Monsieur le ministre, je tiens à vous alerter sur la situation fort préoccupante de l'emploi en Gironde, situation illustrée par la récente dégradation de deux sites industriels très importants.
S'agissant tout d'abord de l'entreprise des Fonderies du Bélier, située à Vérac, dans le Libournais, et spécialisée dans la fonderie et l'usinage des pièces d'aluminium, 86 emplois salariés sur les 530 que comptait cette usine viennent d'être supprimés de façon arbitraire. Quid des procédures de licenciement ? Déjà, à l'automne dernier, on a enregistré le départ de 220 intérimaires, et il n'en reste donc plus que 30.
Que compte faire le Gouvernement pour éviter le démantèlement de ce site industriel ?
J'en viens à la situation des usines Ford, implantées depuis 1973 à Blanquefort, dans la banlieue de Bordeaux. Le 17 octobre dernier, la direction a confirmé la suppression de 400 emplois, alors que ce site, avec 3 350 salariés, est le premier employeur industriel d'Aquitaine.
Selon les chiffres publiés par la chambre de commerce et d'industrie, Ford, c'est 645 millions d'euros d'impact économique en 2002 et 43 millions d'euros de taxe professionnelle versés en 2003.
Avec la sous-traitance, les activités de cette entreprise génèrent 15 000 emplois dans la région. Si je vous cite tous ces chiffres, monsieur le ministre, c'est pour vous montrer l'importance de ce site, tant en Gironde qu'en Aquitaine.
Plus grande usine de transmission Ford en dehors des Etats-Unis, l'établissement situé à Blanquefort a été scindé en 2001 en deux sociétés : d'une part, Getrag Ford Transmission, ou GFT, d'autre part, Ford Aquitaine Industries, ou FAI.
La société GFT, qui est la plus petite unité, est contrôlée à 50 % par Ford et à 50 % par le groupe allemand Getrag ; spécialisée dans la fabrication de boîtes manuelles équipant les modèles européens du constructeur - Fiesta, Focus, Ka -, cette usine emploie 900 salariés.
La société FAI est la plus grande unité ; cette usine, qui fabrique des transmissions automatiques pour des modèles comme le pick-up Ranger, la Mustang et le 4x4 Explorer, emploie 2 650 salariés.
La plus petite unité a certes subi, en 2005, une baisse d'activité due à la concurrence des véhicules Diesel - 2 100 boîtes par jour au lieu de 2 600 en 2004 -, GFT ne fabriquant des transmissions que pour les véhicules à essence.
La plus grande usine, ou FAI, enregistre une baisse très importante de production des boîtes de vitesse : alors que le nombre de boîtes produites s'élevait, en 2002, à 800 000 boîtes, il n'était plus, en 2005, que de 470 000, l'objectif pour 2006 étant fixé à 500 000.
Cette baisse de production s'explique bien évidemment par la hausse du prix du carburant et la chute consécutive de près de 46 % de la vente des 4x4 - le 4x4 Explorer était le troisième modèle le plus vendu aux Etats-Unis, et le pick-up Ranger le septième -, sans oublier la concurrence des modèles asiatiques.
Sur les 400 emplois supprimés, 250 départs prendront la forme de préretraite pour les ouvriers de plus de cinquante-cinq ans, 150 ouvriers étant concernés par des mesures d'incitation au départ. Jamais les usines de Blanquefort n'avaient subi un plan de « départs volontaires » aussi important...
Monsieur le ministre, vous imaginez l'émoi suscité en Gironde par l'annonce de ce plan de suppressions d'emplois. C'est l'avenir et l'équilibre économique et social de toute une région qui sont menacés !
Au-delà des emplois, 150 entreprises locales - fournisseurs et sous-traitants - sont concernées dans le domaine de la maintenance des machines, de l'outillage, de l'entretien, des fournitures ; certaines PME locales doivent à Ford entre 40 et 50 % de leur activité !
Même si la direction annonce des plans de charge assurés jusqu'en 2010, voire 2012, l'avenir du site industriel de Blanquefort devient préoccupant et exige des pouvoirs publics - Etat et collectivités locales - une réponse adaptée.
Il faut savoir, monsieur le ministre, que ce site, unité de production très performante au niveau tant de la capacité de production que de l'innovation sociale, a déjà bénéficié de nombreuses aides financières, techniques et logistiques.
L'absence de perspectives industrielles et d'investissement dans les nouvelles technologies, l'inexistence d'un véritable pôle mécanique en Gironde posent le problème de la mise en place de moyens nécessaires à la conquête de nouveaux marchés, comme, par exemple, la boîte de vitesse à six rapports à destination des pays européens ou le moteur hybride...
Faute de nouveaux investissements dans les prochaines années, on assistera à des plans sociaux à répétition dont la région Aquitaine subira les conséquences dramatiques.
Monsieur le ministre, tous ces éléments doivent suffire, je pense, à vous faire prendre conscience de la gravité de la situation actuelle des usines Ford. Êtes-vous en mesure de nous donner aujourd'hui des assurances quant à la pérennité de ce site ? Ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de lancer une étude prospective relative à la recherche d'une nouvelle stratégie industrielle à même de diversifier, et donc de consolider, l'avenir de ce site ?