Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner en première lecture le projet de loi de modernisation de la fonction publique, dont l'objet principal est de réformer l'action sociale et l'évolution statutaire dans l'administration de l'État.
Le titre de ce texte laissait imaginer une refonte globale de l'administration française. On refonde aisément le fonctionnement de l'État. Si l'ambition de ce texte est limitée, il serait faux de la dire modeste. Bien au contraire et l'on saisit sans peine, en cette fin de législature, les contraintes qui ont présidé à son élaboration.
Chacun aura bien compris que le Gouvernement nous propose, à travers ce texte, de moderniser la gestion des ressources humaines là où elle existe et de l'impulser là où elle fait encore défaut. Ce n'est pas un enjeu mineur, compte tenu de la place et du rôle de l'État dans notre pays.
En outre, ce projet apportera de réelles avancées, non seulement pour le fonctionnement et l'organisation de nos administrations, mais aussi pour les besoins, en termes d'évolution de carrière, qu'éprouvent les fonctionnaires qui les composent.
Les travailleurs du privé, comme ceux du public, n'aspirent plus aux mêmes plans de carrière qu'il y a cinquante, ou même seulement vingt ans. Il convenait donc d'adapter et de faire coïncider les aspirations de nos fonctionnaires avec les contraintes des missions supportées par nos administrations.
C'est pourquoi je me félicite de voir que ce projet de loi a l'ambition d'apporter un nouveau souffle dans la réglementation statutaire de la fonction publique. Il n'est pas inintéressant de constater, comme le souligne M. Hugues Portelli dans son excellent rapport, qu'au fil des différentes réformes, parfois d'origine européenne, se dessinent de façon « subreptice » les contours d'un droit public du travail qui se substitue progressivement à l'ancien droit statutaire.
Ces mutations se font à mon avis dans le bon sens. Elles tendent à rapprocher la gestion de la fonction publique de celle que connaissent les entreprises, c'est-à-dire une gestion toujours plus responsable, plus transparente et plus efficace.
La fonction publique doit jouer un rôle prépondérant dans le dynamisme et la compétitivité de la France. De son organisation dépend la capacité de l'État, des collectivités locales et des autres organismes publics à exercer efficacement leurs missions, de manière à satisfaire non seulement les usagers du service public, mais également leurs agents.
Cependant, ces évolutions ne doivent pas se faire au détriment des missions dont s'acquitte la fonction publique. En effet, la chose publique impose une administration et des fonctionnaires libres des contraintes du secteur privé.
Ainsi, s'il est tout à fait opportun de créer un certain nombre de dispositifs permettant de faciliter le passage du secteur public au secteur privé ou d'étendre les possibilités de compatibilité des activités, la loi doit néanmoins maintenir un cadre strict dans lequel ces dispositifs seront appelés à se développer.
Dans cet esprit, je ne peux qu'approuver l'amendement de la commission des lois tendant à supprimer la « permission législative » en matière déontologique. En effet, l'objectif principal de cette mesure est de créer un dispositif dans lequel le juge pénal ne pourrait plus être saisi d'un délit de prise illégale d'intérêts dès lors que la commission de déontologie aurait émis un avis exprès de compatibilité.
Je me rallie donc à la suppression, préconisée par notre rapporteur, de ladite disposition, que je juge dérogatoire. Rien ne saurait justifier, à mon sens, que la commission se substitue au juge pénal. Il me semble même que cette mesure - je ne doute nullement, par ailleurs, des bonnes intentions qui ont présidé à son élaboration - aurait été source de malentendus, voire de conflits.
Enfin, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, les dispositions de ce projet de loi ont recueilli l'accord de la majorité des organisations syndicales. Ce texte est donc le fruit d'un dialogue social particulièrement dynamique.
À ce titre, je salue les diverses actions que vous avez entreprises. En effet, vous venez de signer avec les partenaires sociaux, le 21 novembre dernier, un nouvel accord instaurant dans la fonction publique le droit individuel à la formation, la reconnaissance de l'expérience professionnelle et la validation des acquis de l'expérience, trois mesures qui correspondent aux besoins exprimés par les organisations syndicales.
Dans cette démarche de concertation avec les partenaires sociaux menée depuis près d'un an et demi, deux avancées majeures ont particulièrement retenu mon attention.
La première concerne l'intégration des jeunes à la fonction publique.
Depuis quelques années, le Gouvernement mène une politique en faveur de l'emploi des jeunes. La fonction publique se devait, elle aussi, de s'engager envers les jeunes non diplômés ou peu diplômés.
Le PACTE, le parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'État, devait, à mon sens, être mieux mis en valeur, puisqu'il peut répondre de manière efficace au problème actuel de l'emploi des jeunes.
De manière générale, il convient - et ce texte y contribue de manière significative - de faire des administrations ou des entreprises publiques des lieux au sein desquels les jeunes souhaitent s'engager. L'État se doit d'être compétitif sur ce terrain, afin de ne pas souffrir du vieillissement de ses effectifs et, surtout, de changer l'image kafkaïenne qui lui est attachée de machine bureaucratique parfois déshumanisée.
La seconde avancée, qui me paraît essentielle dans la démarche entreprise par le Gouvernement depuis dix-sept mois, concerne la formation professionnelle des agents « tout au long de la vie ». En effet, la modernisation ne pourra pas se concrétiser par la seule volonté législative ; elle doit pénétrer les mentalités. C'est le rôle dévolu à la formation, grâce aux mécanismes incitatifs mis en place par ce texte. Cette dernière doit devenir un objectif prioritaire de la gestion des agents.
Certes, il ne suffit pas de légiférer aujourd'hui pour que, demain, l'ensemble des mesures préconisées prenne son plein effet. Le chemin de la modernisation de la fonction publique est encore long et certainement semé d'embûches. Mais ce projet de loi apporte un progrès non négligeable qu'il serait malhonnête de bouder.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce texte tel qu'il sortira des travaux de notre assemblée.