À la suite de son examen par l'Assemblée nationale, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comporte désormais dix-neuf articles, contre dix initialement.
Ces articles sont d'une importance inégale. Outre celui qui procède à la ratification formelle de l'ordonnance, quatorze articles simplifient, clarifient ou harmonisent des dispositions relatives aux professions de santé : médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues.
Parmi les quatre articles restants, deux sont consacrés aux conditions d'exercice de la profession de diététicien, le troisième tend à accorder le statut de profession de santé aux assistants dentaires, tandis que le dernier a pour objet d'habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement.
C'est sur ces quatre articles supplémentaires que je voudrais m'arrêter quelques instants.
S'agissant des conditions d'exercice de la profession de diététicien, je rappellerai que seul le titre de diététicien est, jusqu'à présent, réglementé et protégé par le code de la santé publique. Le projet de loi permet d'aller plus loin en prévoyant la reconnaissance de la profession de diététicien et en lui conférant le statut de professionnel de santé à part entière, avec tous les droits et devoirs afférents.
J'approuve cette évolution, car les diététiciens seront appelés à jouer un rôle croissant dans la lutte contre l'obésité, ce fléau sanitaire et social à l'encontre duquel nous devons mener une lutte sans merci.
J'en viens à la mesure relative au statut de professionnel de santé accordé aux assistants dentaires. Je constate que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, ne procède qu'à une reconnaissance a minima du statut des assistants dentaires. Il se limite aux questions de formation et ne permet pas, en l'état, de définir la profession et ses conditions d'exercice.
Est-il nécessaire de conserver cet article en l'état, en le considérant comme une première étape, très partielle, dans la reconnaissance de la profession d'assistant dentaire ? Serait-il plus judicieux de supprimer cet article et d'élaborer un statut complet, pour lequel une concertation est d'ailleurs en cours, afin de lui donner ultérieurement une traduction législative ?
Cette question est d'autant plus légitime que cette mesure ne fait pas l'objet d'un consensus chez les chirurgiens-dentistes. Si l'ordre des chirurgiens-dentistes s'y dit favorable, les syndicats majoritaires, regroupés au sein de la confédération nationale des syndicats dentaires, y sont très défavorables, arguant à juste titre que cette reconnaissance trop hâtive entraînerait une ouverture à l'exercice de certains soins dentaires pour lesquels ces assistants ne sont pas formés. Nous en reparlerons au moment de l'examen des articles.
Je voudrais maintenant m'attarder sur la disposition tendant à autoriser le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement.
Demander aux parlementaires d'autoriser le Gouvernement, quel qu'il soit, à modifier la loi par ordonnance n'est jamais une démarche très facile, ni pour lui ni pour eux : cela revient en effet à nous demander de renoncer à l'exercice de notre pouvoir législatif. Nous devons donc faire preuve de vigilance et de discernement avant d'y consentir.
Je vous rappelle que, tout récemment, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, des dispositions ayant trait à la prise en charge des personnes hospitalisées d'office ont été adoptées, dispositions sur lesquelles notre commission avait d'ailleurs porté une appréciation plutôt favorable.
Elle avait toutefois vivement contesté, sur la forme, l'insertion de ces mesures dans un texte consacré à la délinquance. De la même manière, celles-ci ont fait l'objet d'une opposition franche de la part d'associations de patients et de professionnels, qui craignent un amalgame entre la lutte contre la délinquance et la prise en charge des malades mentaux.
Le Gouvernement a entendu ces arguments. Il propose donc de supprimer les articles en cause, 18 à 24, du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, sous réserve que le Parlement l'habilite à réviser, par voie d'ordonnance, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. C'est ce à quoi procède l'article 12 de ce projet de loi.
Cette stratégie un peu particulière soulève, à mon sens, trois interrogations.
La première est relative au champ de l'habilitation. Son périmètre, défini par six alinéas, va au-delà de celui que fixent les articles 18 à 24 du projet de la loi relatif à la prévention de la délinquance. Le Gouvernement serait ainsi autorisé à légiférer par ordonnance dans le domaine de l'hospitalisation psychiatrique des personnes détenues, alors que ce sujet n'a pas été abordé jusqu'à présent.
Par ailleurs, le ministre a précisé, lors de l'examen du présent texte par l'Assemblée nationale, que l'ordonnance serait également l'occasion de promouvoir un volet sanitaire, qui concerne directement les professionnels de santé. C'est d'ailleurs ainsi qu'il justifie l'inscription de cet article d'habilitation dans le projet de loi.
Au total, l'habilitation sollicitée par le Gouvernement devrait lui permettre de refondre intégralement la législation actuelle relative à l'hospitalisation d'office. Cette demande d'habilitation dépasse donc largement le cadre de la simplification du droit pour aborder des thèmes sensibles, touchant directement aux libertés publiques.
La deuxième interrogation porte sur des questions de procédure.
L'introduction d'un article d'habilitation dans le projet de loi ne pose pas en soi de problème quant au respect des règles constitutionnelles. Néanmoins, la démarche suivie par le Gouvernement n'est pas banale puisque le vote de cet article d'habilitation par l'Assemblée nationale n'a pas entraîné la suppression automatique des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, examiné dans le même temps.
Selon les informations que nous avons recueillies, il serait envisagé de ne procéder à cette suppression qu'après l'adoption définitive du projet de loi. Cette procédure n'est pas satisfaisante, vous en conviendrez, monsieur le ministre, car elle est source de confusion dans la présentation des dispositions soumises au vote du Parlement.
La troisième interrogation est relative au calendrier retenu.
En vertu des dispositions du II de l'article 12, le Gouvernement disposera d'un délai de deux mois suivant la promulgation de la présente loi pour publier l'ordonnance réunissant les différents textes pris sur le fondement de l'habilitation demandée.
Ce calendrier fait peser une forte contrainte sur le Parlement, qui doit adopter ces dispositions avant la l'interruption des travaux parlementaires. Par ailleurs, même si des pourparlers sont engagés depuis le mois de juin 2006, ce délai paraît bien court pour permettre au Gouvernement de mener une large concertation avec les professionnels de santé et les associations d'usagers concernées par l'hospitalisation d'office.
Les mesures prises sur le fondement de l'habilitation pourraient donc être, en définitive, très proches des dispositions figurant actuellement dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Pour autant, le Sénat n'aura pas la garantie que le texte tel qu'il avait adopté en première lecture sera maintenu dans l'ordonnance, ce qui, pour nous, n'est pas très confortable.
Par ailleurs, même si l'ordonnance est bien prise dans un délai de deux mois et si le projet de ratification est effectivement déposé sur le bureau des assemblées, son adoption avant la fin de la législature paraît très difficile.
Toutes ces raisons nous ont conduits à nous interroger sur le bien-fondé de la démarche du Gouvernement.
Il me semble qu'il aurait été plus opportun d'examiner un projet de loi portant réforme de la loi de 1990 sur les soins psychiatriques. En effet, une telle réforme paraît nécessaire pour adapter la prise en charge de ces malades à de nouvelles demandes. Un débat spécifique, sur ce thème, devant le Parlement, aurait utilement contribué à cette nécessaire adaptation.
Cependant, le temps manque pour entamer l'examen d'un tel projet de loi avant la fin de législature. Aussi, malgré les réticences et les objections morales que suscite forcément le dispositif qui nous est proposé, la commission des affaires sociales a finalement émis un avis favorable sur celui-ci.