Monsieur le ministre, le vote à l'unanimité des parlementaires de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, témoignait du consensus existant autour de l'urgence qu'il y avait à prendre des dispositions pour sensibiliser les acteurs locaux et l'opinion à la préservation d'un capital de plus en plus menacé, cela sans renoncer pour autant aux impératifs du développement économique.
Si, aujourd'hui, l'unanimité demeure plus que jamais s'agissant des objectifs fixés par ce texte, tous les élus concernés s'accordent à reconnaître que cette loi, souvent imprécise et dont plusieurs décrets d'application ont été tardifs, incomplets et contestés, a donné lieu à une jurisprudence génératrice de situations aberrantes, voire explosives.
Cette loi a donc eu pour conséquence des situations aberrantes, dans la mesure où les propriétaires de terrains jusque là constructibles, au terme de règlements d'urbanisme avalisés par l'administration, se voient brusquement privés de toute possibilité d'édifier quelque construction que ce soit, individuelle ou professionnelle, parfois en raison de l'interprétation restrictive donnée par les services de l'Etat au mot « village ».
Pire encore, des permis de construire délivrés le plus régulièrement possible se voient frappés de nullité à la suite d'un arrêt de la jurisprudence administrative interprétant a minima un article trop imprécis.
La loi littoral a également eu pour conséquence des situations explosives. Indépendamment des légitimes réactions des particuliers ou des professionnels concernés, chez les élus désavoués, l'incompréhension engendre une colère justifiée.
Je bornerai ici mon propos aux difficultés auxquelles se trouvent aujourd'hui confrontés les agriculteurs des zones rurales littorales, en particulier en raison de l'application de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme.
Cet article prévoit une dérogation permettant de construire en discontinuité pour les seuls cas d'installations classées. Or nombreuses sont les exploitations proches du littoral qui, telles les serres, ne sont pas considérées comme des installations classées et qui ne peuvent, par conséquent, pas bénéficier d'une dérogation.
Dans le seul département de la Loire-Atlantique, 34 communes sont concernées par les problèmes d'application de la loi littoral : 19 communes littorales maritimes, 9 estuariennes, mais aussi les 6 communes riveraines du lac de Grand Lieu, sur le pourtour duquel 90 exploitations agricoles sont également concernées.
Les effets pervers de la loi littoral ont été amplement exposés lors de la discussion au Sénat de la loi relative au développement des territoires ruraux, en janvier dernier : gel du développement des exploitations agricoles, frein à l'installation des jeunes agriculteurs, engorgement des circuits administratifs et contentieux, insécurité juridique pour les maires qui délivrent des permis de construire susceptibles d'être annulés après intervention du juge administratif.
Lors de la discussion de cette loi, le précédent gouvernement avait annoncé, d'une part, la parution d'une circulaire explicitant les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi, en prenant en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence et en particulier l'arrêt du Conseil d'Etat « Mme Barrière » du 3 mai 2004. Les élus devaient, en outre, être destinataires d'une plaquette d'explication de la circulaire, dont le texte aurait dû être élaboré avant l'été 2005.
Le Gouvernement avait annoncé, d'autre part, la création d'un Conseil national du littoral, qui devait être saisi très rapidement des propositions contenues dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat, notamment celui de MM. Patrice Gélard et Jean-Paul Alduy de juillet 2004.
Le Gouvernement s'était engagé à ce que les dispositions réglementaires nécessaires soient prises rapidement afin que les dispositions de la loi puissent être réellement applicables dans les meilleurs délais. Or, force est de constater, dix mois plus tard, que nous n'avons été informés d'aucune mesure.
Ma question, dès lors, est simple : le Gouvernement va-t-il tenir les engagements pris et mettre en oeuvre rapidement les moyens annoncés ?
En effet, monsieur le ministre, préciser certains points de la loi littoral pour éviter les dérives jurisprudentielles contraires à l'esprit du législateur, ce n'est pas porter atteinte à un texte dont personne ne nie le bien-fondé : c'est au contraire le conforter en le mettant à l'abri des critiques justifiées, nées d'interprétations ayant pour origine une méconnaissance des réalités du terrain.
A cet égard, quelle suite donnerez-vous à une proposition très concrète, consistant à réunir au plus tôt un groupe de travail composé notamment d'élus et de représentants des professionnels concernés, afin de faire les propositions d'aménagement qui s'imposent et de ne pas laisser au seul juge administratif l'interprétation de la portée des dispositions qualifiant les espaces proches du littoral ?