Intervention de Jacques Mahéas

Réunion du 21 décembre 2006 à 9h30
Modernisation de la fonction publique — Adoption d'un projet de loi

Photo de Jacques MahéasJacques Mahéas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, que le Sénat a adopté, nous abordons un texte de « modernisation de la fonction publique ».

La rencontre de ces deux textes, dans la précipitation de la fin de session, accentue notre regret de ne pas avoir eu à examiner un grand texte d'ensemble sur la fonction publique. Ce n'est pourtant pas faute de l'avoir annoncé depuis le début de la législature ! Mais cette louable ambition n'a pas abouti, ce qui est d'autant plus dommageable que ce qui fait le plus défaut est sans doute justement la coordination entre les fonctions publiques.

Est-ce à dire que ce Gouvernement n'a jamais eu de projet digne de ce nom pour tracer des perspectives d'avenir à la fonction publique ? Est-ce à dire que les fonctionnaires ne seront jamais pour vous que des variables d'ajustement budgétaire ? Est-ce à dire que vous feriez rimer modernisation avec suppression, abandon, voire désagrégation ?

Car votre bilan n'engage guère à pavoiser.

Il est essentiellement marqué par des suppressions massives de postes - encore 15 000 prévues pour 2007 - et par une incapacité à conduire des négociations salariales, incapacité qui se traduit par un perpétuel recul du pouvoir d'achat des agents.

Monsieur le ministre, vous vous targuez d'un bon dialogue social, mais cinq syndicats, ulcérés que vous refusiez, une fois encore, d'ouvrir des négociations collectives sur les salaires, ont boycotté, le mercredi 13 décembre, le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État ! Les mêmes syndicats ont décidé de ne pas participer au groupe de travail qui devait se tenir lundi dernier, justement sur le dialogue social dans la fonction publique. On peut donc à bon droit estimer que ledit dialogue social est quelque peu dans l'impasse.

En matière législative, vous avez adopté des mesures qui ont mis à mal le statut de la fonction publique, par petites touches successives, notamment en dérogeant à la règle du concours avec l'ouverture du recrutement par le parcours d'accès aux carrières territoriales de l'État, le PACTE et avec l'instauration de CDI de droit public.

Vous nous présentez aujourd'hui un projet de loi de modernisation de la fonction publique, ou plutôt dit de « modernisation » de la fonction publique. En effet, le terme semble usurpé !

Ce texte découle de l'accord minoritaire du 25 janvier 2006, signé, vous l'avez rappelé, avec trois organisations syndicales représentant un tiers des fonctionnaires. Il constitue un assemblage de mesures disparates, isolées, parfois intéressantes, mais qui ne donnent que vaguement l'illusion de la modernisation. C'est un projet sans souffle, sans vision d'ensemble cohérente pour faire face aux défis que doit relever la fonction publique : aucun début de stratégie pour faire face aux départs massifs à la retraite, aucune mesure pour développer l'attractivité de la fonction publique.

Examinons toutefois le contenu de ce texte.

Le principe de la formation professionnelle tout au long de la vie ne peut qu'emporter notre accord. Il s'agit de reconnaître le droit individuel à la formation, le DIF, de créer un congé pour validation des acquis de l'expérience, un VAE, et de procéder à une meilleure reconnaissance de l'expérience professionnelle, la REP, non seulement lors des recrutements, mais aussi pour l'avancement de grade et la promotion interne. On peut toutefois déplorer qu'aucune quantification financière ne vienne donner aux administrations gestionnaires les moyens réels qui leur permettraient des efforts de formation.

Un second chapitre assouplit les règles de la mise à disposition, ce qui devrait favoriser la mobilité des agents.

Le troisième volet facilite le départ des agents publics vers le secteur privé. Est-ce ce que l'on appelle communément le « pantouflage ». Nous souhaitons, par amendement, porter de nouveau le « délai de viduité » à cinq ans. Je ne doute pas que vous nous opposerez que le délai de deux ans est celui qui est retenu dans la grande majorité des pays de l'OCDE et de l'Union européenne. Pour autant, la France peut s'honorer d'avoir une fonction publique unique au monde et n'a pas à s'aligner sur ce qui se pratique ailleurs ! Le raccourcissement du délai d'incompatibilité est à la fois inadéquat, puisqu'il ne correspond pas à une réelle nécessité, et inopportun dans un contexte pré-électoral où il pourrait donner lieu à de mauvaises interprétations.

D'autres mesures viennent étendre le cumul de fonctions administratives et d'activités privées lucratives afin d'encourager à la création d'entreprises. Cette disposition, comme le « pantouflage », encourage le départ vers le secteur privé des cadres hautement qualifiés. Est-ce vraiment le message qu'il convient de faire passer alors même que le contexte démographique des départs massifs à la retraite invite, au contraire, à assurer l'attractivité de la fonction publique ?

S'ensuivent un ensemble de dispositions diverses et disparates, véritable inventaire à la Prévert ! On y trouve pêle-mêle la définition de l'action sociale, la constitution de commissions administratives paritaires communes à plusieurs corps ou un nouveau cadre pour le financement des mutuelles.

Au total, la plupart de ces mesures recueillent notre assentiment, mais leur assemblage hétéroclite ne fait pas une politique ! Il manque une réflexion globale, sans doute parce que la fonction publique est loin de constituer la priorité d'un Gouvernement qui semble n'avoir d'autre objectif que d'en réduire les effectifs.

Coupable négligence pour ne pas dire pire, lorsque se dessine une fonction publique où l'on entrerait sans concours et dont on sortirait au plus vite pour aller vers le privé. Un tel état d'esprit ne nous semble pas propice à une véritable modernisation de la fonction publique.

À force de coups portés au statut et de suppressions drastiques de postes, les différents Gouvernements de droite participent d'une banalisation et d'un démantèlement de la fonction publique.

Dernier avatar, monsieur le ministre, vous avez décidé la semaine passée, de manière unilatérale, que le système de notation des fonctionnaires avait vécu et qu'il convenait de le remplacer par des entretiens individuels. Dans un entretien au journal Le Parisien du 14 décembre, vous précisiez : « Il faut moderniser tout cela, et la rémunération à la performance que j'ai mise en place pour l'ensemble des directeurs d'administration centrale s'inscrit dans cette perspective. »

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