L'article 23 instaure une taxe sur le charbon, la houille et le lignite. Je souhaitais revenir sur ce que le Premier ministre a appelé improprement la « taxation sur le carbone », au mois de novembre dernier, lorsqu'il en a lancé l'idée. Mais auparavant, puisque M. le président de la commission des finances m'a fait la demande pressante d'expliquer mon « irresponsabilité » fiscale, lors de l'examen de l'amendement relatif au kérosène, je profiterai de cette occasion pour le faire.
Lorsque la fiscalité écologique fait l'objet de discussions, les arguments qui sont invoqués par ceux qui n'y sont pas favorables, soit frontalement, soit plus sournoisement, tournent finalement autour des mêmes idées : tantôt la nuisance à la compétitivité des entreprises que la taxation concerne ; tantôt, pour reprendre l'argument utilisé tout à l'heure par M. Arthuis, la compétitivité du territoire ; tantôt la concurrence fiscale avec d'autres pays qui, dans un monde ouvert, une économie de marché, n'ont pas mis en place ce type de taxation.
S'agissant de la préservation du climat, qui est un enjeu planétaire, l'idéal serait de connaître, comme le formulait Kant, la paix universelle, l'harmonie universelle, tous les États du monde se mettant d'accord. Cependant, nous savons que cela ne se passe pas ainsi.
Concernant l'argument selon lequel le territoire national serait pénalisé en matière de kérosène, je souhaiterais rassurer M. Arthuis : ce n'est pas la société Aéroports de Paris qui serait frappée si pénalité il devait y avoir, ce sont les compagnies aériennes.
La Commission européenne estime que, dans une quinzaine d'années, la croissance du secteur aérien oscillera autour de 142 %. Autrement dit, il existe une marge d'autant plus importante que ce secteur ne respecte pas, par ailleurs, le plan national d'allocation des quotas, pourtant conforme aux demandes de la Commission européenne.
Pour en revenir à l'article 23 qui nous est soumis par le Gouvernement, et ayant bien compris que M. le rapporteur général va en demander la suppression, je tiens à signaler qu'il s'agit, à nos yeux, d'un dispositif incomplet.
Si l'on souhaite débattre d'une taxe carbone, il convient de se référer à de nombreux pays européens qui ont mis en place, depuis longtemps, une telle fiscalité écologique reposant, notamment, sur une taxation des émissions de CO2.
La Suède dispose ainsi d'une taxe sur les émissions de CO2, depuis 1990. Que je sache, cela n'a obéré ni sa croissance ni sa compétitivité ! Cette taxe fait partie du dispositif de taxation de l'énergie, constitué, depuis 1994, de quatre taxes distinctes ; en effet, il existe également une taxe sur l'électricité, une taxe sur les combustibles et une taxe sur le soufre. En 2001, une réforme fiscale écologique a eu pour objet d'augmenter le poids de ces taxes. La France est bien loin de cette exemplarité !
De son côté, l'Allemagne a institué une taxe carbone depuis 2000, la Grande Bretagne depuis 2001. Il ne s'agit donc pas, argument souvent utilisé par les détracteurs de la fiscalité écologique, d'une initiative isolée, qui nuirait à la concurrence fiscale.
En outre, alors que le charbon est l'énergie fossile la plus polluante au monde, il est exempt de toute taxation en France, contrairement aux produits pétroliers et au gaz naturel.
C'est sur le fondement de ce constat que le Gouvernement prétend instituer une taxe carbone, qui n'en est pas une, selon nous ! Cette taxe ne toucherait en fait que le charbon, les houilles et les lignites, et exclurait de son champ d'application tous les autres fossiles qui émettent de forte quantité de CO2, et donc des gaz à effet de serre.
L'urgence de la réaction nécessaire à la préservation de notre environnement nous interdit de nous contenter d'un dispositif d'affichage en la matière.
De plus, le dispositif est superficiel. En effet, 93 % des responsables d'émissions de CO2 seraient exclus du champ de la taxe proposée. Cette dernière semble concentrée sur quelques industries, en particulier celles de la papeterie et du sucre ; d'où la difficulté, je le concède à M. le rapporteur général !
Chaque fois que l'assiette d'une taxation est très réduite, son taux est évidemment très élevé et très pénalisant pour les industries qui y sont assujetties.
Par ailleurs, le dispositif n'a fait l'objet d'aucune évaluation. Aucune étude d'impact, aucune simulation de nature à mesurer les effets de la création de cette nouvelle taxe ne nous a été présentée. Pour ces raisons, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a proposé, en première lecture, de renvoyer une telle réforme à 2008. Il n'a pas eu totalement gain de cause puisque, à la suite d'une transaction entre le Gouvernement et sa majorité, la mise en oeuvre du dispositif a simplement été repoussée au 1er juillet 2007.
La commission des finances du Sénat propose aujourd'hui de supprimer purement et simplement cet article, pour des raisons d'équité envers les industriels consommateurs de charbon, d'une part, et parce que cela pose un problème économique pour les trop rares redevables de la taxe, d'autre part. Ce dispositif ne fait donc pas l'unanimité, ce qui suscite quelques interrogations. Nous verrons bien comment le débat se déroulera entre le Gouvernement et sa majorité sénatoriale...
Enfin, le montant de la taxe attendu, 5, 2 millions d'euros, serait destiné à l'ADEME, agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Naturellement, le Gouvernement avancera l'argument selon lequel nous allons priver l'ADEME de ces crédits, si nous ne débattons pas correctement ! Mais, lors de l'examen de différents projets de loi de finances et de collectifs budgétaires, nous avons suffisamment dénoncé la débudgétisation massive qui frappe l'ADEME, notamment depuis deux ans. La méthode adoptée n'est pas la bonne, ce qui pose le problème de l'avenir de ce qui devrait être le bras séculier du ministère de l'environnement non seulement dans le domaine des économies d'énergie, mais dans bien d'autres encore. Il nous semblerait préférable de rebudgétiser les crédits affectés à l'ADEME !
Pour toutes ces raisons, nous restons très circonspects quant au dispositif de taxation qui nous est proposé. Nous attendons de voir comment le débat se déroulera pour arrêter notre position sur l'article 23.