant vous apporter des précisions sur certains dispositifs prévus par le projet de loi.

D'abord, pour ce qui concerne le droit individuel à la formation, le DIF, la commission approuve, bien entendu, cette disposition, mais elle souhaite toutefois préciser que l'autorité prend en charge les frais de formation.

Le projet de loi ne prévoit actuellement qu'une participation de l'employeur public alors que, dans le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent prendre en charge les frais de formation engagés dans le cadre du droit individuel à la formation.

Par ailleurs, en ce qui concerne la possibilité pour les agents publics de pouvoir créer ou reprendre une entreprise, la commission propose un amendement tendant à permettre la prolongation pour une année supplémentaire, au maximum, de la possibilité offerte à un agent public et au dirigeant d'une société ou d'une association à but lucratif de déroger pendant un an à l'interdiction du cumul d'activités.

S'agissant des concours, la commission propose de préciser que les examinateurs doivent participer aux délibérations du jury lorsque celui-ci attribue les notes des candidats aux épreuves qu'ils ont évaluées ou dirigées.

Afin de respecter le principe d'égalité de traitement des candidats, les examinateurs spécialisés ne peuvent actuellement que proposer des notes au jury qui peut ensuite les valider ou les modifier. La commission estime qu'il est utile que ces examinateurs soient présents, avec voix consultative, lors de la délibération du jury sur les notes qu'ils ont proposées.

La commission a été également saisie d'une multitude d'amendements, qui sont arrivés à la dernière minute et sur lesquels elle a été amenée à se prononcer. J'aurai l'occasion d'y revenir au fur et à mesure du débat.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumettra, la commission vous propose d'adopter le projet de loi qui vous est soumis.

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