Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative comportait à l'origine un nombre réduit d'articles. Au terme de sa discussion à l'Assemblée nationale, ce nombre avait doublé, et il s'est encore accru ensuite au cours de son examen par le Sénat. Beaucoup d'articles sont de parfaits cavaliers budgétaires.
Je ne crois pas qu'il faille nous féliciter d'une telle inflation de dispositions fiscales. Pour une bonne part, les amendements adoptés au fil de la discussion du collectif budgétaire ont été en fait portés pour le compte du Gouvernement par des parlementaires ou, plus sûrement encore, par l'un des deux rapporteurs généraux.
Relevons également que certaines des dispositions finalement intégrées au projet de loi de finances rectificative l'ont été sous la pression de l'urgence et traduisent bien souvent la prise en compte de situations particulières, n'ayant pas grand-chose à voir avec ce qui devrait guider l'élaboration d'un collectif budgétaire et, plus généralement, de la loi, à savoir le souci de l'intérêt général.
Un certain nombre des mesures adoptées au Sénat ont été supprimées par la commission mixte paritaire, puisque dix articles ont finalement disparu du texte, ce qui n'était pas pour nous déplaire.
L'impression que nous laisse maintenant ce collectif budgétaire n'est pas différente de celle que nous avions voilà quelques jours, au terme de son examen par le Sénat.
On trouve quelque intérêt à favoriser, au bénéfice de l'adoption d'un amendement de circonstance, l'optimisation fiscale des opérations de cession de restaurants étoilés ou d'hôtels de luxe, mais on ne trouve pas un centime pour faire droit au légitime besoin de reconnaissance des « chibanis », ces anciens travailleurs originaires d'Afrique du Nord et retraités de nos grandes entreprises qui attendent le simple respect de leur dignité.
De même, on prélève de l'argent dans les caisses des collectivités territoriales, qui n'en peuvent mais, pour faire mine d'aider les bassins d'emploi en crise, peu de temps après avoir dépêché les forces de police contre les salariés des entreprises en lutte dans ces mêmes régions. Certains savent d'ailleurs jouer des dispositions fiscales existantes pour rentabiliser à bon compte leurs raids prédateurs contre les entreprises en difficulté.
On n'a, en revanche, pas trouvé le moyen de répondre réellement aux attentes des élus locaux, de plus en plus inquiets, à juste titre, des conséquences du nouveau plafonnement de la taxe professionnelle pour les ressources fiscales de leurs collectivités.
En effet, les quelques avancées obtenues dans le cours du débat en cette matière ne peuvent faire oublier l'essentiel. C'est la libre administration même des collectivités territoriales qui est en question avec l'application de l'article 85 de la loi de finances pour 2006, puisqu'il suffit d'avoir opté pour la simple reconduction des taux d'imposition pour être dispensé de tout ticket modérateur, mais il suffit aussi de compter sur le territoire de sa commune ou de son EPCI un établissement à caractère exceptionnel pour être soumis immédiatement au paiement de ce ticket modérateur.
Enfin, bien entendu, comme souvent depuis le début de cette législature, le texte comporte moult dispositions législatives favorables aux entreprises qui font beaucoup de bénéfices, aux plus hauts revenus et aux patrimoines les plus élevés.
À cet égard, je ne sais pas combien va coûter chaque année, à moins que le Conseil constitutionnel n'y trouve à redire, la mise en oeuvre du catalogue ahurissant de mesures d'allégement des droits de succession et de transmission insérées au coeur du texte. Quoi qu'il en soit, on en vient à se demander, à la lecture des dispositions votées, s'il y a encore quelque chose à promettre en la matière pour un candidat potentiel à la présidence de la République... Telle est la morale de l'histoire.
Alors que le pouvoir d'achat des ménages est obéré par la hausse des loyers, la modération salariale, la flambée des prix de l'énergie, la progression inquiétante de l'endettement liée à l'achat de logements, alors que la majorité de nos compatriotes redoutent de devenir des sans-abri, alors que la plupart des jeunes s'insurgent contre la précarité de l'emploi, que fait-on ? On accorde la priorité à la réduction de la taxation du patrimoine et à l'optimisation de l'impôt sur les sociétés. C'est sans aucun doute ce que l'on appelle être à l'écoute de la France qui souffre !
Pour notre part, nous sommes au contact des réalités sociales de ce pays, nous constatons les inégalités criantes, qui vont s'accroissant, entre la grande majorité des salariés et les quelques centaines de milliers de privilégiés ayant recueilli, ces dernières années, l'essentiel des fruits de la fameuse baisse des impôts. Nous sommes avec les plus modestes de nos concitoyens, parmi eux, à l'écoute de leurs aspirations négligées. Nous voterons donc, évidemment, contre ce collectif budgétaire.